Disclaimer : Buena Vista Games, aka Disney, et Square Enix, aka... Square Enix.

Rating : T. Parce qu'ils parlent mal. Sinon, K+, en vrai, je suppose. Je veux dire, en dehors des sous-entendus... :D

Pairing : VanVen. Et tout un tas d'autres :D

Note : Univers alternatif ! Cette fanfic fera 8 chapitres au total, avec un épilogue si j'ai le courage de l'écrire.

Note 2 : J'espère que vous aimez les trucs un peu louches parmi tout un tas de situations clichées. :D Cette fanfic est une RomCom de base, en dehors du fait que Kairi est pas très nette sur les bords. :3


— Vanitas ?

Une voix féminine le tira de sa rêverie et, en haussant un sourcil, il se tourna vers sa propriétaire qui se trouvait être également sa voisine de classe.

— Kairi ?

Elle enfonça son doigt dans la joue de son voisin.

— Tu baves.

Il repoussa sa main avec mauvaise humeur et répliqua :

— Haha, très drôle.

Il reprit le stylo qu'il avait abandonné sur sa feuille de note et se remit à griffonner dans la marge, sans prêter la moindre attention au cours d'histoire auquel il était forcé d'assister. Kairi, à ses côtés, notait consciencieusement chacun des mots du professeur comme s'il s'agissait de paroles d'évangiles.

Vanitas soupira. Pourquoi devait-il endurer ça ? La vie était trop courte pour passer tant d'années assis sur des bancs à écouter des « professionnels » déblatérer sur des sujets toujours plus ennuyeux les uns que les autres. Surtout lorsque le cours se révélait être plus un étalage de connaissance qu'un outil d'apprentissage ; il n'y avait rien de plus insupportable.

L'homme qui se prétendait expert en histoire contemporaine se mit à voyager à travers la classe en jetant un coup d'œil au dessus de l'épaule de quelques élèves occupés à gratter sur leur feuille comme si leur vie en dépendait. Il s'arrêta à côté d'un banc – le deuxième devant celui de Vanitas – et posa une main sur le bureau de l'élève qui le regarda avec un léger sourire.

— Ventus, dit-il, les enjeux de la guerre froide ?

Celui-ci eut un sourire gêné. Le temps qu'il s'éclaircisse la gorge, Vanitas était déjà loin.

S'il y avait une seule chose qui permettait à Vanitas de supporter ces longues et ennuyeuses journées de cours, c'était ça. Ce garçon, assis deux bancs devant lui, toujours à observer le monde avec deux grands yeux innocents et un sourire pour lequel n'importe qui se pâmerait de joie. Un garçon avec un nom qui s'était imprimé en lettres de feu dans son esprit, qui ne le quittait pas un instant de la journée ou de la nuit. Ventus.

Il se mordit la lèvre inférieure. Ce nom lui paraissait si magnifique, si beau qu'il avait envie de le murmurer pour sentir sa saveur sur ses lèvres. Qu'un homme aussi laid que leur professeur d'histoire puisse avoir le toupet de le prononcer à voix haute était presque une insulte ; il ne l'énonçait pas avec le respect et l'admiration qui lui était dû, non, il le mâchait mollement comme un vieux chewing-gum, comme si ç'avait été un mot comme les autres, comme on aurait dit « frigo » ou « poubelle », sans la moindre émotion. Dans sa bouche, il avait une sonorité des plus banales ; c'était à se demander pourquoi Ventus ne faisait rien pour le corriger, pourquoi il ne se levait pas en demandant de quel droit il prononçait son prénom avec une telle banalité. C'était révoltant.

Sans écouter le moindre mot de la réponse de l'adolescent aux questions de ce professeur qui ne connaissait pas la chance qu'il avait d'adresser la parole à un être aussi merveilleux que lui, Vanitas se délectait du son de sa voix comme de l'eau la plus limpide. Il aurait pu l'écouter à longueur de journée sans jamais s'ennuyer – après tout, on ne s'ennuyait jamais de la perfection.

Le summum fut atteint lorsque l'objet de sa passion laissa échapper un léger rire nerveux. Vanitas sentit son estomac se retourner délicieusement. Existait-il un rire plus musical et plus plaisant que celui-là ? Sans doute pas ; il atteignait des sommets de charme que nul être humain n'aurait espéré effleurer dans ses rêves les plus fous.

L'homme, lui, n'y accorda pas la moindre attention et repartit déblatérer près du tableau qu'il ne quittait quasiment jamais. Vanitas s'indigna intérieurement : comment osait-on ignorer pareille beauté ?

Il fut tiré de sa rêverie par un coup dans le bras.

— Vanitas, murmura sa voisine, tu recommences.

— Oh, lâche-moi...

— Si tu continues à ouvrir la bouche comme ça, tu vas finir par gober une mouche.

— Quelle originalité dans tes répliques, Kairi. J'en aurais presque honte de te fréquenter.

— Je suis la seule personne au monde capable de te supporter. Tu n'aurais pas le courage de te débarrasser de moi.

— C'est ça. Berce-toi d'illusions.

Elle lui tira puérilement la langue et rangea ses affaires en entendant la cloche sonner. Vanitas, lâchant enfin son camarade de classe des yeux, l'imita avec un grognement. Tous deux sortirent du local avec les autres élèves, et c'est avec un soulagement non dissimulé que Kairi atteignit le couloir qui la mènerait enfin vers l'extérieur qu'elle souhaitait rejoindre depuis deux bonnes heures.

Confrontée à la foule d'élèves qui terminaient leur journée, elle perdit momentanément Vanitas du regard. C'est en jouant des coudes qu'elle parvint à l'extrémité du couloir, où son ami l'attendait avec un sourire suffisant et moqueur.

— Ça va, tu trouves ton chemin ?

Elle lui asséna un coup de pied dans le tibia pour toute réponse. Sans écouter les protestations de Vanitas, elle repartit et descendit les deux volées d'escaliers qui la séparaient de la liberté. Une fois dehors, elle inspira à plein poumon l'air froid qui présageait l'hiver, parfaitement opposé à l'atmosphère étouffante du bâtiment. Vanitas réprima un frisson. Il enfonça les mains dans ses poches et se tourna vers la jeune fille.

— On fait quoi, maintenant ? marmonna-t-il.

— J'ai envie d'un chocolat viennois.

— J'ai tout un tas d'envies, moi aussi, mais si je m'écoutais, ce monde finirait par sombrer dans le chaos.

— Arrête d'être chiant.

— Je ne peux pas, c'est dans ma nature.

— Malheureusement. Bon, on y va ou tu comptes rester ici à te les geler ?

Il haussa les épaules et la suivit sans protester. De toute façon, elle insisterait jusqu'à ce qu'il cède, et il n'était pas vraiment d'humeur à essuyer un débat à rallonge.

Ils bravèrent les températures qui ne devaient dépasser que de très peu la limite qui séparait l'eau de la glace, et c'est le rose aux joues qu'ils arrivèrent dans un petit café qui faisait la joie des étudiants lors des dures journées d'hiver. Ils s'installèrent, passèrent commande auprès d'un serveur et, lorsqu'elle fut arrivée, se mirent à siroter leur boisson chaudes et échangeant quelques banalités sur leurs vies respectives, l'ennui dans lequel ils nageaient et, bien sûr, thème récurrent, la météo.

— Au fait, Vanitas, dit Kairi après un court moment de silence, tu vas le faire avec qui, le travail de français ?

— Le travail de français.

Il marqua une pause. Le travail de français, bien sûr.

— Oui, mmh, oui.

Elle leva les yeux au ciel et soupira, excédée :

— Le travail de groupe, oui. T'étais bien là, ce matin ?

— Me souviens pas de ça.

— T'étais encore à fond dans tes pensées lubriques, hein ?

— Qui sait...

— Pervers.

— Peut-être bien.

Il fit tourner sa cuillère dans la tasse, les yeux dans le vague. Après un moment de réflexion, il soupira :

— Tu peux bien le faire avec moi, non ?

— Avec toi ?

Kairi éclata de rire.

— Je dois le prendre comment, exactement ? marmonna-t-il.

— Excuse-moi, je ne voulais pas blesser ta fierté. Tu ne peux pas le faire avec moi, la prof a donné un sujet différents pour les filles et les garçons. Et puis, en toute franchise, faire un boulot de groupe avec toi est loin d'être un bon plan. Ça revient au même que de le faire tout seul, en fait.

— T'es en train de dire que je suis con, là ?

— Non, que tu fous jamais rien. T'étais même pas au courant pour ce boulot.

Il haussa les épaules et vida le fond de sa tasse.

— Et puis c'est quoi cette séparation sexiste ?

— Bah, pourquoi pas. Ça doit être pour prouver au monde que les femmes sont les plus malignes.

— Ça, c'est ce qu'on vous laisse croire. Bref, tout ça n'arrange pas mes affaires. À qui je vais demander, sérieusement ? Ils sont tous beaucoup trop cons.

— Et personne n'est assez sot pour vouloir de toi...

— Sans oublier qu'ils me détestent parce qu'ils pensent que je suis...

— ... un branleur égoïste et invivable, ce qui est à peu près le cas, termina Kairi avec un sourire en coin.

— Je suis pas un branleur, je vois juste pas l'intérêt de travailler. Je suis quand même meilleur qu'eux, même si je fous rien. Ils sont jaloux, c'est tout.

— C'est ça...

Elle appela le garçon de service d'une main et détailla le ticket.

— Ils ont encore augmenté les prix, dit-elle. Ça n'en finit plus. Bientôt, on paiera notre café à cinq euros.

— C'est la crise, qu'est-ce que tu veux !

— L'explication à tous les problèmes, commenta-t-elle avec un clin d'œil. Bon, ça fait 2,80 chacun.

Vanitas lui offrit son plus beau sourire. Kairi le fixa un instant puis dit d'une voix exaspérée :

— T'as pas de fric, encore, c'est ça ?

— Tu me connais si bien.

— Rapiat. T'abuses.

Elle fouilla dans son portefeuille et déposa le compte sur la table. Lorsque l'employé fut revenu chercher le solde, tous deux se levèrent et enfilèrent leur veste. Kairi était en train de nouer une écharpe en laine autour de son cou lorsqu'elle aperçut cinq silhouettes s'engouffrer dans la salle. Elle donna un discret coup de pied à son ami.

— Tiens, Vanitas, pourquoi tu lui demanderais pas, à lui ?

Celui-ci se retourna et eut un léger sourire.

— Ventus et sa joyeuse bande d'imbéciles, se moqua-t-il.

— C'est peut-être un signe, Vani. Tu devrais le lui demander.

— J'ai comme un doute, dit-il. Ça ferait tellement cliché s'il s'avérait qu'il était comme par hasard libre.

— Qui ne tente rien n'a rien, mon grand.

— Je déteste cette phrase, elle est tellement passe-partout... bon, t'as raison. J'y vais.

— Bonne chance, rit-elle.

Il ne releva pas la remarque ironique et s'avança vers la table où les cinq nouveaux venus étaient en train de s'installer. Vanitas les regarda faire avec mépris.

Parmi tous les élèves stupides de son établissement scolaire, Ventus avait eu l'art et la manière de choisir les pires de tout le lycée. Que quatre imbéciles pareils traînent avec quelqu'un de si parfait, ça tenait du complot ; ou bien c'était la plus mauvaise blague que l'humanité ait jamais faite, en plus de la création d'un prof d'histoire aussi con et insupportable que celui qu'il avait quitté plus tôt.

Olette était une fille d'une stupidité aberrante, aussi volubile qu'insupportable et elle ne manquait jamais de faire des réflexions dont l'utilité était plus que douteuse. Pence, dont le tour de taille n'avait d'égal que le vide qui emplissait sa boîte crânienne, passait ses journées à s'empiffrer et à parler de nourriture. Hayner, lui, bien que le moins idiot des trois, ne pouvait s'empêcher de se croire meilleur que tout le monde, une caractéristique que Vanitas avait beaucoup de mal à supporter, surtout chez d'autres que lui.

Et bien sûr, il y avait Roxas. S'il était la copie conforme de Ventus – physiquement parlant, bien sûr –, Vanitas ne pouvait s'empêcher de le détester cordialement. En fait, personne ne lui inspirait tant de dégoût et d'horreur que ce personnage. Comment avait-il le droit de revêtir la même apparence que son frère, en la dévalorisant autant ? Comment pouvait-il avoir le droit de vivre avec lui, de manger avec lui, de grandir avec lui, sans que personne n'ait rien à en dire ? Pire : comment certaines personnes avaient-elles le culot de ne pas savoir les différencier ? C'était une insulte à la magnificence de son jumeau – et il n'avait aucun droit de faire si mauvais usage de leur ressemblance.

Vanitas s'avança parmi eux et posa une main sur la table en ignorant superbement l'air choqué de Roxas. Paré de son plus beau sourire, il entama la conversation.

— Salut, Ventus, dit-il en prenant grand soin d'articuler chaque syllabe de son prénom avec un plaisir presque malsain.

Celui-ci haussa un sourcil et répondit :

— Vanitas.

Juste un mot, et pas n'importe lequel : son nom. Le sourire de Vanitas s'agrandit. C'était quand on le prononçait avec une telle indifférence blasée qu'il révélait toute sa beauté ; surtout lorsqu'il venait directement de la bouche de Ventus. Rien n'était plus réjouissant que de l'entendre ainsi. Sans faire attention aux messes basses que tenaient les quatre autres dans son dos, il décida d'aller droit au but :

— Dis-moi, par le plus grand des hasards, chercherais-tu un partenaire pour le travail de français ?

— Pourquoi, tu es tout seul ?

— C'est une façon de parler, répondit Vanitas.

— Désolé, soupira Ventus, je suis déjà avec Sora.

Sora ? Cet idiot de la pire espèce ? Non, il n'avait pas fait ça. Quelle idée.

— Sora ?

— Oui. Vraiment désolé, s'excusa-t-il à nouveau. Si tu veux, je crois que Roxas n'a toujours personne.

Vanitas jeta un rapide coup d'œil à ce dernier. Il réceptionna le regard chargé de haine du blond avec un sourire moqueur.

— C'est gentil, mais ça ira, dit-il. Quel dommage, ajouta-t-il, je suis sûr qu'on aurait pu faire des merveilles, toi et moi.

Il prit soin d'effleurer la main de Ventus du bout du doigt avant de s'éloigner. Avec un plaisir non dissimulé, il rejoignit Kairi. Il imprima dans sa mémoire la délicieuse sensation de la peau du blond en contact avec son doigt, puis poussa le vice jusqu'à le passer sur ses lèvres pour en apprécier toute la saveur. Kairi l'accueillit avec un sourire narquois.

— De loin, j'aurais vraiment cru que t'allais le manger. Alors ?

— Il est avec Sora.

— Pas de bol.

— Je sais pas comment il fait pour fréquenter des gens aussi cons.

— Je sais pas comment tu fais pour avoir envie de fréquenter quelqu'un comme lui.

— Tu es aveugle. Bon, on y va ? J'ai bien envie de rentrer chez moi, là. J'ai des trucs à faire.

— Quel genre de trucs ?

— Le genre qui demande concentration, doigté et tour de main bien entraîné. Je ne t'en dis pas plus.

Elle ne fit aucun commentaire.

Ils sortirent tous deux de l'établissement en bravant les températures quasi hivernales qui les narguaient au-dehors.

Kairi et Vanitas ne tardèrent pas à se séparer. La jeune fille jeta un dernier regard à son ami avant d'enfoncer son menton dans son écharpe avec un étrange sourire.

Elle aussi avait des choses à faire. Pas mal de choses.

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Roxas serra les poings en regardant son pire ennemi s'éloigner avec un air horriblement satisfait.

— Mais d'où il se permet de venir nous faire chier jusqu'ici, ce type ?

— Calme-toi, Roxas, le tempéra Olette. Il est juste venu demander un truc. Il ne t'a même pas adressé la parole.

— Et alors ? Tu l'as vu, ou quoi ? Toujours à se pavaner, avec ses grands airs et ses sourires à la con. Il dégage une sale impression. Regarde, j'en ai presque la chair de poule.

— Pire, l'encouragea Hayner. Il me fout les boules, moi. T'as entendu comment il parle ?

— Bof, je vois pas où est le problème, dit vaguement Pence. Qu'est-ce que tu en penses, Ven ?

Celui-ci n'avait pas encore dit un mot. Il sembla sortir d'une rêverie et fronça les sourcils.

— Il est, euh... perturbant.

Perturbant ? C'est le seul terme qui te vient à l'esprit ? T'as vu comme il te regardait, ou quoi ?

Ven fit la moue.

— Comment ?

— Comme un type affamé regarde son prochain repas, répondit Olette.

— Ou comme un tueur en série sa prochaine victime, proposa Hayner en se grattant le menton d'un air circonspect.

— Ou comme un vieux frustré regarde une jeune fille en jupe, lâcha Roxas.

— Tu n'y vas pas de main morte, soupira Ven. Si on pouvait éviter de me comparer à un repas ou victime, ça m'arrangerait.

— On te compare pas, Ven, lui expliqua son frère, on trouve de brillantes métaphores pour illustrer l'expression que cet infâme connard portait sur son visage. Excuse-moi, mais ce... cette chose... n'a pas cessé de te dévorer des yeux une seconde, il nous a même pas adressé la parole, et la seule fois où il a détourné son regard de toi, c'était pour me jauger et se foutre de ma gueule.

— Tu exagères.

Il prit les autres à témoin.

— Les gars, sérieusement, dites moi que j'ai tort.

— Mmh, c'est vrai qu'il te regardait un peu bizarrement, dit la brune.

— Je suis sûr qu'il existe une expression pour ça, marmonna Pence.

— Oh, oui, l'aida Hayner, ça s'appelle « déshabiller du regard ».

— Tu vois !

Ven but une gorgée de café et ne fit aucun commentaire. Après quelques secondes, Roxas laissa échapper un gémissement horrifié.

— Dis-moi que c'est pas vrai, Ven !

Celui-ci se tourna vers son jumeau avec son air le plus innocent.

— De quoi ?

— Oh, et t'es sérieux, en plus. Crade.

— Tout de suite les grands mots.

— Non mais sérieusement ! Non seulement tu t'es laissé faire mais en plus t'as aimé ça ?

— Je n'ai rien dit de tel !

Roxas pointa vers lui un doigt accusateur.

— Menteur ! Tes yeux parlent pour toi !

— N'importe quoi...

— Bon, et si on changeait de sujet ? soupira Hayner. C'est pas que ça m'intéresse pas, mais bon.

Roxas voulut protester mais fut étouffé par la conversation qu'avaient commencé les trois autres. Ven, lui, restait étrangement silencieux.

Roxas lui jeta un regard en coin. Difficile de dire à quoi il pensait ; il avait beau être son frère, et son frère jumeau par dessus le marché, il était parfois incapable de savoir ce qui se passait dans la boîte crânienne de son pareil.

Était-il possible que Ven n'ait pas remarqué le regard de Vanitas ? ? Ou bien l'ignorait-il seulement pour taire ce qu'il valait mieux cacher ? Roxas ne savait pas exactement que penser. Il échangea un bref regard avec son jumeau qui lui offrit un léger sourire. Il haussa les épaules. Peut-être valait-il mieux tout simplement laisser tomber.

Il jeta un sucre dans le fond de sa tasse et admira les cristaux blancs prendre peu à peu une teinte brunâtre. Il le ramassa ensuite avec sa cuillère et l'enfourna dans sa bouche avec un délicieux frisson. Rien n'était meilleur que le sucre au café. Rien au monde.

— Du coup, Roxas, tu vas le faire avec qui, ton travail ? demanda Pence sur le ton de la conversation.

Il se passa une main dans les cheveux.

— J'en sais trop rien. Riku, j'imagine.

— Je me demande avec qui Vanitas va finir, dit Olette d'une voix rêveuse. Personne ne serait assez stupide pour accepter de travailler avec lui.

— Je suis sûr qu'il va finir par dire quelque chose comme « désolé, j'ai pas pu le finir, j'étais pas au courant. »

— D'office. C'est bien son genre.

Ven tourna négligemment sa cuillère dans sa tasse désormais vide et sourit.

— On y va ? On a du travail à faire, je crois.

— T'as pas tort, soupira son frère. Maman va encore s'énerver parce que la maison est en « bordel »... Je me demande d'ailleurs c'est quoi sa définition du bordel, parce qu'on doit pas avoir exactement la même, si tu veux mon avis.

Ven acquiesça et se leva, suivi de Roxas. Les trois autres, eux, restèrent tranquillement installés sans faire mine de vouloir les suivre. Roxas s'en étonna.

— Vous ne venez pas ?

— Non, répondit Pence, je crois que Hayner doit rejoindre Seifer dans une bonne demi-heure... On va pas se les geler dehors, tu vois.

Seifer ? s'exclama Roxas de son air le plus dégoûté. Qu'est-ce que vous allez faire avec lui ?

— Merci, Pence, merci, dit Hayner en secouant la tête. Je vais devoir tout lui expliquer, maintenant.

Les jumeaux échangèrent un regard et haussèrent les sourcils d'une façon parfaitement synchronisée qui fit sourire Olette.

— M'expliquer quoi ?

— Hayner a fait quelque chose de stupide, comme d'habitude, expliqua la jeune fille. On l'a croisé en rue, l'autre jour, et comme d'habitude ce garçon idiot n'a pas trouvé de meilleure idée que de le provoquer. Comme tu t'en doutes, ils se sont disputés, ça a dégénéré, ça a fini en bagarre de rue et...

— Seifer a gagné, supposa Roxas.

— Non, non, le corrigea Pence. C'est Hayner qui a gagné, et de belle façon, pas vrai ?

L'intéressé hocha fièrement la tête.

— Exact. Il a même pas eu le temps de se défendre, j'ai été trop doué, pour le coup. Quel débile. Enfin bref, pour fêter ma victoire, j'l'ai pris en photo, il a pas trop apprécié et a voulu me coller une raclée avant que je ne puisse m'en aller. Des flics sont passés à ce moment-là, et comme il pouvait rien faire sur le moment il m'a dit qu'il se vengerait. Olette a pensé que ce serait sans doute un truc sale, du coup elle est allée lui faire entendre raison. Au final, il a accepté qu'on réalise un duel plus correct, et je dois aller le rejoindre aujourd'hui. Il est persuadé qu'il va me massacrer.

— Et tu vas y aller ? demanda Ven. Tu es vraiment sûr de toi ? Je veux dire... Seifer est plus fort que toi, et en général c'est toi qui finis au tapis.

— Merci pour ta confiance, Ventus, mais ça devrait aller. Vous inquiétez pas ; de toute façon s'il a sa victoire, il arrêtera de me les casser pour le moment. Et s'il l'a pas ; tant pis, c'est quelqu'un d'intègre, il saura le reconnaître. Je crois.

— Moui...

Les deux frères soupirèrent en chœur et Roxas posa une main sur l'épaule d'Hayner.

— T'as intérêt à gagner. Je compte sur toi. De toute façon, tu nous diras tout demain, ok ? Bonne chance.

Son ami le remercia d'un sourire et d'une démonstration de la puissance de ses biceps, puis tous deux sortirent du café en tremblotant.

Heureusement pour eux, ils ne vivaient pas très loin du centre-ville ; ou plutôt, ils en étaient géographiquement éloignés, mais ils avaient la chance de vivre à deux pas d'une des quatre seules lignes de métro qui traversaient la cité, ce qui leur épargnait un précieux temps de déplacement – qu'on parle de marche ou de bus. Il se dépêchèrent donc de sauter dans le premier métro venu en espérant ne pas arriver trop tard chez eux ; comme l'avait judicieusement fait remarquer Roxas, leur mère ne serait pas d'excellente humeur si elle constatait un désordre dans leur petite maison. C'était une sorte de maniaque ; voir des objets mal rangés l'insupportait, et elle risquait d'être d'une humeur massacrante s'ils ne faisaient rien pour arranger ça.

Ils s'installèrent par chance sur des sièges libres, denrée rare dans les transports en commun, surtout à cette heure. Le métro s'ébranla et enfin il furent en route pour rentrer chez eux.

Ven n'aimait le métro que pour une seule raison ; il lui permettait d'observer toutes sortes de personnes différentes, de tous les genres, de tous les âges. C'était un de ses passe-temps préféré ; regarder les gens qui, seuls, écoutaient une musique mystérieuse, un casque enfoncé sur les oreilles, ceux qui discutaient avec de grands gestes ensemble, ceux qui riaient fort, ceux qui au contraire restaient debout au milieu de la foule à murmurer à eux-même des secrets à jamais scellés. Il adorait imaginer la vie de ces personnes, se demander de quoi elles parlaient, d'où elles venaient, pourquoi elles prenaient ce métro, quelles étaient leurs opinions et deviner comment elles se sentaient. Celle-ci devait couver un début de maladie, au vu de ses joues pâles et de son menton enfoncé dans une épaisse écharpe de laine ; celui-ci devait rentrer d'une journée particulièrement stressante, et avait l'air si gêné et indécis qu'il s'imaginait sans doute comment annoncer une mauvaise nouvelle à ceux qu'il rejoignait. Untel avait l'air pressé, unetelle semblait vouloir stopper le temps à tout prix.

Les gens avaient quelque chose de passionnant. Et au moins, c'était une activité qui lui permettait de passer le temps.

Il interrompit son observation lorsqu'il reçut un léger coup de coude de Roxas qui lui indiquait la foule entrante avec un léger sourire.

— T'as vu cette fille ? demanda-t-il.

— Laquelle ?

— Celle-là.

Il lui montrait une adolescente qui devait avoir environ leur âge, plutôt petite, un joli visage encadré par de courts cheveux noirs et éclairé par deux yeux bleus époustouflants. Elle était seule et jetait des regards autour d'elle avec calme.

— Tu la trouves comment ?

Ven pencha la tête.

— Plutôt jolie, j'imagine...

— Tu imagines ? Sérieusement.

— Pourquoi ?

— Elle est vraiment jolie.

— Oh. Je vois. Tu comptes aller l'aborder ?

— Pourquoi pas ?

Ven sourit et haussa les épaules.

— Bonne chance !

Son frère lui fit un clin d'œil et se leva pour accoster la demoiselle de son air le plus avenant.

— Salut, dit-il.

Elle lui sourit.

— Salut.

— Je m'appelle Roxas, commença-t-il en lui tendant la main.

— Euh... Xion, répondit-elle, interloquée.

— Enchanté. Tu vas jusqu'où, comme ça ?

De loin, Ven la vit faire le sourire de celle qui n'est pas dupe et qui compte envoyer balader son interlocuteur dès que l'occasion s'en présentera. Pauvre Roxas. Il n'était vraiment pas doué. Il songea à le lui faire remarquer, puis décida de n'en rien faire et de le laisser lui-même apprendre ses leçons.

— Jusqu'au terminus, fit la fille.

— Incroyable, c'est aussi là que je vais !

— C'est vrai ?

— Pas vraiment. Mais aujourd'hui, je prolongerais bien mon voyage...

— Ce ne sera pas la peine, sourit-elle. Je suis déjà prise.

— Pardon ?

— Ne te fatigue pas. Tant d'attention est flatteur, mais j'ai déjà une copine, désolée.

— Une...

Elle rit à la vision de son visage décomposé. Roxas rougit et balbutia :

— Je, euh... mh... bon, ok.

— Tu t'en sortiras mieux la prochaine fois, plaisanta-t-elle.

— Ah, j'espère.

Elle regarda autour d'elle et son regard croisa celui de Ven qui, de son côté, tentait de garder son sérieux sans vraiment y parvenir.

— Vous êtes jumeaux ? demanda-t-elle à Roxas. Enfin, ça me paraît évident.

— Oui, oui. Il s'appelle Ventus.

— Ça doit être bizarre, d'avoir un jumeau. Mais chouette en même temps.

— Ça l'est, oui. Même s'il y a quelques inconvénients.

— Comme quoi ?

— Entre nous, les gens ont tendance à me croire aussi stupide que lui.

Il échangea un clin d'œil avec son frère et Xion se mit à rire.

— J'imagine que ce n'est pas facile à vivre, dit-elle.

— Oh, ça va, je m'en sors.

Une voix mécanique annonça son arrêt et Ven se leva.

— On descend ici, expliqua Roxas.

— Ravie de t'avoir rencontré, sourit-elle.

— De même. Bon, Ven, on a intérêt à carburer si on veut être là à temps.

Le métro s'arrêta et les portes s'ouvrirent. Les garçons adressèrent un signe à Xion avant de descendre.

Ils furent bousculés par la foule de mal-élevés qui n'avaient sans doute jamais compris le principe de laisser sortir les passagers avant de prendre leur place. Roxas émit un grognement exaspéré.

— C'est pas vrai, marmonna-t-il.

Ven eut un sourire. Son frère était quelqu'un de très irascible, et il ne se lassait pas de le voir râler à la moindre petite contrariété. C'était une de petites choses qui le différenciait de lui, et d'une certaine façon, il avait toujours trouvé que c'était un trait de caractère qui avait un certain charme. Malheureusement pour Roxas, Ven semblait être le seul à être de cet avis. Il avait essuyé tant de refus que c'en était presque devenu un secret honteux. Les deux frères s'étaient toujours demandés pourquoi ; il était loin d'être laid et, malgré son côté râleur, il avait plutôt bon caractère. Mais curieusement, personne ne semblait le remarquer – du moins aucune des filles chez qui il avait tenté sa chance. Ils en avaient conclu à un mauvais karma ; c'était l'explication la moins blessante et la plus satisfaisante pour l'intéressé. Une fée maléfique au dessus de son berceau le jour de sa naissance, ou bien une mauvaise étoile – quelque chose qui en tout cas passait son temps à lui jouer des tours. Il était simplement étonnant que ces étranges coups du sort n'aient touché que la moitié de la portée ; Ven n'avait jamais de problème et était plutôt apprécié par les demoiselles qu'il côtoyait, au point que c'étaient elles qui finissaient le plus souvent déçues. Cette différence entre les deux garçons, quand on pensait à leur effective ressemblance, était proche du phénomène surnaturel. Tous les deux fatigués de la situation, ils avaient juré qu'ils découvriraient le secret de leur naissance et qu'ils conjureraient la malédiction qui touchait Roxas depuis la nuit des temps. Il devait exister des antécédents familiaux, ou bien Ven avait pactisé avec le Démon sans le savoir ; quoi qu'il en fut, ils s'arrangeraient pour que cette situation cesse de perdurer et que les perturbations hormonales de Roxas puissent enfin être apaisées.

Ils traçaient leur route, plongés tous deux dans leurs propres pensées, quand ils arrivèrent enfin devant l'immeuble où ils vivaient avec leur mère. Ils échangèrent un regard lourd de sens avant de déverrouiller la porte. Ils avaient du travail à faire, et ça promettait de durer un moment. En silence, ils entrèrent dans le hall et la porte se referma avec un grand bruit sur leur démarche démotivée.

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Vide, encore une fois – à croire que c'était une espèce de tradition familiale. Vanitas pinça les lèvres et ferma la porte du frigo avec déception. Incroyable cette manie qu'avait sa tante de n'acheter que le strict nécessaire ; une manie qui laissait le frigo plus souvent vide que plein, ce qui exaspérait son neveu au plus haut point.

Il n'avait pas faim, loin de là, mais l'envie de se mettre quelque chose sous la dent – n'importe quoi, du moment que c'était sucré – le taraudait depuis près d'une demi-heure, et il détestait que ses envies restent insatisfaites. Il jeta un coup d'œil à l'horloge de mauvais goût que sa tante avait installé quelques mois plus tôt – des dessins vieillots de chatons à poils longs l'observaient en silence tandis que les grosses aiguilles au design faussement travaillé vaquaient tranquillement à leurs occupations en faisant tant de bruit qu'on pouvait les entendre du couloir, si on tendait l'oreille. Il était à peine dix-huit heures, et s'il se dépêchait, il avait le temps de sortir jusqu'à l'épicerie la plus proche. Elle fermerait dans une demi-heure, mais la distance qui les séparait n'était pas si longue, et il avait largement les moyens de s'y trouver à temps.

Il réfléchit un instant. On était mardi... ce qui signifiait que l'unique caissier serait un jeune homme insupportable du nom de Terra – quelque chose comme ça – et qui, pour une raison des plus mystérieuse, le détestait cordialement. C'était du moins ce qu'en avait conclu Vanitas au vu des longs regards méprisants qu'il était obligé de supporter à chaque fois qu'il se rendait à l'échoppe depuis deux ou trois ans.

Ce vendeur prenait également soin de mettre le plus de temps possible pour scanner ses articles, et ne se gênait pas pour observer avec attention tout ce que Vanitas pouvait acheter. Il lui arrivait même parfois d'agrémenter son scan d'un sourire en coin ou d'un commentaire qu'il avait dû préparer pour l'occasion – il était impossible qu'il improvise, vu son air abruti, et Vanitas était certain qu'il tenait des cahiers de répliques à sortir de temps en temps et sur lequel il devait passer des heures chaque soir. Il eut un léger sourire à cette pensée. Cela correspondait parfaitement au personnage.

Il laissa échapper un soupir. Il ne savait pas exactement quand sa tante rentrerait. Peut-être qu'il resterait des heures à se torturer avant de pouvoir assouvir ses désirs. Bon, tant pis pour Terra ; il n'aurait qu'à éviter son regard, de toute façon. Il enfila une veste et des gants, puis sortit de la maison de rangée dans laquelle il vivait depuis près d'un an en prenant soin de vérifier si la porte était bel et bien verrouillée. Elle avait tendance à rester entrebâillée si on n'y faisait pas attention, et si sa tante la découvrait à moitié ouverte, il allait passer un sale quart d'heure.

Il n'avait pas fait trois pas à l'extérieur quand il fut interrompu dans sa marche par le téléphone portable qui vibrait contre sa cuisse. Il décrocha sans même regarder le nom de son interlocuteur.

Qui se révéla être en vérité une interlocutrice. La voix de sa tante, rapide et stressée, résonna dans le combiné.

« Allô ? Allo ? Vanitas, tu m'entends ? »

Il leva les yeux au ciel, sans se soucier du fait que la principale intéressée n'en verrait rien.

« Oui. Pourquoi tu m'appelles ?

— Eh bien, tu ne devineras jamais ce qui m'est arrivé ! Je viens d'avoir un accident de la route ! Tous ces conducteurs incapables de vérifier leur priorité de droite, vraiment, où ont-ils été chercher leur permis de conduire ? Dans une pochette surprise ? Je ne comprends pas comment on peut encore laisser des personnes irresponsables se promener comme ça, en liberté, alors qu'ils mettent la vie de tous leurs concitoyens en danger. Tu y crois, toi ? Ça devrait... »

Il cessa d'écouter et garda son téléphone non loin de son oreille pour pouvoir répondre lorsqu'elle aurait fini sa tirade indignée. Un accident de la route – c'était tout elle, ça. Il était d'ailleurs à peu près sûr qu'elle n'était pas toute blanche dans l'affaire. Peut-être même qu'elle était complètement en tort. Mais ça, personne ne réussirait à l'en persuader. C'était une femme plus têtue qu'une mule, que rien au monde ne pouvait faire changer d'avis.

Il y eut une seconde de silence, et il en profita pour placer sa question.

« Du coup, t'es où, là ?

— Figure-toi que je suis coincée à l'hôpital ! Ils refusent de me laisser partir alors que je jure les grands dieux que je vais très bien. On ne meurt pas d'une jambe cassée, qu'est-ce qu'ils croient ! J'ai commencé des études de médecine, moi, je sais ce que je dis. »

Des études qu'elle n'avait jamais terminées, incapable de passer les premiers examens, malgré de nombreux essais.

« Enfin, ils insistent pour tester je ne sais combien de trucs, et je vais devoir rester là pour ce soir, ou plus longtemps s'ils découvrent quelque chose, ce qui serait complètement surréaliste, étant donné que je ne me suis jamais sentie aussi bien de toute ma vie. Je suis en pleine forme !

— J'entends ça...

— Bref, tout ça pour dire que je ne rentrerai pas. N'oublie surtout pas de nourrir les poissons, tu sais combien ils sont fragiles. Vingt heures trente tapantes ! Tu retiens ?

— Oui, oui.

— Très bien ! Il doit rester deux ou trois choses à manger dans le congélateur. Tu sauras te débrouiller, n'est-ce pas ? Je compte sur toi ! Et ne profite pas de mon absence pour faire des saletés ou regarder des programmes déconseillés aux mineurs !

— D'accord.

— Allez, je te laisse, ou les infirmiers vont encore venir de hurler dessus. Quelle bande de malappris ! Tu devrais voir ça. Inconcevable. Bref, bye-bye ! Et sois sage !

— À plus. »

Il raccrocha et remit le téléphone dans sa poche. Les conversations avec sa tante le fatiguaient au plus haut point. Il considéra le trottoir un moment, avec hésitation. Il n'avait plus la moindre envie d'affronter en plus le vendeur de la supérette.

Tant pis pour ça. Un sourire traversa son visage. Ce soir, il aurait la maison pour lui tout seul – un plaisir rare et qui n'en était que plus appréciable. Il tourna les talons et rentra chez lui, en ignorant le petit vieillard qui le regarda passer avec un visage sans expression.

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Debout devant la salle de classe, Ven attendait que leur professeur arrive pour ouvrir la porte, verrouillée à double tour. Il regardait autour de lui avec un légère tension, ce que ne manqua pas de remarquer Olette qui lui lança un regard interrogateur.

Ven lui sourit et haussa les épaules.

— Ce n'est rien, je cherchais seulement Sora.

Olette regarda autour d'elle. Les épis châtains de Sora n'étaient visibles nulle part dans la vingtaine d'élèves qui attendait devant la porte en se racontant leurs probables aventures de la veille. Elle passa une main sous son menton, pensive.

— Mmh, en effet, dit-elle. Étrange, il est rarement absent.

— C'est ce que j'étais en train de me dire...

— C'est pas avec lui que tu travailles ?

— Si, justement. On est censés commencer aujourd'hui.

La brune plissa légèrement les yeux puis offrit un sourire rassurant à son ami.

— Il viendra peut-être en retard. Et puis, avec un peu de chance, la prof sera absente.

C'était possible. La sonnerie avait retentit depuis dix minutes déjà, et ils étaient la seule classe à ne pas avoir démarré leur cours. Les autres élèves regardaient leur montre avec une excitation proche de l'extase. Encore cinq minutes, et ils pourraient s'en aller sans avoir de problèmes. Certains croisaient les doigts, d'autres fermaient les yeux en invoquant la chance en y mettant toute la concentration qu'ils étaient capables de mobiliser. Une lueur d'espoir apparut dans le cœur de Ventus. Si le ciel était avec lui, peut-être que...

Un murmure déçu traversa la foule d'élèves tandis que le bruit du pas rapide de l'enseignante arrivait jusqu'à eux. Ven retint de justesse un soupir. Nul doute qu'elle n'aurait pas apprécié l'entendre si elle était passée près de lui.

Alors qu'ils entraient en classe, Olette échangea avec lui un regard désolé avant de s'installer à sa place, près de la porte. Ven, le pas traînant, déposa son sac près de sa chaise et sortit ses cahiers et stylos avant de s'asseoir à son tour. Leur professeur attendit que tous soient entrés pour fermer la porte. Les étudiants se levèrent.

Elle laissa vagabonder son regard sur eux et agita la main.

— Vous pouvez vous asseoir, dit-elle d'une voix emprunte d'une autorité certaine.

Elle n'était pas méchante, mais son air patibulaire ne motivait personne à s'essayer à la rébellion.

Un silence plana sur la classe tandis qu'elle vérifiait son journal de classe. Elle se frotta les mains et reporta son attention sur ses élèves.

— Eh bien, s'exclama-t-elle, que faites-vous encore là ? Par groupe, allez ! Rien ne sert de perdre du temps, on est déjà assez en retard comme ça.

Le vacarme assourdissant des chaises qui crissent contre le carrelage et des étudiants qui s'étaient bien sûr mis à discuter pendant qu'ils prenaient leur affaire la fit froncer les sourcils – ce que personne ne remarqua, bien sûr, hormis Ven qui, sans Sora, ne savait pas exactement ce qu'il devait faire.

Il ne tarda pas à se faire chasser de sa place pour laisser la partenaire de travail de sa voisine de classe s'y installer. Perdu, il chercha un endroit où aller, sans succès. Il restait quelques bancs libres dans le fond, mais il n'était pas sûr qu'y aller soit le choix le plus avisé. Le temps qu'il réfléchisse, tout le monde s'était déjà assis et le calme s'était abattu sur la salle.

Il se tourna vers son professeur qui haussa les sourcils.

— Comptes-tu rester debout au milieu de tes camarades ou vas-tu enfin te décider à choisir une place ?

Il jura intérieurement en sentant la chaleur lui monter aux joues. Il n'était pas vraiment timide, mais il n'aimait pas non plus être le centre de l'attention ; or une bonne vingtaine de paires d'yeux était posée sur lui, parfois accompagnée de sourires en coin. À son grand dam, il resta immobile. Il maudit ses jambes qui semblaient s'être paralysées sous le stress inattendu.

— Très bien, soupira-t-elle. Avec qui travailles-tu, encore ?

— Je, euh, balbutia-t-il, je suis avec Sor...

À ce moment précis résonnèrent trois coups secs contre la porte. Le professeur envoya Olette ouvrir la porte.

Ven sentit l'espoir l'embraser – espoir qui se mua bien vite en déception. Ce n'était nullement Sora qui se trouvait derrière la porte ; à la place se tenait Vanitas, un sourire insolent sur les lèvres, qui entra avec cette attitude de maître du monde qui exaspérait tant la plupart des gens qui le côtoyaient de près ou de loin.

— Excusez-moi, dit-il sans le penser le moins du monde.

Leurs regards se croisèrent et Ven sentit ses joues le chauffer un peu plus. Il se rendit compte d'à que point il devait avoir l'air idiot ; il profita de l'arrivée de Vanitas pour s'asseoir au fond de la classe.

— J'espère que tu es passé par la permanence, soupira l'enseignante.

Vanitas hocha la tête.

— Très bien, va t'asseoir. Avec qui travailles-tu ?

— Personne, répondit-il en haussant les épaules.

— Voilà qui est parfait ! Installe-toi à côté de Ventus. Vous travaillerez ensemble.

Ven sentit son visage se décomposer. Il leva la main et attendit qu'on lui laisse la parole pour objecter :

— Et pour Sora, madame ? Quand il reviendra, il...

— Sora est hospitalisé, l'interrompit-elle. Je pensais qu'il t'avait prévenu. Il risque d'être absent pour un moment encore. Bref, mettez-vous au boulot !

Sora, hospitalisé ? Ven se sentit envahi par l'inquiétude. Il se pencha discrètement en avant et attira l'attention de Riku qui se retourna, un soupir au bord des lèvres.

— Que s'est-il passé ? murmura-t-il en prenant soin de ne pas se faire entendre.

— Je ne sais pas exactement. On m'a dit qu'il avait eu un accident de voiture.

— Mais il va bien, rassure-moi ?

— Il paraît. Il s'en remettra.

Il se détourna et Ven se sentit un peu plus soulagé. Il irait lui rendre visite plus tard, avec Roxas peut-être, et il en apprendrait plus à ce moment-là. Il n'était pas utile de s'inquiéter maintenant. Il ouvrit son classeur et fut surpris par le sourire de Vanitas qui, tourné vers lui, le regardait faire sans bouger le petit doigt. Il ne l'avait même pas entendu s'asseoir ; maintenant qu'il avait pris conscience de sa présence, il se sentit un peu mal à l'aise. Son nouveau partenaire de travail était beaucoup trop proche de lui à son goût ; il recula un peu sa chaise pour récupérer de l'espace puis se prépara mentalement à l'épreuve qui l'attendait. Il s'éclaircit la gorge et le sourire de Vanitas s'agrandit.

— Mmh, alors, par quoi on commence...?

— C'est quoi encore, le sujet ?

Évidemment. Ven ne savait pas exactement à quoi il s'était attendu. En tout cas, Vanitas était fidèle à sa réputation. Voilà qui s'annonçait difficile.

— Poètes du vingtième siècle...

— Passionnant sujet.

Ventus haussa les épaules.

— Et donc, qu'est-ce qu'on doit faire ?

— On choisit un poète... puis on le présente et on l'analyse.

— Comme c'est original, commenta Vanitas. Qu'est-ce que tu proposes ?

— Euh, je ne sais pas trop, je n'y ai pas encore réfléchi... on n'en avait pas encore parlé avec Sora, alors...

— Ce pauvre Sora. J'espère qu'il va bien.

Son corps entier transpirait le mensonge, mais Ven n'y fit pas attention. Il sortit une feuille qu'il posa sur le banc et commença à y regarder de plus près. Vanitas le suivit sans sembler savoir ce qu'il faisait.

— Ce sont les consignes ?

Ven hocha la tête. Son partenaire reprit :

— À remettre dans deux semaines... elle exagère. Enfin, ça n'a pas l'air bien long.

— Non... on s'organise comment ? Chacun fait sa partie ou...

— Je ne pense pas que ce soit la meilleure des idées, Ventus. On travaillerait bien mieux ensemble. Le rendu final sera meilleur... et on irait plus vite, non ?

Ven était intimement convaincu du contraire, mais il évita de le montrer. La perspective de fréquenter Vanitas ne l'enchantait pas vraiment ; à vrai dire, il avait un comportement un peu inquiétant, et il n'était pas sûr de savoir à quoi s'attendre s'il devait le voir seul à seul.

Seulement, le poids de son regard sur lui le mettait tellement mal à l'aise qu'il ne se sentait pas capable de s'y confronter. De toute façon, Vanitas trouverait d'autres excuses pour le convaincre de choisir son option ; Ven savait qu'il ne tiendrait pas un débat avec lui et qu'il finirait par capituler, au bout du compte. Il soupira.

— Si, sans doute...

— Parfait, dit Vanitas avec un air profondément satisfait qu'il ne cherchait même pas à cacher.

Le blond détourna le regard. Cette idée lui semblait de plus en plus mauvaise. Désespéré, il chercha du secours dans le regard d'autres élèves, tous occupés à discuter de leur sujet – ou d'autre chose, tant qu'ils n'étaient pas entendus par leur professeur. Personne ne répondit à son appel silencieux ; seul Roxas, qui s'était incrusté dans le groupe d'Hayner et Pence, lança un bref regard vers lui. Malheureusement, il ne paraissait pas le moins du monde compatissant. Ventus aurait même juré voir une lueur de mépris dans son regard. Il tenta de se convaincre qu'il avait mal interprété. Son frère n'était pas comme ça ; il l'aurait plaint, non ? Il était le premier à jurer qu'il détestait Vanitas.

La main de se dernier toucha son bras et il ne put retenir un sursaut. Il ramena son bras contre lui.

— Pardon, tu as dit quelque chose ?

Vanitas lui adressa un sourire moqueur.

— Tu avais l'air si profondément plongé dans tes pensées que je n'ai pas osé t'en extirper.

— Tu as bien fini par le faire...

— C'est qu'il faut qu'on s'y mette. Pas que j'en aie envie, mais l'Autorité ne cesse de nous lancer des regards depuis tout à l'heure, et j'ai pas envie de me taper un de ses discours à la noix.

— C'est vrai...

Il passa une main dans sa nuque et jeta un coup d'œil à sa montre. Il restait encore une bonne vingtaine de minutes avant que le cours ne se termine.

— Tu t'ennuies ?

— Quoi ? Euh, non. Je pensais juste à un truc.

— Dommage.

Ven haussa un sourcil. Dommage ? De quoi ? L'air de Vanitas le dissuada de pousser plus loin la réflexion. Il s'éclaircit la gorge.

— Bon, donc... un poète...

Il tourna les pages de son livre sans vraiment y regarder.

— Pourquoi pas Verlaine ? proposa Vanitas avec un demi-sourire.

— C'est le dix-neuvième, ça, le corrigea Ven.

— Je sais.

— Alors pourqu –

Il s'interrompit. Prit une inspiration.

— On va trouver autre chose. Regarde là-dedans, tu trouveras peut-être quelque chose. Je vais regarder dans le cours...

Il ignora le regard éloquent de Vanitas et se concentra sur ses feuilles. Ces deux semaines promettaient d'être longues. Très longues.


Yooo. Ici Crimson, qui a mystérieusement un autre compte.

Merci pour votre lecture ! N'hésitez pas à poster une review, même si ça fait 5 ans que cette fanfic a été postée, je les reçois toujours et rien ne pourrait me faire plus plaisir ;; Trois mots suffisent. Ces trois mots sont : Canette, véridique, mur. De rien.

J'espère que cette fanfic vous plaira. :D