Ok, je sais que ça fait presque quatre mois que je n'ai pas posté, mais... Je suis tombée dans Polydipsie à un degré incroyable. Cette fic est libératoire. Rien de sérieux, juste de la déconne, ça fait un bien fou.

Anyway ! Voilà le chapitre 15. La fic peut s'arrêter ici ou bien... Continuer avec la série. C'est à vous de voir !

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Dernière nuit sur Terre

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Gabriel était chiant, quand il était humain. Très chiant. Aussi, il ne fallut guère plus de quelques jours à Astrid et Alyssa pour décider qu'elles en avaient par-dessus la tête de ses gamineries. Il passait son temps vautrer sur le canapé, avait fait tout un drame quand il avait éternué pour la première fois de sa vie à cause d'un peu de poussière, tirait la chasse d'eau une fois sur deux et ne rabaissait JAMAIS la cuvette des toilettes, s'était cogné le petit orteil contre la table et avait hurlé à la mort pendant deux heures, ne rangeait jamais ses biscuits et bonbons, bref, ça devait cesser où bien il allait y avoir un homicide.

– GABE ! Change le sac de la poubelle, bordel ! Et vide-la ! Y a de la coquille d'œufs partout ! C'est dégueulasse !

Gabriel, mollement étendu dans un fauteuil, avec une couverture sur les genoux et un saladier de cookies à portée de main, soupira d'un air dramatique :

– Mais il aurait fallu sortir pour vider la poubelle…

– Et alors ?! s'énerva Alyssa.

– C'est vrai ça, et alors ?! renchérit Astrid rageusement en changeant elle-même le sac poubelle.

– Et alors ?! s'indigna Gabe. Et alors il pleut, j'aurais choppé une pneumonie, et on peut mourir j'vous ferai dire !

Astrid étrécit les yeux d'un air menaçant, puis se tourna brusquement vers Alyssa :

– Tu serais partante pour m'aider à cacher son cadavre ?

Gabriel s'étrangla promptement avec un cookie, et se mit à tousser et à cracher partout, faisant sursauter tous les chats du salon. La démone tapota la main de son amie d'un air compatissant :

– Du calme, du calme. Il est un peu chiant, mais c'est parce qu'on est jamais à la maison. Il doit se sentir délaissé ! Et incompris, aussi, vu qu'il est humain et pas nous.

Astrid se détendit, puis soupira :

– Tu as raison… Il faut qu'il se casse d'ici.

Gabe, qui avait finalement réussi à faire passer son cookie, s'étouffa de nouveau :

– Quoi ?!

Sa sœur roula des yeux :

– Relax, je vais pas te mettre à la rue avec un petit bol pour mendier des pièces. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut te confier à un humain, qui sait comment fonctionnent les humains. Quelqu'un qui aurait su que bouffer trois paquets de chewing-gums en une journée te donnerait une diarrhée infernale, par exemple.

Gabriel devint tout vert à ce souvenir, tandis qu'Alyssa esquissait une grimace dégoûtée. Oui, c'était sûr, il leur fallait un humain. Et pas dans cette maison ! Leurs pauvres toilettes avaient assez souffert comme ça.

– On pourrait le confier à Jesse ! proposa Alyssa.

– Qui est Jesse ? demanda Gabe avec intérêt.

Ah oui. Il n'était pas au courant. L'ange et la démone échangèrent un bref regard, puis la blonde secoua la tête :

– Nope, pas prudent. Pourquoi pas le club de lecture anarchique ?

La démone lui lança un regard blasé :

– Oh, sûr. Et après ils démissionneront tous dans la semaine. Ils n'ont pas signé pour jouer les baby-sitters pour archange humanisé ! Non, laisse-les en dehors de tout ça.

– Bon, admettons. Et Leo ?

– Quoi Leo ?

– Tu lui as révélé l'existence du surnaturel ! Alors pourquoi pas lui ?

Un sourire machiavélique illumina le visage de la démone :

– Tu as raison, c'est une excellente idée. Allez ! Gabe, met un slip, on y va !

Oui, parce que cet abruti n'était même pas habillé.

– Les sous-vêtements sont vraiment inconfortable, objecta l'archange. Et t'es pas le chef !

– Quelqu'un dois bien prendre les décisions.

– Oui mai pas systématiquement des mauvaises !

– Bon, ça suffit ! s'écria Alyssa. Arrêtez de vous tirez les couettes, là, vous me saouler. Gabe, habille-toi, et plus vite que ça !

– Tu prends son parti ? geignit Gabriel d'un ton trahi.

– Elle me fait des crêpes. T'as aucune chance.

Astrid se rengorgea, toute contente : et elle et la démone se firent un high-five sous le regard boudeur de Gabe. Puis la blonde croisa les bras, et haussa un sourcil dans sa direction :

– Allez, slip, pantalon, sinon c'est string et poil à gratter. Et crois-moi, je ne plaisante pas !

Geignant et protestant, Gabriel finit par obéir. Il était surtout curieux de rencontrer ce fameux Leo, l'humain qui avait réussi à gérer Alyssa avant que celle-ci ne s'incruste chez Astrid…

Une fois Gabriel vêtus de façon décente d'un simple jean et un T-shirt d'un obscur groupe de rock que lui avait fait apparaître sa sœur, la petite bande se téléporta à New-York. Astrid et compagnie apparurent donc en plein milieu du salon de Leo, sans soucier qu'il puisse éventuellement avoir des invités. Mais heureusement, Leo était seul, étalé dans le canapé en train de regarder un épisode de Desperates Houswives.

L'humain se redressa d'un bond avec un cri fort peu viril et Alyssa lui fit un immense sourire :

– Salut Leo ! Comment ça va ?

Puis elle jeta un coup d'œil à la télé et s'exclama :

– Saint Mère du Péché, j'avais complètement oublié cette série ! Le mari de Gaby est toujours aveugle ? Eh, attend, il est pas en prison le mec avec les cheveux zarbi ?

Encore sous le choc de les avoir vu apparaître en plein milieu de son salon, même si ce n'était pas la première fois, Leo se contenta de secouer la tête. Astrid regarda la démone en haussant un sourcil.

– Tu regardes Desperates Houswives ?

– Ben quoi ? C'est vachement plus prenant que ce qu'on pourrait croire !

Et sur ces mots de sagesse, Alyssa s'installa sans aucune gêne sur le canapé. Gabe et Astrid levèrent les yeux au ciel dans un bel ensemble, tandis que la démone commençait à tanner Leo pour qu'il lui raconte tout ce qu'elle avait manqué. Il s'avéra qu'Alyssa avait deux saisons de retard, et elle ne cessait d'ouvrir de grands yeux à chaque explication de Leo.

De son côté, Gabriel était en train de regarder autours de lui en faisant la moue. L'archange avait des standings un peu différents de ceux de Leo… Ce petit appartement, d'une taille cependant tout à fait décente, devait lui paraître comme un taudis. Astrid retint un gloussement. Si Gabriel n'avait pas un lit king size, des plats de pâtisseries dans toutes les pièces et trois ou quatre filles en petites tenues, il faisait la fine bouche.

Sa sœur allait adorer le voir s'adapter à une vie parfaitement humaine.

D'ailleurs, il était peut-être temps qu'elle en parle au principal concerné. L'ange blonde reporta son attention sur Leo et Alyssa (toujours plongés dans une profonde discussion sur leur série, ponctuée de petits cris de surprises d'Alyssa à chaque révélation choquante) : et se racla la gorge pour couper leur conversation. La démone lui jeta un regard agacé qu'Astrid ignora superbement.

– Bon Leo, si on est venu te voir, ce n'est pas par simple courtoisie.

L'humain poussa un soupir de martyr :

– Vous avez besoin de moi comme conseiller conjugal ? Encore ?

– La dernière fois t'as fait qu'hyperventilé dans un sac, lui rappela Alyssa d'un ton goguenard.

Leo lui flanqua un coup de coude, et Astrid reprit la parole avant que Gabe ne puisse poser de questions sur cette histoire de conseiller conjugal :

– Il faut que tu héberge mon frère. Et ça comprend le nourrir, l'habiller, lui inculquer les bonnes manières comme à un chiot désobéissant, et le frapper avec un journal s'il est chiant.

– Eh ! protesta Gabriel.

Pour la première fois, Leo aperçu Gabe, qui était jusque là plus ou moins caché derrière Astrid.

– Toi aussi t'es un…

– Un quoi ?

– Un ange ?

En entendant ça, Gabriel poussa un gémissement dramatique et Alyssa les yeux au ciel. Astrid, elle, esquissa un sourire amusé.

– D'habitude oui, mais là c'est un simple humain.

– Et c'est horrible ! S'écria Gabriel. J'y suis allé pas longtemps avant qu'on parte et j'ai déjà envie de pisser ! Je déteste tous ces besoins physiologiques, c'est horriblement contraignant !

– Qu'est-ce que tu entends pas "par longtemps" ? demanda Astrid avec suspicion.

– Trois heures pourquoi ?

Alyssa et Astrid échangèrent un regard de martyr, et Gabe ouvrit la bouche pour continuer à s'indigner : mais ce fut Leo qui parla le premier, d'une voix vaguement hésitante :

– Euh si tu veux, les toilettes sont la porte sur ta gauche au fond du couloir.

Gabriel le regarda, semblant débattre avec lui même pour savoir si sa vessie pouvait attendre qu'il continue de brailler comme un putois à propos de sa nouvelle condition, avant de finalement aller aux toilettes. Il y avait des trucs qui n'attendaient pas !

Une fois Gabriel parti, Alyssa passa un bras autours des épaules de Leo avant de lancer avec un grand sourire :

– Bon alors, est-ce que tu es d'accord pour l'héberger ? T'inquiètes pas pour l'argent, Astrid te fera parvenir une pension ! C'est une pompe à fric.

L'ange roula des yeux :

– Je te signale que tu en profites aussi.

– Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? lâcha Alyssa avec amusement en croisant les bras. Être un démon ne rapporte pas d'argent.

Leo rigola, puis fronça soudain les sourcils et se tourna vers la démone d'un ton accusateur :

– Comment ça, pas d'argent ? Comment tu payais le loyer alors ?

– Bah en braquant des mecs ! Quelle question !

La démone avait l'air de trouver ça complètement normal, d'ailleurs.

– Je fréquente des tarés, fit Leo sans s'adresser à personne en particulier.

Depuis le couloir où Gabriel était parti, on entendit unn juron, puis un bruit de chasse d'eau, avant que l'ex-archange ne revienne dans le salon. Il semblait encore plus boudeur qu'avant d'être allé sa vessie. Les mains dans les poches, il se laissa tomber sans aucune grâce sur le canapé à côté d'Alyssa.

– Il faut vraiment que vous retrouviez mon dernier Horcruxe ! déclara-t-il. Il est hors de question que je reste pour l'éternité ainsi !

– Tu sais, si tu es un humain, l'éternité...

– Oh non ! s'exclama Gabriel avec horreur. J'avais complètement oublié que j'étais devenu mortel !

– Euh, est-ce que je pourrais avoir quelques explications ? fit soudain Leo. Parce que, je veux bien héberger ton frère, je m'ennuie à mort depuis que Barbara est au Texas…

– Barbara est au Texas ? s'intéressa Alyssa.

– Oui, chez ma tante, mais on s'en fout c'est…

– Et c'est quoi l'adresse ? interrogea innocemment la démone.

– Alyssa ! fit Astrid d'un ton scandalisé.

– Bah quoi ?

– Eh ! cria Leo. Silence ! Moi je voudrais bien savoir ce qui se passe ! Je sais même pas comment il s'appelle, ton frère !

… Il n'avait pas tort. Gabe, Alyssa et Astrid se regardèrent, chacun voulant se débarrasser de la corvée sur quelqu'un d'autre. Finalement, ce fut l'ange blonde qui soupira, et résumé laconiquement :

– Il s'appelle Gabe. Et pour faire simple, euh… Il a fait des Horcruxes à la Voldemort pour pas mourir si jamais le Diable arrivait à le coincer et à le tuer…

– Le Diable veut te tuer ? s'étrangla Leo en se tournant vers Gabriel. Mais pourquoi ?

– Parce qu'il est le Diable, rétorqua l'ex-archange en levant les yeux au ciel.

– Et parce que t'es chiant aussi, crut bon de préciser Astrid. Mais bref, Lucifer a tué Gabe, sauf qu'on a utilisé l'un de ses Horcruxe pour le ressusciter, sauf que ça l'a rendu humain. Pour le rendre ange à nouveau, il faut trouver le deuxième Horcruxe, ce qui est pas gagné parce que Gabe n'a rien trouvé de mieux que de le confier à ces andouilles de Winchesters qui sont indétectables pour nos radars.

Leo cligna des yeux, puis demanda avec prudence :

– Et l'Horcruxe, il ressemble à quoi ?

– A un DVD de porno.

Alyssa étouffa un gloussement. Leo regarda bizarrement Gabriel, qui croisa les bras d'un air hautain.

– Sur le coup ça paraissait être une super bonne idée.

– Ouais c'est sûr, lâcha sa sœur d'un ton narquois. J'espère que les Winchester ont gardé ton DVD cochon, sinon on est mal.

– Personnellement, je trouverais ça chelou qu'ils le gardent, toussota Alyssa.

Les trois autres la regardèrent, intrigués.

– Pourquoi ? demanda Leo.

– Parce que ça voudrait dire qu'éventuellement, ils le regardent, et donc qu'ils matent Gabriel baiser avec une parfaite inconnue… Et devant ce genre de DVD, c'est rare que tu ne fasses que regarder.

Et pour illustrer ses propos, la petite brune remua les sourcils d'un air suggestif. Leo eut l'air soudain très mal à l'aise alors que le bout des oreilles de Gabriel devenait totalement rouge. Astrid se prit le visage entre les mains et poussa un grognement tandis qu'Alyssa affichait un sourire digne du chat de Cheshire.

– Merci Alyssa, j'avais vraiment besoin d'une telle image mentale.

– A ton service.

– Je te déteste.

– Mais nooon. Je vais t'acheter des bonbons, tu verras ça va aller mieux.

Astrid ne pu retenir un petit rire, tandis que Gabriel haussait un sourcil surpris :

– Acheter quelque chose ? Toi ? Mais tu n'as pas un rond !

– Je piquerai le portefeuille d'un mec dans la rue, fit la démone avec désinvolture.

– Évidemment, marmonna l'ange blonde. Bon, on se casse. Il faut qu'on aille traquer les Winchester. Leo, si Gabe te pose problème…

– Je vous appelle, je sais.

– Ah non, fit vivement Astrid. Surtout pas. Tu le frappes si tu veux mais tu nous appelles pas. On en a marre de sa gueule, nous.

Gabriel leur fit un bras d'honneur, et Alyssa ricana joyeusement. Astrid ne put retenir un petit sourire amusé. Son frère avait beau geindre et se plaindre, il n'était pas si mal loti. Leo avait su gérer Alyssa durant des années, alors il s'en tirerait très bien avec un ex-archange !

Elle offrit son bras à Alyssa, qui l'accepta d'un geste maniéré qui était devenu une habitude entre elles. Puis, après un bref salut en direction des deux humains, Astrid se téléporta, emmenant sa démone avec elle.

Il était temps de chasser les chasseurs…

oOoOoOo

Astrid avait rarement chassé des humains. Généralement, elle trouvait un type qui avait une tête d'enfoiré, se renseignait un peu sur lui, et lui donnait une bonne leçon si ça en valait le coup. Elle était Illusionniste, pas détective privé ou justicier ! Et la traque des Winchester s'annonçaient mal, si elle devait se reposer sur ses compétences à elle.

Du coup, elle donna carte blanche à Alyssa.

Alyssa n'était pas en odeur de sainteté (ah ah) en Enfer, mais elle avait des contacts, des informateurs qui pouvaient lui raconter les derniers potins des sbires de Lucifer. Et les Winchester étaient le sujet de conversation favori de Satan, apparemment. Ça et à quel point il était un incompris, puisqu'apparemment le diable était une drama queen de la pire espèce.

Et pendant qu'Alyssa faisait le tour de ses informateurs et des rumeurs sur leurs proies, Astrid renouait avec ses bonnes vieilles habitudes d'Illusionniste.

Elle avait un peu délaissé cette activité, à cause de l'Apocalypse et du danger de mort imminent qui les guettait tous en permanence. Ce genre de broutilles. Mais à présent, elle s'y relançait, et à fond. Ce n'était pas parce qu'elle voulait empêcher Lucifer de détruire le monde qu'elle était excessivement attachée à l'humanité. Elle était bien consciente de toutes les fautes et les horreurs qui pourrissaient les âmes des gens. Alors si elle en croisait un particulièrement pourri, elle n'hésitait pas à lui tomber dessus…

Et ça n'était pas particulièrement fun pour sa victime.

Les Illusionnistes étaient des créatures cruelles et sadiques, et Astrid se coulait dans le moule avec une facilité inquiétante. Torturer, violer, tuer ou traumatiser ses proies étaient une part essentielle du job. Le fait qu'elle cible des ordures de la pire espèce n'ôtait rien à l'horreur de certains de ses plans. Il y avait un pédophile qu'elle avait, par exemple, empalé sur un engin de chantier, et qui avait agonisé tout un week-end avant d'être découvert. Il y avait aussi prof de maths abusif qu'elle avait enterré vivant après deux semaines de psychoses, de paranoïa, d'hallucinations et de tortures psychologiques. Bref, Astrid avait beau être un ange, sa créativité n'avait parfois rien à envier à celle des démons.

– On devrait utiliser ton sadisme, lui dit un jour Alyssa. Parce que moi je fais chou blanc.

– Pour quoi faire ? lâcha l'ange avec désinvolture sans cesser d'observer sa prochaine cible.

Elles étaient dans un Starbuck, Alyssa les yeux rivés sur son téléphone et Astrid sirotant un café sans quitter des yeux un jeune homme qui passait commande. Celui-là serait sa victime dans la semaine. Astrid l'avait surpris à jeter un chaton dans la rivière, juste pour rire. Elle avait sauvé le chaton mais elle allait quand même tuer le gars. Et de manière créative.

– Pour attirer les Winchester, répondit la démone sur un ton d'évidence. S'ils remarquent des activités d'Illusionnistes, ils vont débarquer à toute allure, en espérant que ça soit Gabe.

L'idée se tenait. Astrid était en fait surprise de ne pas y avoir pensé plus tôt. D'un autre côté, elle n'avait jamais joué les appâts de sa vie… C'était une situation assez inédite.

– Okay, décida finalement l'ange blonde. On demande au club de lecture de se joindre à nous ?

Elles retournaient tous les soir au Q.G., pour donner des nouvelles, collecter les infos, parler de leurs possibilités. En ce moment, Niklas et Jeremy chassaient des chasseurs psychopathes, et les Faucheurs étaient surchargés de boulot : donc la seule à être là tous les soirs était Chani.

– On peut se débrouiller, rétorqua la démone. Alors, ça marche ?

Astrid hésita, puis finit par hausser les épaules :

– Ouais. On fait ça où ?

– Pourquoi pas ici ? proposa son amie. C'est une ville de taille moyenne, il y a un journal local qui est fan de faits divers, et les Winchester sont sans doute encore dans l'Etat. Assassine quelqu'un de manière originale et symbolique, et hop, la machine va être lancée.

Le regard d'Astrid s'attarda sur l'humain qu'elle prévoyait de zigouiller, et elle lâcha pensivement :

– Ça peut se faire.

La démone roula des yeux avec amusement :

– Une vraie psychopathe. Tu es une inspiration pour chaque punk avec un flingue et un masque de ski.

– Eh !

Astrid et Alyssa se louèrent donc une chambre d'hôtel en ville, et l'ange se mit en devoir de préparer l'évènement. Trois jours plus tard, l'affaire faisait les gros titres du journal local : l'étudiant avait été trouvé dans la rivière qui traversait la ville. Il était mort noyé, mais avait aussi été battu. Son corps était nu, étranglé par un collier pour chat, et portait les marques de crocs et de griffes de plusieurs chats et chiens. Les journalistes n'avaient pas eu de mal à faire le lien avec le fait que la victime n'aimait guère les animaux (ses amis et sa familles avaient avoué, à contrecœur, quelques unes des plaisanteries cruelles du jeune homme à l'égard de chats errants ou de chiens abandonnés).

Le lendemain, Alyssa et Astrid choisirent une nouvelle cible : un mec antipathique qui les avait sifflées dans la rue. L'ange avait déjà eut affaire à ce genre de cible, bourrins misogynes ou simple idiots sexistes, et l'affaire fut pliée le lendemain : l'homme, en larme, raconta qu'un inconnu l'avait battu, habillé en fille et féminisé au maximum, s'adressant à lui par des insultes sexistes avant de l'abandonner dans un local à poubelle, uniquement vêtu d'un soutien-gorge à paillettes. Quand les journalistes locaux cherchèrent à creuser l'histoire, Alyssa réussi à se faire interviewer, et raconta sur le ton de la confidence que leur homme était prompt au harcèlement de rue. Le journal n'en fit pas la une, mais y consacra quand même un article entier.

Les deux filles s'accordèrent une pause d'un week-end, où elles allèrent en Australie rendre visite à Jesse et lui raconter les mésaventures de Gabriel. Puis, à leur retour, elles se cherchèrent une nouvelle cible. Leur choix se porta sur une femme au foyer teigneuse, qui avait rasé les cheveux de sa fille parce que celle-ci rêvait une coupe plus moderne, et qui insultait copieusement son fils de huit ans pour ne pas être assez viril. La mégère se retrouva vite affublée de plusieurs kilos en trop et d'une pilosité digne d'un ours, sa maison fut envahie par les insectes puis par les animaux sauvages, et pour combler le tout, Astrid la coinça dans une ruelle sombre et lui rasa la tête.

Ces trois agressions, si rapprochées, intriguèrent même les médias nationaux. L'histoire de la pauvre mère au foyer eut droit à un petit article de quelques lignes dans les faits divers, mais le principal était que ça commençait à se remarquer.

– Quand je serai grande, je serai Illusionniste, déclara fièrement Alyssa.

Astrid, qui buvait un cocktail, s'étrangla de rire et se mit à tousser si fort que les larmes lui montèrent aux yeux, tandis qu'Alyssa lui tapait dans le dos en ricanant.

– Je doute que ça soit une option, finit par lâcher Astrid quand elle eut repris son souffle.

Son amie haussa les épaules :

– Tu te fais bien passer pour une Illusionniste alors que t'es un ange ! Je pourrais faire pareil.

– Tu aime beaucoup trop piquer les contrats des démons.

– … Pas faux. Mais la vie d'Illusionniste, c'est fun quand même ! C'était déjà pas mal avant l'Apocalypse, avec les blagues, les meurtres et tout. Mais là, c'est vraiment génial. Meurtres et traumatismes en chaîne, avec un humour douteux caché derrière le tout. J'ai l'impression d'être une gamine lâchée dans une confiserie.

– T'as vraiment une case en moins.

Alyssa se contenta de rire. Elles terminèrent leur soirée au bar, et y trouvèrent par hasard la cible de leur prochain coup : un type alcoolisé et extrêmement insistant, qui était de plus en plus lourd avec la fille toute seule au bar, jusqu'à ce que celle-ci s'enfuie dans les toilettes en pleurant pour appeler quelqu'un qui viendrait la chercher. Le type était si collant et effrayant qu'il aurait bien été capable de la suivre jusqu'à chez elle, si elle était rentrée seule…

– Ce type là n'a pas vraiment d'antécédents de cruauté ou de harcèlement, remarqua distraitement Astrid. C'est un mec lambda. Lourd et chiant mais assez passe-partout. Il a des potes, des parents.

– Tu vas le laisser alors ? s'étonna Alyssa.

– Nan. Il m'a agacé. Notre soirée aurait été plus tranquille s'il n'avait pas fait pleurer cette fille.

Alors le mec lambda se mit à halluciner dès qu'il entrait dans un bar, ou approchait une fille, que ce soit dans la rue ou à son travail. A chaque fois, il se voyait accoster par toute une bande de rugbymen qu'il était le seul à voir et à entendre. Des rugbymen ivres, et très insistants, qui ne se gênaient pas pour le tripoter, le malmener, qui le suivaient jusque dans les toilettes. Le type fut hospitalisé une semaine plus tard pour graves troubles psychologiques. Le journal local y consacra un autre article.

Le même jour, Danzin téléphona à Astrid : lui et Ajay avaient espionné les Winchester, et ils pouvaient annoncer avec certitude que ces derniers avaient tué Pestilence et prit son anneau. Astrid et Alyssa trinquèrent avec du champagne.

Elles s'en prirent ensuite à un vieux pervers qui se masturbait dans les transports public (et dont les parties génitales se nécrosèrent), puis à une étudiante de dix-huit qui harcelait une fille de sa classe et la poussait au suicide (la peste se mit à puer si fort qu'elle fit une crise d'allergie et mourut à l'hôpital). Ensuite, elles passèrent à un homophobe qui avait tabassé un couple de lesbiennes à la sortie d'un bar, et qui fut battu presque à mort par deux geisha samouraï. Ça lu valu un séjour prolongé à l'hôpital et une prescription pour des mois de psychiatrie.

Et le lendemain, les Winchester étaient en ville.

Ils étaient discrets, il fallait l'admettre, mais Alyssa surveillait le commissariat et elle reconnu aussitôt les deux hurluberlus quand ceux-ci s'y rendirent en se faisant passer pour des agents du FBI. Alors, tandis que les chasseurs posaient leurs questions et menaient l'enquête, Alyssa prévint son amie, et Astrid entreprit de fouiller méthodiquement leur voiture. Puis, ensuite, leur chambre d'hôtel.

Au soir, il lui fallu néanmoins se rendre à l'évidence : la DVD n'était pas là.

– Mais qu'est-ce qu'ils en ont fait ? pesta la démone en regardant à nouveau sous le lit.

– J'en sais rien, et j'ai pas la patience pour chercher, gronda Astrid. On va leur demander directement.

Alyssa releva si vivement la tête qu'elle se cogna contre le sommier du lit :

– Aïe ! Mais t'es folle ?! Ils vont nous tuer !

– C'est moi qui ait le plus de chance de les tuer, fit sinistrement l'ange blonde.

Pas faux. Alyssa émit un reniflement amusé, puis hésita. Sa dernière rencontre avec les Winchester ne s'était pas très bien passée…

– Tu peux t'en aller, lui proposa Astrid en percevant son doute. Je vais me débrouiller.

– Je vais pas te laisser seule avec ces deux tarés ! protesta la démone.

– Ah, c'est mignoooon ! la taquina son amie. Bon, reste alors. De toute façon, ils n'ont pas tracés de pièges à démon, et s'ils essaient de sortir un flingue ou de l'eau bénite, je m'en occuperai.

Alyssa se prit une chaise, Astrid s'adossa au mur, et elles attendirent. Les deux chasseurs n'allaient pas tarder à rentrer : il était déjà assez tard. L'ange blonde respira profondément, se préparant mentalement et essayant de se calmer. Il ne fallait surtout pas qu'elle pense à la capture d'Alyssa, sinon elle allait péter un plomb. Non, il fallait qu'elle soit calme et maîtresse d'elle-même… Elle le devait bien à Gabriel.

La clef tourna dans la serrure. Astrid rouvrit les yeux. Elle était prête.

Les deux frères entrèrent, et se figèrent en voyant qu'ils étaient attendus. Astrid se contenta de claquer des doigts : la porte se reclaqua derrière les chasseurs. Ils portèrent la main à leurs armes : Astrid claqua des doigts à nouveau, et celles-ci disparurent. Sam recula vers la porte, essaya de la rouvrir : mais elle était verrouillée.

– Bonsoir les garçons, sourit l'ange.

– T'es qui, toi ? fit Dean avec méfiance.

Astrid aurait bien fait une petite allusion à leur passé commun, et surtout au fait qu'elle lui avait broyé la cage thoracique. Mais il ne s'en souvenait pas. Dommage. Elle se contenta de hausser un sourcil :

– Aucune importance.

– Tu as fouillé notre chambre ? réalisa Sam.

– Détails, détails, s'agaça Astrid. Parlons affaires. Je veux quelque chose que vous avez en votre possession. Un DVD.

Dean lâcha un ricanement narquois :

– Tu sais, ça se loue à pas cher…

– Je parle du DVD que vous a confié Gabriel et qui vous explique comment vaincre le diable, bande d'abrutis ! le coupa sèchement la blonde. Où est-il ?

Les Winchester se tendirent :

– Alors là tu rêves debout ! s'indigna Dean.

– Et toi tu vas très vite rêver par terre si tu te grouilles pas de me répondre, rétorqua-t-elle. Le DVD de Gabriel. Où est-il ?

Ça n'eut pas l'air d'impressionner les chasseurs plus que ça, et Sam gronda :

– Tu bosses pour Lucifer ?

Alyssa émit un bruit étranglé, moitié couinement horrifié moitié rire ravi, et les chasseurs le regardèrent bizarrement. Astrid fit un effort sur elle pour ne pas leur éclater le crâne contre un mur et repeindre la pièce avec leur cervelle. Elle avait besoin de réponses.

– Non, débile. J'en ai besoin pour ramener Gabe à la vie.

Au moins, ça eut le mérite de piquer l'intérêt des chasseurs. Sam la toisa de toute sa hauteur :

– Et pourquoi est-ce qu'on devrait te croire ?

– Vous ne pouvez pas, parce qu'il est hors de question que je vous révèle quoi que ce soit, fit tranquillement Astrid. Vous êtes les humains les moins fiables de cet univers et je ne tiens pas à prendre de risques. Où est le DVD ?

Dean et Sam échangèrent un bref regard, et Astrid cru discerner une ombre de malaise dans leurs expressions. Puis ils reportèrent leurs regards sur elle, et Dean lâcha avec défiance :

– Eh ben, je ne sais pas où il est.

Astrid plissa les yeux d'un air menaçants :

– Comment ça, tu ne sais pas où il est ?

Sentant sans doute les intentions homicides de l'ange monter en flèche, Sam se hâta d'intervenir :

– Ni lui ni moi n'arrivons à nous souvenir de ce qu'on a fait du DVD après l'avoir regardé. On ne se souvient même pas de l'avoir enlevé de l'ordinateur, et pourtant il n'y est plus.

– Oh vous rigolez là, pesta Alyssa. Vous avez perdu un Horcruxe ?! Sérieusement ?!

Astrid secoua la tête, une anxiété grandissante lui pesant sur la poitrine. Ils ne l'avaient pas perdu. Ils ne se souvenaient pas, c'était différent.

– Ou alors, on leur a effacé la mémoire, déclara-t-elle lentement.

– C'est impossible ! s'écria Dean.

Alyssa lui laça un regard apitoyé :

– Les emplumés de l'étage du dessus t'on lavé le cerveau à chaque fois que t'es mort, c'est bien une preuve. D'ailleurs tu te souviens même pas de nous !

– … On se connait ?

– Oui, fit Astrid en se détachant du mur et en s'avançant vers eux. Je vous ai tués tous les deux.

Les deux frères essayèrent de bouger mais ils étaient paralysés par les pouvoirs d'Astrid. Seuls leurs yeux, agrandis d'effroi ou de colère, pouvaient encore se mouvoir : le reste de leurs corps était complètement pétrifié. Astrid s'approcha d'eux, puis posa deux doigts sur le front du plus proche d'elle : Dean. Le temps d'un battement de cil, elle plongea dans sa tête.

Dean refermant l'ordinateur… Soudain, un frémissement de l'air… Un homme en costume s'approchant d'eux, les Winchester esquissant un mouvement de défense mais tombant à terre comme si tous leurs muscles avaient lâché… L'inconnu récupérant le DVD…

« Touche pas à ça ! » gronda Sam.

L'inconnu baissa les yeux sur lui. « Cette Grâce appartient au Paradis. »

« C'est à nous qu'il l'a confié », pesta Dean en essayant en vain d'attraper son flingue.

« Cette décision ne lui appartenait pas », fit fermement l'ange (car c'était forcément un ange). « C'est à Naomi que revint la gestion de tout ange dissident, même un archange. »

Un regard grave, un geste lent… L'inconnu se pencha vers eux, leur toucha le front, et soudain les deus frères se retrouvèrent dans la voiture… Ils conduisaient vers un autre job, ils réfléchissaient à l'idée de Gabriel, mais l'existence du DVD leur était complètement sortie de l'esprit. Comme s'il n'y avait jamais eu de DVD, tout simplement.

Astrid recula d'un pas, blême. Voilà qui allait singulièrement compliquer les choses. Alyssa, toujours assise sur son fauteuil, la fixait avec avidité :

– Alors, il est où ?

– C'est le Paradis qui l'a, lâcha Astrid en s'éloignant des chasseurs. Ou plutôt, c'est Naomi : l'ange chargé de la discipline céleste.

– Quoi ?! geignit Alyssa. Mais on va pas attaquer le Paradis quand même !

– Évidemment que non, grommela l'ange blonde en se massant le crâne. Du moins pas sans une diversion massive et une demi-douzaine d'anges à mes côtés. Je crois que Gabe va devoir rester humain un certain temps…

– Nooooon, gémit la démone en enfouissant son visage dans ses mains. Il va être insupportable !

Oui, ça résumait bien la situation. Avec lourd soupir, Astrid se retourna vers les chasseurs, qui étaient toujours statufiés et avaient l'air de plus en plus nerveux. Ça se comprenait un peu : la balance des pouvoirs était complètement déséquilibrée, et Astrid prenait un malin plaisir à avoir ces deux crétins sous sa botte. Elle les fixa d'un air noir :

– Bon, puisque vous vous êtes avérés encore plus inutiles que prévu, je ne peux pas vous laisser partir comme ça. Il faut que vous trouviez encore l'anneau de la Mort, alors je ne peux pas vous tuer… Mais bon. Quelle bonne chose que vous soyez habitués au lavage de cerveau !

Et, d'un toucher léger au front, elle leur effaça la mémoire.

oOoOoOo

Annoncer la nouvelle à Gabriel ne fut pas de la tarte. L'archange leur tapa un vrai scandale, brisa deux vases en les lançant à travers le salon (Leo lança un regard noir à Alyssa, signifiant sans doute que la démone avait intérêt à le rembourser), puis éclata en sanglots sur le canapé. Il fallu le consoler, lui faire des tas de promesses, lui offrir du chocolat et lui proposer une visite dans un strip-club. Bref, dans l'ensemble, cette mission était un échec et ils étaient tous passablement déprimés.

Et ça n'allait pas s'améliorer.

– Il y a une recrudescence de la violence délinquante apparemment, les informa Chani en prenant place à table.

– Et les meurtres de démons se multiplient, ajouta Ajay en se laissant tomber sur la chaise d'en face.

– Sans compter tous les chasseurs qui pètent un plomb et tirent sur tout ce qui bouge, marmonna Jeremy avec mauvaise humeur.

– Et les êtres surnaturels qui profitent du chaos, ajouta Clélia.

Astrid émit un grognement découragé, et Alyssa leva les yeux au ciel :

– Ça vous tuerait d'être positif ?

Niklas lui lança un regard désabusé, puis tira de sa poche un paquet de cigarettes. Danzin, qui était en train de poser sur la table le plat de spaghettis (c'était repas en commun aujourd'hui, et les pâtes faisaient toujours l'unanimité) lui lança un regard réprobateur :

– Attend d'être sorti de table au moins !

– Oui maman, se moqua Niklas en rangeant néanmoins les clopes.

Clélia, elle, fixait el loup-garou avec incrédulité :

– Tu fumes ?!

– Ne prend pas l'air indigné, rétorqua Niklas avec amusement. Tu respire des trucs bien plus nocifs que du tabac. L'odeur de cannabis est incrustée dans ce canapé de manière permanente.

– Je ne m'indigne pas, protesta Clélia. Je comprendS juste pourquoi tu pues autant de la gueule.

Ajay, Danzin et Jeremy rigolèrent, tandis que les autres se contentaient de lever les yeux au ciel. Alyssa, elle, se pencha vers Niklas en plissant les yeux :

– Tu sais que le tabac est mauvais pour la santé ? Ça réduit ton espérance de vie.

– On va tous crever de toute façon. Trop jeune ou trop vieux, qu'est-ce que ça change...

– Ça donne des cancers de la vessie ! insista la démone avec aplomb.

– Conneries.

– Après tu as les poumons tout noirs et les dents jaunes à cause de la nicotine ! Tes yeux deviennent rouges et ta peau grise ! Les gens se mettent à t'éviter comme si tu avais la peste ! Ta voix est tellement cassée que tu fais peur aux enfants !

Il y eut un blanc à table, puis Astrid gloussa.

– … Si j'en crois les échos obtenus sur le physique de Voldemort, il est donc plausiblement accroc au tabac.

– Astrid ! s'exclama Alyssa tandis que toute la tablée éclatait de rire. Ne ruine pas mes discours dramatiques avec tes références à des bouquins débiles !

– Des bouquins quoi ?! Comment oses-tu parler de Harry Potter ainsi ?

– Harry est un boulet absolu, tu peux même pas le nier.

– Mais la saga est pleine de persos intéressants ! Dumbledore, Snape, les Malefoy, Lupin, les jumeaux Weasley, Hermione, et…

– Et ça y est, elle est repartie ! s'amusa Clélia en se servant en pâtes puis en passant le plat à Jeremy.

– Mieux vaut parler de ça que de l'Apocalypse, pointa judicieusement le jeune loup-garou.

Et juste comme ça, l'humeur de la tablée s'assombrit. La fin du monde était proche, et ils n'arrivaient pas à la stopper. Leur seul espoir était les Winchester… Autant dire que ça ne volait pas bien haut. La mission que le club anarchique s'était attribuée pour les prochains jour, d'ailleurs, était de veiller de loin sur les deux chasseurs et de les aider si nécessaire, mais sans se faire remarquer.

– Si Gabe était toujours archange, il aurait pu nous emmener sur Pandora, finit par soupirer Astrid.

– Tiens ? s'étonna Alyssa. Je croyais que la fuite était hors de question.

– Il y a une différence entre bataille et suicide. Là, on est un peu dans la merde.

Ajay leva gravement son verre :

– Amen.

– Ah ah, très marrant, sourit Astrid. Passe-moi le plat, au lieu de faire le malin.

Chani redirigea la conversation sur la France, et ils se mirent ensuite à parler de leurs voyages et de leurs plus grandes batailles. Petit à petit, l'atmosphère s'allégea. Ils se racontèrent des blagues, firent des projets. Niklas pensait à rendre visite à ses parents : ces derniers le tannaient pour qu'il prenne sa retraite. Jeremy avait croisé une meute de loups-garous français vivants en Virginie, il voulait y retourner. Chani voulait l'accompagner. Ces deux-là avaient beaucoup de projets communs : avec tact, Astrid décida de ne pas le faire remarquer.

Ce fut leur dernier repas paisible sous la menace de l'Apocalypse.

Deux jours, plus trois, puis quatre passèrent. Les Faucheurs suivaient les Winchester de loin : Astrid et les autres trucidaient tout démon qui passait à proximité. Les Winchester s'étaient alliés avec Crowley, et le démon semblait être efficace. En effet, les chasseurs trouvèrent la Mort, et Dean eut même droit à une petite entrevue. Le lendemain, après avoir "par hasard" croisé le Boss, Clélia les informa que la Mort ne portait plus son anneau à la main. Un instant, ils crurent au succès de l'opération. Ils firent même la fête dans un bar du Nebraska.

Et deux jours plus tard, la planète entière trembla quand Sam dit oui à Lucifer.

La secousse ébranla toute la Grâce d'Astrid, et elle sentit l'effroi la submerger comme une vague glacée. Informer les autres, essayer de réfléchir à un plan de secours ne leur apporta rien. Michel avait déjà un Vaisseau depuis quelques temps déjà : et maintenant Lucifer avait aussi trouvé le sien. Plus rien n'empêchait l'affrontement.

– Qu'est-ce qu'on fait ? finit par lâcher Jeremy d'une petite voix.

Astrid se passa la main sur le visage. Elle se sentait très vieille.

– Si tu as quelqu'un avec qui tu aimerais passer le reste de ta vie, je te conseille de le faire maintenant.

Chani resserra ses doigts, entrelacés avec ceux du jeune loup-garou. Ajay émit un rire creux, qui sonnait terriblement faux :

– J'imagine que nous autres Faucheurs pouvons sécher une nuit ou deux, hum ? Les humains peuvent attendre un peu.

– Leo est humain, murmura Alyssa.

– Gabe aussi, lâcha Astrid.

Elles se regardèrent, une identique détresse au fond des yeux. Niklas émit un drôle de rire étranglé :

– Et si on allait à Vegas ?

C'était une idée immature, mais c'est ce qu'ils firent. Ils s'y téléportèrent, Astrid fit apparaitre un paquet de fric, et ils célébrèrent comme si c'était leur dernière nuit sur Terre. Jeremy et Chani, main dans la main : Danzin et Ajay, et Clélia avec son narguilé sous le bras : Niklas, draguant tout ce qui bougeait : Astrid et Alyssa, bien sûr : et Leo et Gabe, ramenés par ces dernières, et tout à fait partant pour se saouler.

Alors ils se retrouvèrent à Vegas, et firent la fête toute la nuit.

– Mon dieu, on va avoir une de ces gueules de bois demain ! s'effara Chani avant d'avaler cul-sec son verre.

– Avec un peu de chance on sera mort demain, philosopha Niklas.

Et il descendit son verre d'une traite, lui aussi. Jeremy rit jaune, puis fit signe au serveur le plus proche de leur remettre la même chose. Ils en étaient à leur troisième bar et cinquième casino : la nuit était bien avancée. Leo n'avait plus aucune inhibition, et Clélia non plus.

– Qu'est-ce que tu fous ? bafouilla Alyssa avec effroi en voyant Gabe bénir avec le plus grand sérieux une bouteille d'eau.

L'ex-archange leva les yeux vers elle, affichant le grand sourire caractéristique des gens complètement défoncés :

– L'eau bénite c'est comme de l'alcool pur pour les anges, lui souffla-t-il en vacillant dangereusement. Alors comme ça, je vais pouvoir ME BEURRER LA GUEULE !

– T'es plus un ange, Gabe ! bafouilla Astrid.

Et hop, elle lui piqua la bouteille, tandis que Gabriel se mettait à pleurnicher, avant de se mettre à chanter en duo avec Ajay une horrible chanson à boire. Alyssa éclata de rire, et se servit un autre verre, en mettant la moitié à côté, tant ses mains étaient peu sûres.

– Tant qu'on n'est pas mort, faut s'amuser ! beugla-t-elle.

Elle descendit le verre en deux gorgées, l'alcool lui brûlant la gorge, et jeta son verre derrière elle en criant à l'adresse du serveur : « UN AUTRE ! ». Et après ça… Après ça, elle ne se souvenait plus de rien.

oOoOoOo

Elle se réveilla avec un épouvantable mal de crâne, enchevêtrée dans les draps d'un lit, et les yeux agressés par le soleil matinal. Elle avait l'impression qu'un animal était mort dans sa bouche et qu'un marteau-piqueur lui défonçait le crâne.

– Arghhrgh…

A côté d'elle dans le lit, quelqu'un remua avec un gémissement douloureux, souffrant probablement de la même gueule de bois qu'elle. Alyssa referma les yeux. Quel que soit l'invité dans son plumard, il pourrait bien attendre qu'elle se rendorme. Il n'y avait pas le feu.

… Effectivement, il n'y avait pas le feu. Il y avait même un manque suspicieux de flammes et de hurlements d'agonie.

Elle rouvrit les yeux.

– … Pourquoi on n'est pas tous morts ?

La personne à côté d'elle cessa de bouger, puis se redressa d'un coup :

– PUTAIN, ON EST VIVANTS !

Alyssa cria et tomba du lit de surprise, avant de gémir parce que ça avait multiplié son mal de crâne par dix. Et Astrid, car c'était elle qui était dans son lit (bien qu'elle ait les cheveux coupés très courts, dans une coupe masculine qui lui allait d'ailleurs très bien), lui adressa un sourire radieux :

– On est vivantes !

– Pas moiiiiii ! chouina la démone.

Astrid secoua la tête avec amusement, puis toucha la tête de son ami du bout des doigts. Le mal de crâne d'Alyssa se volatilisé comme par magie. De même, un verre d'eau plein apparu sur la table de chevet à côté d'elle, et elle le but d'un trait, assoiffée.

Puis elle regarda autour d'elle, et marqua une pause.

– Ce n'est pas mon lit.

– Ce n'est carrément pas notre maison, ajouta lentement Astrid en regardant aussi autour d'elles.

– Et ce ne sont pas nos fringues…

En effet, l'ange et la démone étaient vêtues, l'une d'un costume très classe dont le nœud-papillon était à moitié défait, et l'autre d'une longue robe blanche et violette qu'elle se rappelait distinctement avoir vu dans la vitrine d'un magasin à New York.

– … Et pourquoi on est dans la suite nuptiale d'un hôtel ? lâcha Astrid en réalisant enfin avec effroi où elles se trouvaient.

Alyssa ouvrit la bouche. La referma. Prise d'un doute, elle regarda sa main. Puis elle regarda Astrid, et émit un gloussement vaguement hystérique.

– Ben, la bonne nouvelle c'est que la fin du monde est visiblement annulée.

Astrid ferma les yeux, se préparent mentalement au pire, puis les rouvrit d'un air résigné :

– Et la mauvaise ?

– Et la encore plus bonne nouvelle, c'est qu'on est apparemment mariées ! s'exclama Alyssa en agitant sa main gauche.

Car elle portait à présent une alliance.

Astrid la fixa avec des yeux ronds, regarda sa propre main, regarda à nouveau Alyssa. Puis les deux filles s'écroulèrent, secoué d'un indicible fou-rire. Elles rirent jusqu'à en avoir mal aux côtes, jusqu'à en pleurer et s'étrangler. Il leur fallu bien une demi-heure pour se calmer.

– C'est un peu comme Very Bad Trip sauf qu'on a encore perdu personne, déclara Alyssa en se mettant debout d'un geste vacillant.

– Ne parles pas de malheur ! menaça Astrid en cherchant son téléphone portable. On ne sait pas encore où sont les autres. Imagine que Leo soit coincé sur le toit d'un hôtel !

Rien que ça suffit à refaire rigoler les deux filles comme des malades. Finalement, tandis qu'Astrid jetait un œil à l'historique de ses messages et à sa position GPS, Alyssa secoua la tête :

– J'en reviens pas. Mariées !

– C'est sûr que c'était pas dans mes projets d'avenir, marmonna Astrid.

– Ah si ! T'avais dit à Vegas, avec toi travestie en mec ! Et apparemment…

Alyssa désigna d'un geste éloquent le costume d'Astrid et sa coupe de cheveux. L'évidence était là. L'ange leva les yeux au ciel :

– On peut toujours divorcer.

– Non mais le mariage c'est pas si mal, tenta Alyssa. Et puis comme ça on aura des avantages fiscaux fabuleux !

– On paie pas d'impôt, Alyssa.

– Oui mais si tu casse avec moi j'ai la garantie de repartir avec la maison, vu que je suis une mère célibataire !

– … Crowley ne compte pas.

– Oh non, je pensais à Stromageddon. Mais Crowley ça marche aussi, hein !

Astrid secoua la tête avec amusement, puis porta son téléphone à son oreille. Elle avait appelé Gabe, histoire de savoir s'il avait des infos. L'appel sonna trois fois, avant que Gabriel ne décroche et ne dise dans un râle :

Aaaallô…

– Gabe. Pourquoi je suis mariée ?

– Ne prend pas ce ton offensé, j'suis un très bon parti ! se vexa Alyssa.

Ah ouiiiii ! fit Gabriel qui semblait émerger doucement de sa gueule de bois. J'étais témoin, d'ailleurs. Avec Leo. Et Jesse a lancé des fleurs !

– Jesse ?! Mais il est en Australie !

Bah non, tu t'es mis à pleurnicher que tu voulais que ton fils soit présent, et tu m'as donné l'adresse, alors j'ai envoyé Clélia le chercher. Et pendant ce temps-là, Alyssa s'est mis à dire qu'elle voulait avoir son fils à elle, ce à quoi tu as répondu que son fils était un connard rondouillet et mal rasé, Alyssa a dit que t'avais raison et que de toute façon elle lui faisait la gueule, et ensuite vous vous êtes téléportées pour voler une robe et un costard. Du coup quand Jesse est arrivée, vous veniez de braquer un magasin New-Yorkais et vous déliriez sur la possibilité d'inviter une sorcière avec un pistolet Carapuce ? J'ai pas tout suivi.

Astrid se pinça l'arrête du nez :

– Oh putain.

Ouais, c'était marrant, rigola son frère. Bref, du coup vous avez été mariées par un abbé que j'ai grandement impressionné avec mes connaissances théologiques, et vous vous êtes même pas roulé un patin parce que dès que l'idée a été suggérée, vous vous êtes mises à vous disputer pour savoir si tu allais te pencher et avoir l'air ridicule ou si Alyssa devait aller se chercher un tabouret. Ensuite on a fait encore plus la fête, j'ai couché avec Danzin…

– Ouais, c'est une impulsion compréhensible, fit doctement Alyssa en hochant la tête.

Astrid lui jeta un regard noir par-dessus le téléphone, mais Gabe continuait déjà :

Et ensuite on s'est crashé à l'hôtel. Voilà.

– … Voilà, répéta Astrid. C'est tout ce que t'as à dire ?!

Bah, franchement, je suis pas très réveillé là, alors…

Astrid raccrocha, et fixa son téléphone d'un œil noir :

– Ce mec est un boulet fini. Dès qu'on quitte la ville je l'échange contre un presse-papier.

– Ne sois pas stupide, bâilla Alyssa. On pourrait au moins en tirer une agrafeuse.

Astrid leva les yeux au ciel, puis laissa tomber on téléphone sur le sol recouvert de moquette, et se ré-affala sur le lit comme un sac de farine. D'un geste vague de la main, elle ferma les rideaux (qui se trouvaient à quatre mètres du lit), et ferma les yeux.

– On résoudra ça plus tard. Pour l'instant, faut que je dorme.

– Excellente idée ! babilla Alyssa en se recouchant direct.

Cinq minutes plus tard, elles ronflaient.

Il fallu attendre le milieu de l'après midi, cinq bouteilles d'eaux et plusieurs comprimés contre la migraine pour qu'elles se sentent en état d'affronter le monde, et quittent enfin la chambre.

Le reste du club de lecture anarchique était dans un des salons privés de l'hôtel (parce qu'apparemment, ils avaient chois un hôtel grand luxe, avec des salons privés). Gabriel dormait, appuyé sur la table et la tête entre les bras. Leo était en train d'expliquer à Jesse les dangers de l'alcool. Ajay somnolait, appuyé sur l'épaule de Niklas qui buvait au goulot d'une bouteille d'eau minérale. Chani et Danzin jouaient aux échecs, mais avec un jeu bien plus décousu que d'habitude. Jeremy picorait sans entrain dans un petit bol de biscuits apéritifs, et Clélia, vautré dans un fauteuil, pianotait sur son portable.

Ils avaient tous l'air de subir le contrecoup d'une nuit blanche et de beaucoup d'alcool, mais c'était tout. Ils étaient en vie, ils allaient bien, et ils étaient là. Astrid ne pu s'empêcher de sourire béatement, et ce fut à ce moment-là que Niklas leva les yeux, les vit, et sourit jusqu'aux oreilles :

– Voilà les mariées !

Il y eut un éclat de rire général, qui réveilla les endormis, et puis des félicitations à moitié ironiques et à moitié sincère. Jesse était aussi hilare qu'émerveillé, clamait à qui voulait l'entendre qu'il avait vu venir ça depuis le début. Gabe, mort de rire, leur raconta ce qu'Astrid avait dit sur le mariage lors de la soirée après qu'elle et Alyssa se soient réconciliées : seulement à Vegas, et travestie en homme ! Et évidemment Ajay mit son grain de sel, parlant de la jalousie maladive d'Alyssa et de la scène qu'elle lui avait faite quand il avait eu le malheur de manger des pancakes avec Astrid. Bien sûr, Leo en rajouta une couche, et les taquineries et vieux souvenirs se succédèrent pendant quasiment une heure, tandis qu'ils buvaient de l'eau et picoraient des biscuits.

Finalement, le silence revint. Ils souriaient dans le vide, heureux et soulagés. Gabe fut le premier à relancer le sujet de l'Apocalypse :

– Qu'est-ce qui est arrivée à la fin du monde ?

Danzin esquissa un vague sourire :

– Eh bien, je suis allé me renseigner pendant que vous cuviez. Et… Apparemment… Sam Winchester a dominé Lucifer.

– Vraiment ? s'ébahit Astrid.

Sam était si posé et gentil comparé à son frère Dean, ce n'était pas celui sur lequel elle aurait parié. Dean avait une telle colère en lui qu'il semblait capable de miracle. Sam était… Plus réfléchi. Plus doux. Et, sans doute, davantage capable d'abnégation…

– Oui, confirma Danzin. Il a ouvert la Cage, et s'y est jeté avec Michel.

– Il s'est sacrifié, réalisa Jeremy.

Et Astrid espérait qu'il était mort. Parce qu'une éternité enfermé dans la Cage avec deux archanges furieux, ça n'allait pas être une partie de plaisir.

Le groupe resta plongé dans un silence contemplatif quelques instants, assimilant la nouvelle. Sam Winchester était mort. Il avait sans doute anticipé ça. Astrid imagina l'humain luttant contre Lucifer, et se précipitant vers une éternité d'emprisonnement avec le Diable… Elle détestait les Winchester, mais elle ne put s'empêcher d'éprouver un peu de pitié. C'était une fin assez horrible.

– Et maintenant ? finit par dire Chani.

Ils se regardèrent. Oui, c'était une bonne question. Et maintenant ? Qu'allaient-ils faire à présent ? C'était le moment de penser à leurs projets. Aux idées qu'ils avaient évoqués, jadis, en pensant à l'avenir. Jeremy, Chani, leur idée de voyage en Virginie. Niklas qui devait rendre visite à ses parents. Gabe qu'il fallait initier à la vie d'humain, Leo et ses projets d'étudiants…

Astrid se tourna vers Alyssa, et haussa un sourcil :

– Je t'avais promis des vacances en Europe, non ?

Alyssa cligna des yeux, puis sourit jusqu'aux oreilles. C'était vrai, elles en avaient fait le projet, une éternité plus tôt. Astrid posa la main sur l'épaule de Jesse, l'incluant implicitement dans la promesse : et l'ange et la démone échangèrent un regard complice.

Tant qu'on n'était pas mort, il fallait s'amuser !

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Et voilà ! J'espère que ça vous a plu. Plot-twist, Astrid et Alyssa se sont mariées xD Avouez que vous ne l'aviez pas vu venir x)