CHAPITRE VINGT


Quelques semaines plus tard, Draco se matérialisa sur la pente menant à Azkaban, accompagné d'un Auror qui le mena jusqu'à la herse. Là, l'Auror signala leur présence d'un mouvement de baguette, et bientôt la herse fut relevée. L'Auror le guida jusqu'au bâtiment de garde, et abandonna Draco dans une petite pièce munie d'une table et de deux sièges en vis-à-vis.

Une fois seul, Draco maîtrisa sa crainte instinctive de tout ce qui faisait Azkaban : les murs noircis, l'air froid et humide, la lumière blafarde qui n'éclaire rien et rend tout un peu bleuâtre, un peu verdâtre. Il s'assit, posant les coudes sur la table, les mains jointes sous le menton.

Une porte s'ouvrit, qui attira son attention. Il reconnut vaguement l'homme massif qui apparut, fronça les sourcils puis se souvint.

- « Finnigan. »

- « Malfoy, » fit l'Irlandais avec une moue déplaisante. « C'est Auror Finnigan, pour toi. La prison te manquait ? »

- « … J'ai une autorisation de visite, » fit Draco, ignorant sciemment la pique peu subtile, et sortant d'une poche un parchemin soigneusement plié.

Seamus le prit et y jeta un premier coup d'œil distrait, avant d'écarquiller les yeux et d'y revenir plus en détail.

- « Fichtre, » siffla-t-il entre ses dents, « tout ce beau monde ? »

- « Que trois personnes, n'exagérons rien. »

- « Trois personnes, oui, mais pas n'importe lesquelles, hein ? Potter, Nott alias Midnight, et l'ex-Conseiller Gravestone, rien que ça. Et pourquoi tu veux les voir, hein ? Qu'est-ce que tu manigances ? »

Draco soupira, et se contenta de fixer le mastodonte blond. Celui-ci soutint le regard un moment puis renifla.

- « T'es pas joueur, hein. Bon, sache que de toute façon, tes entretiens seront observés. Alors, on commence par qui ? »

- « Gravestone, si possible ? »

Seamus le gratifia d'un regard froid, hésita un instant, puis ricana.

- « Bien, ta Seigneurerie. »

Draco ne manifesta aucune émotion, se sachant surveillé en ce moment même, mais jubilait intérieurement : Finnigan n'avait pas vu que le papier était falsifié.


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- « C'est un faux, » décréta Zabini en rendant l'autorisation à Seamus. Harry tenta d'intercepter le parchemin, mais Seamus s'en empara et le maintint hors de portée. Zabini poursuivit : « enfin, il est partiellement faux. »

- « Et donc, il est à moitié authentique ? » demanda Harry en fixant Seamus d'un œil noir.

- « L'autorisation est authentique, mais ne devait lui permettre que de rendre visite à Théodore. Ton nom et celui de Gravestone ont été rajoutés. Un travail d'orfèvre, dont Draco est tout à fait capable, et qui pourrait tromper à peu près tout le monde… Sauf moi, bien sûr, » termina Blaise avec immodestie.

- « En même temps, c'est ton job, » intervint Seamus, peu impressionné. « Alors, Harry, on fait quoi ? Tu lui fais encore confiance, malgré ça ? »

- « … Oui. Et on surveille. On peut l'entendre, d'ici ? »

- « Ouais. Bon, alors je vais chercher Gravestone ? »

- « S'il te plaît, Seam. »

Le blond sortit et Harry retira ses lunettes pour se frotter les yeux d'un geste las. Alors qu'il remettait ses lunettes sur son nez, Théodore vint s'asseoir sur ses genoux, sans façons, suscitant à peine un haussement de sourcils de la part de Zabini et Bones, habitués désormais à voir Théodore se coller à son maître pour un oui ou pour un non. La retransmission magique de la salle des visites attira leur attention, et ils virent entrer l'ex-Conseiller Gravestone, poussé par Seamus. L'Auror retira ses menottes au prisonnier et le fit asseoir avant de sortir.


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- « Gravestone. »

- « … Malfoy. »

L'ex-Conseiller n'avait pas encore perdu trop de poids, emprisonné depuis trop peu de temps, et la tunique de prisonnier ne faisait que souligner ses bourrelets, donnant l'impression qu'Azkaban n'avait aucun effet sur l'homme. Cependant, Draco avisa le visage émacié, le teint pâle, le menton mal rasé, et le regard effaré, y reconnaissant les signes de l'impact des Détraqueurs. Autant pour se donner contenance que pour des raisons pratiques, Draco sortit une liasse de parchemins et les installa lentement devant lui.

- « Que voulez-vous, Malfoy ? » demanda brusquement Gravestone.

- « … Je suis ici en qualité d'assistant de la Conseillère Granger, » soupira finalement Draco, levant les yeux sur son interlocuteur. « Elle est très concernée par le sort qui est fait aux esclaves, et a fait passer des dispositions légales autorisant la revente des esclaves entre particuliers, le Ministère n'ayant pas les fonds pour procéder à leur reprise. En tant que maître, vous avez le droit d'être informé de cette option… »

- « Et en quoi ça pourrait m'intéresser ? Hein ? Ça la gêne qu'ils soient emprisonnés comme moi, c'est ça ? Moi, elle s'en fout, mais les esclaves, les Mangemorts, les pauvres, faut les faire sortir, hein ? Elle peut aller se faire… »

- « Monsieur Gravestone, » l'interrompit Draco, « ça n'arrange personne d'avoir des Mangemorts hors d'Azkaban, je peux vous l'assurer, et je ne suis là que pour vous informer officiellement des dispositions prises qui peuvent vous concerner. C'est un des rares droits qui vous restent, » ajouta Draco avec un sourire bref et froid. Il continua : « Dispositions qui pourraient vous être utiles, d'ailleurs. Votre situation financière n'était guère brillante peu avant votre emprisonnement, si je ne m'abuse, et je crains qu'elle ne se soit pas améliorée depuis. Pensez à votre femme et à votre fille. »

Le visage de Cyrus Gravestone se décomposa, tandis que Draco faisait mine de ranger ses papiers.

- « Que… Que dois-je faire, si jamais je voulais les vendre ? »

- « Tout passe par Gringotts. Je peux vous laisser ces documents, si vous le souhaitez, une fois remplis, vous pourrez demander aux gardiens de les transmettre à la banque. Les Gobelins se chargeront des tractations. »

Draco enroula les parchemins d'un fil rouge et les tendit à Gravestone.

- « Je peux les remplir maintenant ? Comme ça vous pourrez les transmettre vous-même à la banque ? »

Draco, déjà debout, haussa les sourcils, et soupira d'un air ennuyé.

- « … Ce n'est pas un plaisir, pour moi, d'être ici, monsieur Gravestone, je suppose que vous comprenez pourquoi… »

- « Ça ne durera pas longtemps, je vous assure ! Les gardiens, ici, je ne leur fais pas confiance… »

L'ex-Conseiller défit les rouleaux de parchemins, et lança un regard d'invite à Draco, qui soupira à nouveau et produisit une plume et de l'encre avant de se rasseoir et de croiser les bras, la mine revêche.


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- « J'avais oublié à quel point Draco était un bon menteur ! » s'exclama Zabini, avec un rire incrédule.

- « Et un bon acteur, la vache ! Si tu nous avais pas dit que l'autorisation de visite pour Gravestone était un faux, j'aurais cru sans problème à son baratin ! » ajouta Seamus, impressionné malgré lui.

- « Mais… Je ne comprends pas bien la finalité de tout ça, » avoua Susan Bones, se tournant vers Harry.

Elle étouffa un rire, rougissante. Harry, lui aussi, semblait un peu perdu – il faut dire que Théodore lui léchait le cou juste sous l'oreille et ça le distrayait horriblement. Susan les observa avec un plaisir à peine dissimulé.

- « Je… Je l'ignore totalement, » réussit à articuler Harry après avoir repoussé légèrement Théodore.

Celui-ci se lécha les lèvres et le fixa d'un air courroucé avant de revenir à la charge quelques secondes plus tard. Dans le cadre de retransmission magique, Gravestone terminait de remplir les papiers, les enroulait et les tendait à Draco. Seamus sortit et on le vit bientôt, dans le cadre, ouvrir la porte et faire sortir Gravestone.

- « Et tu veux voir qui, maintenant, Malfoy ? »

- « Potter ? »

Dans la salle des surveillants, Harry sourit et se leva, délogeant Théodore et l'invitant à s'asseoir sur son siège. Théodore eut une moue dépitée, et s'assit en tailleur sur la chaise. Dans le couloir menant à la pièce où l'attendait Draco, Harry attendit le retour de Seamus. Lorsque l'Auror blond arriva, il lui fit une grimace contrite.

- « Je te remets les menottes, Harry ? »

- « Ben oui… »

- « Tu es sûr que ça va aller ? Si tu veux, on peut arrêter la surveillance… »

- « Non. C'est le prix de la confiance. Vous ne serez jamais à l'aise avec lui si on n'en passe pas par là. »

Seamus lui passa les menottes, ils patientèrent encore un instant, pour donner à Draco l'impression qu'aller chercher le prisonnier Harry Potter prenait du temps, puis Seamus dirigea Harry vers la porte.


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Dès leur entrée, Draco sut que quelque chose clochait. Finnigan et Potter se connaissaient depuis longtemps, depuis Poudlard, ils avaient toujours été dans le même camp, avaient tous deux été Aurors, avaient combattu les mêmes ennemis et participé aux mêmes batailles. Finnigan devrait faire preuve d'un minimum de gêne ou d'embarras, d'avoir Harry comme prisonnier. Or il semblait parfaitement à l'aise.

Le deuxième détail choquant, c'était qu'Harry portait toujours sa tenue d'Auror. Et le troisième détail, c'est qu'il n'arborait aucun des signes révélateurs de l'action des Détraqueurs. Bien rasé, bien coiffé… enfin, disons, pas plus ébouriffé que d'habitude, le regard était clair et direct, et même, d'une manière générale, il n'y avait pas trace de cette désespérance commune à tous les prisonniers d'Azkaban.

Une fois à l'intérieur de la pièce, Harry se tourna vers Seamus pour que celui-ci lui retire les menottes. Puis, tandis que l'Auror sortait, Harry s'assit devant lui, de l'autre côté de la petite table. Draco le fixa un long moment.

- « Eh bien ? »

- « Nous sommes surveillés, Potter. »

- « Je sais. Mais j'aimerais que tu parles, malgré tout. »

Draco passa une main devant ses yeux, puis plaça sa main devant sa bouche, masquant un sourire.

- « Ne me dis pas, » murmura-t-il entre ses doigts, l'air joyeux, « que tu t'es mis les gardiens d'Azkaban dans la poche… »

Harry se redressa sur son siège, mal à l'aise.

- « … J'ai… j'ai jamais dis ça… »

Draco ricana derrière sa main, puis redevint sérieux.

- « Cartes sur table ? »

- « … Oui. S'il te plaît. »

- « Très bien. Hermione Granger pense que je suis libre, sous prétexte que tu es en prison et moi non. Nous savons tous les deux que je t'appartiens toujours… Tu le sais, n'est-ce pas ? »

- « … C'est parfois facile de l'oublier. »

Draco eut un petit sourire triste.

- « Moi, je ne l'oublie pas. » Il soupira profondément avant de reprendre. « Maintenant que Midnight est à Azkaban, les anciens propriétaires d'esclaves ont voulu les rendre au Ministère. Le Ministre Townsberry a refusé d'allouer des fonds pour leur reprise. Folley a voulu rétablir le droit de vie et de mort, mais Hermione l'a feinté en proposant d'autoriser la revente entre particuliers, sur mon conseil. Une fois que l'anonymat des acquéreurs a été réinstauré, les esclaves ont quasiment tous été remis en vente, sauf Rocade, qui est toujours entre les mains d'Innsbruck. Et, oh, surprise, sais-tu qui les a rachetés, tous ces Mangemorts ? »

Harry eut une moue ignorante, haussant les sourcils.

- « Eh bien, c'est toi. »

- « Moi ?! Mais, mais, mais… Euh, comment ? »

- « Parce que je suis toujours ton esclave, j'ai toujours la main sur tes comptes, j'ai continué les investissements à ton bénéfice, j'ai accumulé en ton nom un sacré pécule, et comme tu es toujours un des actionnaires principaux de Gringotts, les Gobelins me préviennent en priorité dès qu'ils ont une remise en vente d'esclaves… Pratique, n'est-ce pas ? »

- « Eeeeh… »

- « Oui, oui, Harry. Tu es le chef d'une armée de Mangemorts. Et avec les papiers que vient de signer Gravestone, d'ici la fin de la semaine, ton armée sera complète. La question, c'est : qu'est-ce que tu souhaites en faire ? »

Harry resta bouche bée plusieurs secondes, avant d'éclater de rire, les larmes jaillissant de ses yeux. Il retira ses lunettes, et s'essuya vaguement sur sa manche, puis se calma.

- « Bon. Tu comptais faire quoi, avec ces Mangemorts ? »

- « Moi ? J'avais dans l'idée de les faire attaquer Azkaban pour vous libérer, toi et Théo… »

- « Ce ne sera pas nécessaire. »

- « … Tu as vraiment réussi à te mettre les gardiens dans la poche… »

- « Je n'ai pas eu grand-chose à faire, honnêtement… Juste détruire un Détraqueur. »

- « … Pardon ? »

- « Mmh ? Juste détruire un Détra… Il y a un problème, Draco ? » demanda Harry suavement, en voyant Draco hausser les sourcils et blanchir. Ce dernier se racla la gorge, et fit un geste signifiant qu'il préférait ne pas avoir de réponse. Harry cacha son sourire derrière une main, puis reprit, plus sérieusement. « Dis-moi, ils sont dans quel état, les ex-Mangemorts ? »

- « Secoués. Ils ont dû faire face à la perspective de retourner à Azkaban, et certains sont prêts à tout pour ne pas y remettre les pieds. D'autres sont déprimés. La seule femme du lot, Alecto Carrow, est dans un état plus que lamentable. »

- « Physiquement ? »

- « Psychologiquement. Elle s'est réveillée, semble-t-il, et s'est rappelé qu'elle est une femme, avec une horloge biologique. Elle n'est pas mariée, n'a pas d'enfants, et il est un peu tard pour en faire. Elle va sur ses cinquante ans, dont dix passés en prison. Ce n'est pas la vie qu'elle envisageait. Bon, en tant que sorcière, elle a encore un peu de temps devant elle, quitte à fortifier sa fertilité par des potions, mais sa situation d'esclave est trop précaire pour l'envisager. Et ça la bloque littéralement. Parfois elle s'arrête de parler et de bouger, incapable de relever la tête, de regarder le monde, de reconnaître qu'elle a les mains vides et qu'elle est passée à côté de tout. C'est assez navrant de la voir comme ça, et pourtant, Merlin sait que je la trouve antipathique au possible. »

Harry resta bouche bée, clignant des yeux.

- « … D'accord. C'est… C'est assez horrible, en fait, de t'entendre parler d'elle comme d'un être humain, tu sais ? »

- « Horrible ? »

- « Oui. Parce que ça me démontre que j'avais oublié qu'elle en était un. Je… Je ne devrais pas oublier ce genre de choses. Bon, mais dis-moi, les autres ne sont pas dans le même état, rassure-moi ? »

- « Oui, et non. Leur sortie d'Azkaban leur a, à tous, fait beaucoup de bien, mais la perspective d'y retourner les a anéantis. Etre balloté entre espoir et désespoir, c'est usant. L'incertitude et l'attente, c'est usant. Tous ont envie de vivre normalement, et pendant près d'un an, ils ont eu l'impression qu'ils en avaient le droit. Mais ces reventes les ont convaincus qu'à moins d'en découdre – et d'en finir – avec le Ministère, il n'y avait pas d'échappatoire à Azkaban. Tous sont prêts à te suivre. Si tu souhaites te battre, ils t'aideront, certains avec plus d'entrain que d'autres, mais tu pourras compter sur eux tous. »

- « Bon… D'accord… Mais, est-ce qu'ils savent qui est leur propriétaire, en fait ? Ils savent que c'est moi ? »

- « Oh, oui, ils auraient du mal à ne pas le savoir, puisque j'ai installé la plupart d'entre eux à Godric Hollow, avec instruction de restaurer la bâtisse… »

Harry étouffa un ricanement, les yeux brillant d'une joie un peu mesquine à cet étrange retour des choses.

- « … Et d'autres résident à la maison Evans. Pour l'instant, aucun ne vit dans la Demeure Black, pour la simple et bonne raison que je l'occupe avec Granger, et que Granger n'est pas au courant de tes récentes emplettes… »

Harry se renfrogna.

- « Aaah, Hermione… » souffla-t-il, se passant une main dans les cheveux. « Ça m'ennuie, ça m'ennuie, ça m'ennuie… » Il ferma les yeux, se pencha sur le dossier de la chaise inconfortable, et croisa les bras sur son torse. « Elle me dirait certainement que je fais une erreur monumentale… »

- « Oh, oui. »

- « … Et qu'il faut toujours respecter la Justice, quand bien même celle-ci serait corrompue… »

- « Elle le tournerait d'une autre manière, mais oui. »

- « … Quitte à perdre des mois, des années et une énergie monumentale à lutter incessamment contre cette corruption. »

- « Exactement. »

- « … Que penses-tu d'Hermione, exactement, Draco ? »

Draco ouvrit la bouche, puis la referma pour réfléchir. Il reprit pensivement, cherchant ses mots.

- « … C'est une femme de conviction. Elle a raison selon un certain point de vue, et complètement tort sous un autre angle… D'habitude, il est facile de classer les gens en amis ou ennemis, mais pour elle, c'est… compliqué. Je ne peux ni l'admirer totalement, ni la mépriser totalement. »

- « Si… Si nous entrions en rébellion ouverte contre le Ministère, serait-elle une ennemie à abattre, ou un possible allié ? »

- « Si les rebelles sont tous des Mangemorts, ce sera certes une ennemie à abattre. »

- « Et si c'est moi ? Moi et des Mangemorts ? Moi, des Mangemorts et des Aurors ? » Harry observa Draco déglutir, et ajouta, juste pour voir sa tête : « Et avec des Détraqueurs ? »

- « … Peut-être vaudrait-il mieux que je la neutralise, avant que tu lances une quelconque offensive ? »

- « Oui, je crois qu'il le faut. Je ne veux pas qu'elle soit mon ennemie, je ne veux pas l'avoir pour adversaire. Elle… te fait confiance, n'est-ce pas ? »

- « Oui, et plus, et tu le sais. Je vais m'en occuper. Je lui administrerai une potion de Profond Sommeil, et elle dormira jusqu'à ce que les choses se calment. Mise devant le fait accompli, elle s'adaptera, comme elle le fait depuis qu'elle a le statut de Conseillère. »

- « Très bien. Alors fais le nécessaire pour écarter Hermione. Fournis des baguettes aux Mangemorts qui n'en ont pas, et achètes une cinquantaine de balais. Je voudrais aussi que tu parles avec Alecto Carrow, voir si elle a un père potentiel en tête, et si c'est le cas, que le nécessaire soit fait pour qu'elle ait un enfant. Qu'elle s'en occupe plutôt que d'assister aux combats, j'ai besoin de gens concentrés et déterminés. Ensuite, tu m'enverras ta chouette, Athéna, je te transmettrai mes futures instructions par son biais. »

Harry se leva et se dirigea vers la porte basse, mais Draco l'interpela d'un ton circonspect.

- « Et Théodore ? » Harry se retourna, et Draco détourna le regard. « Est-ce que… Est-ce qu'il va bien ? » demanda-t-il, incertain.

Harry s'approcha de Draco, et prit son visage entre ses mains, lui adressant un sourire doux.

- « Oui. Il va bien. Tu vas le voir par toi-même d'ailleurs. »

A peine prononça-t-il ces mots que la porte s'ouvrit, et Théodore entra dans la pièce en sautillant légèrement.

- « Draco ! » fit-il en s'élançant vers lui.

Il pila net devant les deux sorciers, écarta les mains d'Harry gentiment, le poussa lentement, puis se propulsa sur le blond, comme s'il n'avait nullement été coupé dans son élan. Draco sourit tandis que Théodore nouait ses jambes autour de sa taille. Draco enfouit son visage dans son cou, et murmura à son oreille, soulagé et un peu jaloux.

- « Tu as l'air d'aller bien, en effet… »

- « Non. Je ne vais pas bien du tout. Je veux des câlins. Je veux faire l'amour. Je suis en manque. »

- « Comment, comment ? » rigola Draco, « Harry ne te satisfait pas ? »

- « Pff. Il fait tout le temps des réunions, il parle avec tous ses copains Aurors, il met au pas les Détraqueurs, et après il est trop fatigué pour s'occuper de moi, » répondit Théodore, morose, tout en défaisant les lacets retenant la cape de Draco.

La cape tomba à terre, et Théodore s'attaqua à la robe gris moiré de Draco, dénouant par-ici, déboutonnant par-là, tout en déposant des bisous furtifs sur tous les bouts de peau qu'il dévoilait. Harry, avec un sourire ravi, s'adossa à la petite table.

- « Mmh, » fit Draco en rougissant, « écoute, Théo, je… Je crois que nous sommes surveillés… »

- « Et alors ? »

- « Co… Comment ça, et alors ? »

- « S'ils ont envie de regarder, qu'ils regardent. Si ça les dérange, qu'ils ne regardent pas. »

- « Ce n'est pas ce qu'ils font ou ne font pas qui me gêne, Théo, c'est ce que moi je fais ! Ce que, nous, nous faisons ! Enfin ! »

- « Nous, on fait l'amour et on a le droit. »

Draco leva les yeux au ciel, puis les ramena sur Harry lorsque celui-ci ricana. D'un geste, le brun transfigura la petite table en un vaste lit. Puis il sembla se concentrer, prit son inspiration, et ouvrit les mains en un geste d'offrande. Une noirceur absolue s'en dégagea alors, une fumée sombre et mate, qui se répandit dans la pièce, masquant les lumières et la vue, et bientôt l'on n'y vit plus rien.

- « Hum, » fit Draco. « On ne voit rien, là. »

- « Où est le lit ? » demanda Théo.

- « Avance, Draco. »

Draco se raidit un instant – non pas parce qu'il était offusqué, mais parce qu'Harry avait employé un ton… horriblement sexy. Il sentit Théo sourire contre sa joue, et l'entendit lui murmurer :

- « Oh ho. Je crois qu'Harry est sur le mode émoustillé. Il faut que nous donnions satisfaction à notre maître… »

Draco sourit et s'avança.


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- « Zut ! On ne voit rien ! » s'exclama Susan Bones, le rouge aux joues.

- « Par contre, on entend tout, » fit Zabini avec un sourire éclatant. « Mince, si j'osais, j'irai les rejoindre juste pour voir leurs têtes après. »

Un grommellement les fit se retourner vers Seamus, qui tournait obstinément le dos à la zone de surveillance totalement noire, les bras croisés, et qui murmurait de temps en temps.

- « Je suis sûr qu'ils font semblant… Ils peuvent pas réellement faire ça… Pas Harry, enfin… »

Susan et Blaise s'entre-regardèrent, haussant les sourcils, amusés. De la zone noire leur parvenaient les paroles d'Harry, et les gémissements de Draco et Théodore.

- « Bien… » disait Harry d'une voix qu'ils ne lui avaient jamais entendue, « et maintenant, Draco, à genoux. »

Susan et Blaise éclatèrent de rire, tandis que Seamus ouvrait brusquement la porte et s'enfuyait littéralement.


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Deux semaines passèrent, ponctuées d'allers-retours de la chouette Athéna. Draco mit ce délai à profit pour doter les nouveaux esclaves d'Harry de baguettes – détail que leurs précédents propriétaires avaient jugé inutile. Il se procura également des balais qu'il fit livrer à Godric Hollow, puis prépara une potion de Profond Sommeil pour Hermione.

Enfin, il s'entretint avec Alecto Carrow, et lui fit part des instructions d'Harry. Ce fut une étrange satisfaction de voir cette femme rester bouche bée, totalement déstabilisée. Une myriade de sentiments s'affichait sur son visage austère, habituellement morne, elle était clairement partagée entre l'incrédulité, l'espoir, la colère et l'indignation. Colère parce qu'on l'éloignait de la bataille à venir, espoir parce qu'elle avait enfin l'opportunité d'avoir un enfant, indignation et incrédulité parce qu'elle devait cette bonne fortune à Harry Potter

Mais finalement, elle baissa les yeux, et déclara à Draco que, si elle devait porter un enfant, elle aimerait bien que ce soit celui d'Augustus Rookwood. Draco se sentit un peu stupide de jouer les entremetteurs, mais bon, c'était un ordre d'Harry, alors il alla voir Rookwood, lui expliqua la situation et, comme il s'y attendait un peu, l'homme accepta d'honorer la demoiselle Carrow. A l'aide de potions, celle-ci tomba rapidement enceinte.

Draco et Harry ne le surent jamais, mais plus que de les racheter à leurs précédents propriétaires, plus que de leur éviter un retour à Azkaban, plus que de leur offrir des baguettes, c'est cette décision de traiter l'une des leurs humainement qui assura à Harry la fidélité absolue des autres Mangemorts. Ils étaient auparavant prêts à le suivre par intérêt personnel, ou parce que c'était leur devoir en tant qu'esclaves, maintenant, ils allaient le suivre parce qu'ils le voulaient.

Puis un soir, Athéna se posa sur le rebord de la fenêtre du bureau de la Maison Black. Draco ouvrit les battants, la chouette sautilla jusqu'à son avant-bras, et lui tendit sa serre. Draco décrocha le petit morceau de parchemin avant d'aller déposer Athéna sur son perchoir. Il lui donna une friandise, comme d'habitude, puis alla s'assoir pour dérouler le papier.

Nous lançons l'attaque demain matin. Rassemblement à Godric Hollow à l'aube, disait l'encre noire sur le fond jauni. Draco fixa longtemps les quelques mots, c'est Kreattur qui le sortit de sa contemplation.

- « Le dîner est servi, monsieur. »

Draco ne répondit rien, et après que l'elfe eut disparu dans un crépitement retentissant, il écrivit un mot rapide, l'attacha à l'une des serres d'Athéna et envoya la pauvre chouette rejoindre ses destinations : d'abord la maison Evans, puis Godric Hollow. Ensuite, il tira de l'un des tiroirs la potion de Profond Sommeil qu'il avait préparée. Comme un automate, il se dirigea vers la salle à manger, avisa la place vide d'Hermione – elle n'était pas encore revenue du Ministère – aussi se dirigea-t-il vers la cuisine. Là, il s'approcha des assiettes déjà préparées, que Kreattur servirait dès qu'ils seraient tous deux assis à table, et versa sa potion dans l'une d'elle. L'elfe de maison s'agita, mal à l'aise, Draco se tourna vers lui.

- « Tu serviras cette assiette à Hermione Granger. »

- « … Euh… »

- « Ce n'est qu'une potion pour la faire dormir. Harry est au courant, l'ordre vient de lui. »

Draco resta immobile, le temps que l'elfe se décide à lui faire confiance et à lui obéir – et il n'y était pas obligé, car après tout, qu'il le veuille ou non, Harry était son maître, et Hermione Granger, toute née-Moldue qu'elle soit, était une amie et une invitée de son maître…

- « … Bien, monsieur. »

Avec soulagement, Draco se détourna et se rendit à la salle à manger. Quelques minutes plus tard, il entendit Hermione arriver par la cheminée du salon. Elle se dirigea vers lui, et, comme tous les soirs, déposa un baiser léger sur sa tempe. Elle se débarrassa de sa cape et de son porte-documents, puis s'installa rapidement à la table. Le repas se déroula comme d'habitude, entre conversations légères ou politiques et dégustation des bons plats de Kreattur, puis les deux sorciers quittèrent la salle à manger et montèrent dans la chambre d'Hermione.

Ils dormaient là, tous les deux, depuis l'emprisonnement d'Harry et Théodore. Ils avaient agrandi le lit, réaménagé la pièce, et Hermione semblait persuadée que cela suffisait à prouver que Draco lui était acquis. Cette nuit-là, il lui fit l'amour tendrement et c'est rassasiée et ravie qu'elle s'endormit.

Le soleil n'était pas encore levé, le réveil sonna. Draco se redressa, éteignit le réveil, et se tourna vers Hermione. Il écarta quelques mèches ondulées, les ramenant derrière l'oreille, caressa le dragon qui ornait la joue droite, puis soupira. Il posa sa paume à plat sur le dragon brun, se concentra, et une douce chaleur en émana, qui fit refluer la mélanine, jusqu'à ce qu'il ne reste rien. Puis il se leva et s'habilla.

Hermione ne se réveilla pas.


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Draco apparut dans le foyer de Godric Hollow. Les Mangemorts étaient déjà tous là, assis ou debout, mais tous à la fois anxieux et excités à la perspective de la bataille. Draco rejoignit leurs rangs, s'adossant à un mur – et appréciant au passage la qualité de la restauration de la bâtisse : il n'y avait plus trace des destructions causées par Voldemort trente ans plus tôt. Quelques minutes plus tard, des flammes vertes s'élevèrent dans l'âtre, et un sorcier en sortit, baguette sortie.

- « Un Auror ! Trahison ! » fit Dolohov, pointant sa baguette vers l'arrivant.

Draco et Yaxley le désarmèrent de quelques sortilèges, et l'Auror se redressa, massif, sa baguette toujours pointée sur eux. Seamus Finnigan eut une grimace déplaisante, mais rangea finalement sa baguette dans son étui de poignet et s'avança.

- « Ça ne m'amuse pas plus que vous de devoir coopérer, » fit Seamus de sa voix traînante. « Mais il faut que les choses changent dans cette Communauté. On a essayé la manière douce, et on a découvert avec déplaisir que ça ne marche pas. Maintenant il faut passer à la méthode forte. Nous avons tous à y gagner, je pense. Alors ? Vous faites quoi ? »

Yaxley s'avança.

- « Nous sommes les esclaves de Potter, donc nous lui obéirons. Mais pour votre gouverne, sachez que nous sommes ravis de cette situation. »

Seamus eut un rictus qui fit presque reculer Yaxley.

- « Mais moi aussi, figurez-vous. C'est drôle, non ? »

Seamus redevint sérieux, se tourna vers la cheminée et y lança un sortilège pour avertir ses collègues que la place était sûre – et qu'ils ne se feraient pas tous cueillir à coups de baguettes. Quelques secondes plus tard, l'âtre flamboya de cette aura verte, puis, l'un après l'autre, sans que les flammes se tarissent, des Aurors sortirent de la cheminée et vinrent s'aligner contre un mur – tandis que les Mangemorts se rassemblaient de l'autre côté.

La procession prit fin, mais quelques secondes plus tard, les flammes crépitèrent à nouveau et Théodore, vêtu de la tenue de Midnight, bondit hors du foyer et alla, d'un pas allègre, se jeter dans les bras de Draco. Le flamboiement mourut quelque peu, et les bûches brasillèrent doucement dans un silence tendu.

Mangemorts et Aurors s'observaient, en chiens de faïence, immobiles. Tous attendaient une seule et unique personne : leur chef, leur maître, Harry Potter. Tous se demandaient pourquoi il n'arrivait pas. Tous patientaient, attendant son bon vouloir.

Alors les flammes se teintèrent de vert, crépitèrent et s'élevèrent haut dans l'âtre, et Harry Potter en sortit. Il portait sa tenue pourpre d'Auror, ses lunettes scintillaient d'éclairs blancs. Il s'avança à grands pas assurés jusqu'au milieu de la pièce, seul entre la rangée noire des Mangemorts et la rangée rouge des Aurors. Il se tourna vers les uns, puis vers les autres, puis son visage se leva vers le plafond à caissons, remis en état, les murs tapissés et nettoyés, le parquet restauré et vernis.

- « Ça fait une éternité que je n'étais pas venu ici… » souffla-t-il avec un léger sourire, tandis que son regard vert parcourait la pièce et tout ce qu'il pouvait voir au-delà des portes massives.

Puis le regard doux disparut à nouveau derrière les verres réfléchissants, et il arpenta la pièce, longeant les rangées de ses « troupes ». Il passa devant les Mangemorts, et s'arrêta devant Alecto Carrow.

- « Votre place est-elle ici ? » lui demanda-t-il.

- « Je souhaite participer à la bataille… Maître, » ajouta-t-elle avec réticence.

- « Malgré… »

- « Oui. »

- « A votre guise. » Harry se tourna alors vers l'ensemble des gens. « Pour la bataille qui vient, je vais vous donner deux règles, auxquelles je tiens tout particulièrement. Règle numéro 1 : je veux le moins de victimes possibles. Règle numéro 2 : les Aurors qui se dresseront devant nous, je vous interdis de les tuer, ou de les blesser au point d'une mutilation. »

Il ignora ostensiblement le léger air de mépris que les Mangemorts arboraient, et se tourna vers les Aurors.

- « Pour nous aider à respecter ces règles, les Détraqueurs passeront devant nous. Ils ont ordre de ne pas vous affecter, et de balayer toute résistance. Ils sont en route pour le Ministère, et nous attaquerons en leur compagnie, mais votre rôle, à vous Gardiens d'Azkaban, sera de vous assurer qu'ils n'outrepassent pas les limites, et qu'ils n'absorbent les âmes de personne. » Il se tourna ensuite vivement vers les Mangemorts. « Quant à vous, Mangemorts… Il y a un certain nombre de personnes que je veux voir mourir durant cette attaque. »

Il se tourna, sortit sa baguette, et fit apparaître dans les airs plusieurs portraits.

- « Le Secrétaire Richard Folley, et les Directeurs Jasper Connor, Anthony Brackenreed et Dorian Kensington… »

- « Kensington ? » l'interrompit Seamus. « Le Chef des Aurors ? »

- « Oui, Seam. Kensington, le Chef des Aurors. Parce que, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, c'est lui qui signe les ordres de mutation, et qui attribue les tâches à chaque Auror. Crois-tu qu'il ignorait les pressions que vous avez tous subi ? Et les Aurors Analystes, qui ont travaillé sur l'enquête sur Ron, eux n'ont jamais demandé de mutation, que je sache, et pourtant ils se retrouvent parmi vous… Tu crois vraiment qu'il était hors des combines ? » Harry se retourna vers les Mangemorts. « Je veux leurs têtes. Trouvez-les, et exécutez-les. Quant à moi, avec Midnight, je vais m'occuper de notre cher Ministre Michael Townsberry… »

- « Tu vas exécuter le Ministre ? » demanda Draco, interloqué.

Harry fixa le plafond, réfléchit un instant, puis répondit.

- « Oui. Parce qu'il est le Ministre de cette Communauté, il est le plus grand bénéficiaire de la mort de Kingsley Shackelbolt. De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités, dit-on… Mais de grandes responsabilités impliquent aussi une plus grande culpabilité. Il serait anormal et injuste qu'il soit épargné alors qu'il a délibérément fermé les yeux sur tous les dysfonctionnements et sur toutes les compromissions de ses subalternes. »

Draco leva les mains en signe de reddition, puis demanda.

- « Et ensuite ? »

- « Mmh ? Quoi, et ensuite ? »

- « Et ensuite ? Une fois le Ministre éliminé, tu feras quoi ? Tu prendras sa place ? »

- « Oui. Le temps de remettre de l'ordre dans les lois et les sales habitudes qui régissent la Communauté Sorcière. Et ensuite, on organisera des élections, qu'Hermione remportera probablement – ne serait-ce que parce que ce sera peut-être la seule à oser se présenter contre moi… »

Harry partit d'un grand éclat de rire, tandis que Mangemorts et Aurors s'entre-regardaient avec une surprise mâtinée d'inquiétude. Harry se reprit, puis avec un air joyeux, annonça à la cantonnade.

- « Mesdames et Messieurs, il est temps d'y aller. »

Et c'est ainsi que le nouveau Seigneur des Ténèbres Harry Potter lança la bataille.

FIN


Note de l'Auteur : merci à tous de m'avoir lue, j'espère que cette petite histoire vous a plu ! (et oui, elle se termine bien ici, et je sais que je suis horriblement cruelle... Hé hé hé...)