Nous sommes en Mai de l'an 3019, la grande guerre contre Sauron et la disparition de l'Anneau ont pris fin i peine plus de deux mois. Aragorn est couronné à Minas Tirith, et épousera Arwen deux mois après. Les Elfes n'ayant été que peu présents sur les terres du Gondor lors de la grande bataille, ont eu de leurs côtés, repoussé tout autant d'obscurs ennemis. Fermant ainsi les passes du Nord à tout adversaire éventuel. Thranduil, Celeborn, Haldir, et les grands chefs elfiques se sont rassemblés pour coordonner leurs actions. D'ailleurs, suite à cela, une alliance sera signée entre Thranduil et Celeborn le 6 Avril, ce qui unifiera une bonne fois pour toute, les bois de la Lorien avec ceux de Mirkwood. Même si aucun mariage n'attestera physiquement de cela.

Les vents mugissants, chargés de pluie et d'éclairs, balayaient les eaux déchaînées. La mer se mouvait comme un cheval fou, essayant éperdument de se défaire d'un cavalier trop téméraire. Le pâle et frêle esquif était ballotté sans douceur, violentant au passage les quelques marins qui tentaient désespérément de tenir bon. Le ciel se déchira dans un bruit assourdissant, et la foudre vint s'abîmer dans les flots à quelques mètres du bateau fin comme un oiseau. La voile claqua une dernière fois avant de s'arracher à son point d'arrimage, et les hurlements de terreurs s'élevèrent du pont. Quelques valeureux tentèrent de rattraper les cordes ou de les couper, certains y perdirent la vie en passant par dessus bord. Tandis que le capitaine s'égosillait pour donner les ordres, son second vint à ses côtés. L'eau ruisselant sur son visage parfait l'aveuglait presque, et empoignant avec fermeté l'épaule du commandant de bord, il attira son attention. Celui-ci fit attention à sa présence à ce moment là. Les rideaux de pluie se déversaient avec une telle force qu'ils auraient pu se noyer rien qu'en ouvrant la bouche.

« Aerandir ! Nous n'y arriverons pas ! »

Le capitaine resta silencieux quelques secondes, sachant pertinemment ce que cela signifiait. Son regard se durcit et il répondit presque sèchement :

« Si nous y arriverons ! On nous a donné une mission et je la mènerai jusqu'au bout ! »

Dans ce tumulte qui aurait pu augurer la fin du monde, un cri vint à ses oreilles, d'un air déterminé il ordonna :

« Va la chercher et veille sur elle ! Nous devons absolument au moins atteindre les côtes orientales tu m'entends ?! »

Son second hocha gravement la tête, et secoué par une énième vague qui venait les gifler âprement, il reprit son équilibre et disparut dans les étages inférieurs. A l'intérieur tout n'était que ruine et désordre. Tout le mobilier avait bougé, détaché par la force de la mer et des bourrasques. Les lumières étaient éteintes, et l'elfe remercia ses yeux qui s'accommodaient si bien de l'obscurité. Chahuté, glissant sur le bois trempé un nombre incalculable de fois, il arriva dans la chambre du capitaine, où les cris ne cessaient de croître. La porte s'ouvrit sans difficulté et il évita de justesse le battant qui lui revint puissamment au visage sous la houle. L'embarcation après les avoir transporté pendant de sages semaines, semblait à présent vouloir en finir avec eux. Il arriva près d'un berceau solidement accroché au sol, et dans un murmure il parla à l'enfant qui se calma de suite au son de sa voix. Il enveloppa le nourrisson dans un linge aussi blanc que les voiles qu'arborait son abri d'infortune, puis il le plaqua fortement contre lui pour lui offrir un rempart de son corps. Il revint près du capitaine après de longues minutes, et l'enfant se remit à pleurer.

« TERRES EN VUE ! » hurla un des elfes sur le pont.

Aerandir eut une étincelle d'espoir dans ses yeux clairs, qui fut vite balayé par une peur indescriptible. Dans ses iris bleu-vert se reflétait la couleur d'un traître brasier, qui s'abattait du ciel dans leur direction. Il n'eut pas le temps de hurler ses derniers ordres que le bateau vola en éclat sous l'attaque. Les corps furent propulsés dans les flots, se noyant sous la force du choc pour la plupart. Les autres eurent comme dernière et funeste vision, qu'une ombre croissante d'un colossal dragon. L'animal éclata dans un rire rauque avant de disparaître dans les noirceurs de l'orage. Le bébé était en vie, pleurant tout en buvant la tasse, prêt à sombrer dans les flots, alors que son sauveur reprenait peu à peu ses esprits. Puis, comme par miracle, le ciel se calma, et les vagues baissèrent en intensité. Du coin de l'œil l'elfe survivant vit le corps de son bien-aimé capitaine flotter, sans vie, à plusieurs mètres. Il refoula les pleurs qui vinrent mordre ses cils, puis dans un accès de volonté, il regarda l'enfant dans ses bras et lui chuchota des mots en elfiques. Puis il se mit à braver les courants et les flots. Il nageait avec rage, nageait à en perdre le souffle, à en perdre la vie. Entre deux respirations il promit au nourrisson détrempé :

« Nous avons fait une promesse et nous la tiendrons. Tu vivras …. »

Des minutes, puis des heures, jusqu'à l'instant fatidique où à bout de force il se mit sur le dos et se laissa dériver près des côtés. A travers ses paupières mis closes, il s'aperçut que le soleil tentait une percée. Il ne sut combien de temps se passa avant qu'il ne touche enfin une surface solide, et encore moins, quand il entendit des bruits salvateurs qui promettaient le succès de leur périple. A peine eut-il réussi à se hisser à moitié hors de l'eau en agrippant une surface rocheuse lisse et glissante, qu'il s'évanouit.

« Eduin ! Regarde ! » lança une femme sur la rive.

L'homme se redressa, délaissant sa barque sur le sable. Il devait partir à la pêche, mais les nuages noirs à l'horizon lui avaient déjà appris que la mer était une rivale dangereusement meurtrière. Il avait donc renoncé, et sa femme et lui avaient décidé de remettre cela à un autre jour. Des heures à présent qu'ils réparaient les petites avaries sur la coque, prenant bien soin de leur outil de travail, mais étrangement, l'orage n'arriva jamais jusqu'à eux. Laissant un pêcheur des plus bougon d'avoir perdu sa journée. Il épousseta le sable qu'il avait de collé sur les vêtements, puis dirigeant son attention sur le point que sa femme lui montrait, il mit sa main en visière pour se protéger du soleil.

« Tu penses que c'est quoi ?

- D'ici je dirai un homme. Nous devrions aller voir. Il se peut qu'un bateau ait été pris dans la tourmente et qu'il y ait des naufragés.

- Si ils ont été assez stupides pour se perdre dans un tel danger, c'est qu'ils sont inconscients. Pourquoi je perdrais mon temps à les aider ? »

Sa femme se figea, et s'empourprant elle le fixa en s'exclamant :

« J'espère que tu plaisantes là ?! »

Le visage de son mari se fendit d'un large sourire et il lança :

« Bien évidemment Margareth … bien évidemment ... »

Ils s'avancèrent alors d'un pas pressé. Les plages étaient souvent désertes, et à part quelques écueils rocheux ci et là, il n'y avait pas de paysages époustouflants. Juste une longue langue de sable presque blanc, bordée des eaux de la Grande Mer à l'Ouest, et des plaines à l'Est, avec leurs bois et leurs prairies. En somme, il n'y avait rien de bien excitant en ces lieux. Même si, la grande guerre qui se jouait à l'Est, avait aussi laissé des stigmates. Les tribus venues du Sud ne se cantonnaient pas toujours aux chemins les plus courts et les plus dégagés. Nombre de villages étaient tombés sous leur coupe bestiale. Quand ils arrivèrent près du naufragé, la femme se jeta à l'eau pour finir de hisser le corps quasiment sans vie, et de ce fait, découvrir l'étrange fardeau qu'il tenait. Eduin se pencha sur l'elfe et en voyant sa race il eut un air presque ahuri.

« Je pensais qu'ils étaient presque tous partis … murmura sa femme. Pourquoi reviennent-ils d'au delà des mers ? »

L'elfe commença à parler doucement, se résignant à donner son dernier souffle de vie pour faire ce qu'il avait à faire. Eduin se pencha vers le malheureux et lui dit lentement, en espérant qu'il le comprenne.

« Je ne parle pas l'elfique seigneur … »

Les yeux de l'elfe roulèrent dans leur orbite, et il arriva à articuler :

« Prenez-là, sauvez-là … bientôt … l'on viendra la chercher. La Dame saura où la trouver ... »

Comprenant à demi mot de quoi et de qui il pouvait bien parler, Eduin répéta bêtement :

« Prendre qui ? La Dame ? Quelle Dame ? »

Mais l'elfe venait de mourir, la belle flamme des Eldars quitta son corps, laissant son regard fixe à jamais. Le couple se dévisagea, et la femme tenant l'enfant questionna :

« Tu y comprends quelque chose ?

- Non, tu penses bien que non …. tout ce que je comprends c'est que ce bébé doit être sauvé et que quelqu'un viendra le chercher.

- On le gardera alors ... »

Eduin fixa sa femme, perplexe, et il demanda :

« Ha vraiment ? Et tu vas expliquer ça comment toi ? Est-il seulement humain ce bébé ?

- Humain ! Nain ou Elfe quelle importance Eduin !? Je refuse de laisser ce petit être sans protection tu entends ?! »

Pouvait-il en être autrement venant d'une femme se demanda Eduin une fraction de seconde. Un long soupir s'extirpa de sa cage thoracique. Sa femme et lui étaient d'un certain âge, et il était tout aussi certain qu'il n'allait pas passer inaperçu, cet enfant. Il haussa les épaules, résigné, il se releva lentement en se disant qu'il trouverait bien une solution le moment venu. Le bébé commença à pleurer et à gémir. Margareth se mit de suite à le bercer et à lui parler tout bas.

« Oui oui attend, on va te sécher, je vais changer ces linges mouillés. »

Elle s'éloignait déjà, et Eduin pris sur lui d'enterrer le corps de l'elfe. Il dirait où il est si un des ses semblables demandaient après lui. Ruminant un peu le fait de voir sa vie changer du tout au tout par cette « merveilleuse » journée qui avait si bien commencé, il ne put s'empêcher d'avoir un autre soupir en entendant la voix enjouée de sa femme lui crier :

« Eduin ! C'est une fille ! »

Il leva les yeux au ciel, et se dit, toujours un peu bougon :

« Et en plus elle ne pourra même pas m'aider dans mes tâches quotidiennes … pour sûr que c'est un don du ciel ... »

Puis il continua son œuvre tout en priant pour l'âme de cet elfe venu mourir si loin de chez lui.

....

A des centaines de kilomètres de là, une agitation soudaine anima les bois de la Lórien . Les Galadhrims arrivèrent à Caras Galadhon, et Haldir s'inclina avec raideur devant Celeborn et Galadriel.

« Le Cair Andros n'a pas touché rive à l'heure prévu. Les messagers disent qu'il a été surpris par une tempête non expliquée aux larges, et qu'il n'a plus réapparu.

- Y a-t-il des survivants ? Demanda la Dame de la Lórien d'une voix douce.

- Pas que nous sachions … répondit Haldir avec peine.

- Trouvez-les si il y en a. Je vous charge de cette mission Haldir. Il faut également que vous sachiez si ce qu'ils transportaient a été perdu. Il est impératif de le savoir.

- Que devons-nous chercher ? Demanda le commandant de la Marche.

- Vous le saurez en faisant vos recherches, Haldir. Prévenez-moi quand vous aurez touché au but. » lança énigmatiquement Galadriel dans un doux sourire.

Haldir s'inclina à nouveau. Soufflant légèrement il fit un signe à son frère Orophin pour qu'il le suive, et tout en marchant il marmonna :

« Vous le saurez en faisant vos recherches …. elle pourrait être un peu plus précise par moment tout de même ... Nous prendrons trois hommes avec nous Orophin. Nul besoin de plus. Nous devons être rapides et discrets. Même si la plupart des orques se battent à l'Est, il en reste dans les terres. Nous allons ratisser la côte pour commencer, avec un peu de chances, des gens auront vu quelque chose.»

C'est dans une grand ordre et un silence tout aussi efficace, qu'ils partirent vers la rivière Isen, sur les rives de la Belegaer. Là où le bateau avait été aperçu au large, bien des jours plus tôt. Haldir se demandait ce qui avait pu pousser les marins aussi loin de leur destination ,et les dévier ainsi de leur route.

...

Bien loin, là où la terre se couvre de givre et de glace, là où seuls les nains, assez courageux et sagaces, vivent encore. L'ombre d'un dragon ailé vint à obscurcir les nuages déjà présents, surplombant les Montagnes Grises. Il sait où il doit aller, il est même né dans ce but. Son long et périlleux voyage l'a épuisé. Aiguisant son regard d'ambre, scintillant comme une étoile mauvaise, il vit enfin le lieu qu'il cherchait tant. Surplombant une falaise balayée par les vents chargés de glace, une sinistre forteresse s'élève, aux arrêtes coupantes et noires, comme si elle était tout droit sortie d'une pierre en fusion. Le dragon eut du mal à jouer avec les vents contraires, et c'est presque s'écrasant qu'il toucha enfin le sol sur la place devant l'entrée de la tour exténué. Ses écailles noires scintillaient comme de véritables joyaux, même si par endroit encore, sa carapace n'était pas totalement finie. Reprenant son souffle, il allongea son cou sur les dalles givrées, ses expirations créant de larges nuages de vapeur devant le bout de son nez. Il l'entendit, bien avant de le voir. Un être d'une grande stature s'approcha doucement de lui, et, venant flatter l'encolure de l'animal essoufflé, il dit d'une voix douce :

« Enfin te voilà, j'ai longtemps attendu. Je vois que tu n'as pas encore terminé ta croissance, mais nous avons … tout notre temps … mon ami. Repose-toi, prends en force, je ne suis pas pressé. Et ensuite …. oui ensuite … ils regretteront même jusqu'au souvenir de Smaug le Terrible quand tu apparaîtras. »

L'animal roucoula presque sous ces mots, et c'est avec plaisir qu'il fourra son nez sur la paume de son hôte, et à présent, maître.

...

Seul. Oui seul. C'était bien cela qui le hantait en ce moment. Toujours assis à la même place, fourbu par les combats et les âges jamais il n'avait ressenti sa condition elfique à ce point. Le visage sale, l'armure encore souillée par un énième affrontement contre les orques, Thranduil observait la place vide devant son trône. Quel silence. L'on aurait dit que même la vie avait déserté son royaume. Pourtant, il s'était battu lui aussi pour libérer les Royaumes. Il était sorti de sa retraite pour aider ses cousins des bois de la Lórien . Il était même allé jusqu'à s'allier avec eux. Tout cela pour quoi ? Rien. A son retour, c'est un palais presque désert qu'il retrouva. Nombre étaient morts, d'autres partis, et à présent, même ses amis de toujours ou du moins, connaissances, allaient eux aussi partir pour les terres immortelles. Qu'espérait-il à son retour ? Retrouver son fils peut-être. Le seul qui comptait à présent, même si jamais il n'avait eu le courage de le lui avouer. Jamais il ne s'était abaissé à montrer quoi que ce soit d'ailleurs. Est-ce cet orgueil qu'il ruminait à présent comme une maladie sourde ? Il posa sa joue contre son poing fermé, le coude reposant sur l'accoudoir, piégé par des réflexions stériles. Soudain un garde s'avança vers lui, exécutant un magnifique salut, il attendit que le roi lui donne l'autorisation de parler. Ce dernier lui fit juste un signe las de la tête, et le garde commença :

« La Dame de la Lórien vous fait dire qu'elle requière prochainement votre présence.

- Pourquoi ne vient-elle donc pas elle-même ?

- Elle a dit que c'était trop tôt. Qu'il fallait que les événements se mettent en marche pour qu'il soit nécessaire que vous vous déplaciez.

- Comme toujours … soupira Thranduil qui aujourd'hui n'avait aucune patience pour les paroles sibyllines de Galadriel.

- Autre chose de beaucoup plus fâcheux. Il paraît qu'un de nos navires n'a pas touché terre dernièrement …. »

Thranduil arqua un sourcil légèrement surpris par cette annonce qu'il jugeait totalement inutile, mais la suite allait ouvrir bien plus qu'un simple intérêt.

« D'après les derniers éléments, l'ombre d'un dragon a été aperçue vers les Montagnes Grises. »

Le roi jaillit littéralement de son trône, et fit d'une voix tendue :

« Quand ?

- Il y a de cela quelques semaines, presque aussitôt après que la nouvelle concernant la perte du navire ne nous parvienne.

- Envoie des éclaireurs au Nord ! Et je veux être tenu au courant de tout ce qui s'y passe ! Je veux savoir si cela est vrai ?! Si cette bête est à l'âge adulte ! Bref TOUT tu entends ?! »

Le garde hocha la tête gravement, puis saluant à nouveau son souverain il fit volte-face et s'apprêta à quitter les lieux quand la voix de Thranduil résonna dans la vaste salle.

« As-tu des nouvelles de Legolas ?

- Rien depuis ce que nous savons déjà Monseigneur. Il doit toujours être au Gondor avec le roi Elessar. Aux dernières nouvelles, c'est là qu'il était. »

Thranduil baissa les yeux, puis il regagna son trône en silence. Après quelques secondes le garde sut qu'il ne dirait rien de plus, et il partit suivre les ordres du Souverain de Mirkwood. Sous son visage de glace, l'anxiété minait le roi, car il savait combien l'annonce de la venue d'un dragon pouvait être fâcheuse, ce que cela signifiait. Et il eut peur pour son héritier.

...

« Pouah ! Morts ils empestent encore plus que vivants ! râla Gimli qui déplaçait un corps d'orque sans vie pour l'empiler avec le reste.

- Bouche-toi alors le nez ! Je ne savais pas les nains si délicats ! » Lança Legolas d'un ton frais et amusé.

Gimli ne rebondit pas sur la boutade de l'elfe, et donnant un coup de pied dans la carcasse inerte pour la coller encore plus au tas difforme qu'ils avaient créé, il bougonna quelque chose dans sa barbe.

« Notre patrouille touche à sa fin. Brûlons ces corps et rentrons à la Cité Blanche » énonça Legolas qui mettait le feu au tas de cadavres fraîchement fauchés.

« Je souhaite que nous ayons le temps de nettoyer un maximum ces terres de ces bêtes puantes, pour le couronnement de notre ami ! Dit enfin Gimli plus enjoué pour le coup. Il me tarde de fêter dignement nos victoires et de festoyer en cet honneur !

- Un concours de boisson te siéra-t-il ? » Demanda Legolas d'un air entendu au nain qui observait le tas de cadavres en imaginant déjà les festivités.

Gimli tourna vivement la tête vers lui, et un sourire bonhomme étira sa barbe fournie, dévoilant ainsi toute son espièglerie.

« Avec joie oreilles pointues ! Et cette fois-ci je gagnerai ! » et un rire tonitruant s'extirpa de sa poitrine alors que son ami elfique l'aidait à se hisser derrière lui sur sa monture.

Au loin Eomer les attendait patiemment. Côtes à côtes ils rentrèrent paisiblement à la cité blanche. Les trois comparses parfois suivis de Faramir faisaient des rondes fréquentes sur les Champs du Pelennor qui accueillaient les frontières du Gondor plus au Nord. Parfois leur périple durait plusieurs jours, quand ils décidaient de ratisser les alentours jusque dans les contreforts des Montagnes Blanches. Mais aujourd'hui ils s'étaient aventurés par delà l'Anduin, jusqu'au pied des Monts de l'Ombre. Si ils avaient poussé plus avant, les vestiges de Minas Morgul auraient été à portée de vue. Après de longues heures de tranquille chevauchée, ils traversèrent les flots dans l'autre sens, grâce à un petit navire qui ralliait les deux rives plusieurs fois par jour. Quand ils arrivèrent, ils traversèrent Osgiliath où les travaux de reconstruction avaient commencé. Des personnes les saluèrent à leur passage, et remercièrent encore une fois, les Héros qui avaient libéré le monde de Sauron. Eomer fit du charme aux jeune-femmes qu'il croisait, et alors qu'il allait mettre pied-à-terre pour parler plus longuement avec l'une d'entre elle, il entendit la voix de Faramir venant de derrière lui.

« Je t'interdis de dévergonder les sujets du Gondor, Eomer ! »

L'intéressé se redressa et lui faisant face il déclara avec un large sourire :

« Vas donc t'occuper de ma sœur au lieu de venir mettre un terme à mes distractions ! »

Les deux hommes se saluèrent comme des frères une fois à la même hauteur, et Faramir les avertit :

« Aragorn m'a fait venir vous chercher, il y aurait apparemment du mouvement plus au Nord. »

Le ton de sa voix n'augurait rien de bon, et les visages radieux qu'ils arboraient tous quatre se figèrent sous l'ombre d'une appréhension. C'est donc en silence qu'ils regagnèrent la cité.

Les murs blancs étincelaient sous la lumière du soleil l'on aurait dit que la montagne avait accouché d'un joyau d'une pureté rare. Quand ils passèrent la grande porte, les bannières portant l'Arbre Blanc claquèrent sous la brise qui commençait à se lever. Les pas des chevaux raisonnèrent sur les pavés, et ils traversèrent les niveaux tout en regardant d'un vif intérêt, les pansements que l'on plaçait sur les stigmates qui avaient meurtris la ville. Après de longues minutes dans ces rues dédaléennes ils arrivèrent au pied du palais, un long escalier les attendait encore, afin de pouvoir atteindre l'immense terrasse qui s'érigeait telle une flèche d'argent au-dessus des bâtisses en contre-bas. Ils recommencèrent juste leur discussion que quand ils virent les préparatifs du mariage se dérouler sous leurs yeux. Malgré les récoltes saccagés, les dégâts causés par les affrontements, Aragorn réservait une fête sans égal, et il faut dire que l'aide des Elfes étaient plus que bienvenue. Les quatre amis entrèrent dans la salle et Aragorn leur fit un accueil plus que chaleureux. Venant prestement vers Faramir, il déclama en lui posant une main ferme et amicale sur l'épaule :

« Enfin mon précieux intendant est de retour ! Ces gens de la cour vont me rendre fou ! Et je n'ai pas assez de temps pour gérer toutes ces personnes et denrées en prévision du mariage !Je ne sais ce que je deviendrai sans toi ! »

Faramir eut un timide sourire, lui qui avait toujours autant de mal à accepter les compliments. Les yeux gris d'Aragorn croisèrent les bleus de Legolas et son sourire se figea quelque peu. L'elfe vit de suite la gêne de son ami. Il leur fit un signe de la tête, les invitant à le suivre, et prenant un des immenses couloirs ils sortirent de nouveau sur la grande terrasse. Il les mena jusqu'à l'arbre blanc, dont les feuilles faisaient à présent presque crouler les branches. Puis encore un peu plus loin, il vint prendre appui sur le parapet clair. Le vent vint chanter à ses oreilles, tandis que les courants ascendants longeant la muraille lui apportaient les odeurs du dessous. La tiédeur de l'air le fit sourire, et même si les relents de cendres étaient encore présents, au loin, comme un espoir en toile de fond, se dressait vaillamment celui des fleurs qui avaient refait surface. Il attendit que les autres le rejoignent et les cinq hommes purent contempler les vastes étendues qui filaient à perte de vue.

« Legolas, la Dame de la Lórien m'a fait parvenir un message. Il semblerait qu'un bateau elfique devant rejoindre les Havres Gris, n'est jamais arrivé. »

Legolas afficha la même perplexité que son père face à cette annonce, fronçant ses sourcils fins il attendit la suite.

« Ce n'est pas tant la perte du bateau qui inquiète les elfes, bien que ce soit très fâcheux je ne le cache pas. Ce sont les circonstances de ce drame qui les perturbent. Nous ne sommes encore sûrs de rien, car nous n'avons encore aucune preuve tangible. Mais il semblerait qu'un dragon soit derrière tout ceci. »

Les quatre amis tressaillirent face à cette annonce.

« Mais .. mais je pensais que le dernier avait été tué à Dale .. » dit Gimli tout aussi interloqué que les autres.

Aragorn se retourna, et le vent balaya légèrement ses cheveux. Il posa un regard plein de mansuétude à l'égard de Gimli tant il savait les pertes de son peuple face à ces monstres.

« Non Gimli. Les terres glacées du Nord, et même les terres inconnues à l'Est, ne nous ont toujours pas tout dévoilé. Sans parler de la Brande Desséchée, Terre des Dragons, que nul n'ose visiter. Les nains des Montagnes Grises ont parfois affaires avec eux. Même si ces épisodes restent anecdotiques. Et que oui, le dernier que nous connaissions a bel et bien été tué il y a près de soixante ans maintenant. J'attends des nouvelles d'Erebor, ils sont plus proches de nous.

- Vous pensez que le roi Dáin II viendra à votre simple demande ?! S'exclama Gimli avec un rictus qui en disait long.

- Il refusera sûrement au début. Mais je pense que si cette histoire est vraie, que si ces rumeurs sont fondées, il prendra presque cette décision de lui-même. » assura Aragorn très sérieux.

Il posa ses yeux sur Legolas qui ne disait rien, mais instinctivement son regard s'était porté vers le nord.

« Legolas ?! » l'interpella Aragorn.

L'elfe sursauta à l'annonce de son nom et fixant son attention sur lui il répondit :

« Oui ?

- Il me faudrait quelqu'un de confiance vers là-bas. Tu sais que je vais réinstauré les frontières de l'Ithilien, Faramir en sera d'ailleurs le régent. »

Tous regardèrent l'intéressé, apparemment pas aux faits de cette décision. L'ancien capitaine eut un faible sourire face à ces paire d'yeux braqués sur lui.

« Voudrais-tu t'acquitter de cette tâche mon ami ? » demanda alors Aragorn.

Il savait que l'Elfe n'avait plus remis les pieds près de Mirkwood depuis de longues, très longues années à présent. Il savait également que les rapports avec son père s'étaient dégradés. Ils s'étaient éloignés peu à peu l'un de l'autre. Aragorn soupçonnait Thranduil d'en vouloir à son héritier d'être plus sur les routes qu'à apprendre à gérer son royaume. Même si, il le savait, c'était lui qui lui avait donné l'ordre de rejoindre Fondcombe, et par la même, la communauté de l'anneau. Seulement, il ne pensait sûrement pas que cela s'éterniserait autant, et que, somme de toutes les rancœurs qu'avaient ce souverain, son fils se lierait d'amitié avec un nain. Legolas jeta un bref coup d'œil à Gimli qui l'observait en silence. Le nain lui sourit, comprenant ses interrogations, et son air rassurant encouragea Legolas à répondre.

« Soit si il le faut. Je m'établirai là-bas le temps que vous jugerez nécessaire, mon roi. »

Aragorn eut de la peine en entendant cela. Il s'approcha vivement de Legolas et ajouta prestement :

« Je ne veux en aucun cas que tu perçoives ceci comme un ordre mon ami. Si tel est le cas, j'enverrais quelqu'un d'autre.

- Non non. J'irai. Après tout, qui mieux que moi pourrait vous servir en ces contrées ? » lança l'elfe avec un air presque suffisant d'espièglerie.

Le visage d'Aragorn se fendit d'un sourire, et confiant il demanda à Eomer :

« Ces dames seront-elles prêtes pour le grand jour ? »

Eomer fit une drôle de grimace et geignit dans un soupir :

« Je crains fort de préférer un champs de bataille à tous leurs bavardages incessants et grotesques ! Ça ne fait que rire bêtement, et afficher des sourires presque niais que je ne m'expliquerai jamais ! »

En entendant cela ses amis éclatèrent de rire, et Faramir lança à la cantonade :

« Il me tarde ,cher Eomer, de te voir sous le joug de l'une d'entre elle !

- Si l'on me laisse le temps de tomber sous ledit joug sans m'importuner à chaque fois, je relève le défi ! rétorqua Eomer en faisant allusion à son intervention un peu plus tôt dans la journée.

- Allons mes amis, rentrons. Le soleil commence à descendre à l'Ouest, et je commence à avoir grand faim » conclut Aragorn qui reprit le chemin de la tour blanche, saluant cordialement les gardes au passage.

Il y avait du monde, trop de monde. Les habits hauts en couleurs contrastaient presque violemment avec les murs clairs du palais. Tant d'odeurs et de mouvements, qu'il y avait par endroit, à peine la place de bouger. Legolas trouva un coin un peu au calme, il ne supportait pas ses amas de personnes, la promiscuité l'avait toujours rendu mal à l'aise. De plus, depuis des jours son esprit n'était plus vraiment à la fête, il était soucieux des nouvelles de la Lórien. Et bien qu'il répugnait à devoir se rapprocher autant de chez son père, il ne voulait pas rester sans rien faire. Même si il le savait également, pour le moment, il n'y avait rien à faire, seulement attendre. Attendre que les choses se précisent ou se dévoilent. Il regarda Arwen quelques secondes. Par les Valars qu'elle était magnifique. Jamais Gondor n'avait eu plus belle souveraine. Il fut alors tiré de ses pensées par un Gimli un peu éméché qui lui tendit une chopine un peu brusquement tout en s'exclamant :

« Aller vient noyer ton air taciturne dans l'alcool mon ami ! Ça te fera du bien ! »

L'oeil brillant de Gimli indiquait que l'alcool en effet ne lui faisait pas grand mal, ce qui fit sourire l'elfe. Il prit la chopine tendue et la porta à ses lèvres.

« Je vois que notre sage elfe sylvain s'adonne aux joies des plaisirs mortels ! » lança Faramir d'une voix chaude en venant les rejoindre.

Gimli eut un rire assez bruyant, et filant dans la foule avec la délicatesse d'un lâché de taureaux, il cria :

« Je reviens avec des munitions les amis ! »

Legolas ne put s'empêcher de rire face à la bonne humeur de son comparse barbu. Mais sa jovialité retomba soudain, et à nouveau, presque comme un tic rédhibitoire, il porta son regard vers le Nord, lorgnant les terres à travers l'une des majestueuses fenêtres ouvertes.

« Legolas ? Quelle ombre vous ronge en ce jour radieux ? Les nouvelles de votre peuple ?

- Oui … et bien d'autres choses. » répondit Legolas presque dans un chuchotement.

Faramir, qui n'était certes pas dénué d'intelligence, posa sa main sur l'épaule de l'elfe, même si il savait que ceux de sa race n'étaient pas forcément férus de contacts. Mais Legolas était différent, et il était son ami.

« Vous savez, nous sommes souvent en deçà des espérance de nos parents. Surtout quand ceux-ci occupent des postes importants. »

Les yeux de l'elfe eurent un éclat étrange, et fixant Faramir droit dans les yeux, il le laissa parler.

« Votre père saura, tôt ou tard, que son orgueil l'aveugle. Il doit vous aimer, autant, voire même plus, que le mien a pu m'aimer. Il lui aura fallu toute une vie pour s'en apercevoir. Mais vous avez un avantage certain, le vôtre est immortel, il est encore temps pour lui de vous déclarer tout ceci. »

Legolas fut submergé d'une émotion qu'il eut du mal à refréner. Comment aurait-il pu en être autrement face à la sincérité de Faramir ? Lui qui avait perdu tous les siens.

« L'Ithilien est entre de bonnes mains, si un régent aussi sage que vous mon ami, est à sa tête.

- Puissent les Valars vous entendre. Trinquons aux espoirs nouveaux. » fit Faramir ému, tendant en signe d'invite sa chopine.

Legolas porta la sienne à ses lèvres, et les deux amis s'enfoncèrent à nouveau dans la foule en liesse.

...

Il pleuvait, et les gouttes s'écrasaient lourdement sur les volets en bois solidement fermés. Le vent avait d'ailleurs l'air de vouloir se joindre à la partie. Eduin et Margareth étaient confortablement installés dans leur petite maison. Lui fumait la pipe devant le feu qu'il alimentait. Même l'été, avec les pluie, il devait toujours faire brûler un peu dans la cheminée, pour que l'humidité n'abîme pas l'intérieur de leur pauvre habitation. Celle-ci ne comportait que quatre pièces, toutes aussi exiguës les une que les autres. Margareth, quant à elle, s'occupait d'étendre du linge sur un fil tiré devant l'âtre. L'enfant recueilli, gazouillait dans un berceau fabriqué avec savoir-faire par le maître des lieux. La femme lançait des regards chaleureux au petit être qui la dévisageait et semblait étudier tous ses mouvements.

Eduin et sa femme étaient des paysans, qui vivaient de leurs maigres récoltes, et de ce qu'ils arrivaient à pêcher. Leur modeste demeure était placée à quelques kilomètres du rivage de l'Isen et de la Grande Mer. Seuls quelques bourgs isolés, séparés par des centaines de lieux parfois, s'érigeaient dans les contrées sauvages à l'extrême Ouest du Gondor. De chez eux, ils voyaient les Montagnes Blanches, mais ils n'osaient s'en approcher, car nombre de mouvements hostiles avaient été vu à partir des plaines du Pelennor. Heureusement pour les paysans de cette région, qui demeurait sans aucun attrait tactique, militaire ou autre, les plans de Sauron n'avaient pas conclu de pousser aussi loin ses armées pour le moment. Les gens savaient que la Guerre se passait bien plus à l'Est. Et ils ne se plaignaient pas d'être oubliés du monde.

Eduin et Margareth, étaient des gens simples, et ils se souciaient plus de leur survie que des affaires d'états qui secouaient leur monde. Ils ne faisaient jamais parler d'eux, et pour peu qu'on les connaisse, on les savait de nature calme et serviable. L'un et l'autre avaient dépassés la quarantaine, et ils n'avaient jamais pu avoir d'enfant. L'homme pouvait-il alors en vouloir à sa femme de s'être si facilement attaché au bébé qui avait élu domicile chez eux ? Il la regarda un instant, ses cheveux blonds étaient tressés, et même si la coiffure au matin était impeccable, le soir venu, des mèches s'échappaient ci et là, lui donnant un aspect qui lui avait toujours plu. Les yeux sombres de sa femme captèrent les siens, et elle lança :

« Tu pourrais venir m'aider au lieu de bailler aux corneilles ? »

Il lui sourit, et se leva en faisant craquer sa chaise en bois, pour s'exécuter. Cela ne le dérangeait pas d'aider sa femme sur certains travaux, après tout, elle l'aidait bien dans les siens. Les yeux bleus d'Eduin brillèrent quand elle lui adressa un sourire de remerciement. Il ne put s'empêcher de lui voler un sage baiser, et son petit rire de jeune-fille accentua la simple joie qu'il arborait déjà. L'enfant à leur côté commença à gesticuler tandis qu'un éclair zébrait le ciel, accompagné d'un coup de tonnerre qui fit trembler la petite maison de pierres et de chaume. Un autre coup, plus sec, s'ensuivit, et le couple regarda vers la porte, interdits.

« Qui peut bien venir en ce jour pluvieux et surtout à cette heure ? La nuit vas bientôt tomber au dehors .. » s'étonna Margareth qui regardait d'un air craintif la surface close.

Eduin lui fit signe de rester à sa place, et prenant une arme de fortune sur sa table un simple couteau de cuisine il s'avança prudemment. Le cognement retentit une autre fois, marquant peut-être une légère impatience, et Eduin entrouvrit la porte, laissant un fin filet de lumière extérieure passer au travers. Son regard devint rond de surprise, et c'est presque les bras ballants qu'il finit d'ouvrir, totalement muet de surprise.

« Eduin …. ? » s'inquiéta Margareth en s'avançant à son tour.

Il ne lui fallut que quelques secondes pour afficher la même expression que son mari. Dans l'embrasure se découpaient cinq silhouettes, dont les riches atours détrempés, reflétaient par moment la foudre qui menaçait au loin. L'elfe du devant exécuta un salut courtois, et faisant fi de la pluie tiède qui l'incommodait de plus en plus, il demanda d'une voix douce :

« Bonjour, je me nomme Haldir, représentant de la contrée de la Lórien . Serviteur de Dame Galadriel, je dois accomplir une tâche, pourriez-vous nous aider ? »

Eduin, toujours aussi confus, ne put que hocher la tête en silence, et invita les elfes à entrer. Il se sentait mal à l'aise, gêné de convier des tels êtres dans un lieu aussi misérable que le sien. En tout les cas, si cela les incommodait, ils ne le montraient pas. Ils ne leur fallut qu'un bref instant pour faire un inventaire des lieux. Eduin se rapprocha de sa femme, puis, reposant bêtement son couteau sur la table, il répondit :

« Si nous pouvons vous être d'une aide quelconque … nous acceptons volontiers. »

Haldir hocha la tête en signe de remerciement, et ne perdit pas de temps. Il ne savait pas encore combien de jours, de semaines, ou de mois, allait durer son périple.

« Auriez-vous vu, par hasard, un bateau elfique le long de vos rivages ?

- Oui. » Répondit simplement Eduin, légèrement sur ses gardes.

Un air de soulagement traversa le visage austère d'Haldir, et il se surprit même à murmurer :

« Que les Valars soient loués. »

Voyant que leurs modestes hôtes n'étaient pas à l'aise, il sourit et continua :

« Nous ne vous porterons pas ombrage gens de l'ouest. Je suis juste en quête de réponses. Auriez-vous vu ou entendu autre chose ? »

Ce fût Margareth qui répondit cette fois-ci, en venant à la hauteur de son mari, affichant son soutien indéfectible :

« Oui nous avons trouvé un naufragé … hélas il est mort quand nous sommes arrivés à lui.

- Avez-vous trouvé quelque chose ? Des affaires, un coffre, des objets ?

- Oui. Les courants ont continué à charrier les vestiges de ce navire des jours durant. J'ai ramassé nombres d'objets … attendez-moi ici » dit alors le paysan en sortant sous la pluie, suivi par les regards interrogateurs des elfes.

Quelques minutes plus tard, il revint, trempé jusqu'aux os, avec dans les bras une caisse qui avait l'air très lourd. Les elfes l'aidèrent à manipuler le fardeau et ils le posèrent sur le sol. Eduin ouvrit le couvercle qu'il avait pris soin de sceller, et se reculant de quelques pas il fit en montrant l'objet d'un geste évasif du bras :

« Voilà tout ce que j'ai pu récupérer. Je vous mènerais d'ailleurs près du votre si vous me le demandez. Je l'ai enterré près du rivage. »

Haldir eut un sourire sincère face à l'honnêteté de cet étranger, puis avec ses compagnons, ils examinèrent le contenu. Des vêtements, des lettres ou des papiers portant de vilaines brûlures, des objets plus ou moins précieux, mais rien qui puisse éclairer le gardien de la Lórien. Ennuyé il se redressa, et demanda :

« Vous n'avez rien trouvé d'autre ? »

Eduin et Margareth se regardèrent, et la femme vint serrer la main de son mari au point de lui faire mal, lui faisant clairement comprendre qu'elle ne voulait pas parler de l'enfant qu'elle considérait à présent comme le sien. Eduin fut perdu face à la demande soudaine de sa femme, sachant qu'il n'agissait pas comme il le faudrait, si il gardait ce secret pour eux. Il n'eut pas besoin de mentir. Un éclair et un autre coup de tonnerre firent cette fois pleurer l'enfant, et ce n'est qu'à cet instant qu'Haldir fit attention au berceau. C'est alors qu'il vit un pan du linge qui recouvrait l'enfant, pendre négligemment à ses pieds, et il ne fallut qu'une fraction de seconde pour voir l'écriture elfique brodée en fil d'or dessus. Margareth vit le danger, elle alla vers le berceau, prit vivement l'enfant dans ses bras, et la berçant elle se précipita à dire :

« Elle n'aime pas l'orage, ça lui a toujours fait peur ».

Sa voix eut un léger chevrotement un instant, et Haldir ne fut pas dupe. Il s'approcha d'un pas sûr vers la femme qui le suppliait presque du regard. Il lança un regard curieux vers leur prétendu descendant, et quand il croisa le regard de l'enfant qui pleurait toujours, celui-ci fit silence de suite. Haldir sut que sa quête était terminée. Il fut troublé face au regard interrogateur que lui portait le bambin. La couleurs des ses iris avait quelque chose de surnaturel. Ses yeux ressemblaient à deux perles d'argent, ou de mercure, dans un écrin de cils noirs. Le bébé sourit à l'elfe tout en gazouillant, et Haldir ne put s'empêcher de tendre la main vers lui. L'enfant emprisonna son index entre ses minuscules doigts, et se mit à rire subitement en montant dans les aigus. Orophin était allé prendre la couverture traîtresse, et la soulevant il dévoila tout le message. De sa voix douce il se mit à lire calmement :

« Je suis Glithoniel et je vous salue. Puissiez-vous guider mes pas dans les futures ténèbres ... »

Le reste de la phrase avait été déchirée dans la tempête, mais cela n'avait pas d'importance. Tandis qu'Haldir fit un mouvement pour prendre l'enfant, Margareth eut un violent mouvement de recul. Elle entendit la voix tendue d'Eduin lui demander :

« Margareth ! Je t'en prie … il faut la leur rendre !

- Non ! Jamais ! C'est moi qui l'ai trouvé ! Moi qui l'ai bercé alors qu'elle pleurait seule, terrifiée ! »

Haldir s'arrêta dans son élan, comprenant la situation. Il ne voulait pas entrer en confrontation avec ceux qui avaient sauvé l'enfant, et redonné aussi honnêtement les biens qu'ils avaient trouvé. Il fit un signe d'apaisement envers les elfes qui l'accompagnaient, et avec un regard plein de douceur il déclara :

« Si elle ne peut partir seule c'est vous qui l'accompagnerez en ce cas .

- Qu .. Quoi ? Demanda Eduin interloqué.

- Vous avez parfaitement entendu. La Dame de la Lórien veut voir cet enfant, j'accepte de vous mener à elle si vous promettez de suivre à la lettre nos ordres. Dans le cas contraire, vous vous doutez que nous la reprendrons par la force, puisque telle est notre mission.

- Et notre maison .. nos terres ? »

Haldir ne put s'empêcher de sourire à nouveau, il jeta un regard presque dédaigneux sur la demeure grise, et annonça :

« Vous ne manquerez de rien durant le voyage, je vous en fais la promesse. Dame Galadriel jugera du reste. »

Eduin interrogea sa femme du regard, et les yeux plein de larmes muettes, elle hocha la tête. Une boule brûlante dans la gorge l'empêchant de parler.

« Ainsi soit-il alors. Nous partirons dès que la pluie s'arrêtera. »

Et elle ne fut pas longue à cesser, car les orages d'été ne durent jamais longtemps. Ils prirent la route de nuit, sous les regards toujours méfiant de deux paysans. C'est ainsi que pour eux, allait débuter une nouvelle vie.

...

De longues semaines de marche avaient jalonné leur route. Eduin et Margareth, quoi que plus que bien traités par leur escorte, étaient fatigués. Ils n'étaient plus du premier âge, et la chaleur de l'été, même sur le déclin, les épuisait beaucoup. Ils avaient quitté leur contrée, passé la trouée du Rohan et longé la forêt de Fangorn. Au loin, ils avaient même vu l'ombre de la tour de l'Isengard. Ils avaient vu tant de choses dont ils ignoraient la récente histoire. L'enfant était de nature plus paisible depuis qu'il voyageait avec les elfes. D'ailleurs ces derniers étaient aux petits soin pour elle. Haldir, depuis son contact avec elle, était totalement subjugué par la couleur de ses yeux. Ils ne les avaient jamais vu, mais il était certain que les feuilles du Telperion, l'arbre blanc du Valinor, devaient s'habiller des mêmes reflets. Pendant leur périple, il put attesté des soins que lui apportaient les mortels, et il se ferait un grand honneur de le communiquer à sa reine. Ce qui le troublait dans tout ceci, c'est que l'enfant, n'était pas de leur race, bien que la même lumière coula dans ses veines, elle n'était pas une elfe. Pourtant, les écritures l'étaient, le bateau qui la transportait aussi, que voulait donc dire tous ces mystères ? Il espéra que la Dame Blanche lui donnerait des réponses, aussi énigmatiques soient-elles. Après des semaines de marche, ils arrivèrent enfin en vue de l'immense forêt, et les elfes pressèrent le pas, trop heureux de retrouver leur demeure. Ils se félicitèrent de n'avoir rencontré aucun gobelin ou orque durant leur voyage, mais ils furent plus que soulagés de se retrouver enfin en des terres plus sûres. Haldir appela Orophin qui marchait en tête et lui ordonna :

« Vas plus avant, préviens la Dame de nôtre arrivée, bien que je la soupçonne de le savoir déjà. Explique-lui bien la situation s'il te plaît.

- Bien sûr. » acquiesça Orophin, qui ne put s'empêcher de faire un petit détour vers Gilthoniel pour lui subtiliser un radieux sourire.

La Lothlórien était un pays d'arbres majestueux, presque aussi anciens que le monde lui-même. Eduin et Margareth étaient émerveillés par leur tronc millénaire, noueux et si plein de force. Sans oublier leurs ramures impressionnantes qui cachaient le ciel. Si le soleil ne filtrait pas ça et là, ils auraient pu croire être en pleine nuit. Les animaux avait l'air moins farouches en ces lieux, et les chants … les voix magiques des elfes qui entonnaient des ballades mélancoliques et douces. Tout ici respirait la paix, le calme, un paradis perdu pour la race des Hommes. Margareth resserra son étreinte sur le petit corps de l'enfant qui était contre sa poitrine protectrice, car elle savait que même avec tout l'amour du monde, elle ne pourrait lutter face à tout ceci. Elle renifla un instant, et Eduin perçut son inquiétude, il vint la prendre par la taille, lui prodiguant un sourire réconfortant. Elle lui offrit un visage plein de bravoure, et il s'en contenta.

Ils s'enfonçaient de plus en plus dans la forêt, et les habitations elfiques se faisaient de plus en plus présentes. Ainsi, après des heures de marche, ils parvinrent à Caras Galadhon où les attendaient Orophin et ses souverains. Haldir fut le premier à les saluer en exécutant une révérence parfaite, suivit des hommes qui l'accompagnait. Puis se fut au tour d'Eduin et de Margareth de s'avancer fébrilement, tant il savait la chose rare. Combien de ceux de la race des Hommes avaient eu l'honneur de fouler tel endroit ?

Ils essayèrent de saluer tout aussi courtoisement, et malgré leurs gestes un peu gauches, Celeborn et Galadriel leur adressèrent un regard bienveillant. La Dame de Lórien vint jusqu'à eux, mais se fut Celeborn qui parla en premier.

« Noble gens de l'Ouest, votre escorte nous a fait part de votre honnêteté, et de votre dévouement pour cette enfant. Vous serez récompensé pour cela.

- Si vous voulez nous donner récompense, laissez-nous la garder ! » s'exclama alors Margareth dans un accès de tristesse, piétinant par la même tout le protocole pour s'adresser à eux.

Haldir eut l'air profondément choqué, et il lui jeta un regard noir. Eduin leva les yeux aux ciel et la sermonna :

« Margareth ! Il suffit à présent ! On ne s'adresse pas de la sorte à la Reine Elfique ! Un peu de tenue s'il te plaît ! »

La femme se tourna vers son mari, les yeux brûlants de larmes, confuse et frustrée par la réaction de son époux. Même si l'assemblée retenait son souffle, Galadriel quant à elle, s'approcha tout près, à à peine quelques centimètres de la mortelle qui lui faisait face. Devant sa beauté, sa lumière, devant cet enchantement qui était si naturel à la grande Dame, même elle s'avoua vaincue.

« Ne pleurez pas, rien de ce que nous ferons ne portera ombrage à cette enfant » dit-elle alors en se penchant sur le bébé qui la dévisageait de ses grands yeux argentés.

Ce dernier gazouilla à sa vue, et tendit ses petits bras vers elle, comme cherchant à l'étreindre désespérément.

« Gilthoniel ? Gilthoniel ? Murmura Galadriel avec un radieux sourire. Tu es si loin de chez toi mon enfant, et tu as tant traversé en si peu de temps. Mais ne t'en fais pas … les jours prochains te seront favorables … et malgré les ténèbres tu retrouveras ton chemin ... »

Elle prit dans une de ses mains graciles le bras droit de l'enfant, et avec la délicatesse d'une plume, vint déposer un baiser à l'intérieur de son poignet. Sur la peau pâle apparut une marque d'un rose presque carmin, représentant une feuille de la Lórien.

« Avec cette marque je te bénis, et tous sauront que tu marches sous la protection de Galadriel ... même au-delà des mers. »

Galadriel se redressa et faisant un signe à Celeborn elle recula d'un pas, laissant le champs libre à son époux. Il avait dans les mains une fiole en cristal d'une facture magnifique, qui semblait briller d'un feu propre. Galadriel prit la bouteille et la plaçant devant l'enfant, elle déclama en invoquant tout son pouvoir :

« Mais il est encore trop tôt. Gilthoniel, le moment venu tu partiras à sa recherche, tu récupéreras le don que je vais te prendre. Quand le ciel s'assombrira de nouveau, tu entendras son appel, et tu sauras ce que tu as à accomplir. »

L'enfant se mit à gesticuler tandis qu'une lumière quasi divine faisait briller tout son corps. La clarté s'éleva dans les airs comme un sylphe espiègle. Elle flotta tel un nuage de brume, puis s'introduisit dans la fiole d'un seul coup, comme aspirée. Galadriel referma de suite le contenant avec un bouchon lui aussi fait de cristal, et posa une main fraîche sur le front de l'enfant qui s'était mis à pleurer. Gilthoniel se tut immédiatement et s'endormit tout aussi subitement.

« Que .. que lui avez-vous fait ? » demanda Eduin inquiet. Les souverains elfiques reprirent leur place, et d'une voix rassurante Galadriel donna ceci comme explication :

« Rien qui lui sera néfaste. Elle va grandir comme les autres enfants, mais je vous avertis dès-à-présent, elle ne vieillira pas. Car de la race des Hommes elle n'en a que l'apparence. Soyez de bons parents.

- Vous … vous ne la gardez pas ? » Questionna Margareth la voix emplie de joie.

Celeborn sourit face au naturel désarmant de cette femme toute en effronterie, puis il expliqua :

« Nous ne pouvons plus rien pour elle, du moins, pour le moment. Nous vous laissons la garde de cette enfant. Cependant, nous viendrons quérir de ses nouvelles souvent, et Haldir sera le représentant de notre peuple pour cela. »

Haldir hocha la tête à cette annonce, heureux de pouvoir continuer à voir ce regard qui l'avait tant bouleversé. Il se fit le serment d'être le plus loyal possible face à cette tâche.

« Nous vous convions à habiter en Rhovanion. Proche de la Lothlórien, elle y sera un sûreté. Nous vous conduirons à un petit village plus au Nord. Ne craignez rien, nous pourvoirons à ses besoins et aux vôtres.

- Majestée, avec tout le respect que je vous dois, et l'immense honneur que vous nous faites. Je ne saurai élever un enfant si je ne peux moi-même subvenir à mes besoins ». la coupa alors gentiment Eduin.

Galadriel eut un sourire lumineux face à cette annonce, et hochant gracieusement la tête, faisant ainsi scintiller son diadème en mithril, elle continua d'une voix calme et posée :

« Ainsi il sera fait. Nous vous donnerons dès-lors que de quoi élever cette enfant convenablement.

- Majesté ? L'interrompit Margareth très humblement. Est-ce que cela sera assez pour elle ? Je veux dire, nous sommes des gens de la terre, elle ne connaîtra pas le faste de votre peuple …

- Elle aura bien assez pour devenir forte et vigoureuse. Et elle aura du temps pour apprendre. Nous veillerons à que tout se passe pour le mieux.

- Bien ... » murmura Margareth, qui n'était du coup plus du tout sûre de son choix.

Les souverains les saluèrent et Celeborn déclara :

« Vous prendrez la route dans quelques jours. Reposez-vous à présent, et laissez-nous vous offrir l'hospitalité des Elfes. »

Eduin et Margareth ne trouvèrent pas de mots pour les remercier encore, mais Galadriel savait quels étaient leur coeur, et c'est sereine qu'elle les laissa pour ne plus jamais les revoir.

Orophin convia le couple à les suivre, et il les mena à leur Talan. Haldir en profita pour rejoindre Galadriel et Celeborn, les interpellant courtoisement alors qu'ils marchaient devant. Il attendit qu'ils daignent lui faire face.

« Je sais vos interrogations Haldir, avança Galadriel avant qu'il ne parle. Je comprends votre trouble, mais pour le bien de tous, il faut que les événements se passent, et laisser le temps faire son œuvre.

- Pourquoi est-ce donc si important de ne pas savoir ses origines ?

- Pourquoi ne le serait-il pas ? Rétorqua Celeborn qui établit directement les limites à ne pas franchir.

- Seigneur, j'avoue ne pas comprendre.

- Vous comprendrez Haldir, car vous aussi, vous aurez vôtre rôle à jouer dans ce qui attend cette enfant.

- Un rôle … ?

- Oui … à présent, veillez sur elle, et allez. Quand vous deviendrez le seigneur de la Lothlórien, vous comprendrez que certaines choses ne doivent pas être dévoilées. Et d'autres si, en temps et en heure. Des mouvements ont été aperçus dans le Nord, prenez vos Galadhrims et tenez-moi au courant. » le seigneur Celeborn se retourna, et Galadriel le suivit en silence, non sans avoir gratifié Haldir d'un de ses sourires énigmatiques au passage.

« Seigneur de la Lothlórien, moi ? » pensa-t-il alors, non sans un élan d'orgueil.

Trois jour plus tard, ils partirent de la grande forêt pour rejoindre le lieu que les Elfes avaient choisi pour eux. Haldir poussa alors plus au Nord avec ses hommes en quête d'informations. Etrangement regorgé d'une nouvelle énergie face à ces révélations.

...

Les arbres murmuraient doucement la fin de l'été. Les oiseaux chantaient gaiement, et la fine brise caressait son visage avec délicatesse. Qu'il aimait cela, cette nature simple, qui vibrait si profondément avec son être. Il leva les yeux vers le soleil qui commençait à décliner à l'ouest et il sut que l'heure était venu. Il avait flâné des heures durant, laissant dériver son esprit avec les allées bordées d'arbres centenaires qui accueillaient sa venue. Il voulait sûrement, un peu consciemment, retarder l'heure fatidique. Néanmoins, quand Orophin se dévoila à ses yeux sur un des sentiers boisés, il sut qu'il ne pourrait plus faire marche arrière. Il le suivit docilement jusqu'aux seigneurs de la Lothlórien. La Dame avait mis près de deux ans à le convier, et il se demandait si elle n'avait pas oublié son invite à un moment donné. La venue d'Orophin aux portes de son royaume quelques jours auparavant lui avait prouvé le contraire. Celeborn et Galadriel discutaient avec Haldir, et apparemment le sujet de conversation devait être des plus intéressant, car jamais il n'avait vu le Galadhrim aussi enthousiaste. Quand ils arrivèrent Haldir se calma de suite, et se retrancha dans son aspect austère, ce qui fit sourire l'invité du jour. Les trois elfes firent face au nouveau venu, et Celeborn dit d'une voix chaleureuse :

« Thranduil ! Qu'il est plaisant de vous voir par chez nous !

- Il faut dire que je n'avais apparemment pas le choix. » Répondit celui-ci avec un regard appuyé sur Galadriel.

Celle-ci lui répondit par un froid sourire, et Thranduil reconnut bien là la force de la Dame de la Lórien. Celeborn continua d'une voix un peu plus ferme :

« La Dame s'en va dans quelques jours pour les Terres Immortelles, Thranduil, si nous pouvions laisser de côté ces petits jeux pour discuter plus sérieusement. »

Oui elle s'en allait, et comment Thranduil aurait pu expliquer ce que ce départ évoquait pour lui ? La gemme la plus pure, le soleil même de la Terre du Milieu allait disparaître à jamais de ces rives, et cela marquait la fin d'une époque. Une époque où la magie et les dieux, ainsi que ceux de sa race, avaient encore leur place ici. Thranduil hocha la tête en signe d'approbation, il ne voulait certes pas instauré une atmosphère glaciale alors que c'était les dernières heures où il pourrait encore contempler la beauté surnaturelle de la Grande Dame. Galadriel perçut ses pensées, et elle lui offrit un sourire plus doux, elle perçut également le trouble que tous ces changements animaient en lui.

« Ne soyez pas triste Thranduil. »

Le souverain se figea sous ses paroles, il savait qu'elle pouvait lire dans les esprits, mais il n'appréciait guère quand elle pénétrait dans le sien.

« Les jours à venir apporteront des changements, et même loin de là, je garderai un œil éveillé sur l'Ambar. Le temps qu'il sera nécessaire.

- Pourquoi m'avoir convié Galadriel ? Je serai venu vous faire mes adieux sans votre invitation. Fit Thranduil légèrement irrité par la situation.

- Je sais cela, mais je devais vous faire part d'autre chose. »

Thranduil arqua un de ses sourcils, totalement perplexe, attendant les révélations qu'elle avait à lui donner.

« Je sais votre cœur asséché par les pertes et les départs. Je sais que l'absence de Legolas vous mine peu à peu, et que vous vous demandez si vous ne devriez pas vous aussi partir pour les Terres Immortelles …. »

La mâchoire de Thranduil se crispa dangereusement, il ne supportait pas qu'on expose ainsi ce qu'il cachait si âprement. Néanmoins, sachant que Galadriel ne disait jamais les mots en vain, il la laissa continuer.

« Vous avez encore votre place ici Thranduil, car il vous faudra accomplir nombre de choses. »

Il aperçut qu'Haldir eut une réaction discrète face à cette déclaration, comme si il savait un élément qui lui était étranger. Et cette situation commençait sérieusement à lui faire perdre contenance.

« D'ici quelques années, vous allez faire la connaissance de quelqu'un qui va changer votre vie. Votre première rencontre sera d'ailleurs pour vous, un des événements les plus marquant de votre longue existence. Et même si la peur vous étreint un instant, ne rejetait pas le don que cette personne vous fera. Vous aurez une tâche à accomplir, tout comme Haldir aura la sienne.

- Qui rencontrerai-je ? Demanda Thranduil plus énervé par les faits qu'autre chose.

- Je ne peux vous le dire, et vous vous en doutez bien.

- Alors n'est-ce qu'une mascarade pour me faire perdre mes moyens Galadriel ? Vous pensez que je me contenterais de ceci ? Je dois assumé une tâche dont je ne sais rien, pendant que Vous, vous voguait tranquillement vers Valinor ?! M'incombant par la même un fardeau dont je ne veux, pour vous laissez la conscience tranquille ?! »

Son teint pale s'était légèrement empourpré sous la colère, et il lui fallut tout les efforts du monde pour ne pas quitter les lieux séance tenante. Celeborn allait dire quelque chose, mais Galadriel lui attrapa la main fermement, lui donnant un ordre silencieux.

« Je fais ce que je dois faire, et Vous, vous le devez également. Je ne renoncerai pas à mon voyage sous prétexte qu'un roi capricieux ne veut faire face à ses obligations !

- Quelles obligations Galadriel ?! Ce monde change ...et il ne veut plus de Nous ... » ses derniers mots brisèrent légèrement le ton de sa voix, et tous comprirent la réelle cause de son courroux.

Une tristesse certaine envahit le cœur des elfes présents, car oui, ils savaient ce qu'il en était, mais tout n'était pas fini, du moins pas encore. Le monde ne s'arrêterait pas avec leur départ, ni avec celui de la race des nain ou des hommes. Il continuerait, immuable. Et chacun devait faire ce qu'il devait, dans le temps qui lui était imparti. Thranduil tout autant que les autres. Galadriel s'avança vers le Seigneur de la Forêt Noire, et lui prenant la main elle chercha son regard. Leurs yeux clairs se rencontrèrent et il l'entendit dans son esprit.

« Délaissez le chagrin Seigneur de la Forêt. Je vous promets que des jours plus lumineux vous souriront, et que ce désert qui assèche votre cœur, trouvera une source pour le faire disparaître. Soyez attentif ...soyez courageux. Ne rejetez plus l'amour de ceux qui vous sont proches, et ne dédaignez plus le vôtre ... »

Thranduil repensa à son épouse, et des larmes silencieuses tapissèrent ses cils. Galadriel lui sourit.

« Il vient un temps pour tout .. Seigneur ... »

Puis elle rompit le contact, et revint vers son compagnon. Celeborn déclara alors :

« La Forêt Noire et la Lothlórien ne font plus qu'une à présent Seigneur Thranduil. Faisons de notre mieux pour que Notre région forestière Eryn Lasgalen comme elle se nomme à présent soit encore un lieu sûr et un havre de paix pour les créatures de ce monde qui chercheront asile. »

Thranduil ne put que hocher la tête en silence, Galadriel avait trop soulevé de choses en lui pour qu'il puisse décemment parler. D'une façon ou d'une autre, il le savait, les prophéties de la Dame de la Lórien, se réalisaient toujours.