Au départ : Cela devait ressembler au film « Atonement » ou « Reviens-moi », en français, un film de Joe Wright avec Keira Knightley et James MacAvoy, adapté d'un roman d'Ian McEwan : deux amants, séparés à cause d'un quiproquo qui envoie l'un à la guerre et pousse l'autre à renier sa famille. Finalement, et malgré tous leurs souhaits, l'événement qui semblait à première vue anodin finira par définitivement les séparer. C'était prometteur. Ce morceau en gardera les grandes lignes, mais j'ai souhaitée adapter à ma sauce. Au final, une histoire très sombre.

Le speech : Après sa défaite face aux Avengers, Loki est exilé, sans pouvoirs, sur Terre. Sous la volonté de Thor, il est accueilli à la Tour Stark, là où résident désormais l'ensemble des Avengers. D'abord aigri, il finit peu à peu par se faire à ce nouveau monde, et se lie à Anthony Stark, qui le fait lentement sortir des ténèbres. Bien que désormais allié, il reste une menace potentielle pour le SHIELD et la plupart de ceux qu'il côtoie. Ainsi, lorsqu'il soupçonne un nouveau venu de l'équipe des Vengeurs de vouloir semer le trouble dans la ville, peu sont enclins à le croire. Et, lorsque le drame survient, rien ne pourra empêcher les accusations de transformer ce nouvel Eden en véritable Enfer.

Ce qu'il faut savoir : C'est un Loki/Tony, pas encore établi, en cet instant de l'histoire. Ce chapitre fait mention de bien moins de choses que les précédents, mais il évoque tout de même des symptômes d'un syndrome post-traumatique.

Que dire de plus ? Je n'ai pas posté de suite depuis un moment déjà, et je m'en excuse, mais entre les examens, la reprise des cours et de travail, j'ai eu pas mal de pain sur la planche, très peu de temps, et également très peu d'inspiration. J'avais du mal à voir comment tourner les événements de cette fic pour contrecarrer l'inévitable pathos qui se profile à l'horizon, pour mettre plus de piment dans cette histoire dont l'on voit déjà apparaître les fils conducteurs, à peine le 5e chapitre lancé. A ce jour, mes idées ne se sont toujours pas précisées, alors je fais comme à l'habitude : comme toujours, à la fin, je serai aussi surprise que vous de la tournure qu'a pris l'histoire. C'est bien la chose qui me plait le plus dans toutes ces histoires que j'écris : je ne sais jamais vraiment comme tout cela va finir, parce que je pars toujours d'une idée, sans vraiment suivre de ligne ou de scénario construit, pour la suite. L'idée que j'ai au mois d'Avril sera complètement différente de celle que j'aurai au mois d'Août, lorsque j'écrirai le chapitre, par exemple. J'adore ça, mais c'est ce qui rend mon travail d'écriture si long : je ne sais jamais où je pose les pieds lorsque je reprend une fic.

Je tiens à vous remercier pour votre patience, pour vos reviews, vos favoris, vos messages, vos lectures. Même si les reviews sont rares, je le sais, j'adore les recevoir, les lire, elles me redonnent confiance. En tout cas, n'hésitez pas à me laisser vos impressions, vos critiques, je serai plus que ravie d'y répondre.

Merci, ainsi, à Bliss Adamus, yaone-kimi (Je suis très heureuse de voir que tu adores James, j'avais un peu peur de la réaction des lecteurs par rapport à la façon dont je l'ai imaginé, savoir qu'il plait me réjouit vraiment, merci à toi !) et Scorpionne pour leurs reviews. N'hésitez pas à en laisser d'autres !

J'ai eu un peu de mal à écrire ce chapitre. Il est important. Il est vecteur d'espoir et de désespoir, pour Loki, d'ouverture et d'isolement. Natacha et Steve se livreront un peu plus à lui, mais au détriment d'autres. C'est sur les derniers événements que vont se porter toute la descente aux Enfers de Loki.

Je ne vous en dis pas plus, c'est déjà un sacré spoiler.

Bonne lecture !

Votre serviteur,

AMAZINGmadness.

A écouter : DEAD – PHOEBE RYAN


CINQ

« Cette guerre. »

Loki approchait les mille sept cent ans. Mille sept cent années d'enfance chaotique, mais néanmoins choyée, de désillusions et de réconforts, d'adolescence absurde et de peines inconsolables. Un mariage catastrophique, des enfants, presque tous morts. Une vie somme toute assez courte. Bien peu, pour un Ase, pour un Jotun, mais une éternité pour un mortel. Une vie déjà bien assez remplie.

Son corps actuel lui enlevait toute cette présomption et cette résistance due à l'immortalité latente de sa race. Ici, sur cette terre étrange, il n'était qu'un mortel comme les autres, façonné de la même façon, dépeint de la même manière, soumis aux rudesses d'un corps faible et d'une mortalité tragique. Envolé les millénaires qui pouvaient passer sans que cela ne soit un fardeau. Ici, son corps affichait un score oscillant entre les vingt-cinq et les trente ans. S'il parvenait à clairement en faire le décompte, et si Odin ne parvenait pas à lui pardonner avant, il ne lui restait plus qu'une soixantaine d'années, environ, avant de disparaitre. Trop peu de temps.

Loki fronça doucement les sourcils lorsque Stark remua bruyamment à ses côtés, marmonnant quelque chose dans son sommeil, resserrant la prise qu'il possédait sur sa taille. Attendant que son souffle se fasse à nouveau régulier, preuve qu'il serait à nouveau profondément plongé dans le sommeil, Loki finit par respirer plus franchement, les yeux rivés vers le plafond, incapable de bouger, incapable de faire autre chose que de rester là et attendre.

Stark approchait des quarante ans. Il mourrait bien avant lui. La quasi-totalité des personnes qu'il connaissait sur cette planète finirait par disparaitre bien avant que sa fin ne soit proche, soit de par le rôle qu'elles tenaient dans de périlleuses situations, soit par l'âge déjà plus avancé qu'elles affichaient. Seuls James et Rogers pourraient peut-être posséder une longévité accrue. Loki ignorait en fait totalement les effets que pouvait posséder le sérum qui les avait façonnés tels qu'ils étaient aujourd'hui sur leur organisme.

Alors, combien de temps, encore ? Combien de temps lui restait-il véritablement ? Combien de mois, combien d'années, avant que finalement tout ne finisse réellement ?

Il lui était étrange de penser que la fin pourrait venir bien plus vite que prévue. Pour lui, pour son peuple, mille sept cent ans était peu – après tout, Odin se targuait de bientôt huit mille ans. Pour les Ases, pour les Jotuns, il n'était en fait qu'au prélude de sa vie d'adulte. Ici, il était déjà considéré comme au quart de son existence. Il lui était donc très étrange de penser que demain, déjà, peut-être, tout serait terminé.

Il ne dormit pas, cette nuit-là, trop préoccupé, trop tourmenté pour pouvoir s'accorder un tant soit peu de répit. Il fit simplement comme s'il venait tout juste de se réveiller lorsque Stark émergea du sommeil. Il sourit moqueusement en le voyant papillonner des yeux tel un animal pris dans les phares d'une voiture, et gémir sourdement en s'entendant dire qu'il n'était pas encore sept heures du matin.

- Putain, Loki, ça, c'est pas une heure raisonnable pour me tirer du lit !

Ignorant les jérémiades du milliardaire, Loki se défit de son étreinte, balançant le bras qui emprisonnait toujours sa taille et le rendant à son propriétaire, et sortit du lit qu'ils partageaient désormais depuis plusieurs jours, s'amusant de sentir le regard de Stark le suivre alors qu'il marchait jusqu'à la salle de bains attenante à l'immense chambre à coucher de Stark.

- Y aurait une place pour moi dans cette douche ?

Loki s'amusa du grognement bougon qu'émit le milliardaire alors qu'il refermait la porte de la salle de bains pour toute réponse. Il s'y adossa, pendant un instant, sentant la fatigue de cette nuit sans sommeil – et de toutes celles la précédant – s'abattre doucement sur lui. Il passa une main sur ses yeux fatigués, étouffa un bâillement.

Dormir, encore une chose insensée, alors que l'on pouvait réfléchir à tant de choses horribles et déprimantes, alors que l'on pouvait discuter toute une nuit de choses et d'autres avec quelqu'un, alors qu'il existait bien d'autres divertissements, dans ce bas monde …

Il se surprit à sourire, alors qu'il relevait les yeux vers son reflet dans le miroir. Un sourire qu'il décréta d'idiot, et qu'il s'empressa de chasser de ses lèvres. Stark et lui n'avaient encore rien fait, vraiment. Loki n'aurait pas pu lui donner ce qu'il souhaitait sans le faire languir un peu, en fait. L'attente forcée semblait d'ailleurs mettre à rude épreuve le milliardaire, qui n'avait apparemment plus réellement l'habitude de se voir refuser quelque chose. Cela amusait Loki, d'une certaine manière. Cela le rassurait beaucoup, également. Il ne voulait pas se lancer dans quelque chose d'infondé, dans une relation bancale et destructrice. Il voulait que Stark le souhaite réellement. Il voulait que lui-même le souhaite tout autant.

Et, finalement, tout devenait très simple, ses pensées semblaient plus claires et précises, et Loki s'imaginait que, peut-être, tout cela pouvait très bien devenir possible, dans un avenir assez proche.

Il fut étonné de trouver la quasi-totalité des Avengers réunis autour de la table du salon des appartements de Stark, ce matin-là, déjeunant bruyamment. Il resta un instant pantois sur le seuil, indécis sur la façon de procéder, son regard vert passant rapidement sur les présents, les recensant, comptabilisant également les absents – Barton était en mission et James devait repasser quelques tests ce matin pour le SHIELD. La surprise se mua en ébahissement lorsque Stark lui fit signe de s'approcher, reculant du pied une chaise vide à ses côtés, lui indiquant clairement de prendre place à côté de lui, sans pour autant cesser la conversation animée qu'il avait avec Banner.

Apparemment, sa présence, ni même le fait que Stark tienne tellement à ce qu'il s'installe près de lui, ne portait à questionnement chez les Avengers, car aucun ne s'intéressa vraiment à sa présence, dans un premier temps.

Inquiet, mais bien plus intrigué encore, Loki avança prudemment vers la table, s'asseyant lentement à la droite de Stark, saluant par la même occasion Wilson, installé à ses côtés, ainsi que le reste de la tablée. Il fut surpris de constater qu'un thé, encore fumant, l'attendait, et il tourna un regard clairement étonné vers Stark, qui ne prit la peine que de lui répondre d'un clin d'œil avant de retourner à ses propos scientifiques incompréhensibles.

Très bien. Apparemment, il s'était assoupi pendant cette longue nuit de veille, et il rêvait. Cela ne pouvait en être autrement.

Il entreprit de plonger sa cuillère dans le mug encore brûlant, en touillant distraitement le contenu, écoutant d'un air lointain les conversations de la tablée. Il était soulagé que Thor n'ait pas pris part à cette petite et joyeuse réunion, alors qu'il se faisait de plus en plus présent dans la Tour, maintenant qu'il avait renié sa place sur le trône d'Asgard et s'en était allé. Peut-être était-il déjà parti rejoindre Foster … L'idée le laissa un temps songeur.

- Tu as réfléchis à la proposition du SHIELD ?

Il lui fallut quelques secondes pour s'apercevoir que c'était à lui que s'adressait l'espionne. Un sourire amical sur les lèvres, les mains pressées autour d'une grande tasse de café qu'elle portait régulièrement à ses lèvres, elle l'observait avec calme depuis l'autre côté de la table. Loki fut un instant déstabilisé par la question, de même que par l'impression d'honnêteté qui s'en dégageait. Il chercha sur son visage quelque chose qui prouverait qu'elle ne faisait en fait que se moquer de lui, pour finalement ne rencontrer qu'un questionnement somme toute sincère. Surpris, il détourna les yeux, haussant les épaules.

- J'y ai réfléchi, mais je ne sais pas encore très bien quelle sera ma réponse.

Il avait parlé lentement, cherchant ses mots, les soupesant. Il ne souhaitait pas dire quelque chose de déplacé, quelque chose qui pourrait rompre le moment. La dernière chose que Romanoff avait dite à son sujet datait du jour où ils avaient tous été convoqués dans les bureaux du SHIELD, et cela n'avait pas été plaisant. Et, s'il avait un temps été très en colère contre elle pour ses paroles, il savait désormais que lui donner une meilleure image de lui s'avérerait bien plus productif que simplement vouloir détruire son joli sourire - tâche devenue bien plus complexe maintenant qu'il n'était plus qu'un mortel lambda et insignifiant.

- Tu devrais accepter. Coulson est un peu plus aigri depuis qu'il est revenu d'entre les morts, mais c'est un homme juste et intègre, très compétent. Et, maintenant que le SHIELD s'est débarrassé de la plupart des membres d'HYDRA qui y pullulait, l'agence est redevenue une entité sûre. Thor aide pas mal sur les questions cosmiques, mais je pense que tu pourrais faire bien mieux que cela …

- Je dois donner ma réponse dans la journée. Vous en serez la première informée, si cela vous chante, Romanoff.

Elle lui offrit un sourire sincère, apparemment bien peu touchée par la distance qu'il imposait volontairement dans ses paroles, par son ton un peu froid.

- Tu peux m'appeler Natacha, d'ailleurs. Nous te tutoyons tous et t'appelons tous par ton nom, pourquoi ne pas en faire de même ?

Loki recula, s'adossant à la chaise, laissa ses longs doigts s'enrouler doucement autour du mug brûlant. Ils avaient désormais tous abandonnés leurs conversations et convergeaient vers lui des regards oscillants entre le doute et l'amusement. Dans le coin de sa vision, il vit Stark lever les yeux au ciel, très clairement amusé, articulant silencieusement quelque chose comme « c'est parti », ce qui sembla n'échapper à personne.

Se sentant épié, pris au piège, il ne se laissa pourtant pas déstabiliser. Même si, au fond de lui, brûlait le chaos, il s'incita à garder le plus grand calme face à l'attention perverse de ces super-héros.

- Je ne fais pas partie de votre équipe.

- Tu vis aux crochets de Stark depuis des semaines, et qui sait ce que vous faites encore en plus, tous les deux ! J'pense que c'est suffisant pour dire que t'es avec nous.

- On ne parle pas de ma vie sexuelle à table, Wilson, s'il te plait.

- Et, surtout pas de bon matin, merci.

Décontenancé, il passa son regard de Wilson à Rogers, sans pourtant omettre Stark. Il ne comprenait pas un traitre mot de ce qu'ils étaient en train de dire. Il ne comprenait absolument pas où ils voulaient en venir.

- Est-ce que … Je ne couche pas avec Stark.

Romanoff leva les yeux aux cieux, cette fois-ci très clairement agacée, passant complètement outre l'expression effarée qu'arborait Loki.

- Oui, eh bien, nous savons tous que cela n'est qu'une question de temps. Les murs ont des oreilles, et Jarvis n'a jamais su garder un secret, du moins, il n'a jamais su longtemps me résister.

- Vous êtes une tentatrice née, Miss Romanoff.

- Pas de flagornerie, Jarvis, je t'en prie.

Très bien. Tout cela semblait valider, à peu de choses près, la théorie selon laquelle il était, en cet instant, en train de rêver. Indécis, mais très clairement gêné et désemparé, il se releva, ignora les pouffements de Wilson et les sourires goguenards de la plupart des membres de l'équipe, et après avoir bégayé quelques brèves paroles pouvant excuser sa fuite, s'éclipsa.

Étaient-ils réellement tous fous ? Ou, se moquaient-ils vraiment de lui ? Loki n'aurait su le dire. Il claqua la porte de sa chambre derrière lui, ne sachant réellement ce qu'il devait penser de cette scène étrange.

Apparemment, Stark avait parlé de leur relation à ses camarades, et ceux-ci semblaient très bien le prendre … Bordel, cet humain avait osé en parler ! Il s'était bien certainement vanté de tout un tas d'exploits, avait certainement expliqué des choses bien trop personnelles, et il ne savait quoi encore !

Bien plus en colère que tantôt, Loki soupira, se laissa aller contre le matelas en se flagellant intérieurement d'avoir été un tel idiot. Ne faire confiance à personne, c'était pourtant clair ! Souhaitait-il souffrir, encore ? Souhaitait-il vraiment revivre la peine, la douleur, la souffrance, le désespoir ? Voulait-il clairement se voir à nouveau confronter à la perte et à ses ravages ?

Il entendit la porte de sa chambre s'ouvrir, se refermer. Le bras levé devant son visage, allongé, il ne daigna pas ouvrir les yeux, ni même tourner son visage vers l'intrus, qui resta étrangement silencieux et immobile, un instant.

- Pas de sursaut, pas de regard menaçant m'empêchant de t'approcher à moins de cinq mètres ? Tu fais peut-être bien des progrès, finalement.

En fait, Loki s'était attendu à découvrir un Stark hilare en ouvrant à nouveau les yeux. Il l'avait imaginé venu le narguer, se moquer gentiment de ses tourments. Il ne s'était sûrement pas préparé à découvrir la Veuve Noire, belle et souriante, à deux pas de son lit.

A sa vision, il ne put s'empêcher de sursauter, bien sûr, et se redressa prestement en la voyant sourire et s'asseoir à ses côtés, sans prendre la peine d'en demander la permission. Elle portait, pour une fois, des vêtements civils, un jean, un simple tee-shirt de couleur uni et des sneakers d'une grande marque, et ses cheveux courts bouclaient furieusement autour de son visage fin et blanc. Elle semblait détendue, calme. Mais, Loki était pourtant certain que, sous cette apparence et ces vêtements somme toute assez communs, devaient se cacher au moins trois armes différentes.

- Tu sais, je devrais t'emmener faire un peu de shopping. C'est clairement Stark qui a refait ta penderie, je peux voir sa signature sur des kilomètres à la ronde …

- Qu'est-ce que vous me voulez, Romanoff ?

Encore une fois, elle ne sembla pas prendre mal son ton froid, et son regard venimeux. Tournée vers lui, une jambe repliée sous l'autre, elle lui souriait, belle et mystérieuse, et dans son regard ne brillait qu'une certaine curiosité, loin de la froideur qu'elle avait très souvent arborée en sa compagnie et à son égard, par le passé.

-Pas de suspicion, Loki, je suis juste venue discuter un peu. La mise en scène de ce matin n'était pas faite pour te déstabiliser, nous avons juste souhaité voir un peu comment les choses se passent pour toi. Tony dit que tu vas mieux, que tu t'améliores, si je peux me permettre ce mot, et je suis très heureuse de constater que c'est bien le cas.

Il ouvrit la bouche, la referma, ne sachant en fait que dire. Devait-il être en colère contre elle, contre eux, qui s'étaient encore une fois joués de lui ? Devait-il être soulagé de voir qu'ils commençaient tous enfin à le considérer, à l'accepter ? Ou, devait-il juste voir en tout cela une menace, une traitrise sous-jacente ?

Il était juste tellement fatigué de toute cette situation.

- Nous nous fichons tous de la tournure que votre relation peut bien prendre. Il n'y a que Steve pour encore légèrement ciller en pensant que l'homosexualité est acceptée, par ici, mais il s'y fait, merci à James pour cela. Et, Tony nous a habitués à bien pire, alors …

Elle dû sûrement voir l'hostilité soudaine qui passa dans ses yeux à la mention des relations antérieures de Stark, car elle éclata soudainement de rire. Un rire fin et léger, qui se stoppa rapidement, mais qui se transforma en un sourire amusé qu'elle ne sut réellement retenir.

- Ne te mets pas en colère, tu n'es pas naïf, je suis sûre que Jarvis t'a montré les diverses frasques de Tony en mode pré et post-Pepper …

- Oui, je n'aurai su m'embarquer là-dedans sans m'être renseigné au préalable sur tous les tenants et aboutissants … Miss Potts a épousé l'ancien garde du corps de Stark, c'est cela ?

Romanoff hocha la tête, ne cessant jamais de l'observer. Elle devait bien s'amuser de la colère et de la certaine jalousie qui s'embrasait lentement dans tout son être à cette mention détestée de l'ancienne compagne de Stark.

- Elle est partie en constatant qu'il ne pourrait jamais cesser d'être Iron Man, malgré la destruction de la quasi-totalité de ses armures. Il l'a fait pour les sauver, mais également pour lui plaire, à sa demande. Il ne l'a pas fait pour lui-même. Elle a été très déçue lorsqu'elle l'a surpris en train de travailler en cachette sur de nouveaux prototypes. La goutte d'eau qui a fait déborder le vase, je suppose.

Elle haussa les épaules, et Loki se tourna complètement vers elle, sa curiosité clairement piquée, cette fois.

- C'était votre amie, n'est-ce pas ?

- Elle l'est toujours. Nous nous voyons encore souvent. Elle travaille toujours pour Tony, possède encore une majorité des parts de l'entreprise. Et, avec l'implosion du SHIELD, le retour d'HYDRA et la mise en ligne d'informations ultra-confidentielles, la mettant dès lors dans une position très inconfortable lorsque son nom a été cité dans des dossiers peu clairs, elle est même revenue vivre ici quelques temps. Sombre période pour Tony. Voir l'énorme bague encerclant l'annulaire de son ex-fiancée, et le ventre bien rond qu'elle arborait, de plus, l'a pour ainsi dire détruit.

- Oh, je vois.

Intérieurement, Loki ne put qu'en être satisfait. Potts était avec un autre, mariée, avec un enfant à charge, heureuse et épanouie. L'ombre étrange et obscure qu'elle portait encore sur la relation embryonnaire qu'il entretenait avec Stark n'était donc qu'un mirage, une chimère. Cela le soulagea un peu. Il n'avait pas le pouvoir de se battre contre le fantôme d'un amour déçu.

Romanoff souriait, l'observant toujours fixement. C'était assez agaçant, assez inquiétant, également. Loki détourna légèrement le regard, se sentant quelque peu gêné face à ce regard si inquisiteur. Prestement, il décida d'abattre quelques cartes, à son tour.

- Comme nous parlons d'heureux mariage, comment vont la femme et les enfants de Barton ?

Le sourire de Romanoff disparut immédiatement, tout comme son expression se fit soudainement plus grave, plus menaçante. Elle ne bougea pas, néanmoins. Elle continua à le regarder fixement, plus froidement, certes, mais sans ciller.

- Le contrôle que tu as exercé sur lui t'a apparemment révélé bien trop de choses.

- J'étais moi-même hors de tout contrôle, je n'influais aucunement sur le lien qui nous unissait, à l'époque.

Elle se mordilla un instant la lèvre inférieure, et Loki se dit que s'était bien certainement involontaire, car elle cessa aussitôt que celui-ci le remarqua. Elle semblait hésiter, et le jaugeait désormais avec un peu de suspicion, mais aussi beaucoup de surprise. L'ancien dieu qu'il était en était assez satisfait. Pouvoir toujours provoquer la stupéfaction chez ses pairs était quelque chose qui allait très bien avec son tempérament.

- Ils vont bien. Clint est actuellement avec eux.

- Je me doutais bien que les autres n'étaient au courant de rien. Il est étrange que vous ayez encore tous autant de secrets les uns pour les autres alors que vous vous revendiquez si proches.

Elle le regarda plus durement, et sans qu'il ne s'y attende, elle attrapa sa main, referma ses doigts fins mais solides autour des siens, l'empêchant de se dérober à sa poigne, chose qu'il essaya de faire sans pourtant y parvenir.

- Nous sommes des figures publiques, désormais, des cibles mouvantes, des personnages. Tous ceux qui nous entourent sont des dommages collatéraux, pour nos ennemis. Ils se doivent de périr car ils en savent trop, parce qu'ils nous aiment, et inversement. La femme et les enfants de Clint pourraient mourir, si quiconque apprenait leur existence, car ils deviendraient dès lors une monnaie d'échange, un moyen de pression.

La pression qu'elle exerçait sur sa main se relâcha, alors qu'elle se redressait, passant une mèche de ses cheveux derrière son oreille, ne cessant jamais de l'observer.

- Nous n'en parlons pas, non par manque de confiance, mais par bon sens. Si l'un d'entre nous était attrapé, torturé, au moins ne pourrait-il rien révélé de compromettant sur les autres.

- Cela n'a aucun sens. Vous êtes juste des foutus super-héros. Vous n'êtes pas en guerre.

Une drôle d'ombre passa dans le regard de Romanoff, quelque chose de terriblement noir, obscur, d'affreusement torturé.

- C'est là que tu te trompes : nous sommes tous les pions d'une guerre perpétuelle.

Il ne sut quoi penser de ses mots, de son ton, de l'expression hantée qu'il eut le temps de discerner sur son visage avant qu'elle ne se détourne. Il resta assis là, la regardant s'éloigner, pensif, et incroyablement bouleversé par les derniers mots qu'elle daigna prononcer avant de passer la porte et de quitter sa chambre :

- Et, désormais, tu es l'un d'entre eux, toi aussi.

X

Loki avait connu la guerre. Plusieurs fois. Dans cette époque où Thor n'était qu'un être arrogant et inconscient, ivre de pouvoir et de concupiscence. Dans ce temps où lui-même adorait partir avec son frère et ses amis dans de terribles et idiots périples, combattant tel ou tel créature, peuple, idéologie, simplement pour la beauté de l'affrontement, seulement parce que cela était amusant.

Il avait blessé de nombreuses personnes, lors de ces combats, avait tué, bien plus de fois qu'il n'aurait su le dire. Les récents événements le prouvaient : quelque part, au fond de lui, il restait le Prince séculaire d'une nation jamais vaincue, l'enfant perdu d'une peuplade primitive et animée de vengeance, le jeune frère du têtu et arrogant Thor Odinson.

Alors, cette guerre dont Romanoff parlait, il n'en avait pas réellement peur. Même sans pouvoir, il pouvait se défendre, survivre. Comme il avait survécu à Thanos, comme il avait survécu aux geôles d'Asgard. Il pouvait s'en sortir. Il était voué à l'adaptation, à la maniabilité sans fin.

Tout cela ne lui faisait pas peur. N'avait-il pas été, après tout, le Dieu du Chaos ?

Les jours suivants, Romanoff tint ses distances, comme le fit également Barton, qui recommença à le dévisager avec une certaine colère. L'espionne lui avait certainement tout dit à propos de leur charmante petite conversation, et surtout des informations très personnelles que Loki possédait sur lui, ce qui ne semblait pas réellement lui plaire. Toutefois, il ne vint pas le confronter par rapport à cela. Du moins, pas immédiatement.

La vie était donc devenue ainsi. Perdue dans les méandres d'une tour jamais vide, l'esprit toujours tiraillé entre le passé et le présent, jonglant sans cesse entre cauchemars et espoirs, entre réalité et imaginaire. Loki se questionnait sans cesse sur cette guerre invisible évoquée par Romanoff, sur la menace bien réelle qui pouvait à tout moment le rattraper, sur la place de ses amis et de ses ennemis dans ce nouveau monde, sur la véracité des paroles et des actes de Stark, sur tellement de choses, en fait, qu'il finit par découvrir deux choses merveilleusement humaines, douloureusement commune aux terriens : l'insomnie et la migraine.

Et, heureusement, les placards de Stark étaient remplis de ces petits tubes au contenu bizarre que Jarvis appelait de l'« aspirine ». Les terriens semblaient tout de même avoir inventés quelques petites choses d'une utilité certaine.

C'est ainsi suite à une impossibilité totale à s'endormir, et à cause d'un mal de crâne grandissant, qu'il avait laissé ses pas le porter dans une exploration très tardive de la tour qui, même de nuit, ne semblait jamais être véritablement assoupie.

Rogers dormait très peu. Entre le sérum et le fonctionnement sacro-militaire qu'il s'imposait toujours, son métabolisme devait être réglé dans les quatre ou cinq heures de sommeil admissibles pour être tout à fait fonctionnel. Il était, ainsi, toujours le premier levé. Et, il n'était pas rare de le voir déambuler dans les couloirs dès quatre heures du matin, passant des cuisines aux salles d'entrainement, des salles de réunion aux étages de ses comparses aux réveils aussi matinaux que le sien. Loki ne fut ainsi pas surpris lorsqu'il le rejoignit dans les alentours de quatre heures trente, le découvrant une tasse de café fumante dans la main, les lèvres étirées par un fin sourire. Il offrait une vision parfaite, même à une heure si intolérable pour le commun des mortels, coiffé et rasé, les vêtements bien repassés et impeccables, le visage reposé et serein. Cela devait un peu contraster avec le look très négligé de Loki, qui à cette heure, ne pouvait très clairement se permettre de penser aux apparences et à la mode en général.

- Tu n'as pas l'air d'avoir très bonne mine.

- Bonjour à vous aussi, Rogers.

La hargne qu'il avait souhaité mettre dans sa voix ne devait pas être très convaincante – ou alors, les Avengers commençaient à doucement s'habituer à ses facéties et à ses sautes d'humeur -, car Rogers ne se contenta que de lui offrir un sourire amusé par-dessus son mug, ignorant totalement son impolitesse et sa froideur.

- Tu donnes l'impression de ne pas avoir dormi depuis bien des jours.

- Comme c'est étrange, c'est un peu comme cela que je le ressens, également.

L'homme se gratta la nuque, avisa du coin de l'œil le tube d'aspirine posé sur la table basse, avant de venir s'installer dans un des fauteuils du salon commun à leur équipe, deux étages en-dessous des appartements de Stark, faisant face à Loki. Ce dernier tentait de garder une posture digne de sa qualité d'ancien Dieu, c'est-à-dire essayait-il de ne pas trop se « vautrer » dans les coussins moelleux du canapé, regardant d'un air absent la télévision et ses programmes nocturnes imbéciles. Il ignora le regard persistant de Rogers sur sa personne, buvant sans y penser le breuvage rendu infecte par le médicament.

- Cauchemars ?

- Est-ce que vous pensez réellement que je vais m'épancher sur votre épaule à ce propos ?

Loki se mordit la langue, doucement. Il pouvait voir le corps de Rogers se tendre, reprendre une allure de défense, là où il avait semblé si détendu, peu de temps auparavant. Éreinté par toutes ces nuits où il ne pouvait parvenir à simplement dormir, tenu éveillé par toutes les pensées qui se pressaient dans sa tête, Loki soupira, conscient d'avoir été un peu dur et tranchant avec l'homme installé à ses côtés.

- Veuillez m'excuser, ce n'est pas ainsi que je souhaitais le formuler.

Rogers se contenta d'hausser un sourcil, un sourire amusé venant ourler le coin de ses lèvres. Il ne semblait pas en colère, simplement un peu fatigué. Son regard avait un peu changé, et il ne le tourna plus vraiment vers Loki, se contentant de fixer un point un peu au-dessus de son épaule alors qu'il s'adressait à lui.

- Pas grave. Je comprends.

Loki se trouva intrigué par cette réponse au ton un peu rêveur, par-delà son épuisement moral accablant. Délaissant la télécommande, il se surprit à dévisager Rogers avec plus de précision, notant immédiatement son sourire un peu figé et l'éclat de son regard légèrement terni. Cela rendit Loki un peu coupable. Cela le poussa à dire quelque chose pour essayer de se faire pardonner. Ou, du moins, pour empêcher leur maigre échange de se tarir.

- Vous avez l'air d'aller mieux. Je veux dire, lorsque je suis … lorsque Thor m'a délibérément laissé sur cette terre, vous sembliez préoccupé, en proie à de véritables tourments. Tout cela semble être rentré dans l'ordre.

La franche surprise qui s'étala sur le visage de Rogers donna à Loki l'envie de s'en amuser. La bouche du soldat s'ouvrit lentement, pour se refermer tout aussi prestement, et son expression ébahie était vraiment quelque chose à voir. Néanmoins, il ne mit pas longtemps pour se reprendre, toussotant dans son poing, détournant désormais les yeux vers ce point fixe irritant pour Loki.

- Avec la destruction du SHIELD, le retour d'HYDRA … Je n'ai pas vraiment eu l'occasion de m'ennuyer, ces derniers temps.

- Et, vous avez dû vous occuper de James. Cela n'a pas dû être facile.

Il s'exprima avec sincérité, et c'est peut-être certainement cela qui poussa à nouveau Rogers à le fixer dans le blanc des yeux.

- James t'en a parlé ? C'est assez … surprenant.

Rogers avait paru suspicieux, un court instant, et quelque chose d'autre avait également brillé dans son regard, une lueur que Loki reconnu, sans pour autant pouvoir y mettre un nom, l'ayant déjà vu passer à de nombreuses reprises dans les yeux de Stark. Pourtant, Rogers ne parut que surpris, et s'il ressentait vraiment quelque chose d'autre, il sut dissimuler ses émotions dans son mug fumant, les piégeant ainsi avant que Loki ne puisse réellement les lire.

- Il ne m'en a pas parlé. Pas dans le sens où vous pourriez le croire. C'est quelque chose qui ne s'explique pas. Cela se voit, le lien qui vous unit, comme une sorte de dette qui scellerait un pacte entre vous deux. Une promesse, une reconnaissance intangible, mais qui sait apparaitre pour qui saurait regarder.

La déclaration laissa place à un silence étrange, comme mêlé de sous-entendus et de non-dits, de tension et de secrets. Sourcils froncés, les muscles de sa mâchoire roulant doucement sous la peau tendue de son visage, Rogers le regardait désormais avec un peu plus de sérieux, voire une claire suspicion. Cela fit soupirer Loki, et le força sûrement aussi à lever les yeux aux cieux, incapable de comprendre comment chaque conversation anodine pouvait partir aussi rapidement en désastre, ces derniers temps.

Mais, finalement, alors qu'il s'était attendu à une sorte de menace, ou d'avertissement, ou juste à une spectaculaire et froide sortie du soldat, ce dernier finit par se dérider, son corps se détendant de nouveau progressivement, sa prise sur son mug se faisant plus légère. Cela étonna beaucoup Loki, qui n'arrivait pas à comprendre ce qu'il avait dit de mal, et comment il avait réussi à rétablir les choses sans même avoir à ouvrir la bouche (les midgardiens sont si étranges …).

- James m'a sauvé la vie à de nombreuses reprises, avant, pendant et même après la guerre. Il était là - il est là -, et je tente désormais de remplir toutes ces dettes, de les sceller, de rattraper tout ce temps que nous avons perdus. J'essaye. J'espère juste que cela sera suffisant pour lui. Pour nous.

Il eut un sourire doux, charmant, un brin nostalgique. Loki écoutait sans vraiment croire que ces mots lui étaient directement adressés. A une heure si tardive, dans des bâtiments déserts, pour les psychés éreintées d'héros autoproclamés combattants chaque jour les pires horreurs, une sorte d'inconnu comme lui pouvait très bien se transformer en psychanalyste impromptu.

Et puis, vraiment, Loki pensait que toutes les informations étaient bonnes à prendre.

Après tout, on ne savait jamais quelle direction pourrait prendre les événements.

- Je pense que tout ce que vous pourriez faire sera toujours suffisant pour lui. Vous savez, il est un peu amoureux de vous.

Il pensait faire violemment réagir son interlocuteur, le voir exploser, soit de colère, soit de surprise, mais rien de tel ne se passa vraiment, à sa propre stupéfaction. Rogers se contenta juste de baisser les yeux vers le contenu de son mug, ses joues rosissant légèrement, son visage se tordant en une sorte de désespoir que Loki regretta immédiatement d'avoir provoqué. Ses doigts vinrent enserrer le mug avec force, alors qu'il soupirait, las.

- Je le sais. Étrangement, ce n'est une surprise pour personne, pas même pour moi.

Il releva un regard peiné vers Loki, et celui-ci fut choqué de voir toutes les responsabilités et le poids des regrets dans ses yeux bleus, tous les non-dits et les mensonges dans son sens du devoir si rigide. Un sourire amer vint ourler ses lèvres.

- Nous ne sommes plus en 1940. L'Amérique n'emprisonne plus les homosexuels, elle les accepte. Elle leur permet de vivre normalement, de se marier, d'avoir des enfants, de vivre justement et librement. Je le sais. J'ai accepté cela. Mais, j'ai vécu une très grande partie de ma vie dans l'inacceptation de la différence. J'ai été formaté sur ce principe.

Les sourcils de Loki se froncèrent. Il ne comprenait pas réellement. James lui avait pourtant bien dit qu'il s'était passé quelque chose entre eux, dans le passé. L'avait-il inventé ? Voyant le visage de son interlocuteur se tourner vers la confusion, Rogers s'empressa de continuer.

- Je ne veux pas dire que je ne trouve pas cela normal. Cela l'est, désormais. Je me fiche bien de ce que Tony et toi pouvez bien faire, vraiment.

Par les Nornes, pourquoi on revenait-on toujours à sa relation avec Stark ? C'était véritablement une idée fixe !

- Mais, … il y a accepter les autres, le monde, et s'accepter soi-même. Faire accepter aux autres ce que l'on est. Je ne peux pas faire cela à Bucky, pas maintenant, pas alors qu'il se remet à peine de ce que tout HYDRA a pu lui faire. Je ne peux pas l'entraîner ainsi dans la tourmente, je ne peux pas faire de lui une cible. Pas comme ça.

Donc, nous en revenions toujours à la même chose. Barton, Romanoff et Rogers plaidaient la sécurité, la défense. Ils se paraient de barricades imaginaires pour tenter d'endiguer la souffrance et la douleur, et pour surtout ne pas à la voir se répandre sur ceux qui étaient trop proches d'eux. Loki ne le comprenait que trop bien. Mais, il restait pourtant à prendre en compte qu'ils n'étaient pas en guerre ! Le comprenaient-ils seulement ? Rogers et James n'étaient plus sur le front français de la Seconde Guerre Mondiale, Barton et Romanoff ne combattaient plus pour le SHIELD les divers terroristes s'offrant à eux. Aucun n'était engagé dans quelque conflit armé, que ce soit en Afghanistan ou en Syrie, par exemple. Certes, s'offraient-ils le luxe de quelques batailles, de temps à autre, mais avaient-ils seulement conscience de leur dérision vis-à-vis de toutes ces luttes armées qui secouaient et avaient esquintés un jour ce monde ?

Étaient-ils vraiment sérieux ?!

Les Ases ne se préoccupaient jamais de ceux qui restaient en arrière, de ceux qui pouvaient être affectés par leur combat. Tous ont des familles, des enfants. Des proches qu'ils emportent dans la guerre, qu'ils poussent à suivre leurs pas. Et, cela est ainsi. Les morts sont fêtés, et les enfants deviennent à leur tour des guerriers. Le cycle s'instaure. Tout cela est parfaitement normal. Pleurer ses morts est normal. Mourir pour ceux qu'on aime, c'est normal.

Loki ne savait pas s'il devait rire ou tout simplement rester profondément abasourdi. Le visage sérieux de Rogers l'empêcha pourtant de céder à toute hilarité. A la place, il se releva en soupirant, dépliant sa longue et fine silhouette, courbaturée par les heures passées recroquevillé dans ce canapé, il passa près de l'homme installé et posa furtivement une main sur son épaule, sentant son corps se tendre sous le geste. Cela le fit sourire.

- Tellement de choses ne vont pas dans ce que vous venez de dire. James n'est pas en porcelaine, il peut supporter un peu plus de poids sur ses épaules. Et, je vous en prie, cessez d'avoir l'audace de dire qu'ainsi, vous le sauvez. La seule personne que vous protégez, en agissant de cette façon, Rogers, c'est vous-même.

Il baissa sa main, et finit par s'éloigner, jetant un dernier regard au-dessus de son épaule, avisant la posture figée de Rogers, qui semble-t-il avait bien entendu ses mots. Cela le rassura un peu.

Il camoufla un bâillement derrière sa main, avant de la passer sur ses yeux fatigués. Il était peut-être temps de rejoindre Stark et son lit très inconfortable.

X

Mais, finalement, Loki comprit.

Il comprit ce qu'ils voulaient dire, ce qu'ils attestaient en parlant de protection et d'abnégation, oui, il finit par comprendre.

Les Avengers furent tous appelés pour une mission d'urgence, un soir : d'étranges robots attaquaient un quartier de New-York, menaçant la vie des civils et détruisant tout sur leur passage. Loki pensa que son cœur avait raté un battement lorsque Jarvis les réveilla d'une alarme stridente, allumant les écrans les plus proches, diffusant en boucle les images de l'attaque retransmises à la télévision, les tirant tous ainsi brutalement de leur sommeil.

Il se redressa, sonné, passant doucement une main sur son visage, tentant de garder les yeux ouverts alors que ceux-ci se posaient sur l'écran de télévision bien allumé. Son attention fut néanmoins retenue par la silhouette de Stark vacillante qui, déjà sur ses deux pieds, tentait en hâte d'enfiler un jean.

- Que se passe-t-il ?

- 'Sais pas. Encore un malade qui veut faire parler de lui. On verra bien.

Le milliardaire haussa les épaules, tout en cherchant autour de lui un t-shirt, en piochant un au hasard et l'enfilant rapidement. Il avait l'air exténué – et l'était bien sûrement -, mais la franche détermination qui se lisait sur son visage empêcha Loki de poser plus de questions. Alors, ne sachant pas réellement quoi faire, il se leva et commença à s'habiller, à son tour.

Il était en train de passer une chemise noire et de la boutonner lorsque Stark vint lui attraper le bras, l'empêchant de continuer.

- Que penses-tu être en train de faire, là ?

Sourcil haussé, l'esprit encore embrumé de sommeil, Loki ne fit que le dévisager un peu bêtement, assez surpris par l'expression interdite et alerte de son compagnon.

- Eh bien, je ne sais pas, je pourrais peut-être aider …

- Non. Tu restes là.

Un court silence tomba entre eux, froid et chargé d'une sorte de tension parfaitement invisible. Les doigts de Stark devinrent blancs dans la poigne qu'il maintenait, plus serrée, sur le bras de Loki, qui ne fit que froncer les sourcils pour toute réaction, incapable de réellement comprendre où il voulait en venir. Le voyant enfin ouvrir la bouche, Stark répliqua, desserrant par la même occasion sa prise et lâchant son bras.

- C'est pas négociable.

Et, Loki aurait bien aimé négocier, juste lui expliquer de manière un peu plus profonde en quoi il n'était pas inutile, en quoi, lui aussi, pouvait participer à la bataille, mais Stark ne fit que passer une main dans sa nuque, l'amenant fermement à lui, et brisa toute tentative de rébellion en plaquant ses lèvres contre les siennes, étouffant toutes volontés dans un baiser un peu dur.

Lorsque Loki se reprit, Stark était déjà parti. Il le vit passer, couvert de son armure brillante, près de la Tour, rejoignant rapidement le point de l'attaque et ses camarades déjà sur place.

La première chose qui heurta l'être humain qu'il était devenu fut la colère. Au-delà de l'hébétude d'avoir ainsi été laissé en arrière, quelque peu délaissé, une profonde colère vint bouillonner en lui, ressassant de mauvais souvenirs, libérant de nouveaux poisons. Il posa son front contre la baie vitrée, regardant sans véritablement la voir la fumée qui s'élevait, noire et dangereuse, au-dessus d'un certain quartier de la ville. Un instant, il pensa descendre et prendre l'une des voitures de Stark – il ne savait pas conduire, mais cela n'était qu'un détail, en l'instant – ou encore juste se rendre à pieds jusqu'au lieu de l'attaque, pour pouvoir leur montrer qu'il pouvait se rendre utile.

Et puis, la pensée devint juste risible. Elle passa d'une froide détermination à un désespoir noir et absolu. Loki vivait depuis des mois dans une ville qu'il ne connaissait pas, ne l'ayant véritablement foulé du pied que sous l'influence de Thanos, dans un monde étranger au sien, parmi une population qu'il apprenait à connaitre mais avec laquelle il n'avait eu, jusqu'alors, que peu d'échanges. De plus, n'avait-il plus aucun pouvoir, pas d'arme, et sa longévité et combativité accrues avaient définitivement disparues.

Les dents serrées, Loki se contenta donc juste de finir de passer sa chemise, puis de se rendre dans le salon, où il pria Jarvis de le tenir constamment informé de l'attaque et de son déroulement.

L'immense écran de télévision passait de chaînes en chaînes, montrant des points de vue toujours différents de la bataille en cours, et Loki pu rapidement en déduire le nombre d'assaillants et la stratégie d'attaque décidée par l'adversaire, alors que ses yeux se gorgeaient de chaque image. Les Avengers combattaient environ vingt silhouettes composées de divers alliages de métal, très vraisemblablement bourrées d'électronique et de programmes intelligents, ainsi que d'armes de destruction massive. Ces choses parvenaient à se recalibrer après chaque coup, à se « réparer », presque, sauf quand le coup en question leur faisait, eh bien, perdre une bonne partie de la tête. Leurs silhouettes, humanoïdes, faisaient bien un bon deux mètres trente, et elles semblaient assez agiles et fines pour pouvoir réagir promptement à toute attaque directe, tout en étant diablement bien équipées de tout un tas d'armes et de gadgets qui semblaient leur sortir des entrailles.

Ainsi, en dépit de leurs nombres – les Avengers avaient tout de même réussis à mettre à mal plusieurs centaines de Chitauris surentrainés -, les héros semblaient avoir quelques problèmes à maitriser la situation. L'absence de plusieurs membres de leur groupe y était peut-être pour quelque chose, Rogers et James ayant été mandés par le SHIELD, un peu plus tôt dans la journée, pour superviser une mission en Ukraine, vraisemblablement, et Romanoff étant en mission d'infiltration il ne savait où depuis déjà une bonne semaine. Ainsi, sans Rogers, Stark semblait être en charge des opérations, donnant ses ordres à qui voulait bien les entendre, et apparemment, cela ne fonctionnait pas aussi bien que prévu.

Wilson et Banner, qui ne semblait pas vouloir se changer en son monstrueux alter ego, s'occupaient des civils, tentant de les éloigner de la zone d'attaque, travail qu'ils confièrent par la suite aux autorités américaines lorsque celles-ci arrivèrent enfin sur les lieux. Stark et Barton se chargeaient des assaillants, le premier esquivant les projectiles et tentant d'en venir à bout par une manière forte qui était devenue sa signature, le deuxième agissant dans l'ombre, tel un tireur planqué. Stark était donc réellement le seul à combattre efficacement les machines. Barton visait toujours juste, mais le recalibrage des droïdes était parfois si rapide que ses tirs, parfois, ne servaient pas à grand-chose.

Pour Loki, tout cela était bien trop étrange. C'était comme voir un souvenir, c'était comme essayer de se remémorer quelque chose qui avait disparu depuis bien longtemps. Comme se dédoubler. Il frotta longuement ses yeux agressés par la lumière vive de l'écran, et le fit jusqu'à ce qu'ils furent rouges, jusqu'à ce que des larmes vinrent picoter le coin de ses yeux irrités.

Le Tesseract avait été une horreur. La possession, l'emprise qu'il avait pu avoir sur lui avait été calamiteuse, notamment pour sa psyché. Depuis qu'il vivait dans cette Tour, Loki avait très souvent des impressions étranges, comme des sortes de moments de déjà-vu, comme si les choses n'étaient pas réellement nouvelles, comme si tout ceci n'était qu'un écho d'un écho, le souvenir d'un fragment oublié de son passé. Cela lui rongeait l'esprit. Il fronçait les sourcils et frottait ses yeux. Le bruit des explosions le faisait tressaillir.

L'attaque de New-York avait été, pour lui, comme une affreuse période d'un flou que l'on aurait presque pu qualifier d'artistique, tant tout ce qu'il avait vécu lui avait semblé être dramatiquement surréaliste. Il se souvenait des mots qu'il avait prononcé, des gestes qu'il avait pu avoir, mais comme on se souvient parfois de bribes d'un cauchemar rêvé pendant la nuit. Tout était très confus, chaotique. Au final, lorsqu'il avait revu les images, lorsqu'il s'était finalement penché sur l'attaque au lendemain de son arrivée sur Terre, l'horreur de la chose l'avait violemment rattrapé, frappé.

Entre ce sentiment d'avoir été utilisé et ainsi sali, les tortures de Thanos et de l'Autre, la chute du Bifrost, la mort de Laufey et la destruction partielle de Jotunheim, la geôle d'Asgard, Loki ne savait véritablement quel avait été le pire moment de ces dernières années.

Il pensait à cela, il y pensait même très fort, regardant en cet instant à peine l'écran, lorsque les exclamations des journalistes se firent plus pressantes, lorsque le gros plan effectué sur quelque chose de rouge et or le ramena à l'écran et le fit sortir de ses pensées. Lorsque quelque chose se rapprochant de l'horreur le rattrapa.

Stark était tombé. Là, dans sa belle armure, il l'avait vu chuter de plusieurs mètres, pour ensuite venir s'écraser lourdement sur le sol, sous les cris des journalistes présents, non loin de là. Le reporter demanda un plus gros plan, et le caméraman s'exécuta. En l'état, comme une poupée métallique désarticulée, Stark ne bougeait plus. L'un des assaillants mécanique le visa de son arme étrange, et un nouveau projectile vint l'atteindre, soulevant l'armure et la projetant quelques mètres plus loin. Stark ne réagit pas. Stark ne bougeait toujours pas.

Quelque chose se cassa à l'intérieur de Loki. Peut-être quelque chose comme une bulle d'espoir et de joie. Ou, alors, comme une barrière gardienne de ses poisons les plus vicieux. Ses yeux, écarquillés, fixaient l'armure immobile sans réellement la voir. Il resta figé dans la même posture un instant, un moment où il se mordit la langue presque à sang, ne sachant sur quelle émotion se fixer, ne sachant s'il fallait sombrer dans la rage, la folie, ou simplement perdre tout espoir.

- J-Jarvis …

- L'armure semble déconnectée, Monsieur. Je peux dire avec une exactitude d'environ 85% qu'un des projectiles reçu était du genre électromagnétique, ce qui a déréglé l'armure. Monsieur Stark ne répond pas à mes sollicitudes.

Il y eu un silence, énorme et froid, terrible. Puis, Jarvis reprit, et Loki aurait presque pu dire qu'il paraissait hésitant, si cela n'avait pas pu rendre la situation plus absurde quelle ne semblait déjà l'être.

- J'ai contacté les services de secours. Le SHIELD est sur place. Les capteurs de l'armure sont grillés, mais Monsieur Barton vient de m'affirmer que Monsieur Stark ne respirait plus.

La voix, froide et mécanique, de l'IA de Stark se tut. Loki regarda avec un certain désespoir Barton finir de retirer une partie de l'armure de Stark, notamment celle qui protégeait sa poitrine, puis commencer une sorte de massage cardiaque. Il semblait hurler.

Ensuite, Banner devint enfin le grand monstre vert qu'il était, et il se mit à mettre en pièces les adversaires les plus proches. Puis, quelques secondes à peine plus tard, dans un éclair aveuglant, Thor fit son apparition, avisant rapidement la situation et commençant à détruire de façon rageuse tout ce qui se mettait au travers de son chemin.

Et, en arrière-plan, Barton enfonçait toujours ses mains dans la cage thoracique de Tony.

Il y avait comme un bourdonnement dans ses oreilles, et il ne sut réellement combien de temps il resta ainsi, à regarder l'écran sans réellement le voir, à écouter sans plus rien entendre. Son esprit semblait s'être éteint, le fil de ses pensées s'était tari. Ses jambes lâchèrent, à un moment, et il se retrouva à genoux sur le tapis du salon, les membres tremblants, incapable de savoir ce qu'il faisait et, surtout, ce qu'il devait faire.

Ce fut les vibrations du Starkphone posé sur la table basse qui le sortirent de sa torpeur. Doucement, clignant toutefois rapidement des yeux, chassant des larmes qu'il ne se souvenait plus d'avoir versé, il attrapa d'une main tremblant le téléphone, le faisant tomber dans son geste. Il le porta à son oreille sans avoir même pensé à regarder le nom de l'interlocuteur.

- Loki ? Est-ce que tout va bien ?

C'était Rogers. La voix du Capitaine transpirait d'angoisse, et Loki pouvait très bien l'imaginer faisant les cent pas, anxieux, le front barré d'un pli d'inquiétude. Il cligna des yeux plusieurs fois, son regard revenant sur l'écran de télévision.

- Je sais que tu es toujours à la Tour. Ne bouge pas. Nous sommes sur le retour. Ça va aller pour Tony, il …

- Des médecins sont en train d'essayer de faire repartir son cœur. Ce n'est pas leur premier essai, et cela ne semble pas fonctionner. Tout cela passe en direct à la télévision.

Loki savait qu'il y avait quelque chose comme de l'hystérie dans sa voix, comme une folie sur le point d'éclater. Ses propos laissèrent place à un silence inhabituel, notamment pour Rogers. Cela ne le rassura pas.

- Tony est un dur à cuire, il a survécu à bien pire. Ne fais rien d'idiot. On vient te chercher.

Et, effectivement, James débarqua dans le salon dix minutes plus tard, dans son complet équipement de bon petit mercenaire, le trouvant toujours assis par terre, les yeux fixés sur la télévision, qui passait désormais les images de Stark et de son départ en ambulance, et des ruines fumantes laissées après l'attaque. La seule différence restait qu'entre temps, Loki s'était servi deux verres d'un alcool très fort qu'il avait trouvé dans un placard.

- Bouges, on va à l'hôpital.

Loki posa le verre sur la table basse, d'un geste un peu gauche, puis finit par se lever. Il suivit James sans un mot. Il monta dans l'hélicoptère sans adresser un seul regard à ceux déjà présents. Il vit bien Rogers poser sur lui des yeux un peu inquiets, mais cela ne l'affecta en rien. Il croisa ses bras, les serras contre lui, tourna la tête vers l'horizon et les immeubles qui, rapidement, rétrécissaient, alors que l'engin prenait son envol.

Loki n'avait pas envie de voir, il n'avait pas envie de savoir. Il avait envie de dormir, et peut-être ne plus jamais se réveiller, aussi. Il se laissa tomber sur une chaise en plastique, à l'autre bout de la salle d'attente, ignorant les allées et venues des médecins et infirmières qui se relayaient pour les prévenir du sort de Stark, pour les prier de patienter, pour juste les empêcher de mettre l'hôpital sans dessus-dessous. Rogers avait apparemment un peu de mal à calmer ses troupes, il semblait lui-même totalement ébranlé par ce qui venait d'arriver à Stark, et tous les autres semblaient en profiter pour mettre dans le lieu le pire des bazars.

Au bout d'un moment, peut-être déjà une heure, Loki n'en savait trop rien, Barton vint s'installer à ses côtés. Il serrait et desserrait ses poings de façon presque compulsive, et Loki remarqua très vite que l'uniforme qu'il portait toujours était teinté de sang. Il détourna très vite les yeux en le constatant, sa respiration se bloquant dans sa gorge.

- Il va mourir, n'est-ce pas ?

Barton soupira, baissa les yeux sur ses doigts tremblants, fermant à nouveau les poings pour calmer les spasmes. Il ne réagit pas tout de suite, attendit un instant, peut-être pour trouver la meilleure réponse à lui apporter, peut-être également pour laisser à Loki le temps de se reprendre : il aurait fallu être bien bête pour ne pas entendre cette sorte de désespoir hystérique dans le ton de l'homme.

- L'armure s'est déconnectée, il est tombé d'une dizaine de mètres. L'armure a encaissé le choc, mais pas assez pour ne pas lui casser quelques trucs. Le deuxième coup l'a électrocuté. Son cœur s'est arrêté. Ces robots sont de foutus saloperies.

Très bien, Loki comprenait. L'armure, hors d'usage, s'était fracassée en percutant le sol. Elle n'avait pas pu endiguer l'énergie produite par la deuxième rafale, et Stark avait dû se prendre le surplus en plein visage. Son corps n'avait pas supporté le choc et la machine s'était stoppée.

Ils devaient juste faire repartir son cœur. Il fallait juste espérer que la décharge n'ait rien endommagé de plus. Que l'arrêt cardiaque n'ait pas réduit de manière définitive ses capacités les plus primaires.

- Je ne peux pas faire cela.

Barton tourna un visage un peu effaré vers lui, légèrement inquiet. Loki ne sut s'il fut alerté par le son de sa voix, ou par ses yeux certainement rempli de larmes, mais il tenta de lui attraper la main dans un geste rassurant, auquel Loki parvint à se dérober sans aucun mal. Il se leva en chancelant, parvint à retrouver son équilibre et fonça vers la sortie, dépassant les amis de Stark sans s'arrêter, évitant Thor sans même réellement y penser.

Je ne peux pas. Je ne veux pas. Il va mourir – tout le monde meurt, tout le monde part, tout le temps des mensonges et des trahisons et des adieux – et qu'est-ce que je suis censé faire ? Je ne peux pas le sauver. Je ne le peux plus. Ce n'est qu'un humain, je ne suis qu'un humain. Je ne peux pas rester là, je ne veux pas de cela, je ne veux plus.

James finit par le retrouver à l'extérieur du bâtiment, assis sur un banc, recroquevillé, les bras autour de ses genoux, serrés contre la poitrine. Il avait le visage enfoui dans ses mains. Il tressaillit très clairement lorsqu'il vint poser une main sur son épaule.

- Le docteur vient de nous prévenir : Stark va bien, son cœur est reparti. Il s'est réveillé. Paraitrait qu'il te réclame.

Le malaise de James s'épaissit lorsque les épaules de Loki se mirent de nouveau à se secouer de sanglots. Ne sachant pas réellement quoi faire, pensant ainsi le réconforter, il fut déconcerté de le voir se redresser, après quelques instants, passant rageusement les mains sur son visage pâle et strié de larmes, et non pas se diriger vers l'entrée de l'hôpital, comme il aurait pu le penser, mais à son exact opposé, vers la rue et la rangée de taxis qui s'y trouvait.

- Loki ?

Il ne pouvait pas. Comment le pourrait-il ?

- Loki !

Un jour, quelque chose d'autre viendrait, quelque chose de différent s'attaquera à Stark, aux autres, et il se sentira toujours aussi impuissant, n'est-ce pas ? Un jour, Thanos reviendrait. Loki ne voulait pas retomber entre ses mains, subir encore tout ce qu'il avait enduré, mais il ne voulait surtout pas que d'autres aient encore à souffrir de ses choix et de leurs conséquences. Il ne parvenait pas à voir Stark souffrir. Il ne voulait pas qu'il souffre. Il souffrirait certainement de le voir être mis en charpie par l'Autre.

De la distance, il leur fallait beaucoup de distance, et peut-être un peu moins d'espoir.

Loki s'engouffra dans le taxi et donna au chauffeur l'adresse de la Tour, sans plus se soucier de James et de son regard interdit, de l'imposante silhouette de l'hôpital et de tout ce qu'il pouvait renfermer.


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