« Gilthoniel ?! Gilthoniel ?! »

La petite fille ouvrit ses grands yeux argentés à l'appel de son nom, reconnaissant parfaitement la voix qui le prononçait. Elle se redressa sur l'immense branche qui accueillait sa sieste, et souplement elle descendit de l'arbre millénaire. Un écureuil n'aurait pas fait mieux. Elle s'écorcha juste un peu le genou en arrivant en bas, ce qui lui soutira une petite grimace, mais rien ne l'arrêterait dans sa course. Elle traversa les sentiers tapissés d'herbe, bousculant un peu au passage les elfes qui lui barraient la route. Ce qui souleva un tas de protestations, mais ils la connaissaient assez pour ne pas lui en tenir rigueur. Les sous-bois étaient frais et ombragés, un pur régal lors de ces longues journées d'été. Elle passait son temps à défier la pesanteur en escaladant les arbres, au grand dam de ceux qui veillaient sur elle. Elle arriva, échevelée et essoufflée au centre de Caras Galadhon, et son visage s'illumina quand elle vit la chevelure blonde et lisse qui lui faisait face, alors que l'elfe qui l'appelait lui tournait le dos. Elle se rua sur lui, et il eut à peine le temps de se retourner pour l'intercepter au vol en riant.

« Legolas ! s'écria-t-elle heureuse de le revoir

- Petit monstre ! Il va falloir que tu apprennes à te tenir un peu plus ! Tu seras bientôt une jeune-femme, et sauter dans les bras ainsi ne se fait pas !

- Je m'en fiche ! » Rétorqua-t-elle effrontément en fronçant les sourcils.

Legolas eut un sourire attendri par sa réplique. Sa bouille enfantine trahissait déjà sa grande beauté, et plus elle grandissait, plus ils avaient du mal à ne pas la revoir telle qu'ils l'avaient tous connue. Créant parfois des malaises et des silences, que la petite fille ne pouvait pas encore comprendre. C'est alors que Gimli bougonna un peu :

« Laisse-lui donc le temps de grandir Legolas ! Qu'elle profite ! Mais faudrait pas qu'elle m'oublie au passage ! »

La petite fille sauta des bras de l'elfe et se rua sur Gimli. Elle le serra fort entre ses petits bras, et venant lui embrasser la joue elle fit :

« Jamais je ne pourrais t'oublier Gimli ! »

Elle ne comprit pas pourquoi le nain eut la respiration en suspens un instant, ni même pourquoi son regard se voilà un quart de seconde. Mais comme il lui offrit son plus doux sourire, ceci lui sortit de l'esprit, comme tout ce qui n'était pas heureux à cet âge.

« Haldir ! Duilwen ! Que je suis heureux de vous revoir ! » lança alors le prince à l'approche des deux époux.

Ils s'étaient unis officiellement après la guerre, et bien que Celeborn soit toujours le roi légitime, il leur laissait de plus en plus la gestion des affaires du royaume.

« Heureuse également ! Répondit Duilwen dont les yeux verts étincelaient de bonheur.

- A ce que je vois tu as toujours du mal à en faire une Dame ! Taquina Legolas en lançant un regard de biais à la petite fille qui les observaient presque sagement.

- M'en parles pas c'est une vraie tornade ! lâcha Duilwen en souriant.

- Mon père ne sera pas très satisfait de cela, lui qui pensait que tu arriverais à en tirer quelque chose !

- Ton père est pourtant le mieux placé pour savoir que ce n'est pas aussi simple ! » Rétorqua Duilwen en riant.

En effet, Gilthoniel était une enfant animée d'une énergie débordante, aussi tempétueuse que ses origines pouvaient l'être. Elle fit une mine boudeuse quand elle les entendit parler d'elle comme si elle n'était pas là, et déclara d'un seul coup de façon for peu bien élevée :

« Hey, je suis là ! Je vois pas pourquoi je me conduirai bien, le Roi Thranduil est toujours de mauvaise humeur avec moi ! Il ne m'aime pas ! »

Tous se figèrent à ces mots innocents, et pourtant si cruels venant de sa bouche. Legolas lui coula un regard dur, ce qui calma ses ardeurs. Il lui adressait rarement une telle attention. Elle baissa la tête, et fit un geste confus avec la pointe de son pied droit. Gimli se racla la gorge, et lui prenant la main il déclara :

« Alors ! Il paraît que tu as eu droit à avoir ton propre Talan ! Tu me montres ?!

- Ho ouii ! » répondit-elle aussi sec, tirant le nain par le bras.

Legolas remercia son ami du regard, puis reposant ses yeux bleus sur le couple elfique il demanda :

« Pas d'évolution.

- Hélas non, soupira Haldir. Elle grandit bien, tu le sais, mais elle ne se souvient pas, c'est comme si son origine même avait disparu de son organisme. Pourtant, ses yeux ne trahissent pas. Ils ont le même éclat.

- Et pour le reste ?

- Là aussi, nous n'avons rien remarqué de notable, si elle peut se transformer, cela ne c'est encore pas encore produit.

- Elle n'a qu'une dizaine d'années, peut-être que c'est encore trop tôt … évoqua Legolas pensif.

- Comment va le Seigneur Thranduil ? Demanda Haldir avec un soupçon d'humour dans la voix.

- Il se repose, répondit Legolas avec le même sourire entendu. Je vous remercie fortement de l'avoir prise pour quelques mois. J'ai cru qu'ils allaient s'entre-tuer ! Je crois .. qu'il ne pensait pas que ce serait aussi dur quand il a fait cette promesse. Même si le temps est relatif chez nous, elle lui en fait voir de toute les couleurs. C'est une vraie peste par moment, elle le pousse à bout. Je me demande d'ailleurs, si ce n'est pas son passe-temps préféré.

- Pauvre Thranduil ! Soupira Duilwen, pas si affectée que cela par le sort du souverain de Vertbois. Mais j'avoue que parfois j'aimerais être une petite souris, juste pour la voir faire.

- Tu es incorrigible … fit Haldir en lui donnant un air de reproche.

- Chassez le naturel … il revient au galop .. »

Hadlir vint embrasser sa femme sur la tempe à ces quelques mots, puis regardant la majestueuse forêt il questionna Legolas :

« Tu la ramènes avec toi aujourd'hui ?

- En fait je le devais, car nous nous étions mis d'accord là-dessus, mais je m'interroge. Je ne sais pas si cette tempête ne fera pas plus de mal que de bien là-bas. Est-ce que ….

- Non Legolas, cela ne nous dérangerait pas de la garder quelques temps. Tout le temps que tu le souhaites d'ailleurs …. déclara Haldir en comprenant la situation.

- Je souhaite l'avoir avec mes côtés, mais il m'est difficile de ne pas penser à mon père. Même si il fait un tuteur remarquable, il est aussi bon père avec elle, qu'il a pu l'être avec moi. Mais Gilthoniel est tout sauf stupide, elle voit bien qu'il y a quelque chose qui bloque leur relation. Il est d'humeur changeante, un instant il la dorlote comme sa fille, et l'autre d'après, il devient froid et distant. Il ne peut oublier la blessure que sa mort lui a infligé …. même si elle est là, elle n'est plus ici pou lui …. Comme je disais, je ne crois pas qu'il se doutait de ce qu'il promettait sur l'instant. Je viendrai la voir, et lui proposerai de venir passer quelques temps chez nous. Mais je pense que vous allez devenir ses parrains pour quelques années.

- N'est-ce pas ce que nous sommes déjà ? Fit Haldir en souriant.

- Certes … aller je vais la voir avant que Gimli ne se jette du haut de son Talan, à bout de patience ! »

Les trois elfes eurent un petit rire à cette boutade, et se saluant, Legolas prit le chemin qu'ils avaient emprunté plus tôt.

...

Quinze ans, quinze longues années qu'il ne l'avait que peu revue, et là, elle revenait de Caras Galadhon. Haldir et Legolas lui avaient fait de nombreux compte-rendus, et il savait qu'elle femme forte et robuste elle était devenue. Elle partait souvent à la chasse aux orques et aux gobelins, et revenait toujours triomphante, un air sauvage dépeint sur son beau visage. Érudite, elle n'avait cependant toujours pas recouvré la mémoire de ses origines, ce qui inquiétait Thranduil. Galadriel lui avait dit qu'elle était là pour cela. Combien de temps encore ce jeu du chat et de la souris allait-il encore durer ?

Il n'avait pu la garder durant ces années à ses côtés, les souvenirs en son esprit étaient trop vivaces. Pour lui ils avaient l'âge d'un battement de cil. Et malgré ses jeunes années, ses yeux d'argent le troublaient trop, instaurant en son coeur à chaque fois, la même souffrance. Ne voulant devenir un tuteur froid et autoritaire, lui faisant payer la promesse qu'il s'était lui-même infligé, il l'avait envoyé chez Celeborn. Il fut un temps alerté des nombreux courtisans qui lui tournaient autours, mais étrangement, elle se riait souvent d'eux, certifiant haut et fort que nul n'arriverait à l'enchaîner. Son côté dragon demeurait indomptable et libre. Legolas lui avait souvent rapporté ses escapades en solitaire. Elle était devenue une véritable rôdeuse, capable de voyager des mois durant sans l'aide de quiconque. Entraînée dès son plus jeune âge par les deux princes, elle était devenue une combattante toute aussi douée que ses précepteurs. Celeborn de son côté, lui avait appris à se servir de son don de guérison, qui lui, était toujours là. Et bientôt, ils iraient à Minas Tirith, car le roi Elessar avait tenu à la revoir, même si il savait pertinemment que Gilthoniel ne se souvenait de rien. Mais voilà, si Thranduil demeurait inexorablement jeune, ceux qui les avaient aidé dans leur quête, eux, vieillissaient tout aussi sûrement.

Il soupira lourdement, essayant de canaliser cette impétuosité malhabile qui le rongeait. Et il pesta quand il s'aperçut qu'il ne pouvait empêcher son genou de tressauter d'impatience, alors qu'il se tenait sur son trône, empressé comme un gamin. Il vit un des ses gardes s'approcher, et le saluant il déclara :

« Sire, ils sont arrivés. »

« Alors ? Qu'est-ce que cela te fait de revenir ? Demanda Legolas qui regardait Gilthoniel descendant de sa monture.

- Rien de plus que ce que cela m'a toujours fait Legolas. Ce n'est pas comme si je ne connaissais pas l'endroit ! Déclara-t-elle avec un sourire presque carnassier. Espérons que ton père sera plus enclin à la discussion et plus aimable à mon encontre !Je ne voudrais pas déranger sa Seigneurie !

- Ho pour ça, je ne me fais pas de soucis …. déclara Legolas avec un sourire mystérieux accroché aux lèvres, ce qui n'échappa pas à la femme à présent en face de lui.

- Arrête ça !

- Arrêter quoi ? Se défendit-il alors qu'elle l'étudiait en aiguisant son regard argenté.

- Tu le sais très bien ! Vous pensez tous que je suis totalement stupide ou quoi ?! Depuis ma plus tendre enfance je vous vois ériger des silences, échanger de regards, me toisant de loin parfois alors que vous parlez de moi ! Si j'étais si gênante pour vous, vous n'aviez qu'à me laisser partir ! »

Legolas eut la respiration coupée un fraction de seconde, cette phrase se répercutant de façon morbide dans son esprit. Elle ne pouvait pas deviner, savoir, ce qu'elle pouvait leur asséner en se défendant ainsi vertement.

« Tu vois tu recommences ! S'écria-t-elle. C'est impossible ! Pour cela que je suis partie si souvent seule ! Au moins je n'avais pas l'impression d'être la dernière roue du carrosse. Ou un fardeau, ou je ne sais quoi d'autre !

- Gilthoniel, je t'en prie … tu ne peux pas savoir .. comprendre que …

- Alors explique-moi ! » Lui lança-t-elle en ancrant son regard dans le sien, se campant dans une attitude des plus combative.

Mais son silence la brisa, comprenant qu'il ne lui dirait rien. Elle alla chercher ses sacoches de voyage, et les jetant vivement par dessus son épaule, elle fit sèchement :

« Je te pensais mon frère Legolas ! Tu me traites comme ton père l'a fait en son temps ! Ça va vraiment être un pur régal ce séjour ! »

Puis elle suivit les gardes de la cité, qui la conduisirent à son ancienne chambre.

« Ne t'inquiète pas mon ami, tout va s'arranger. Elle ne peut pas comprendre, il ne faut pas lui en vouloir.

- Ce n'est pas à elle que j'en veux Gimli. J'en veux aux choses qui nous glissent entre les doigts, sans avoir d'emprise dessus. Et puis … les ombres du passé … ne rongent pas que mon père parfois ... »

Comment effacer de sa mémoire tout ce qu'ils avaient partagé ? Elle le considérait comme son frère. Un grand frère qui avait toujours veillé sur elle, qui lui avait tellement appris. Elle ne le verrait jamais plus comme elle avait pu le percevoir à un moment de sa vie. Et bien que cette relation était toute aussi riche en sentiments, certaines choses lui manquaient. Comme la complicité immense qui les liait.

Elle se lava longuement, essayant de taire la frustration qui la démangeait, ainsi d'ailleurs que d'autres choses qui l'importunaient de plus en plus depuis quelques mois. Elle sentait des sensations évoluer en elle, mais comme toutes ces discussions à couvert, elle ne se les expliquait pas. Cette situation la rendait parfois hors de contrôle, cette insatisfaction la minant affreusement. Elle peigna ses longs cheveux, et hésitant devant ses habits, sachant pertinemment qu'il fallait qu'elle soit présentable devant un roi, elle eut un rictus méprisant, et empoigna ses vêtements propres de rôdeuse. Une fois habillée, elle se regarda dans le miroir, contente de son choix. Ils allaient tous voir, aussi roi soient-ils, si ils allaient continuer encore longtemps à la traiter ainsi !

Elle arriva à l'immense salle du trône, et quand elle vit Thranduil au loin, une chose troublante se fit. Elle eut une vision, un souvenir dans un souvenir, qui n'avait pas de raison concrète de s'offrir son esprit. Un peu perdue, elle regarda autours d'elle, persuadée d'avoir vu Legolas et Gimli à ses côtés.

Magnifique. Aussi magnifique que dans ses souvenirs, avec peut-être en plus, un air hautain qu'il ne lui avait jamais vu. Elle avait la noblesse de traits des Eldars, mais aussi apparemment, tout de leur comportement. Elle s'avança d'un pas vif, et lui faisant un révérence digne d'un roi, elle le salua en disant :

« Mes hommages Seigneur. Merci de nous accorder le droit de séjourner chez vous pendant quelques temps. »

Elle fronça les sourcils quand elle n'entendit qu'un silence en retour. Le roi sylvestre était-il au-dessus des convenances ? Se demanda-t-elle soudainement froissée. Puis elle redressa la tête et elle le fixa, consciente que quelque chose n'allait pas.

La poitrine de Thranduil s'était comme déchirée sous la vision qu'elle lui offrait. Ses yeux, sa chevelure de cendre, ce corps si svelte, si parfait pour lui, si désirable. Son visage porta un instant la marque d'une souffrance invisible. Et cette force qu'elle dégageait à présent, dans toute la fleur de l'âge, dans toute sa maturité féminine. Si à l'époque il avait pu la voir comme une enfant perdue qu'il fallait à tout prix protéger, il ne vit en elle en cet instant, qu'une femme digne des plus grands rois.

Il déglutit avec effort, et se levant lentement, il descendit pour la rejoindre, ayant du mal à garder le contrôle de lui-même. Ils s'observaient en silence, et il finit par dire :

« J'espère que votre voyage fut agréable, et que vous n'avez pas trop souffert de la chevauchée.

- Vous plaisantez ? Je passe des semaines à cheval Seigneur ! Le voyage de Caras Galadhon jusqu'ici fait office de promenade de santé !

- Oui, Legolas et Haldir m'ont dit que vous étiez devenue très indépendante.

- Je l'ai toujours été ! Bien pour cela que vous m'avez si gentiment collé dans les pattes de mes parrains adoptifs ! D'ailleurs à ce sujet, si eux sont mes parrains, comment dois-je vous appeler ? … Père ? »

Cette question saisit le roi plus que n'importe quel mal. Il la fixa presque durement, faisant un pas en arrière. Une sourde colère brûlait en elle, quelque chose de dévastateur, qui était palpable dans l'air. Il changea alors de ton quand il lui répondit :

« Je pense que tu es assez intelligente pour savoir que je ne suis pas ton père.

- Comme Legolas n'est pas mon vrai frère, pourtant, il a ce titre pour moi !

- Je ne suis qu'un tuteur pour toi Gilthoniel, j'ai fait, ce que l'on m'a demandé …

- Mais qui à la fin ?! On vous a demandé quoi me concernant ?! Vous allez tous me rendre folle avec vos secrets et vos mensonges !

- N'y a-t-il donc rien, en ton esprit, qui te parle … qui te souffle …. mais il s'arrêta net, conscient qu'il allait se parjurer.

- Tout ce que je sais, c'est qu'avec toutes vos manœuvres malsaines, vous me rendez malade à force, et que je pense que je vais partir pour de bon cette fois ! » lâcha-t-elle sans douceur en se redressant de toute sa taille.

Voyant qu'elle allait mettre sa menace à exécution, il l'attrapa par le bras, et la tirant vers lui avec vigueur, il vint lui ravir un baiser. Il n'arrivait plus à contenir ce qui le dévorait. Quelque chose détona dans l'esprit de Gilthoniel, un sentiment de malaise vacillant l'étreignit, tandis que dans sa tête des images chaotiques s'écrasaient lourdement, la déstabilisant. Une sensation de vertige qui lui fit presque mal, agressant son crâne et ses tempes. Puis, voulant se soustraire à ce contact, elle se recula et le gifla vivement. Elle sentit son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine, et une tristesse insondable l'engloutit comme une marée mortuaire. Elle colla sa main sur son pourpoint de cuir, consciente de ce qu'elle venait de faire. Thranduil la fixait sans bouger, et elle n'arriva pas à déchiffrer son expression. Et bien qu'il l'exaspérait, jamais elle n'aurait dû lever la main sur lui. Elle eut soudain très peur. La peur de son geste, de ce qui se passait dans sa tête, de ce qu'elle ressentait là, présentement. Elle recula de quelques pas, et bafouilla :

« Je … je suis désolée …. Seigneur. »

Il se passa une main sur sa joue rougie, et avant qu'il dise quoi que ce soit, elle fit volte-face et quitta les lieux, il l'entendit juste lui dire :

« Je ne mangerai pas ce soir, inutile de m'attendre ! Bonne nuit Seigneur !»

D'abord possédé par une colère sans nom, il avait vu le tumulte que ce geste avait soulevé en elle. Ce qui calma de suite son courroux. Et c'est avec peine qu'il la regarda fuir son contact.

Elle se jeta au travers de son lit, et elle pleura. L'émotion qui l'avait traversé était trop forte, trop violente. Les images qui l'avaient assaillie, étaient faites de morts et de carnage, et dans leur cortège, des douleurs innommables les accompagnaient. Elle resta ainsi de longues heures, essayant de remettre de l'ordre dans son esprit anarchique. Elle entendit quelqu'un frapper à la porte de sa chambre, et mollement elle alla ouvrir. Elle se retrouva face à un Legolas inquiet, qui se tenait patiemment sur le seuil de sa porte. Elle colla son front sur l'embrasure, et demanda :

« Oui Legolas ?

- Il est rare que tu manques un repas ….

- Je sais, mais je ne suis pas bien ce soir. Je ne comprends pas ce qu'il m'arrive, mais ces lieux me bouleversent, sans que je puisse me l'expliquer … et ton père …

- Mon père ? Appuya Legolas en arquant un sourcil curieux.

- Ton père est bizarre …. » répondit-elle simplement en le laissant entrer.

Il avança, et il accepta son invitation quand elle lui proposa de boire un verre de vin de la cité. Elle se jeta sur un fauteuil, croisa ses jambes sur un accoudoir, et portant la coupe à ses lèvres elle s'exclama :

« Fallait-il que je sois bien inspirée en acceptant ce séjour !

- On est en automne Gilthoniel, tu ne vas pas prendre la route maintenant ?

- Pourquoi pas ? Je saurai très bien me débrouiller.

- Ça je n'en doute pas, mais, ça me manquerait de ne pas t'avoir un peu à mes côtés durant l'hiver. Gimli est un grand ami, mais nous n'avons pas les mêmes conversations.

- Ho vrai ?! Il ne connaît pas les fabuleuses balades elfiques ?! Le taquina-t-elle gentiment.

- Tu es infernale.

- Je sais grand frère ! Mais pour cela que tu tiens tant à moi ! » lança-t-elle d'un ton désinvolte et rieur.

Legolas aiguisa son regard, conscient que quelque chose d'important la troublait, elle se retranchait rarement dans ce genre de comportement. Puis elle devint plus sombre, finissant sa coupe en silence.

« Thoniel ?

- Mmm ?

- Pourquoi … pourquoi n'as-tu jamais pris de compagnon ? Demanda soudain Legolas, admirant sa beauté sous la lumière des bougies.

- A bien y réfléchir je ne sais pas. Je crois …. tu vas trouver ça stupide, car ça l'est …. je crois que j'attends une rencontre. Comme un être perdu il y a for longtemps, que je dois retrouver … quelqu'un qui espère quelque part … son regard se fit triste et lointain, et Legolas en ressentit toute la profonde détresse. Mais bon les années passent et rien ne vient ! C'est que je dois me tromper ! Je me laisse encore un peu de temps, j'aime trop courir les routes. J'ai cette faim insatiable de découverte, comme si je n'en avais jamais assez, que mon esprit cherchait là aussi à récupérer quelque chose …. parfois, je regarde le ciel, et je m'imagine voler, caressant les nuages …. accrochant les étoiles du bout de mes doigts …. » un long soupir s'extirpa de ses poumons, et ses yeux glissèrent sur Legolas qui l'écoutait en silence.

Elle vit, et ce pour la première fois, les iris bleutés de son ami, baignés de larmes. Elle se redressa vivement, et venant vers lui d'un pas souple, elle prit place sur ses genoux. D'un geste presque maternel elle lui caressa les cheveux et murmura :

« Chut …. calme-toi. Je ne pensais pas que mes paroles pouvaient déclencher cela ...

- Ce n'est pas … disons que … il chercha ses mots. Que tu me rappelles quelqu'un, que j'ai connu et à qui ..

- Tu tenais ?

- Oui … fit-il en détournant le regard.

- Je respecte ta vie privée tu le sais, mais si tu veux m'en parler, tu sais également que j'ai toujours été là … et que je serai toujours là ….»

Par les Valars que de l'avoir aussi proche de lui le torturait en cet instant. Qu'il aurait voulu plonger ses doigts dans sa chevelure de cendres, ancrer son regard dans le sien en lui dévoilant tout. Il ferma un poing impuissant sur l'accoudoir de son fauteuil, et inspirant un coup, il la délogea en douceur de dessus ses genoux. Venant déposer sur son front un solennel baiser, il déclara :

« Je sais. Aller au lit, dans quelques jours nous partons pour Minas Tirith ! Sois en forme pour être présentée convenablement au roi Elessar !

- Convenablement ? ça je n'en suis pas si sûre ! » fit-elle avec un humour mordant.

Legolas eut un petit rire chaud, elle avait le don pour les lui procurer. Puis il sortit de la pièce, tout aussi retourné que la femme qu'il laissait derrière lui.

Un orage éclata en cette nuit, faisant trembler les murs de la cité. Les elfes furent même surpris de sa violence. Gilthoniel dormait, mais ses rêves, se paraient des pires cauchemars. Tout se mélangeait dans sa tête, des images de son enfance, mais d'une autre également. Comme si elle avait eu deux vies en une seule. Mais rien de concret ou de logique ne ressortait de ses songes. Tout ce que cela lui procurait, c'était un flot de messages contradictoires de douleurs et d'amours. Elle s'éveilla le lendemain matin, le coeur froid comme une aurore hivernale. Elle se prépara, et déambula comme une morte vivante dans les couloirs de la cité. On lui parlait, mais elle ne répondait pas. Elle semblait évoluer dans une bulle qui la coupait de tout. Même la bonne humeur de Gimli n'arriva pas à la sortir de ce carcan insidieux. Elle croisa Thranduil, et elle faillit tourner les talons quand elle le vit. Il s'avança vers elle rapidement, et lui prenant le menton dans sa main droite, il la força à le regarder. Il vit à son regard que quelque chose n'allait pas.

« Tu te sens bien ?

- J'ai fait, beaucoup de cauchemars la nuit passée. Je me sens épuisée Seigneur. »

Le regard de Thranduil eut un éclat indéfinissable. Contre toute attente, un magnifique sourire vint transfigurer son visage, et retirant ses doigts de dessus sa peau, il conseilla doucement :

« Vas te reposer Gilthoniel. Tu es peut-être plus fatiguée que tu ne le penses.

- Les voyages ne me fatiguent pas, Souverain de Vertbois ! Répondit-elle vertement, blessée dans son orgueil.

- Arrête donc de mordre un peu ! Ton comportement est ridicule ! » Trancha-t-il alors d'une voix glaciale, la laissant sur place, totalement confondue.

Elle releva le menton, comme si son arrogance allait changer la situation, puis, le sol se mit à tanguer sous ses pieds. Elle s'effondra, se retenant vaillamment au mur du couloir, serrant les dents pour ne pas sombrer. Mais que lui arrivait-il par les Valars ?! L'espace autours d'elle commença à se parer de noir, et elle se sentit comme glisser hors de son corps. Elle vit Thranduil la prendre dans ses bras juste avant de perdre connaissance. Dans un sursaut de combativité, elle reprit brièvement ses esprits dans ses appartements, entendant Gimli, Legolas et le Souverain Sylvestre discuter doucement dans la pièce, mais elle ne put entendre la teneur de leur discussion. Elle plongea dans un profond et ténébreux sommeil. Un songe long et éprouvant, où toute la vérité lui fut révélée.

Quand elle s'éveilla, la mémoire lui avait été rendue, et avec elle, le savoir de ses ancêtres. Elle regarda ses doigts, sa poitrine, tout son corps, comme si c'était la première fois qu'elle le voyait. Prise d'une tristesse sans nom, elle se mit à pleurer longuement. Puis, elle s'arrêta nette, passa une robe d'intérieur et une cape par dessus ses épaules, et fila hors de sa chambre comme la brise. L'air ambiant était frais, et elle traversa les couloirs comme une ombre. Elle arriva devant les appartements du roi, et hésitante, elle frappa sur la surface close. La lumière filtra par l'ouverture alors que Thranduil vint ouvrir assez rapidement, vu qu'il ne dormait pas. Quand il vit le visage de Gilthoniel il s'inquiéta, et avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, elle se jeta sur lui, et le serra à l'étouffer. Il referma tant bien que mal, essayant de comprendre ce qu'il se passait, et il l'entendit murmurer les mots si espérés, hachés par ses pleurs :

« Je suis tellement désolée …. tellement désolée …. Thranduil ... »

Il lui sembla que la foudre venait de s'abattre sur lui tant il comprit avec vélocité, ce que cet aveu signifiait. Elle se souvenait. Se rappelait ce qu'elle était, qui elle était, et de ce fait … l'amour qui les avait unis. Elle s'essuya les joues d'un geste presque rageur, importunée par ce flot de larmes qu'elle ne pouvait contenir. Elle se détacha de lui presque violemment, encore un peu secouée et perturbée par tout ce qui se produisait. Ses anciens souvenirs se mêlant à ceux de cette vie. Sa raison essayant de batailler pour se faire une place. Elle regarda les appartements du roi, consciente qu'elle ne les avait jamais vu. Elle finit par refixer son attention argentée sur lui, et elle retint son souffle une fraction de seconde. Dans cette demi pénombre, ses cheveux brillaient comme de la soie, ses traits sévères se paraient d'une indéfinissable douceur, et ses rétines claires se jouaient de lumière et d'ombre en silence. Il était comme elle ne l'avait encore jamais vu dans cette vie. Sublime, comme les elfes savent l'être. La lumière des Eldars coulant dans ses veines, semblant se révéler à elle en cette soirée. Il la laissa reprendre ses esprits lentement, puis voyant qu'elle tremblait, il s'approcha d'elle doucement. Il l'enlaça et déclara en fermant les yeux de contentement au contact de son corps chaud se pressant contre le sien:

« Je suis si heureux de te retrouver…. si heureux …. Tu n'as pas idée de ce que j'ai souffert durant tout ce temps …

- Ho si .. .je me doute … et je m'en veux terriblement ….

- Non tu entends … tu m'as sauvé, par deux fois … cesse donc de t'en vouloir … mon étoile, mon amour ... » dit-il en venant trouver ses lèvres.

Ce baiser était aussi léger qu'une plume, aussi ardent qu'un volcan, et tout son amour pour lui s'éveilla en elle comme un printemps inattendu. D'abord timide, tout ce qu'elle ressentait dans son organisme se délia, la consuma. Et bien que dans sa chair elle fut virginale, son esprit était aussi aguerri que quand ils s'étaient perdus. Elle prit le visage du roi dans ses mains, glissa ses doigts dans sa soyeuse chevelure dorée, et l'étreignit au point de lui faire pousser un soupir rauque. C'est elle qui le bouscula gentiment sur le lit royal, et elle le couvrit d'attentions délicieuses. Lui qui ne voulait pas la brusquer, fut totalement à sa merci. Son plaisir se mêlant à un bonheur sans égal. Il remercia les Valars de lui avoir octroyé tel présent. Il plongea dans l'argent de ses yeux, dans les éclats de sa chevelure, se baigna encore et encore dans les replis de son être. S'émerveillant à chaque fois de la liesse qui les fauchait littéralement. Leurs mains soudées dans une étreinte indélébile. Il la contemplait tandis qu'elle était allongée à ses côtés. Elle lui caressa la joue, son bras effectuant un geste tout en volupté, les yeux brillants d'amour elle lui murmura :

« Je t'aime … Thranduil ... »

Ces quelques mots le frappèrent au coeur, le souvenir top cuisant des son départ le saisissant. Il se plaqua à elle, et la serra à l'étouffer, de peur peut-être qu'elle ne disparaisse à nouveau. Il l'entendit étouffer, le nez dans sa chevelure, un rire plein de larme, et il lui chuchota en retour :

« Je t'aime …. Gilthoniel … »

Ils se séparèrent, et il jura en la regardant droit dans les yeux :

« A jamais ensemble, pour l'éternité, mon dragon, mon étoile … ma femme ... »

Elle eut un hoquet de surprise et il lui sourit tendrement, caressant du bout des doigts son visage parfait.

...

Une longue plaine s'étendait au-dessous d'elle, presque désertique. L'atmosphère était emplie de senteurs de poussières et de plantes vivaces. Il n'y avait devant elle, que de grands espaces inconnus. La chaleur l'aidait à voler agilement, et le sentiment de liberté qui la possédait était si grisant. C'est alors qu'elle s'aperçut, qu'elle n'était pas seule. A son côté, l'ombre d'un autre dragon évoluait tranquillement. Ses pupilles se dilatèrent sous la surprise, et elle s'entendit dire :

« Carach ?! Mais comment … ? »

Le dragon noir émit un rire grave et chaud, bienveillant et si plein de gaieté, qu'elle ne le reconnut pas.

« Décidément, tu ne comprends jamais rien … petite sotte ... fit-il en se moquant gentiment d'elle. Mais aussi sotte sois-tu, je peux te dire un grand merci. Tu m'as libéré. Tu as vaincu ce monstre, et rendu la liberté aux milliers d'âmes qui ont souffert sous ses maléfices. Ainsi, alors que tu donnais ta vie pour sauver ce monde qui te tenait tant à coeur, ton pouvoir a également cicatrisé mon âme, et rendu mon essence. Je suis resté de longues semaines dans un sommeil étrange, ne sachant plus trop si j'étais en vie ou pas. Vissé dans mes chairs alors que je ne demandais qu'à partir. Quand mes moyens me sont revenus, j'ai pu me libérer, et j'ai commencé mon ascension. J'ai vu ton prodige, mais je n'avais plus accès à ton esprit. Tout était verrouillé, j'en ai conclus que tu étais morte. Mais, il y a de cela quelques nuits, ton image m'est apparue, parasitée par un écran blanchâtre comme une fumée épaisse qui te masquait à ma vue. Et te voilà …. et je ne cache pas, que cette rencontre me remplit d'un contentement sans fin!

- Pourquoi nous sommes-nous affrontés alors, si dès le départ tu voulais seulement partir ?

- Car je ne pouvais pas, le sorcier avait empoisonné mon organisme. Si je partais, je mourrais dans les jours qui suivaient, si mon absence était trop longue.

- Pourtant …

- Oui, pourtant je t'ai proposé à un moment de m'accompagner. Sachant pertinemment où cela allait me mener, mais quand j'ai vu ta réticence, cet amour maladif que tu portais à ces êtres inférieurs, je n'ai pas continué à essayer de te convaincre. Je me doutais que je serai vaincu …. mais la liberté valait bien cela ... » ses yeux d'or eurent un éclat étrange, et Gilthoniel comprit une chose qu'il lui avait échappé.

Elle leva les yeux machinalement, et elle vit l'Univers autours d'eux. Immense, somptueux et déroutant. La plaine avait disparu sous leur vol en tandem, et une tristesse effroyable vint la mordre.

« Tu n'as pas …. vraiment survécu .. pas vrai … ?

- Ho si ! Plus que tu ne peux l'imaginer ! Mon corps est resté fiché dans cette montagne, mais mon esprit lui, s'est sublimé ! Quand ton pouvoir a touché mon essence, l'infime parcelle de vie qui animait encore mes cellules, s'est embrasée, et je suis moi aussi …. devenu un enfant d'étoile. J'ai mis seulement bien plus longtemps que je l'espérais, à franchir la dernière étapes. Trop de rancoeur habillait mon esprit. Mais ton pouvoir, a peu à peu anéanti tout cela. Ma magie, mon feu, tout ce que je suis, retourne à présents près des nôtres Gilthoniel, vois comme leur royaume est vaste et majestueux …. » il tendit son cou droit devant lui, et elle suivit la direction de son regard.

Le ciel s'ouvrit devant eux, comme le portail de Belegurth l'avait fait, mais là nulle puissance maléfique était à l'oeuvre.

« Pourquoi avoir attendu toutes ces années pour me le dire ? Pourquoi ne pas être parti avant ?

- Parce que le temps ne s'écoule pas de la même manière ici, des années pour toi, n'ont peut-être que la valeur d'un souffle en ces lieux. De plus comme je te l'ai dit, ton esprit semblait fermé. J'ai gardé le secret espoir de te revoir avant mon départ …. peut-être est-cela qui m'a retenu dans les limbes si longtemps …. » lui avoua-t-il dans un murmure chaleureux.

Puis il s'avança avec allégresse, son regard redevenant aussi espiègle que pouvait l'être ceux de sa race, ses écailles noires se mirent à scintiller d'une myriade d''étoiles fabuleuses. Tandis qu'il rejoignait un paradis perdu, elle vit des milliers de dragons qui évoluaient dans les airs, fredonnant des chants de joie, exprimant toute leur beauté et leur puissance. Gilthoniel s'arrêta, consciente qu'elle ne pouvait plus le suivre, et elle le regarda partir au loin. Il lui lança un dernier regard étincelant de vie et de bonheur, et il lâcha :

« Au revoir petite sotte ! Nous nous reverrons peut-être un jour ! Quand l'univers s'effondrera ! Merci encore pour le don que tu m'as fait ! Dans une autre vie si les Valars le veulent, je te remercierai comme il se doit !

- Sois heureux Carach ! Sois libre et heureux …. » ses yeux d'argents versèrent des larmes de lumières, et tout ce qui l'entourait se mit à fondre, à se dissoudre, pour la mener progressivement vers un doux réveil.

Quand elle ouvrit les yeux, elle vit Thranduil qui l'observait en silence, l'air inquiet. Il essuya une larme qui roula sur sa jour malgré elle, et il demanda d'une voix douce :

« Quelque chose ne va pas ?

- Non … non .. tout va très bien, au contraire … il était vrai que la liesse et l'affliction s'adonnait à un étrange ballet en sa poitrine, mais elle savait qu'il était enfin libéré, et cela la combla de satisfaction. Serre-moi s'il te plaît ... » finit-elle par demander au roi qui s'en faisait tant pour elle.

Et il s'exécuta, caressant sa longue chevelure posément. Elle se rendormit, bercée par les battements de son coeur.

...

Les bannières flottaient dans la brise de printemps, et les odeurs des terres fleuries du Pelennor embaumaient tout. La cité blanche étincelait sous les rayons du soleil, et tout semblait en paix, au grand soulagement des peuples de la Terre du Milieu. Le retour du dragon avait été annoncé comme une grande et belle nouvelle, et tous savaient, que Gilthoniel était bel et bien ce qu'elle fut autrefois. Quand ils arrivèrent, ils furent acclamés et louangés jusqu'à la cour royale. Là-bas, Aragorn, Faramir, Eomer, Haldir, Duilwen, et le roi Dain les attendaient. Le cerf de Thranduil se stoppa, le souverain les salua courtoisement. Gilthoniel arriva à ses côtés sur un cheval aussi gris que ses cheveux là aussi se fut un présent de Thranduil. Legolas l'avait d'ailleurs soupçonné d'avoir tout planifié pour avoir un destrier qui ressemblait à s'y méprendre à Lithion. Elle fut émue de tous les revoir. Aragorn et le Nain n'avaient pas tellement changés, mais les autres si. Leurs chevelures commençaient à se parer de gris, leurs traits se creuser un peu plus. Ils restaient des hommes beaux et vigoureux, mais Gilthoniel eut un petit pincement au coeur en notant que la vieillesse allait tôt ou tard les ravir à ces terres. Elle descendit de sa monture, et venant saluer les souverains, elle prit Aragorn, Faramir et Eomer, et même le roi des Nains qui se débattit un peu tout de même dans ses bras en les remerciant chaleureusement.

« C'est nous qui vous remercions Gilthoniel, votre sacrifice de l'époque nous a tous sauvé. Mais entrons ! Profitons de ces instants, vous allez tout nous raconter en détail ! Il paraît que le Seigneur Haldir a eut quelques petits soucis avec vous jeune-fille ?! »

Elle eut un petit rire joyeux à cette phrase, et elle commença alors tout son récit. Ce fut une soirée mémorable, qui ne se termina qu'à l'aube d'un jour nouveau. Gilthoniel fut présentée officiellement comme étant Reine de Vertbois-le-Grand, et avec Thranduil ils régnèrent longtemps sur cette partie de l'Eryn Lasgalen. Il fallut près d'une trentaine d'années à Faramir pour consigner toutes les connaissances que Gilthoniel avait à lui donner, offrant aux peuples de la Terre du Milieu, une mine de savoirs extraordinaires. Dans les écrits, il fut prouvé et attesté, que les dragons n'étaient pas que des bêtes sournoises et dangereuses. Ainsi, elle fut la preuve vivante de sa descendance directe avec une noble lignée. Une lignée magique. Faramir l'admira tout au long de sa vie, et les instants partagés avec elle, en firent de très bons amis.

Bien plus tard, elle fila vers le Nord, à la rencontre des Lossoth, pour également leur apporter ses remerciements. Katsoa Pois s'était éteinte, et Susien était un vieux chef respecté de tous. Ketterä était une fière héritière de son peuple, et c'est elle qui commandait aux loups à présent. Puis, par un beau matin d'été, elle regarda Legolas et Gimli qui la fixaient sans un mot. Les yeux du nain étaient noyés par les pleurs, et elle lui murmura doucement :

« Ne pleures pas Gimli, nous nous reverrons …

- Je le sais ! Mais j'ai quand même le droit de pleurer si vous vous en allez Gilhthoniel ! Nous avons trop partagé pour que mon coeur ne s'attriste pas de votre départ.

- Mon brave, mon courageux ami. Si le monde savait à quel point le peuple nain peut-être sensible, il y aurait tellement de choses à réécrire …

- Que ça reste entre nous !

- Bien évidemment, elle vint l'embrasser chaleureusement, puis elle vint vers Legolas. Son regard se troubla devant son beau visage, et sous le regard complice de Thranduil, elle vint lui accorder un dernier et chaste baiser. Toi … tu vas me manquer. Ne tardes pas trop, mon doux ami, mon frère ….

- Promis. Thoniel … il me tarde déjà de vous revoir.

- Tout viendra en son heure …. »

Elle s'écarta de lui, et se transformant devant les portes de la cité souterraine, elle déplia ses ailes colossales pour se détendre un peu. Tous reculèrent ça faisait toujours son petit effet, même si ils étaient habitués. Elle regarda le ciel et déclara :

« Le jour avance Thranduil, et la route va être longue.

- Oui, je fais vite il s'avança vers Legolas, et le prenant dans ses bras il lui confia tu es à présent le souverain de cette partie de la forêt. Prends-en grand soin. Sois fort et courageux, comme tu l'as toujours été. Je suis si fier de toi mon fils … je t'aime …

- Moi aussi Ada … » réussit à articuler péniblement Legolas, les larmes aux yeux.

Tous savaient que ce n'était qu'un au revoir, mais le départ était douloureux. Gilthoniel regarda les alentours, une foule de souvenirs étreignant son coeur. Elle était tellement émue, heureuse et triste à la fois. Thranduil passa à côté de Gimli, et avec un sourire entendu il déclara :

« Quant à vous Maître Nain ! Veillez bien sur lui ! Je compte bien vous revoir sur l'autre rive sains et saufs tous les deux !

- J'y compte bien Seigneur Thranduil ! »

Gilthoniel inclina son cou gracile, mettant la tête au sol, et Thranduil s'installa sur son échine confortablement.

« Je ne suis pas certain que ce voyage me plaise, commença-t-il à remarquer.

- Tant mieux, car ne compte pas prendre cette habitude ! » Lança la voix du dragon enjouée.

L'animal fabuleux décolla alors, ses écailles d'argent scintillant au soleil d'été. Soulevant une tempête de poussière, il s'éleva lentement, puis accrochant les courants ascendants, il s'éleva avec plus de facilité dans les airs. Poussant un hurlement puissant qui fit résonner toute la montagne, il fila comme le vent et disparut sur l'horizon. Ne ressemblant plus qu'après de courtes minutes, à un point de fuite lumineux. Legolas et Gimli soupirèrent alors de concert. L'elfe posant une main chaleureuse sur l'épaule de son ami, il déclara :

« Et voilà Gimli, une nouvelle page de notre vie s'ouvre !

- Et quelle vie ! Aragorn a encore besoin de nous ! Allons fracasser la tête de quelques ennemis aux frontières Est ! » s'écria-t-il en brandissant sa hache.

Legolas partit dans un doux rire, et les deux comparses reprirent la route de Minas Tirith.

Quand Aragorn fils d'Arathorn s'éteignit à l'âge de 210 ans. Legolas établi alors en Ithilien et ayant formé une notable colonie d'elfes fabriqua un puissant navire. Puis il descendit le cours de l'Anduin, Gimli à ses côtés. Ils quittèrent la Terre du Milieu pour rejoindre les terres immortelles. Celeborn, Haldir et Duilwen veillèrent sur l'Eryn Lasgalen. Le navire traversa la Belegaer, puis il passa les îles enchantées plus au Nord, pour enfin atteindre les rivages blancs de l'Eldamar, la régions des elfe sur Aman.

Tandis qu'ils posaient pied-à-terre dans ce royaume béni, ils virent Thranduil et Gilthoniel s'avancer vers eux, éclatant de jeunesse et de bonheur. Tous deux habillés des plus beaux atours elfiques. Bien que la femme dragon n'était vêtue que d'une robe blanche vaporeuse. Cheveux nattés, elle portait un diadème en argent, au centre se tenait un dragon tenant une gemme. Tout ce qu'elle était, semblait baigné de lumière. Elle adressa un tendre sourire à son ami Gimli, qui rougit remarquablement à ce simple égard, sa beauté le troublant au plus haut point en ces lieux. Elle tendit les bras vers eux, et Legolas vint lui prendre les mains chaleureusement. Entrelaçant ses doigts avec les siens. Le coeur gorgé d'une béatitude sans nom, elle lui dit avec un magnifique sourire :

« Bon retour parmi les tiens Legolas … bienvenus chez Nous ... »

Derrière eux, se dressant presque comme des ombres, il aperçut Gladriel, Gandalf, Frodon et les autres. L'elfe sut dès-lors que les êtres qu'il avait le plus aimé, hormis Aragorn, étaient ici présents. Il se souvint avec nostalgie du chant des mouettes dans le lointain, et c'est avec un plaisir tout aussi éclatant que le soleil qui baignait les Terres Immortelles, qu'il réalisa que sa longue quête, prenait fin.

FIN

Voilà c'est bel et bien fini! J'espère que le voyage vous aura plu! Merci encore à mes lecteurs fidèles et ceux qui m'ont soutenue!

A bientôt ! :)