Je suis désolée.

Je vous retrouve en bas.


Maintenant que j'écris ces lignes, il est parti et c'est fini pour moi. Et pourtant je l'ai entendu se lever doucement aux petites heures mais je n'ai pas bronché. Si je l'avais fait je n'aurais su me tenir et ça n'aurait servi à rien. Il s'est discrètement douché, habillé puis est revenu s'asseoir sur le bord du lit et m'a caressé les cheveux. Je n'ai pas ouvert les yeux mais j'ai saisi sa main que j'ai serrée tout contre moi. Puis il s'est doucement dégagé, m'a caressé le visage, embrassé la tempe et il est parti. J'ai entendu la porte d'entrée claquer, sa voiture démarrer et puis plus rien d'autre que le silence.

J'ai allumé la télé et me suis postée devant. Je ne sors plus, je me nourris de cigarettes et de café, j'attends la moindre nouvelle, le moindre flash d'info. Je suis en suspens et rien ni personne ne pourra me faire bouger.

Silence, absence et douleur.

Je ne veux pas qu'on me considère comme une victime ou un dommage collatéral. Si j'ai subi quelque chose, c'est en toute connaissance de cause et de toute façon je n'ai rien «subi». J'ai eu le choix, plusieurs choix en fait : rester/partir, taire/dénoncer, accepter/refuser. MES choix, MA vie. Je refuse à quiconque le droit de me plaindre, tout sauf ça. Tel Moloch, notre amour a tout carbonisé autour de lui : je n'ai plus d'amis, plus de travail, plus d'avenir, soit. Mais je l'ai eu lui, lui et sa personnalité torturée et complexe. Alors je ne sais pas pourquoi j'ai été une sorte d'exception : peut-être suis-je comme lui finalement, peut-être ma folie est plus profondément enfouie que la sienne. Peut-être nous serions-nous mutuellement dévorés au bout d'un certain temps.

Je n'ai pas eu à attendre longtemps. Sa vie s'est arrêtée à l'hôpital Saint Bart's et la mienne ici en apprenant la nouvelle. Je suis tellement anesthésiée de douleur que je ne peux ni hurler ni pleurer. La culpabilité me ronge comme du sel sur une plaie ouverte. Pas d'avoir aimé et d'aimer encore un tel homme, ça jamais. Mais de n'avoir pu anticiper tous ses crimes. Je n'ai même pas essayé de l'en empêcher, même pas tenté de découvrir par moi-même ce qu'il avait en tête. Peut-être aurais-je fini au fond de la Tamise comme d'autres mais au moins ça n'aurait pas été pour rien. Si je regarde autour de moi, je ne vois que ruines et désolation. Et d'avoir été aveugle à ce point ne mérite rien d'autre que le mépris et l'opprobre. Pas pour l'avoir aimé lui, oh mon Dieu certainement pas, jamais… Mais je n'ai pas assez brillé dans sa nuit pour l'aider à sortir des ténèbres qui l'engloutissaient petit à petit. Et qui ont finalement tout englouti autour de lui.

Et Sherlock… Pourquoi a t-il fait ça ? Sous les yeux de John en plus ? Pourquoi ? Que s'est-il passé là-haut ? Je me refuse à croire qu'il ait été assez cruel pour se suicider sans raison et laisser ce vide béant et incandescent en chacune des personnes qui l'aimaient, moi comprise. Il est bien trop orgueilleux et intelligent pour avoir été affecté par cette terrible campagne de presse qui s'est déchaînée contre lui. Je sais bien, moi, qui il était vraiment, sa profonde humanité et son extrême fragilité. Il était tout sauf un menteur et un mythomane comme on s'est trop souvent plu à le décrire. Alors si ce n'est pas ça qui l'a fait se jeter du haut d'un toit, que s'est-il vraiment passé ? Pourquoi n'a t-il vu que cette solution ? Et John doit tellement souffrir… Il a tout perdu en quelques secondes, nous avons tous les deux tout perdu en quelques secondes mais cette comparaison malsaine s'arrête là parce que lui était du côté du bien et moi du mal. Alors je mérite ce qui m'arrive mais pas John, pas lui. C'est un homme courageux, droit et franc qui n'avait rien à faire dans cet immense gâchis.

James est mort et je suis là. Je sais qu'il ne reviendra jamais plus et je me déconstruis lentement.

Je n'en peux plus, ma tête va exploser.

Alors je fais ce que j'ai à faire.

J'ai rangé la maison, elle est impeccable.

Puis j'ai arrosé chaque pièce d'essence et j'y ai mis le feu. L'œil sec, je regarde le brasier hurlant. Je suis loin de tout, le temps que les pompiers arrivent tout sera terminé. Je n'ai sur moi que ces feuilles que je finis juste de noircir et une enveloppe. Je vais mettre mes feuilles manuscrites dedans et je vais l'adresser à Gregory Lestrade. J'espère que les pompiers la verront.

Et puis je vais aller au bord de la falaise, tout au bord.

Et je vais contempler le vide.

L'idée de la mort ne m'effraie pas. Je ne peux pas continuer sans lui, c'est aussi simple que ça. Il ne s'agit pas de le rejoindre au-delà de la mort, je ne crois pas en toutes ces fadaises. C'est juste que l'idée de continuer sans lui m'est intolérable, j'ai l'impression de brûler vive sans discontinuer depuis qu'il est parti.

Alors je vais faire un grand pas en avant.

Parce qu'il n'y aura jamais personne d'autre que James Moriarty.


Je suis vraiment désolée mais je ne voyais pas d'autre solution. J'aurais pu rallonger la sauce, comme on dit, et faire intervenir n'importe qui pour sauver Margot mais ça n'aurait pas fonctionné, du moins à mes yeux. Cette histoire devait se terminer dans la douleur et le chagrin, passer de la lumière à l'obscurité la plus dense.

Cette fic m'a pris environ 18 mois de ma vie, entre l'idée et la rédaction. Cela fait environ 10 mois que je vous poste un chapitre par semaine et je voulais tous vous remercier pour votre fidélité, vos reviews, vos mises en favori. Mine de rien, c'est extrêmement gratifiant et même si je n'écris pas de la littérature de haute volée comme j'ai pu en lire sur ce site, ça fait toujours très plaisir de voir que ma petite histoire a intéressé plusieurs personnes.

J'ai eu du mal à quitter Margot parce que, finalement, on finit par s'attacher vraiment aux personnages que l'on créé. Je l'avais lu ailleurs mais je n'y croyais pas trop et j'avais tort. 18 mois, ça fait long mine de rien et c'est à se demander si ces personnages fictifs ne finissent pas par avoir une vie propre dans votre intellect à un point tel qu'on en arrive à changer des paragraphes entiers parce que "non, finalement, ça ne colle pas, elle n'aurait pas dit ça".

Quoi qu'il en soit, merci encore à tous pour votre soutien, vos encouragement et vos critiques : ça fait toujours avancer.

Et comme je suis d'un indécrottable optimisme, je vais entamer une fic qui sera nettement plus joyeuse du début jusqu'à la fin. J'ai écrit un OS Mythéa et je pense que je vais le développer en de courts chapitres.

A bientôt.

Electre