Chapitre 1

Aragorn se leva en soupirant. Il venait de passer la matinée avec Faramir, compulsant les nombreuses missives qui arrivaient tous les matins; tâche plutôt fastidieuse, mais heureusement allégée par l'aide de l'Intendant, qui se chargeait lui-même de tout ce qui ne réclamait pas obligatoirement la lecture et la signature du Roi. Le jeune homme, une plume à la main, parachevait la dernière lettre de la matinée.

Etirant son dos, Aragorn se dirigea vers la fenêtre, laissant le soleil réchauffer son visage. Ces heures de travail semblaient une agréable récréation en comparaison à ce qui allait se passer après le déjeuner: le Conseil hebdomadaire. Depuis son couronnement, Aragorn s'était vivement heurté aux cinq Conseillers, si peu écoutés sous l'intendance de Denethor qu'ils faisaient tout pour influencer le Roi vers leurs propres intérêts.

Il répugnait à simplement les démettre de leurs fonctions et les remplacer par des personnes qu'ils savaient fidèles et dévouées au Gondor, car il craignait que ce geste ne le fît passer pour un tyran. Il était persuadé que cette décision serait acceptée avec joie par son Intendant: celui-ci, profondément peiné par l'attitude des Conseillers, s'était même une fois opposé à eux lors d'une réunion, quand ils avaient osé remettre en cause l'autorité royale. La fougue du jeune homme avait consolé Aragorn: il n'était pas isolé, et pouvait compter sur un soutien de valeur.

«-Vous plairait-il de rompre le jeûne dehors, monseigneur? demanda Faramir, qui venait de se lever et de confier une liasse de parchemins à un serviteur.

-Je vous remercie pour cette bonne idée, répondit Aragorn en souriant. Nous ferions mieux de prendre un peu l'air avant de retourner dans ces grandes salles solennelles. »

Ils prirent leur repas ensemble, comme d'habitude. Des serviteurs installèrent une table et des chaises sur la terrasse du bureau d'Aragorn, puis y déposèrent les plats avant de s'éclipser discrètement. L'Intendant avait longuement demandé l'honneur de servir le Roi pendant qu'il mangeait, mais Aragorn avait toujours refusé, car il n'était pas habitué à se faire servir; ils s'assirent donc l'un en face de l'autre, se servant eux-mêmes.

Avide de se changer les idées, Aragorn questionna Faramir sur l'élevage des chevaux dans la Cité. Il savait que son Intendant aimait les chevaux autant que lui, et qu'il s'intéressait beaucoup au renouveau des élevages dans le Gondor, depuis que les troupeaux pouvaient à nouveau paître en paix dans les plaines.

Faramir répondit de bonne grâce, visiblement heureux, lui aussi, d'aborder un sujet plus plaisant que l'administration. Cependant, comme à son habitude, il resta réservé, presque timide, tandis que son regard se posait avec respect et amour sur son Roi. Aragorn appréciait sa fidélité et son dévouement, mais il languissait après un familier; et il espérait que, au fur et à mesure des années, la réserve de Faramir diminuerait, et qu'il oserait se comporter envers le Roi comme avec un ami.

Quand les cloches de la Cité sonnèrent la première heure après le zénith, Aragorn se sentait presque ragaillardi.

«-Allons, dit-il avec un sourire sardonique. Préparons-nous pour une joyeuse réunion…

-Il y a peu de sujets à aborder aujourd'hui, monseigneur, répondit Faramir. Le Conseil sera vite achevé. »

Aragorn lui sourit. Il aurait préféré une petite tape sur l'épaule, comme les Rôdeurs avaient l'habitude de faire entre eux, mais ces paroles d'encouragement, ainsi que la certitude que Faramir serait à ses côtés pour le seconder lors du Conseil, le raffermirent.