C'est le début de la fin, ma décadence est en marche.

Je sens les larmes s'échappant de mon corps qui sera bientôt sans vie. Mon cœur s'arrête un moment et reprend ses battements, rythmé par une mélodie qui me maintient à mes maigres espérances d'envol…

J'ai choisi mon état. Du moins celui-là. Je ne suis pas un fardeau pour le monde. J'en suis un pour moi. Mon existence me perturbe, me ronge. Je ne tiens plus à personne et personne ne tient plus à moi. C'est un bourdonnement continu au fond de ma tête qui me souffle, me soupire, me conseille et me hurle de mourir. Je suis sûrement dans le coma en ce moment.

C'est si bon…!

Un total lâcher-prise.

Une destruction de toutes ces attaches.

Je ne suis pas fou. Je me comprends. Je m'entends parfaitement. Je ne suis pas en harmonie qu'avec moi-même. Je le suis aussi avec les ténèbres. J'entretiens ardemment mes liens avec les vices, et je veille étroitement à ne pas m'en éloigner. Ne jamais reculer. C'est une philosophie de vie, une philosophie de presque mort à présent, une philosophie de mort bientôt.

J'ai toujours admiré Sylvia Plath. C'est cette folie montante, celle qui prend aux tripes, qui maintient à l'état de déchet avant de m'envoyer valser dans une euphorie démentielle.

Mais je ne suis pas fou.

Il parait que le nombre de fous est infini. Je ne le suis pas, je suis juste humain. Certains diront qu'être humain c'est être fou. Cafards méprisants philosophant sur le ramassis de conneries que leurs bouches sales peuvent déblatérer. Et je ris tellement, en mon for intérieur.

Mon corps ne peut plus bouger. J'entends tout de même les bruits qui grouillent autour de moi. Saleté de bruits. Je dois prendre mon mal en patience. Tout sera bientôt fini, je l'espère. Je n'incarne pas le mal, sachez-le. J'étais même le bien. A trop côtoyer le sale, mon être s'est enfoncé dans les délicieux abysses de la souffrance et de la dépendance. Je n'ai fait aucun effort pour m'en échapper. C'était… comme le plus moelleux des coussins, remplumé avec des aiguilles en acier chauffées à blanc. Et c'est avec plaisir que j'y enfonçais ma tête à chaque instant. Au début ça faisait peut-être un peu mal, mais une souffrance en atténuant une autre, j'ai expérimenté les maux un par un pour me sortir à chaque fois du dernier mal que je m'étais infligé.

C'est devenu doux.

On y prend goût plus rapidement que ce que l'on peut croire. Cette transmission intense de plaisir qui explose en même temps que je sens mon souffle s'échapper de ma poitrine. Et il s'en va, doucement, loin. Il s'évapore sans se retourner.

Ne fais pas volte-face.

Lui aussi est parti.

C'est arrivé trop vite. Beaucoup trop vite pour mon petit cœur et mon esprit fragile.

Je ne sens plus mes poumons se remplir. C'est la fin ? C'est enfin la fin ? Je n'ai pas peur. J'ai attendu si longtemps. Une courte période dans ma petite vie d'ado tourmenté, mais une éternité dans mon petit cœur brisé.

Discours de suicidaire par excellence ?

Ils ont sans doute raison, je suis un petit trou du cul.

Je prends un pied immense à imaginer comment ma tragique disparition va impacter sur les misérables vies de ceux qui sont censés m'aimer, mais qui incarnent pour moi la race pure de la vermine. Mon seul regret sera de n'avoir pu trouver quelqu'un me donnant vraiment de l'importance. J'aurais aimé être estimé.

Trop tard.

Je trouverai mon salut dans la mort qui me berce déjà. Je la sens. Elle est douce. Son odeur est agréable. Ses doigts crochus et l'arrière-goût amer qu'elle laisse me comblent de bonheur.

Qu'est-ce…?!

Mais…!

Elle me lâche…!

Je sens ses mains qui tremblent. Elle perd de sa force, devient branlante.

Et cette lumière… C'est la première que je la vois depuis que j'ai sombré.

J'ai peur. Pour la première fois depuis longtemps j'ai peur.

Si peur.

J'ai plus l'impression de mourir dans la résurrection que de trépasser dans la vraie mort.

C'est quoi cette lumière ? Je t'ai trop longtemps fui pour que tu me rattrapes aussi vite. Cet éclat… il n'a rien de divin. J'ai mal. J'ai vraiment mal. J'ai réellement mal. Je n'en dégage aucun plaisir.

Qu'on me sauve.

J'ai besoin d'être tué pour qu'on me sauve. Personne ici n'est foutu de m'achever ? Ne me ramenez pas à la vie. Par pitié si vous m'aimez, si vous me détestez, si vous vous en foutez, fracassez-moi.

Frappez-moi.

A mort.

Je me fous de la douleur physique, elle n'est que passagère. Je veux juste en mourir. J'ai peur. Mon cœur s'emballe. Je le sens. Il a repris de la vivacité ce connard. Bat encore un peu plus vite… et lâche prise ! Encore un peu. Un tout petit peu. J'y suis presque… Encore un effort…

C'est pas fini.

C'est bientôt fini.

Ce flash…