Hey bitchies !
J'espère que vous allez bien et que vous avez survécu au tsunami émotionnel qu'était l'épisode 4 de LiS... Haha ! Je plaisante, personne n'a pu y survivre. Joke on me. Oh d'ailleurs, tant que j'y suis, je tenais à dire plusieurs choses. Tout d'abord, comme vous le savez, le chapitre précédent a été écrit avant la sortie de l'épisode 4, raison pour laquelle ma Chloé ne parle pas (je l'imaginais difficilement discuter avec une tube dans la gorge, enfin passons), du coup pour rester dans la logique des choses, elle restera muette par la suite. Et il y aura bien évidemment des divergences entre mon scénario et l'univers canon du jeu, même si j'ai réadapté certaines scènes à venir pour suivre le scénario officiel.
Autre chose : vous allez assister dans ce chapitre à plusieurs retours dans le temps -SPOIL MINEUR- je ne dis rien de l'intrigue, promis. Mais ma bêta lectrice m'a demandé pourquoi j'obligeais Max à se déplacer à chaque fois qu'elle remontait le temps. La réponse est que dans le jeu à partir de l'épisode 3, quand Max remonte le temps elle reste à l'endroit où elle remonte au lieu de changer d'espace, je trouve donc logique de suivre ce schéma (je pense notamment au bureau du proviseur). Il n'y a que dans l'épisode 1 quand elle sauve Chloé qu'elle arrive à se retrouver de nouveau en classe comme par magie. J'ai donc discerné deux méthodes pour remonter dans le temps : la méthode dite "contrôlée" où elle sait à quel moment elle veut revenir et donc se déplace en conséquence, et celle dite "instinctive" où elle remonte sans le vouloir comme lors du sauvetage de Chloé.
Et pour terminer je voudrais remercier D Kid et Kamille pour vos commentaires ! Je n'ai pas pu vous répondre personnellement, mais ils m'ont fait très plaisir. Vos compliments me vont droit au coeur. Merci !
Voilà, j'ai tout dit.
Je vous souhaite donc maintenant une agréable lecture en espérant que vous appréciez toujours.
Kiwi
Chapitre 3
I've got 99 problems but a Bitch ain't one
Victoria tournait comme un lion en cage dans les douze mètres carrés de sa chambre. Ses pas, d'abord fébriles et agités, s'étaient rapidement faits rageurs et totalement aléatoires. Le besoin d'évacuer le trop plein d'émotions qui la secouait devenait impérieux et échappait à son contrôle. Toute cette histoire était complètement dingue.
Fait chier…
Un peu plus, et la grande blonde se serait attendue à découvrir des caméras cachées dans sa voiture qui avaient enregistré toute la scène pour l'humilier, elle, Victoria Chase, sur une chaîne câblée débile. Mais… au fond, elle savait ne pas avoir été victime d'une supercherie. Elle savait qu'elle essayait de se voiler la face, car tout aurait été préférable à la situation dans laquelle elle se trouvait actuellement. Qui que soit cette Max alternative, alias Maxy McFly la voyageuse dans le temps, elle avait su se montrer convaincante. Victoria s'était laissée sombrer dans son regard océanique emplie d'une intense sincérité comme dans celui de Maxine, celle avec qui elle sortait. Elle avait lu dans ces yeux similaires à ceux qu'elle connaissait par cœur, la vérité dans son plus simple objectif, sans la moindre trace de doute.
La riche héritière se passa une main nerveuse dans sa courte chevelure blonde. Elle allait perdre la raison, c'était certain. Elle avait déjà bien commencé en adhérant à la théorie loufoque de cette pseudo « Max ».
Victoria arrêta finalement de tracer des sillons d'usure dans sa moquette pour se laisser tomber en position assise sur le bord de son lit. Une main sur le front, elle ne résista pas à la gravité quand celle-ci l'entraîna en arrière et fit se rencontrer son dos avec son matelas. Elle rebondit mollement avant de s'installer confortablement. Lasse de tout, la blonde resta allongée sans oser se mouvoir, ses yeux fixés sur le plâtre de son plafond. Les secondes se transformèrent en minutes. Ses pensées confondues aux images qui s'y raccordaient tournoyaient dans sa tête comme une suite de tableaux impressionnistes aux couleurs fades. Les scènes de la journée se rejouaient sans qu'elle n'arrive à en comprendre le sens qui lui échappait encore. Elle avait l'impression d'avoir reçu gifles sur gifles au cours des dernières heures, et si sa joue n'était pas douloureuse, c'était son cœur qui avait encaissé durement chaque coup… la blonde se sentait mortellement meurtrie à un endroit où elle n'avait pas l'habitude d'être blessée. Max lui avait pourtant promis de ne jamais lui faire de mal… Que de beaux idéaux.
Victoria soupira longuement, essayant d'évacuer le plus calmement possible la tension qui la rendait malade. Rien n'y faisait. Ses pensées ne voulaient pas se taire, ne voulait pas la laisser tranquille. Elle se débattait dans le néant, prisonnière de sa torpeur interne. Et lorsque le visage désolé de l'autre Max s'imposa avec insistance devant ses yeux, la phrase disant qu'elles étaient sensées se détester lui revint brutalement en mémoire. Les mots se mirent à se répéter comme un disque rayé. Ils se détachèrent les uns des autres, lui laissant une saveur vénéneuse et âpre sur la langue.
« Un passé dans lequel toi et moi, on se détestait… »
« on se détestait… »
Immédiatement, ses mots prononcés plus tôt qui l'avaient torturée pendant une bonne partie de la journée, affluèrent à leur tour, prenant un sens nouveau.
« Tu es ma Némésis ! Depuis le début de l'année, tout ce que tu as fait, c'est te moquer de moi… »
Ce fut à cet instant qu'un déclic se fit dans sa tête. Victoria comprit soudainement qu'elle n'avait pas le recul nécessaire pour voir les choses simplement. Elle se redressa brutalement en position assise. Depuis plus d'une heure, elle essayait de voir la situation de manière égocentrique depuis son angle de vue, depuis son vécu du passé et son expérience… mais qu'en était-il du point de vue de Maxin… Max ? Qu'en était-il de sa vision de l'histoire ?
Victoria se recoiffa machinalement, ses yeux verts s'étant fixés sur un point inexistant. Max parlait d'un passé dans lequel, elles étaient opposées sur tout… un passé dans lequel elle la persécutait et l'humiliait à la moindre occasion. La riche héritière lâcha un petit soupir qui effleura ses lèvres en lui échappant. Cela expliquait parfaitement la réaction de la brune le matin même, et son comportement des plus étranges quand elle l'avait vu à ses côtés dans son lit… mais pas la personne horrible que Victoria devait être. Une personne assez immonde pour être capable de l'effrayer ainsi et d'en tirer du plaisir.
Il fallait qu'elle entre dans la tête de la petite photographe qu'elle essaye de balayer ses propres acquis et voir sa réalité non pas comme une unique route mais comme une possibilité ayant divergé d'une trame pré-écrite. Il fallait qu'elle comprenne la façon dont Max la voyait et la percevait pour avancer. Et pour cela, Victoria devait s'imaginer en une sorte de Cruella d'Enfer ou en un véritable Draco Malefoy plutôt qu'en riche héroïne de shojo manga.
Elle ne t'aime pas… elle vient de te larguer, toi, Victoria Chase, susurra une voix sombre et sinistre dans sa tête. Elle n'est pas la Max que tu connais même si elle lui ressemble… pourquoi tu t'accroches ? Hein, Victoria ?... pourquoi tu insistes ?
Victoria ferma les yeux en se pinçant l'arrête du nez. Cette voix la harcelait depuis qu'elle avait déposé la brune sur le parking du lycée un peu plus tôt, et s'était enfermée dans sa chambre, loin de tout.
Parce que je l'aime, voulut-elle répondre, les dents serrées. Mais son argument sonnait creux, même pour elle… elle avait l'impression d'essayer péniblement de se convaincre sans pouvoir gagner cette manche contre la partie sombre de son coeur. Cette autre Max était différente. Elle la déstabilisait. Et Victoria ne pouvait pas dire l'aimer sans la connaître… Elle ne pouvait même pas dire l'apprécier.
Putain.
La blonde se redressa un peu brusquement sur ses jambes comme pour échapper aux tentacules de son esprit qui la maintenaient dans l'obscurité. Tout cela était insensé. Sans vraiment savoir pourquoi, elle se dirigea vers son bureau où reposait le polaroid de la veille. Elle l'observa quelques secondes avant de caresser le papier glacé avec une tendresse qu'elle ne montrait à personne en dehors de Max. Elle détoura du bout des doigts leurs deux visages et leurs expressions encore ingénues, loin du drame actuel. Le petit sourire surprit de la veille, figé dans l'instant, qui dansait sur les lèvres de cette Victoria, lui tordit l'estomac. Elle saisit la photo entre son pouce et son index avant de faire un demi-tour pour s'avancer vers le coin opposé à son bureau. Dans un petit geste raide, elle placarda le souvenir sur son propre mur de cliché au dessus de sa table de chevet. Le papier était froid sous ses doigts. Gelé même. Et fixant la photo parmi toutes les autres de Max, elle se sentit soudainement très seule dans cette chambre vide de sa présence, vide de son affection.
Max n'avait pas pu blâmer Victoria du silence qui avait suivit sa déclaration dans la voiture, ni de la rudesse avec laquelle elle l'avait abandonnée sur le parking, accompagné d'un « Tu retrouveras le chemin de ta chambre par toi-même ».
Bien que Victoria ait eu l'air de rester stoïque, donnant l'impression de tout prendre rationnellement sur le moment, la brune avait compris qu'il en était autrement dans sa tête. Personne ne pouvait accepter de voir la personne aimée se retourner brutalement contre soi en clamant ne plus être la même entité. La voir vous rejeter et vous faire du mal sans que vous n'ayez rien fait pour mériter un tel traitement. La blonde avait besoin de temps pour accepter la situation, faire son deuil de sa relation, et surtout se calmer –car la châtaine l'avait sentit prête à étriper quelqu'un de ses mains derrière son expression indéchiffrable pendant qu'elle conduisait-. Sans avoir besoin de la connaître dans cet univers, Max savait par habitude que c'était ainsi que Victoria se protégeait du monde extérieur. Elle revêtait un masque de froideur qui empêchait ses émotions de la trahir. Un masque qui l'empêchait également de ressentir quoique ce soit en retour… Ainsi armée, elle paraissait invulnérable aux yeux des autres… mais ce n'était qu'une façade. Alors, arrivées à destination, Max n'avait pas tenté la retenir quand elle l'avait vu sortir brusquement de la voiture. Pas après ce qu'elle venait de lui faire subir. Il était évident que la riche héritière avait besoin d'être seule… Max s'était contentée de la regarder claquer la portière dans son dos et filer comme une flèche vers les dortoirs comme si sa vie en dépendait.
A croire que dans cette réalité, c'est moi la méchante et elle la gentille... songea-t-elle avec amertume en s'écartant à son tour de l'Aston Martin.
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Bien évidemment, une fois seule, la petite brune revint en traînant les pieds jusqu'aux dortoirs sans avoir besoin d'aide. Les choses n'avaient pas changé à ce niveau là. L'Académie était toujours la même avec ses jardins carrés et ses bâtiments en briques rouges. Et bien que paniquée à son réveil, elle se rappelait avoir fuit sa chambre sans être perturbée par une quelconque altérité. Elle fut reconnaissante au ciel de ne croiser personne jusqu'au bâtiment des filles, sinon Alyssa qui, fidèle à elle-même, ignora sa présence comme si Max était invisible à ses yeux. Mais pour une fois, la châtaine n'allait pas s'en plaindre. Elle se faufila jusqu'à sa porte au fond du couloir en faisant le moins de bruit possible, devant laquelle elle s'arrêta. Elle ne s'était pas rendue compte que sa main tremblait jusqu'à la poser sur sa poignée. C'était étrange… Elle se sentait à la fois envahie du calme étrange de l'acceptation de la situation et physiquement anxieuse… comme si son esprit essayait de rester cartésien alors que son corps refusait l'idée… et ses yeux s'agrandir de surprise quand elle aperçu du coin de l'oeil son tableau personnel de chambre. Au lieu d'un bonhomme blasé qui ne savait pas exprimer ses émotions, un emoji heureux lui renvoyait un sourire rayonnant surmonté de la phrase « BRACE YOURSELF, MAD MAX IN DAT PLACE (and maybe Victoria) ».
Mon dieu, Max… , s'alarma-t-elle avec confusion, Mais qui es-tu, bon sang ?... Et pourquoi tu sembles avoir une vie mille fois meilleure que la mienne ?... Tu n'as pas de supers pouvoirs, tu as certainement les même parents, les mêmes cours… rien de plus que moi, quoi… et pourtant, tu rayonnes de joie, tu portes des fringues stylées, tout le monde semble t'apprécier et tu es en couple avec la fille riche et populaire du lycée… Comment as-tu fais ? Sérieusement.
La gorge sèche, elle jeta un furtif regard par-dessus son épaule vers la porte fermée qui faisait face à sa chambre. Une raie de lumière tamisée filtrait par la rainure basse du cadre en bois, preuve que son occupante occupait les lieux présentement. La déranger semblait la pire idée qui soit à ce moment précis. Et cela ne lui traversa même pas l'esprit. Ce qui attira son regard en vérité fut le tableau personnel de Victoria qui jouxtait sa porte. S'approchant d'un pas léger pour mieux voir ce qui était écrit, Max déchiffra l'écriture incurvée de la blonde qui disait en français « Etre heureux signifie posséder ce qui ne s'achète pas », suivit d'un petit commentaire en anglais que la brune reconnut comme sa propre plume « Me posséder est suffisant pour être milliardaire » avec une trollface ironique plutôt bien dessinée.
Et en plus je suis drôle. Yay Super Max. Tu assures.
Sans qu'elle puisse faire quoique ce soit pour l'empêcher, un petit sourire étira ses lèvres à la vue du dessin au feutre. Elle imaginait parfaitement son homologue alternatif jouer les geek insupportables face au stoïcisme inexpressif de Victoria, juste pour la voir lâcher un long soupir ennuyé et un froncement de sourcil amusé. Mais la vraie question qui se posait alors, était, comment cette fille, cette autre elle-même, avait réussi à amadouer et apprivoiser la Reine de Blackwell jusqu'à la réduire à sa merci ? C'était un mystère que Max n'arrivait pas à élucider… Elles étaient si différentes dans sa réalité que tout lien autre que l'animosité ne lui serait jamais venue à l'esprit. Et pourtant, il semblait évident que si la riche blonde de cet univers avait laissé son tableau tel quel, sans effacer sa bêtise, cela signifiait qu'elle l'acceptait pour ce qu'elle était… et qu'elle l'aimait assez pour se laisser entraîner à sa suite.
Max se détourna promptement, cela ne la regardait pas. Elle n'était pas cette fille, elle n'était pas cette Max. Elle l'avait bien fait comprendre à Victoria un peu plus tôt. Pourtant, comme une malédiction le regard blessé de la blonde refit surface, écartant toute autre pensée cohérente de son esprit. Elle avait brisé Victoria d'une seule phrase… elle avait brisé une partie d'elle-même… A cette sombre réalisation, une violente bouffée de chaleur l'étouffa. Le cœur battant, elle s'engouffra dans sa chambre dans laquelle elle s'enferma en appuyant son dos contre la porte. Elle se sentait transpirer alors que la chaleur émanant de son cœur refusait de s'éteindre. D'instinct, elle retira sans ménagement la veste « NEW JERSEY » de Stella qu'elle envoya bouler sur son canapé à côté de sa guitare.
Calme toi, ma grande.
Elle prit quelques secondes pour respirer profondément, recherchant la fraîcheur du bois dans son dos.
Concentre-toi sur ce que tu connais.
Rien n'avait changé depuis le matin où elle était sortie précipitamment, si ce n'est ses draps défaits à présent vide de monde. De loin, elle devinait encore le corps fantomatique de la blonde à la manière dont la couette formait une alcôve sur son matelas. La respiration de nouveau stable, Max s'en approcha lentement, comme s'il fallait dorénavant se méfier de sa couche qui ne lui appartenait plus entièrement. Elle s'assit délicatement sur le rebord pour ne pas déplacer les draps, et effleura avec précaution son oreiller près du mur qui sentait encore Eau d'Issey à plein nez. Maintenant qu'elle y faisait attention… L'odeur entêtante de Victoria s'était insinuée partout, de son lit à son canapé, en passant par ses vêtements. Le parfum aux notes ambrées suivait et s'attachait à ses affaires éparpillées au quatre coins de la pièce. La châtaine pouvait ressentir à travers son seul odorat la présence écrasante de Victoria sur son territoire, la mixité de leurs deux mondes si différents et pourtant complémentaires à un certain niveau. Et… bien que cela lui coûtait de le reconnaître, c'était loin d'être désagréable. Son parfum lui donnait une étrange impression de sérénité qui détendit ses muscles après sa crise d'angoisse. Il charriait dans sa mémoire la douce caresse des mains de Victoria contre sa joue, la sensation de ses lèvres sur sa nuque qui marquaient son insécurité sur sa peau, la souplesse de ses cheveux blonds entre ses doigts et les sourires qui accompagnaient ces instants… Max suffoqua en portant une main à sa tempe. Qu'est-ce que c'était que ces sensations qui provenaient du plus profond d'elle-même, emplissant son corps d'une chaleur inconnue ?... Max savait qu'elles ne lui appartenaient pas. Et pourtant, elle les ressentait aussi clairement que si elle les avait éprouvé un jour… avait vécu toutes ces choses…Etait-ce des empreintes de souvenirs de l'autre Max ?... Etait-elle présente quelque part au fond de son esprit, prisonnière après qu'elle lui ait volé sa place ? Max se crispa en fermant les yeux et les sentiments disparurent. Mais pas le parfum.
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Toujours assise sur son lit, la main posée sur son dessous de drap, la petite châtaine leva le nez vers son mur photo. Elle n'avait fait qu'entrapercevoir les clichés en se réveillant, mais dorénavant au calme, elle avait l'occasion de les observer avec plus d'attention. Elle fronça inconsciemment des sourcils en se concentrant. Avec le recul et les informations nouvellement acquises, elle comprenait un peu mieux ce que représentait cette nouvelle œuvre murale.
Ses yeux parcoururent d'abord l'ensemble de la mosaïque à la recherche de l'homogénéité des couleurs et des formes, du sens général de l'histoire de sa vie. Elle savait qu'un message était dissimulé dans la disposition des souvenirs et la façon dont ils mettaient en valeur ses idéaux. Puis elle analysa les photos une par une comme le lui avait enseigné M. Jefferson. La phrase : « comprendre l'art en lui-même avant de se pencher sur l'auteur » bourdonna à ses oreilles comme un mantra. Il ne fallait jamais critiquer à la va-vite, jamais faire d'amalgame entre la personne et son travail. Alors, la brune prit son temps pour comparer les clichés de cette réalité alternative avec ceux de son propre passé. Elle s'arrêta sur chaque détail. Chaque flou, chaque contraste et mise en valeur des éléments. Il y avait quelque chose d'unique dans ces photos, une chose sur laquelle elle n'arrivait pas à mettre le doigt… Max reconnaissait son style sans problème, sa vision des choses également, mais la mélancolie qu'elle aimait faire habituellement ressortir semblait beaucoup moins récurrente dans ces clichés. Cette Max – toute aussi hipster qu'elle apparemment, vu les films polaroids utilisés - rejoignait ce qui faisait son authenticité dans le jeu des couleurs automnales à caractères sépia, les noirs et blanc, et l'affection pour les portraits. Mais, étrangement, elle se démarquait par un élément nouvellement récidiviste : une espèce de chaleur qui se dégageait continuellement en arrière-plan qu'elle-même n'avait jamais su capter auparavant. Et… pour tout avouer, c'était plutôt rafraîchissant. Etrange, mais captivant d'une certaine manière. Fixant intensément les photos, Max comprit que cet élément nouveau provenait de Victoria. Son style photographique ajoutait un quelque chose à son propre style… une démarche plus aboutie… plus profonde. Peut-être plus réaliste et plus rigoureuse également ?... Elle n'aurait su dire. Max avait déjà remarqué que la blonde savait saisir la profondeur des expressions dans un environnement donné, là où la châtaine se concentrait sur les visages et les rendus de lumière. Et lorsqu'elles photographiaient de concert, elles semblaient se compléter sans se faire mutuellement de l'ombre… C'était surprenant…
Et je n'ai jamais vu une telle expression sur le visage de Victoria non plus, remarqua-t-elle en admirant un sourire lumineux sur son visage tiré d'une photographie au bord d'un lac.
Victoria se tenait debout, légèrement de profil, la tête tournée par-dessus son épaule, elle la fixait depuis une berge encombrée de roseaux. Elles devaient être seules à en juger par la liberté qu'elle ressentait dans l'atmosphère et la décontraction de la blonde. La riche héritière avait l'air d'être sincèrement heureuse sur cette photo, loin des clichés posés qu'elle aimait rendre en classe. Elle lui apparaissait beaucoup plus douce, moins formelle, et libre de montrer ce qu'elle ressentait sans avoir à porter son masque de fille de la haute société… être elle-même, souffla une voix à son oreille. Sans retenue et sans faux-semblant. Et Max se rendit compte en détourant sa silhouette que c'était comme si elle la connaissait par cœur. Sa façon spéciale de la regarder qui signifiait « Et bien t'attends quoi pour me rejoindre, loser ? » qui dissimulait une satisfaction purement Victor-esque quand elle dominait leurs échanges. Son haussement de sourcil qui l'invitait à la confession et sa façon unique de sourire comme si elle était la chose la plus importante de sa vie.
Max secoua la tête de droite à gauche avec énergie. Elle venait de s'ordonner d'arrêter de penser à Victoria et elle la ramenait au centre de ses interrogations à la première occasion… C'était assez frustrant. D'autant plus qu'elle avait l'impression que ces souvenirs et cette voix dans sa tête provenaient non pas de son esprit mais des méandres de son subconscient. Une zone de son cerveau à laquelle elle n'avait pas accès mais qui détenait des informations sur sa vie… Comme si ce n'était pas vraiment elle qui ressentait ces sentiments. La petite brune grogna. Le pire dans tout cela, était qu'elle n'avait rien à reprocher à l'héritière Chase si ce n'est son omniprésence dans cette chambre. Ses photos étaient superbes… son sourire était superbe… Cette Victoria alternative était l'incarnation même de la copine parfaite et attentionnée.
Fatiguée, Max finit par se relever et s'étirer doucement en baillant. Et puis, comment ne pas penser à la fashionista quand elle pouvait admirer les piles de vêtements de qualité qui peuplaient son armoire ? Dans sa version originelle du passé, la châtaine n'aurait pas pu s'offrir une seule des vestes qu'elle voyait pendre aux cintres ici, sous ses yeux. Et les chaussures ! L'autre Max faisait des défilés de mode ou quoi ? C'était complètement dingue l'argent qui se trouvait dans ces bouts de tissus. Les portait-elle toutes ?... Elle en doutait.
Et c'est qui l'hipster maintenant ? fit-elle avec malice en imitant la voix de Victoria face à l'ancienne version d'elle-même qui se reflétait dans son miroir. Moi madame, je porte du Chanel pas une fripe de supermarché, hippie. Armani me va à ravir.
Son reflet lui renvoya une image placide identique à celle qu'elle connaissait. Le même visage un peu rond serti de tâches de rousseurs et de cernes sous ses yeux océans. Qui voulait-elle tromper ?... Ici ou ailleurs, elle restait Max, vêtements chers ou pas. Hipster un jour, hipster toujours, ainsi va la vie. La jeune femme soupira légèrement, puis se dirigea vers son ordinateur portable qu'elle remarqua être en veille à la lumière orange qui clignotait à droite. Il était temps de faire une session de rattrapage sur sa vie. Tant qu'à être coincée dans cet univers pour un petit moment, autant savoir qui elle était.
La petite brune s'assit lourdement sur sa chaise de bureau en appuyant sur une touche qui ouvrit presque instantanément son écran noir sur son compte facebook ouvert. Les premières images qui lui sautèrent aux yeux furent celle d'une soirée du Vortex Club datée de la veille. Elles avaient été mises en ligne par Courtney. Max se craqua les doigts comme une pianiste professionnelle avant de les apposer sur son clavier. Voyons voir ce que l'autre Max aimait, ce qu'elle faisait de ses journées, et ce sur quoi elle travaillait pour les cours. Elles avaient beau être différentes, elles devaient forcément se rejoindre sur certaines choses. Immédiatement, ses yeux parcoururent son historique et ses marques pages internet. Apparemment, elles partageaient déjà les mêmes goûts musicaux car une fenêtre youtube avait été laissée ouverte sur Syd Matters, « Obstacles » et l'album complet de José Gonzalez. Bon point. Max cliqua sur le bouton de lecture et se laissa immédiatement transporter par les accords de guitare qu'elle connaissait par cœur. Ils l'apaisèrent, lui permettant de se plonger avec plus de sérénité dans sa redécouverte d'elle-même.
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Deux bonnes heures plus tard, elle se fit interrompre dans sa transe par le vibreur de son téléphone portable. Se retournant par réflexe, elle aperçu son mobile dont l'écran venait de s'éclairer puis s'éteindre sur sa table de nuit. De loin, elle put voir qu'il affichait la réception d'un nouveau sms. Max se rendit compte qu'elle ne l'avait pas eu sur elle jusque là et qu'il avait dû rester toute la journée en charge. Elle combla alors la distance qui la séparait de son téléphone pour le ramasser et le porter à niveau de son regard.
« 5 messages non-lus ». « 2 appels manqués ».
Elle déverrouilla son tactile qui afficha sa boîte de messagerie. Les contacts les plus récents s'affichèrent en première page. Deux textos provenaient de sa mère pour qu'elle n'oublie pas de lui envoyer son portfolio du semestre, un de Chloé lui demandant à quelle heure elles se rejoignaient le lendemain, un de Warren, qui lui, voulait savoir comment elle allait –Max se demanda comment il avait obtenu son numéro-, et un dernier de « Cookie Monster 3 ».
Max déglutit en ouvrant le message.
De : Cookie Monster 3
Heure : 22h06
Sujet :
Hé Max. Juste pour te dire que si tu comptes aller en cours demain : on a classe avec M. Jefferson à la première heure. Il faut apporter un cliché de nature morte, ce sera certainement ramassé. Et que… je suis désolée de ce que l'autre Victoria t'a fait subir dans ton passé. Je ne peux pas m'excuser pour toutes les persécutions qu'elle t'a adressées personnellement vu que je n'y suis pour rien, mais voilà… je tenais quand même à te le dire. Bonne nuit.
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La châtaine lut et relut le message jusqu'à le connaître par cœur. Victoria… s'excusait !... il fallait qu'elle prévienne Juliet car elle tenait le scoop de sa vie pour le journal du lycée !
Max se mit une gifle mentale. Non… elle exagérait et c'était méchant de sa part de penser ainsi. Dans son passé, Victoria s'était déjà excusée sincèrement juste après l'histoire du pot de peinture. La blonde lui avait demandé de lui pardonner sa méchanceté gratuite et avait effacé la photo prise avec son téléphone portable. Elle lui avait même laissé entrapercevoir, à cette occasion, son visage libéré du masque de Reine des garces, la faiblesse dans sa carapace. Et bien que ça lui coûtait de le reconnaître, cette vision avait fait rebondir son cœur d'une série de battements frénétiques. Max avait voulu nier ce sentiment, le relier au contrecoup de l'adrénaline de la réussite de son mauvais coup. Mais l'expression qui avait traversé le visage de Victoria à ce moment là l'avait tellement désarçonnée, qu'une jolie teinte rosée avait coloré ses joues piquées de tâches de rousseur. Max s'en souvenait comme s'il s'agissait de la veille : elles avaient timidement plaisanté ensemble et échangé quelques sympathies sur leurs talents respectifs malgré l'ambiance assez étrange qui planait autour d'elles. Amputée de ses serviteurs, Victoria s'était révélée sous un jour complètement différent. Une personne avec qui elle avait eue envie de traîner, qu'elle avait eu envie de connaître. Et même si cet instant n'avait pas duré plus de quelques minutes avant qu'elles ne repartent chacune de leur côté, il restait ancré dans sa mémoire comme une trêve emplie de douceur dans leur guerre éternelle d'ennemies jurées. Elle avait vu le vrai visage de Victoria.
Et dans ce message, Max retrouvait la personne qui l'avait troublée. A travers ces mots maladroits, Victoria lui apparaissait de nouveau comme la personne sincère qui l'intriguait… à tel point que Max se sentit obligée de lui répondre. La blonde n'était pas fautive des agissements de son équivalent alternatif, et pourtant, elle semblait se sentir responsable du mal qui lui avait été fait. La brune ne put s'empêcher de trouver cela attendrissant.
Sans réfléchir plus longuement, elle appuya sur le bouton de réponse.
Victoria se sentait fiévreuse comme si elle avait attrapé une grippe fulgurante. Ses mains d'habitude si assurées, ne cessèrent pas de trembler tout le long où elle tapa le message pour Max. Chaque mot comptait, elle le savait. Devait-elle se montrer distante, en colère ou au contraire attentionnée… ?... Devait-elle faire comme si de rien n'était ? Elle ne savait pas, elle ne savait plus. Tout était si embrouillé dans sa tête. Normalement, jamais elle ne jouait si elle n'était pas sûre de gagner. Les Chase ne toléraient aucune défaite. Et dans la situation présente, Victoria savait que c'était quitte ou double. Soit elle remportait la manche sur un coup de bluff magistral, soit elle perdait tout en un claquement de doigts. La blonde grogna en se mordant la lèvre inférieure, son cœur accéléra la cadence si cela était encore possible. La sensation de vertige était similaire à celle de sauter dans le vide sans parachute et se rendre compte d'un seul coup que le sol approchait beaucoup trop rapidement. Ce n'était pas dans ses habitudes de se montrer aussi hésitante. Victoria Chase était toujours en contrôle, toujours orgueilleuse et confiante dans tous les aspects de sa vie. C'était comme cela qu'on l'avait éduqué. Sa famille avait la réputation de toujours dominer, d'être les prédateurs et non les proies, telle était leur destinée. Victoria n'y faisait pas défaut. Et c'était pour sa détermination, sa force de caractère et son mordant qu'on la respectait. Son ambition n'avait jamais connue de limite jusqu'à… rencontrer Maxine. Seule la petite châtaine avait su couper net ses ailes et l'ancrer à ses côtés parmi les mortels et les gens du peuple. Et le pire, c'est que cela ne l'avait pas dérangé… au contraire.
Mais cette impression de chuter dans le vide sans prise pour se rattraper in extremis, ne fut rien en comparaison du moment où son portable lui indiqua que le sms avait bien été reçu et qu'elle ne pouvait plus rien faire pour revenir en arrière. Son cœur s'emballa furieusement, lui coupant le souffle dans le même temps. Son muscle cardiaque semblait jouer les rockstar dans sa cage thoracique alors que ses mains s'humidifiaient. Elle les essuya nerveusement sur sa jupe ajustée.
C'est fait. C'est envoyé…
L'attente du retour qui s'ensuivit, fut pire que tout.
Victoria savait qu'elle n'aurait pas dû désirer recevoir de réponse à ce point, et peut-être était-ce dû à l'habitude, mais elle ne pouvait s'empêcher d'espérer une réaction de la part de Max. Une preuve qu'elles avaient encore un lien, aussi infime soit-il. La preuve qu'elle n'était pas seule… qu'elle comptait encore à ses yeux. Et comme à chaque fois qu'elle attendait de ses nouvelles, chaque minute lui parut être un coup de poignard dans l'estomac. 22h07… toujours pas de réponse. 22h07… rien…. 22h08… pourquoi rien ne s'affichait ?... 22h09… Les minutes s'étiraient sans fin. Avait-elle réellement envoyé son message à 22h06 ? Il lui semblait presque dater d'hier désormais.
Lâchant un râle de frustration, Victoria envoya promener son iPhone sur son lit pour porter une main à sa tempe et l'autre à sa hanche. Qu'est-ce qui lui avait pris d'espérer quoique ce soit ?... C'était fini entre elles… Elles ne pouvaient pas faire comme si tout était normal alors que Max n'était plus la même personne. Elle ne pouvait pas continuer cette comédie… Il fallait qu'elle se détache.
Pourtant son cœur manqua un battement quand son portable émit le bruit caractéristique à la réception d'un sms. Son taux de stress augmenta brutalement, et elle se précipita vers son lit pour récupérer son smartphone qui avait glissé sous l'un de ses coussins vermeils.
De : Maxine
Heure : 22h14
Sujet :
Merci, Victoria heureusement que tu me préviens, car si l'autre Max me ressemble, je suis sûre qu'elle n'a pas encore fait la photo en question. Je vais essayer d'en prendre une avant de me coucher.
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Bien qu'elle tenta de rester impassible, la blonde put sentir son sang affluer de manière violente dans les moindres recoins de son corps. Le soulagement se mêlait à l'angoisse. Sa respiration se raccourcit, alors que son anxiété refusait catégoriquement de refluer. Max lui avait répondu ! Tout n'était peut-être pas perdu finalement. Certes, la blonde aurait attendu un peu plus de développement dans sa réponse, mais c'était toujours ça. Elle n'allait pas s'en plaindre.
Elle soupira longuement, démêlant le nœud dans sa gorge qui l'oppressait. Dans le même temps, ses yeux re-parcouraient à la va-vite l'ensemble du message, lorsque son portable vibra de plus belle au creux de ses mains.
De : Maxine
Heure : 22h16
Sujet :
Et tu n'as pas à t'excuser pour les agissements de l'autre Victoria, même si ça me fait plaisir que tu l'ais fait. C'est moi qui suis désolée d'avoir bouleversé ta vie comme ça… Tu n'as rien fait de mal. Mais je ne pouvais pas prétendre être quelqu'un que je ne suis pas. Ca n'aurait pas été honnête envers toi ni envers tes sentiments… Passe une bonne nuit, Victoria. Et merci.
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Victoria s'arrêta de respirer pendant plusieurs secondes, les dents serrées. La réalisation la frappait lentement… Max avait raison. Elle le savait au fond d'elle-même mais avait eu besoin de l'entendre. Prétendre aurait été malsain. Prétendre n'aurait pas été juste… Ce n'était plus Maxine qu'elle avait en face d'elle. C'était Max maintenant, qu'elle le veuille ou non. Il n'y avait plus de doute possible, les choses avaient changées.
La blonde sentit son armure corporelle partir en fumée. Les larmes qui, jusque là, n'avaient pas coulées, échappèrent brutalement à son contrôle. Elles embuèrent ses yeux clairs, troublant sa vision et stagnant à la barrière de ses cils. Elle le réalisa quand les mots sur son portable se firent illisibles. Elle porta une main à sa joue, mais c'était déjà trop tard… les gouttes salés dévalèrent ses pommettes sans qu'elle ne puisse les contenir, entraînant dans leur sillage le crayon noir qui soulignait ses paupières. Alimentées par les sentiments contradictoires qui l'agitaient, Victoria n'arrivait pas à les stopper. Tous ses efforts de rationalité s'effondrèrent comme un château de cartes.
Incapable de rester debout, elle s'assit sur son lit, la tête entre les mains, pleurant tout son soûl la disparition de la petite châtaine qui avait un jour été sa copine.
Lendemain matin
Après une bonne douche pour achever son réveil difficile et un rapide brossage de dents dans la salle de bain commune, Max était retournée se préparer dans sa chambre. Les cheveux encore humides, elle se tenait debout devant sa petite penderie depuis une dizaine de minutes, observant ses tenues avec perplexité. Pour tout dire… Elle nageait en pleine confusion. Comme la plupart des gens, elle avait toujours aimé les beaux vêtements, admiré ceux en vitrines dans les magasins, et plus particulièrement ceux de Victoria –la complimentant d'ailleurs à ce sujet-, mais les avoir brusquement à portée de main la laissait incrédule. Elle réalisait qu'aimer quelque chose ne voulait pas dire savoir l'utiliser à bon escient. Toute sa vie, Max n'avait jamais vraiment réfléchie à comment assortir ses hauts et ses bas, vu qu'elle ne portait que des t-shirts coupés droits et des jeans bon marché. Or un jean se portait avec n'importe quoi… mais pas un cardigan, ni un t-shirt de designer apparemment.
Max soupira en balayant de la main une de ses mèches qui revenait sur son visage. Si Victoria avait été là, elle lui aurait dit exactement quoi porter, lui épargnant cette masturbation mentale. La blonde lui donnait l'impression de toujours savoir quoi porter selon les circonstances. Elle avait un bon oeil pour les vêtements élégants et les bijoux qui pouvaient les accompagner afin de les mettre en valeur. Quelque part, la petite photographe avait toujours envié son raffinement hérité de la haute société qui la faisait rayonner au milieu de la foule comme si elle seule importait parmi la masse. Et maintenant qu'elle y pensait, depuis leur première rencontre, Max n'avait jamais pu noter chez elle une seule faute de goût. Jamais. Victoria jouait aisément avec les formes, les coupes et les couleurs comme si c'était une seconde nature chez elle. La brune n'avait pas ce don. Ni un tel intérêt pour les magazines de mode où Victoria avait certainement tout appris.
Super… j'aurais peut-être dû accepter les conseils de mode de Courtney quand elle m'en a proposé finalement… déplora-t-elle en son fort intérieur.
Et n'ayant aucune idée de quoi faire pour ne pas paraître stupide, elle chercha l'inspiration divine parmi les photos du mur érigé à sa gloire actuellement éclairé par ses lampions. Certains des autoportraits mettaient en évidence des assortiments vestimentaires plutôt sympathiques (quand Victoria ne se trouvait pas au premier plan, prenant toute la place et cachant ses vêtements. Stupide Victoria.).
A force de chercher, Max finit par flasher sur un ensemble un peu BCBG : un haut de type marinière bleu et blanc, et un gilet magenta sur un pantalon ajusté au corps beige clair. C'était simple et efficace, et cela irait parfaitement avec une paire de chaussures plates en tissu de la même couleur. Ravie de son choix, elle enfila rapidement sa tenue fraîchement choisie qui se trouvait sur une des étagères de droite. Tout en s'habillant, elle remercia encore une fois intérieurement l'autre Max pour son aide en étant une pro-selfie master qui recensait sa vie par l'image.
Good job, Sherlock.
Mais alors qu'elle allait se chausser, la petite brune s'arrêta brutalement en attrapant les chaussures qu'elle avait repérées un peu plus tôt. Des Victoria, évidemment…
Je sors avec une Victoria, et je porte des victorias…Ooooh, je sens comme une ironie dans ton choix, Max, rit-elle en observant les baskets grises-crème en toile. C'est un petit peu trop gros pour être une coïncidence.
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Une fois prête, Max récupéra son sac bandoulière, son appareil photo vintage et sortit de sa chambre pour prendre la direction du lycée. Mais alors qu'elle admirait son Polaroid tout neuf à objectif réglable, elle repéra Warren qui attendait quelqu'un sur le banc en face des marches du dortoir. Il releva mécaniquement la tête à son arrivée, son visage se fendant d'un immense sourire.
- Hé Maximus ! S'exclama-t-il jovialement en se redressant. Comment tu vas ? J'ai une surprise pour toi !
- Hé Warren, lui répondit-elle dans un petit sourire. Ca va bien, merci.
Il ne semblait pas vexé qu'elle n'ait pas répondu à son sms de la veille, mais par précaution elle ne préféra pas aborder le sujet et relança la conversation pour éviter qu'il ne le fasse.
- Une surprise ? Répéta la petite photographe en se portant enfin à sa hauteur. Du genre ?
Il se mit à fouiller dans sa poche avant de pantalon avant d'en tirer avec un air triomphant une clé USB. La même qu'elle avait un jour possédé par le passé.
- Une clé avec toute une sélection de super films que tu dois absolument voir. Je les ai choisis avec soin, tu verras. Il y a de tout, des grands classiques du cinéma qu'il faut avoir vu au moins une fois avant de mourir, des comédies, des thrillers… et même une film de science-fiction produit par le même réalisateur que celui d'Alice au Pays des Merveilles.
Max accepta le cadeau en riant puis le glissa dans une poche intérieure de son sac sur le commentaire « tu n'as pas perdu de temps pour te révéler sous ton vrai jour, Anakin. Tu appartiens au côté obscur du geek. ». Il éclata de rire avant de se caler sur son rythme de marche alors qu'ils prenaient tranquillement le chemin vers le bâtiment principal de l'académie côte à côte.
- Je voulais te remercier pour hier au fait, reprit Max avec un petit haussement un sourcil embêté. Tu m'as vraiment sauvé la vie.
- Hahaha ! Pas de problème. Je suis comme ton super-héros personnel, Warren à la rescousse.
- T'as assuré. Je t'en dois une.
- Ca tu peux le dire, même si je n'ai pas encore tout compris à comment on est passé d'inconnus à Batman et Robin.
Elle évita de noter que leur discussion ressemblait très étrangement à celle qu'ils avaient eu suite à l'agression de Nathan et au coup de poing que Warren s'était reçu à sa place. Elle changea subtilement de sujet.
- Je te rendrai les vêtements de Stella demain dès que je les aurais lavés, au fait.
- Ca presse pas, t'inquiètes.
Il sourit de plus belle, Max put le voir du coin de l'œil. Mais tiraillée, elle se mordit la lèvre, réfléchissant à une bonne manière de dire ce qui la turlupinait.
- D'ailleurs… (elle marqua une pause alors qu'il coulait un regard interrogatif dans sa direction)… ce n'est pas Stella que tu attendais ?... Finit-elle par demander sans grande subtilité, fixant n'importe quoi, autre que son visage. Je veux dire… Je sais qu'elle est plutôt du genre lève-tard, donc elle doit encore être dans le dortoir.
- Non, ricana-t-il en se frottant la nuque. On s'est un peu disputé hier soir… j'ai pas trop compris, donc elle m'a dit d'aller en cours sans elle ce matin.
- Oh. Je vois… pas cool…
- Elle va se calmer, elle est du genre explosif comme caractère puis après elle regrette. Je ne m'en fais pas vraiment.
- Ouais, mais bon. Je compatis quand même.
Ils marchèrent quelques minutes en silence, le temps de remonter les jardins qui devançaient l'entrée principale. Des étudiants profitaient déjà tranquillement des premiers rayons du soleil, assis sur des tables de pique-nique où à même la pelouse. Max put également apercevoir Justin et Trevor en train de faire une démonstration de skate sur sa gauche, tandis que sur sa droite Evan, son appareil photo en main prenait des clichés de Dana qui comme d'habitude posait pour la gloire. Cette fille était une vrai top-modèle. Max aurait adoré la prendre également en photo.
Le grand brun sembla sortir de sa transe photographique au moment où Max et Warren passèrent devant eux. Abaissant son appareil numérique, il héla la petite hipster sur un ton jovial assorti d'un sourire amical en lui demandant si elle était toujours partante pour le photoshoot de samedi prochain. Max le regarda avec des yeux ronds avant d'acquiescer timidement dans un petit bafouillis, s'attirant un rire chaleureux d'Evan qui scellait leur accord.
- A samedi alors ! 11h à l'arrêt de bus, lui lança-t-il avant de se reconcentrer sur Dana qui envoya un sourire à la petite châtaine pour la saluer.
Max n'en croyait pas ses oreilles. Evan voulait travailler avec elle. C'était insensé. Elle avait tellement voulu que ce jour arrive dans son ancienne version du passé… et là, il lui demandait carrément d'être sa partenaire de travail. Fou, c'était complètement fou. Tellement fou même, qu'elle ne put restreindre le grand sourire qui étira ses lèvres. Warren quant à lui affichait un air excité et admiratif.
- Vous allez retourner prendre des photos dans la vieille usine désaffectée comme la dernière fois ? Demanda-t-il avec une curiosité mordante. Votre dernière session photo ensemble était vraiment super. Je ne sais plus combien de temps vous êtes resté exposé dans la salle d'Histoire, mais c'était super classe.
- Ah euh, o-oui je suppose… On n'a pas encore discuté du thème, mentit Max en détournant les yeux, comme elle le faisait à chaque fois que les mots devenaient trop lourds à supporter.
Le brun ne parut pas noter son changement de comportement, trop focalisé sur la nouvelle.
- Quoique vous fassiez, je suis sûr que ce sera génial, poursuivit-il. Vous avez carrément une bonne vision tous les deux.
- Merci, Warren.
Tout en poursuivant leur discussion, ils traversèrent les couloirs du lycée, laissant à Max tout loisir de se rendre compte de sa nouvelle popularité aux gens qui la reconnaissaient et la saluaient automatiquement à son passage. C'était troublant. Elle les connaissait tous de noms pour les avoir observés secrètement dans son passé, invisible à leurs yeux trop mondains. Mais jamais elle n'aurait pensé se retrouver ainsi sous la lumière des projecteurs en étant celle qu'ils connaissaient et appréciaient. C'était le monde à l'envers. On aurait dit qu'en remontant le temps elle avait renversé la chaîne alimentaire naturelle.
Du coup, elle fut presque soulagée quand ils atteignirent la salle d'Histoire de la Photographie dans laquelle M. Jefferson enseignait. Le chahut qui s'en échappait à travers la porte ouverte lui signala que le grand photographe n'était pas encore arrivé. Et depuis l'encadrement, elle put entrapercevoir Zachary qui, bousculé par Hayden, buta sur le pied d'une chaise et manqua de tomber avant de se rattraper à un angle de table. Roulant des yeux, Max pénétra la première dans la classe suivie de près par son chevalier servant qui avait décidé de l'accompagner jusqu'au bout. Immédiatement deux paires d'yeux se braquèrent sur eux. Max sentit la chaleur insidieuse du malaise enflammer sa nuque.
Bienvenue dans ta nouvelle vie Max, se félicita-t-elle en déglutissant.
Stella et Victoria, assises à des coins opposées de la salle, ne la lâchaient pas du regard. Et si la présence de Stella en cours avant la sienne était surprenante, cela ne l'empêchait pas de lui lancer des éclairs à travers ses yeux chocolat comme si elle pouvait la tuer sur place.
Non Stella, je n'ai aucunement l'intention de te voler Warren. Je te le laisse, espèce de psychopathe jalouse. Épargne-moi.
Blasée par cette haine sans fondements, Max essaya d'ignorer la new-yorkaise à lunettes pour tourner sa tête vers Victoria qui n'avait pas esquissé le moindre mouvement. Elle l'observait sans ciller avec son éternel air indéchiffrable qui pourtant mettait Max à nue comme si la blonde pouvait voir à travers elle. Sachant qu'elle ne pourrait pas y échapper, la petite photographe soutint son regard de jade pendant plusieurs secondes alors qu'elle remontait les rangées de tables. Elle se sentit happée dans la contemplation malgré elle, la chaleur de la veille grouillant de nouveau dans son estomac. Victoria était hypnotisante. Et Incapable de s'en détourner, Max put voir danser dans ses orbes vert impérial ce qu'au fond d'elle, elle savait être de l'indécision, comme si la riche héritière ne savait pas comment se comporter en sa présence. Si Victoria l'avait un jour mise mal à l'aise par sa froideur, aujourd'hui Max lisait en elle comme dans un livre ouvert aidée par un décodeur qu'elle savait ne pas entièrement être sien. Elle comprenait la signification de ses différentes expressions à sa manière de plisser les paupières ou de pincer ses lèvres. La blonde était en vérité très expressive pour qui savait lui retirer son masque qui dictait sa conduite à tenir en société.
La seconde suivante, Victoria la détailla des pieds à la tête d'un mouvement des pupilles si rapide que la brune crut presque l'imaginer. Mais Max sentit dans sa façon tendre de la regarder la douceur qu'elle lui avait dévoilée la veille plus brûlante que jamais. Et ce, malgré la tristesse qui la maintenait à l'immobilité. Son regard intense la fit rougir. Max maudit cette réaction traîtresse de son corps. Mais Victoria resta imperturbable, focalisée sur elle. La petite brune aurait même juré que la blonde n'écoutait plus ce que Taylor assise à sa droite lui racontait. Le monde autour se mouvait à une vitesse différente de celui qui les reliait à cet instant précis, et Max n'y était pour rien. Le temps lui échappait complètement dès que Victoria la regardait avec cette dévotion infaillible… cette fragilité qu'elle ne pouvait complètement dissimuler.
Mais toute sympathie fondit de son visage au moment à la richissime jeune femme avisa Warren qui marchait tout sourire à ses côtés. Son expression changea brusquement. Ses sourcils se froncèrent et Max put voir ses doigts fins se resserrer autour de son stylo comme si elle voulait le briser en deux. Il trembla dans sa main. Pourtant Victoria n'esquissa pas le moindre mouvement. Elle resta assise à sa place, s'obligeant à reporter son regard sur Taylor qui continuait son histoire, imperturbable.
Nerveusement, Max s'installa derrière son bureau en le contournant par la gauche, saluant au passage Kate qui lui retourna un doux sourire chaleureux assorti d'un « Salut, Max. Bien dormi ? ».
Wow.
Max s'arrêta de penser, déstabilisée. Son sourire était si beau… si naturel et ingénu… elle avait presque oublié à quoi il ressemblait depuis le temps. Il n'avait rien à voir avec la triste jeune fille qu'elle avait laissé dans son passé. Celle qui dessinait des têtes de mort et avait manqué de se suicider… Le cœur de la châtaine bondit de joie et elle répondit par une réponse presque trop énergique, faisant arquer un sourcil surprit à la jeune catholique. Mais Max s'en moquait éperdument. Elle était trop heureuse de retrouver son amie en bonne santé dans cette réalité pour faire attention à son excentricité.
- Je vais très bien ! Tu ne peux pas imaginer à quel point c'est génial. Vraiment.
- Oh euh… ravie pour toi, Max, rit-elle avec légèreté.
Son rire. Son si beau rire tellement innocent. Max comprit alors que dans ce futur, Kate n'avait jamais subi les persécutions de Victoria et Nathan… elle n'avait jamais souffert. Et son autre elle-même devait en être la raison. Sa relation avec Victoria devait en être la raison. Le visage de la petite photographe se fendit d'un immense sourire. Tout n'était peut-être pas si mal dans cet univers finalement. Elle pourrait certainement y prendre goût.
- Bon Max, je vais te laisser maintenant que tu es installée, lui fit Warren, la tirant de ses pensées. On se voit plus tard si tu veux. Tu me raconteras ton histoire autour d'un hamburger au Two Whales, si ça te dit ? C'est moi qui régale, galanterie oblige.
- oh euh…
Max se sentit prise au piège en réalisant le sous-entendu d'un tête-à-tête avec le brun, mais acquiesça d'une voix incertaine qui montrait son peu d'enthousiasme. Warren ne sembla pas vraiment saisir le message.
- Super ! S'exclama-t-il, ravi. Demain, 19h alors !
A son élévation de voix, Victoria se crispa pour jeter un regard assassin par-dessus son épaule. Ce fut à ce moment là que Max comprit sans avoir besoin de l'aide de l'autre Max. La blonde était jalouse ! Mortellement jalouse même. Malgré tout ce qui s'était passé la veille, elle ne pouvait s'empêcher de jouer la copine territoriale. Son estomac se tordit drôlement à cette pensée, et la brune essaya de se persuader que ce n'était pas elle qui ressentait cette étrange chaleur.
- Vic ? Tu m'écoutes ? T'as l'air totalement ailleurs depuis ce matin, s'inquiéta Taylor en se penchant vers elle.
Comme rappelée à l'ordre, Victoria se redressa de toute sa splendeur en roulant nonchalamment des épaules.
- Oui, enfin non, soupira-t-elle en portant une main à sa tempe. J'ai juste oublié de prendre mon cappuccino à la machine tout à l'heure… du coup j'ai un peu de mal à me concentrer, mais c'est rien.
- Tu sembles ne pas avoir beaucoup dormi non plus.
- Si tu savais, fit-elle très sérieusement.
Max sentit la culpabilité écraser sa poitrine en espionnant leur conversation qu'elle ne pouvait qu'entendre depuis sa place. Un sentiment qui revenait un peu trop souvent à son goût ces derniers temps, et qu'elle sentait au fond d'elle-même s'amplifier à la rendre malade comme si faire du mal à Victoria était contre sa nature. Et elle sut qu'il n'y avait qu'une façon de se débarrasser de cette impression qui la rongeait. Elle se leva sous le regard surprit de Victoria et se dirigea vers la sortie de la classe au moment où Jefferson entrait. La blonde fit mine de la suivre, alors que leur professeur leur sommait de revenir s'asseoir. Mais Max n'en tint pas compte. Elle se dirigea rapidement vers le hall d'entrée du bâtiment bien décidée à changer les choses, l'héritière Chase sur ses talons. Et au moment où celle-ci l'appela par son prénom, elle lui retourna un petit sourire avant de tendre sa main droite vers l'avant.
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Dès que Max mit un pied dans le hall, elle se dirigea vers la machine à café juste en face, commandant un cappuccino sous le regard amusé de Warren qui lui demanda si elle voulait également un biscuit pour accompagner son petit-déjeuner. Il en avait tout un paquet dans son sac.
- Non, ça ira merci.
- Okay, comme tu veux. Donc ouais je disais que toi et Evan, vous avez une bonne vision tous les deux. La dernière fois dans l'usine, j'ai adoré le rendu apocalyptique qui s'en dégageait. On se serait cru dans I am Legend de Francis Lawrence.
- Possible, je sais pas trop. Je l'admire beaucoup, tu sais, fit-elle avec sincérité. Evan est un bon photographe. Il aime l'urban style, et franchement il le maîtrise bien. C'est un concept que je n'ai pas souvent eu l'occasion d'exploiter, donc je profite d'avoir un connaisseur avec moi pour m'améliorer.
Max récupéra le gobelet qui venait de sortir de la machine et y planta une touillette avant de ramasser un tube de sucre.
- Tu as raison, c'est comme ça qu'il faut faire, approuva le brun. Mais ne sois pas trop modeste, j'ai vu tes clichés dans la salle d'exposition, tu as autant de talent que lui. Je suis sûr que quoique vous fassiez ensemble, ce sera génial.
De nouveau, ils atteignirent la salle de Jefferson, et comme précédemment, Max fut la première à entrer, son gobelet fumant dans les mains, galamment suivie par Warren qui la laissa passer avec une petite courbette.
- Votre honneur, s'amusa-t-il dans un sourire charmant.
Immédiatement, deux paires d'yeux les suivirent de plus belle. Max en sachant dores et déjà ce qui allait se passer, admira le cœur battant contre sa poitrine, l'intensité animale qui anima une nouvelle fois le regard de Victoria dès qu'elle l'aperçut. Cette fois, elle prit un peu plus de temps pour le comprendre pour y lire la curiosité de la voir, l'affection qu'elle lui portait outre le fait qu'elle ne soit pas la même personne, et l'affliction de ne pas savoir quoi faire. Son calme physique apparent n'était qu'une façade qui dissimulait le chaos de son esprit qu'elle devinait danser dans son regard émeraude.
Mais au moment où Max commença à avancer dans sa direction, quelque chose qu'elle avait oublié de noter la prit au dépourvu. Hayden bouscula Zachary qui trébucha sur le pied d'une chaise qui se trouvait dans son dos avant de lui rentrer dedans au lieu de se rattraper à la table à ses côtés. Tout se déroula avec la lenteur d'un cauchemar auquel on ne peut pas échapper. Max ne put strictement rien faire. Elle sentit juste Zachary cogner son bras et le liquide brûlant du café se répandre sur son t-shirt et sa poitrine, lui arrachant un cri de surprise et de douleur. Le temps qu'elle baisse les yeux pour constater péniblement les dégâts, Victoria s'était matérialisée à ses côtés, l'air paniquée. Ses yeux étaient écarquillés, ses gestes fébriles. Une de ses mains d'albâtre se posa sur le ventre de la châtaine alors que l'autre avait trouvé le creux entre son épaule et sa clavicule.
- Max ? Ca va ?... Répond moi, Max. Tu as mal ?! Dis quelque chose.
La petite photographe releva ses yeux bleus vers ceux de la blonde, y découvrant une inquiétude dévastatrice. Ses pupilles allaient et venaient sans arrêt entre son visage et son t-shirt. Max vit que Victoria essayait de garder son calme mais se consumait à l'idée qu'elle soit blessée et qu'elle ne puisse rien faire pour y remédier.
- J-je.. me suis brûlée, se plaignit-t-elle avec son air de chien battu désolé.
- Tu as mal ? Répéta-t-elle.
Max acquiesça faiblement. Ce fut tout ce dont la blonde avait besoin. Elle ravala rageusement sa salive et ses sourcils se foncèrent dangereusement au moment où son masque se reforma sur son visage. La Reine de Blackwell était de retour. Max frissonna même en sachant que cette colère n'était pas tournée contre elle. Elle ne put que la voir se tourner sèchement vers Zachary qui continuait de s'excuser depuis sa maladresse en dansant d'un pied sur l'autre.
- Je suis désolé, Max, c'était un accident…. Je suis désolé, lança-t-il, piteux.
- C'est rie… commença-t-elle, mais Victoria lui coupa la parole sans même s'en rendre compte en fixant le grand brun.
- Ta gueule abruti, rugit la blonde. Tes excuses de merde n'y changeront rien.
Elle faisait une tête de moins que lui et la moitié de sa corpulence, mais il paraissait d'un seul coup bien petit à côté d'elle. Il se recroquevilla encore plus.
- Tu vas faire quoi maintenant que tu l'as brûlé ? Hein ? Tu penses que dire « pardon, j'ai pas fait exprès » va la soigner ?...
- Mais j-je…
- Connard. On t'a pas appris à rester à ta place ? Et qu'est-ce que tu fous là d'abord ? T'es même pas dans cette classe !
Elle planta son doigt dans sa poitrine le faisant reculer jusqu'à ce qu'il rencontre une table.
- La prochaine fois que tu l'approches, je ferai en sorte que ce soit la dernière chose que tu fasses.
- Ecoute, Vic'… je suis désolé, c'est ma faute, intervint Hayden en essayant de s'interposer, s'attirant un regard meurtrier de l'héritière Chase.
- N'en rajoute pas Hayden. Tu es aussi fautif que lui. Alors, à moins de pouvoir réparer ta connerie, ferme la.
- Crois moi, Victoria, si je pouvais remonter le temps, je le ferai, plaida Zachary.
- Mais personne ne peut…
Victoria s'arrêta brusquement dans sa lancée, la réalisation de ses propres mots frappant son esprit avec un sens nouveau. Dans son dos, Max aurait presque put voir les engrenages de son cerveau tourner à plein régime. Et quand la blonde se tourna dans sa direction, elle avait déjà deviné ce qu'elle allait lui dire.
- Est-ce que tu peux le faire ? Lui demanda-t-elle avec douceur, toute colère ayant disparue de sa voix. Est-ce que tu peux… tu sais…
Elle fit un petit geste de la tête pour indiquer un retour en arrière.
- Oui, répondit Max, sa main effleurant sa peau brûlée. Je peux le faire. Mais tu ne te souviendras de rien. Ce sera comme si rien ne s'était passé.
Le regard de Victoria retrouva une expression indéchiffrable.
- Peu importe, fais le.
- Tu es sûre que… ?
- Max. Tant que tu n'es pas blessée, tout me va.
La petite brune lut dans les yeux verts qui lui faisaient face une détermination inébranlable qui fit brutalement accélérer son coeur. La chaleur de ses souvenirs était de retour. Victoria se moquait d'oublier. Max réalisa qu'elle voulait seulement son bien-être. Personne avant elle ne lui avait demandé de remonter dans le temps pour son seul salut. Personne ne lui avait demandé si elle voulait remonter le temps sans l'y obliger ou quoique ce soit… La brune l'avait toujours fait pour le bien des autres. Et surtout celui de Chloé sans penser aux conséquences. Mais Victoria pensait aux conséquences. La blonde pensait à elle. Rien qu'à elle.
Dans un dernier échange silencieux et les regards médusés de leur entourage, Max sortit de la salle de classe suivie par Victoria qui lui attrapa la main gauche pour l'accompagner jusqu'au bout. Elle savait qu'elle allait perdre la mémoire dans quelques secondes, mais ne bougea pas. Max tendit alors sa main droite vers l'avant, ses yeux focalisés sur la blonde qui d'un seul coup recula au fur et à mesure que le temps remontait. Merci, Victoria.
Victoria était le genre de personne à mettre un point d'honneur à toujours être en avance, être pile à l'heure signifiait être en retard. Et cela était valable autant pour les heures de cours que pour ses rendez-vous personnels et professionnels. Elle ne comptait plus le nombre de fois où elle avait râlé et boudé quand Max arrivait avec dix minutes de retard à leurs rencards sans même avoir l'air désolé. Elle ne supportait pas ça. Et elle supportait encore moins que la brune arrive à la faire craquer en prenant sa main dans la sienne comme si ce geste pouvait excuser tous ses défauts. Stupide Caulfield. Stupide hipster. Elle la détestait, elle et ses adorables tâches de rousseur.
Pour dire, Victoria n'arrivait en retard qu'aux soirées qu'elle n'organisait pas. Ce qui était assez rare, car la plupart des soirées qui se déroulaient à Blackwell Académie utilisaient les fonds du Vortex Club qu'elle co-présidait avec Nathan. Mais lorsqu'elle était invitée quelque part, il fallait qu'elle fasse une entrée remarquée par tous. Comme on dit : les stars se faisaient toujours attendre. Elle avait une réputation de personne indispensable à tenir. Aujourd'hui ne faisait pas exception à la règle. Elle était arrivée en avance, et se retrouvait actuellement assise en compagnie de Taylor qui lui racontait des ragots à propos de Logan qui avait largué Dana – ou peut-être était-ce Dana qui l'avait largué ? - elle n'écoutait pas vraiment. Depuis plusieurs minutes, elle avait décroché de son récit, son esprit restant focalisé sur la chaise vide à sa droite. Elle appréhendait l'arrivée de sa légitime propriétaire. Que pouvait-elle bien faire ? Allait-elle venir en cours ? Victoria savait qu'il fallait qu'elle arrête de la considérer comme sa copine, qu'elle arrête de penser à elle comme elle le faisait. Et pourtant, ses mains étaient moites, son cœur battait la chamade, même sa gorge sèche rendait chaque déglutition difficile. Elle se sentait plus nerveuse que lors de leur premier rendez-vous.
Victoria se réprimanda, son visage toujours parfaitement lisse de la moindre émotion.
- Tu m'écoutes au moins, Vicky ?
- Hm ? Tu disais ?
- Arf ! C'est important, on va avoir des étincelles à la soirée de samedi, j'en suis sûre. Dana est du genre rancunière.
Ah, alors c'était bien Logan qui avait largué Dana.
- Je dois avouer que je m'en fous un peu de Logan, grommela Victoria dans un geste agaçant de la main qui fit tinter ses bracelets. Ce mec est un abruti fini qui couche avec tout ce qui a un trou. Tout le monde savait qu'il allait la tromper au bout d'un moment.
Taylor éclata de rire.
- C'est vrai. Tu savais qu'il avait essayé de draguer Kate Marsh la semaine dernière ?
- Comme si miss-sainte-nitouche pouvait coucher avant le mariage… il a de l'espoir…
Ce fut à cet instant précis que Max pénétra dans la salle de classe, coupant toute connexion nerveuse dans le cerveau de la blonde au moment où son regard se posa sur sa silhouette. Le temps s'arrêta comme dans un mauvais film hollywoodien, se basant sur un rythme discordant à celui du reste de l'univers. Victoria était certaine que Taylor venait répondre à sa pique, mais elle ne comprit aucun des mots qui sortirent de sa bouche. A la place, elle observait son ex-petite copine marcher dans sa direction, le pas assuré, le regard droit lui envoyant des frissons tout le long de la colonne vertébrale. La petite brune esquiva avec adresse Zachary qui trébucha sous son nez, comme si elle savait ce qui allait se passer… il s'excusa mais elle en tint à peine compte pour porter son regard azur dans sa direction. Cet instant la fit frémir des pieds à la tête lui rappelant pourquoi elle tenait tant à elle. Pourquoi elle avait tant besoin de son attention. Toute idée de chasser Max de son esprit s'évapora instantanément de la tête de Victoria, car ni guérie, ni désintoxiquée, elle était victime de la même attraction maladive. La blonde se maudit, les dents serrés et le cœur sur le point d'exploser. C'était à la fois exaltant et douloureux de la voir se tenir devant elle tout en sachant ne pas pouvoir la serrer dans ses bras, ne pas pouvoir la toucher. L'opposition de ses désirs et de sa raison éclata dans tout son être. Et Victoria mourrait d'envie de se lever de sa chaise pour combler la distance qui les séparait. Elle mourrait d'envie de caresser du bout des doigts sa joue de porcelaine en redessinant la ligne de ses pommettes. Sentir la peau chaude de son dos sous la paume de ses mains, de se laisser aller au plaisir d'appuyer sur les points sensibles de ses muscles qui la faisaient rire, se tortiller sous les chatouilles ou frissonner d'envie. De ressentir le frisson de désir animal qui la parcourait quand Max laissait glisser ses bras autour de sa nuque pour rapprocher leurs deux corps en relevant légèrement la tête pour l'embrasser tendrement, ses lèvres fines dansant à la surface des siennes.
Elle la désirait.
Avant qu'elle ne puisse réaliser ce qui se passait, Max se tenait sous son nez, lui tendant un gobelet en carton duquel s'échappait une bonne odeur de café fumant.
- Tiens, c'est pour toi, pour te remercier, sourit-t-elle avec l'air de quelqu'un qui savait qu'elle n'avait pas pris son petit-déjeuner, trop bouleversée pour penser à son rituel matinal. Service de livraison cappuccino pour un matin tout en douceur, vous pouvez garder votre monnaie, madame !
Max lui fit un petit clin d'œil conspirateur sous le regard amusé de Taylor qui roula des yeux devant tant de mièvrerie. Elle était habituée à leurs échanges et ne dit rien, toujours aussi ravie de voir les oreilles de sa meilleure amie tourner au cramoisi à chaque fois que Max prenait les devants.
- M-merci, Max, répondit la blonde, la surprise se reflétant dans ses yeux verts. Mais comment tu savais que…
La petite brune se contenta de sourire amicalement avant même qu'elle n'ait terminé sa question. Ses doigts effleurèrent (par accident ?) les siens quand la tasse changea de mains. Victoria frissonna.
Sans dire un mot de plus, Max rejoignit sa chaise, accompagnée du soi-disant Warren qui la suivait comme un fidèle animal de compagnie. Il n'avait pas prononcé un mot et gardé ses distances quand Max l'avait approchée, mais la blonde ne put s'empêcher de froncer des sourcils, son regard se changeant en un mortel rayon laser qu'il ne sembla pas remarquer. Ce mec, peu importe le statut qu'il avait un jour possédé dans la vie antérieure de Max, allait rapidement lui taper sur les nerfs, elle le sentait. Sa manière de coller la châtaine ne lui plaisait pas du tout. Mais alors pas du tout. Elle allait mettre rapidement un terme à ses illusions romantiques car Max lui appartenait. Et on ne volait pas une Chase.
Heureusement, elle fut interrompue dans ses envies de meurtre quand M. Jefferson entra dans la classe en saluant l'ensemble des élèves.
- Bonjour à tous. Je sais que vous m'aimez beaucoup, commença-t-il avec son air « I'm too cool for school », mais tous ceux qui ne font pas partie de mon cours sont priés de mettre les voiles. Les autres, nous avons une tonne de travail à abattre aujourd'hui. Sortez vos photos de natures mortes, je ramasse.
Max envoya un sourire reconnaissant à Victoria pour lui avoir rappelé les devoirs à faire la veille. La blonde détourna promptement le regard sans chercher à lui répondre, troublée. Pourquoi avait-elle l'impression que quelque chose clochait ?... On aurait dit qu'elle avait manqué un épisode et que Max en savait bien plus long que ce qu'elle en avait dit.
Les yeux de la blonde se posèrent sur le gobelet posé à ses côtés. Max ne pouvait pas savoir qu'elle n'avait pas pris son petit déjeuner, elle était arrivée avec bien trop d'avance par rapport à elle. Donc… comment ?... A moins que…
Victoria jeta un furtif regard sur sa droite. Max était en train de sortir sa trousse et son carnet de son sac, inconsciente de ce qui se passait dans la tête de la blonde. Elle la regarda faire quelques secondes, en réfléchissant à ce qu'il venait de se passer. L'esquive bien trop anticipée de la chute de Zachary, le cappuccino, les remerciements…
On aurait presque dit que Max avait déjà vécu tous ces évènements…
Merci de votre lecture~
Pour ceux que ça intéresse, la musique qui m'a largement inspirée le passage où Victoria réfléchit dans sa chambre au moment du sms est "You found me" par The Fray.
Bon week end à tous et à la prochaine.