CHAPITRE XIII . La Bataille


Les sourcils du Capitaine se soulevèrent avec surprise, et il dû admettre qu'il n'avait pas été aussi surpris depuis longtemps.

- « Apprenez-moi à me battre, Haldir, répéta-t-elle avec insistance.

Haldir prit quelques secondes pour recomposer son visage neutre, il était rare qu'elle l'interpelle de manière si directe en utilisant son prénom.

- C'est non, tu n'es pas autorisée à rejoindre l'entraînement.

- Et pourquoi pas, Capitaine ?

Son ton insolent l'agaçait, il avait de plus en plus du mal à le cacher.

D'un revers de main, il essuya sa manche, entachée de sang noir. Il ne manqua pas le regard dégoûté de l'elleth.

- Tu ne sais pas ce qu'il se passe dehors, Sìdhil, tu ne peux imaginer...

- J'en ai justement eu un aperçu.

Il la toisa un instant, considérant sa phrase. Ses yeux étaient encore injectés de sang et ses joues, humides. Il saisit son avant-bras, et elle fut surprise que ce geste ne soit pas brusque. L'elleth n'avait jamais imaginé que le Capitaine puisse être à l'origine d'une telle douceur, surtout dans cette situation.

Et elle fut d'autant plus troublée lorsqu'il approcha lentement son visage du sien, sans la quitter des yeux.

Ses yeux, si noirs.

Sìdhil dû lutter pour ne pas dévier les siens, ressentant soudainement un malaise, accompagné d'une bien étrange sensation qu'elle ne pu décrire. Son coeur se mit à tambouriner contre sa poitrine, et bientôt, elle comprit que ce battement serait la seule chose qu'ils entendraient dans la nuit tout à coup silencieuse.

Les yeux du Capitaine dévièrent furtivement vers son cou. Pouvait-il aussi y voir son pouls battre ? Elle sentit le rouge lui monter aux joues, accompagné d'une chaleur embarrassante et indescriptible. Lorsqu'il releva ses yeux vers elle, elle crut y voir de la confusion ; mais cette dernière s'effaça rapidement lorsqu'il reprit son masque de froideur.

Un autre bruit sourd retentit à la Frontière Nord et elle sursauta.

Haldir lâcha prise avec lenteur, et tourna sa tête vers le Nord.

- C'est non.

- Haldir, je vous en prie, laissez-moi-...»

Elle ne put terminer sa phrase, il s'était éloigné avec hâte et avait disparu derrière un escalier de pierre.

La main sur son coeur qui battait encore la chamade, Sìdhil se jura qu'elle irait elle aussi se battre. Elle se sentait prête.

Prête pour la Bataille.

Elle se dirigea lentement vers sa Talan en chantonnant d'une voix tremblante.

Tall ships and tall kings

Three times three,

What brought they from the foundered land

Over the flowing sea?

Seven stars and seven stones

And one white tree.


Le calme fleuve Anduin devint plus capricieux, ses flots plats devinrent des rapides, et bientôt les trois barques qui portaient la Communauté filaient à toute allure, sans aucun effort de la part des rameurs.

Dans sa barque, Aragorn et Frodon regardaient Dùen de manière hésitante. Personne n'avait osé parler depuis la dernière attaque des Crébains. Du coin de l'oeil, Dùen pouvait voir Legolas ramer à sa gauche.

Elle était en colère contre lui, et elle savait ce sentiment réciproque. Cette dispute la fatiguait, mais bornée comme elle était, elle se jura qu'elle ne lui pardonnerait pas de si tôt. Pas après lui avoir menti comme il l'avait fait.

La voix d'Aragorn la sortit de ses profondes pensées, il montrait quelque chose à Frodon.

- Regardez, c'est l'Argonath.

Lorsqu'elle releva la tête, elle n'en revint pas. Deux impressionnantes statues bordaient le fleuve, coincées entre deux sombres falaises.

- Qu'est-ce que l'Argonath ? Demanda-t-elle presque en silence.

- Il s'agit de l'ancienne Frontière Nord de mon Royaume, le Gondor, intervint fièrement Boromir les yeux levés vers le ciel et pleins d'admiration.

- Ce sont les Rois d'antan, ajouta avec la même admiration Aragorn.

Mais bientôt les statues furent derrière eux, et ils continuaient à être emportés par le fort courant.

Au fur et à mesure qu'ils avançaient, Dùen sentait un malaise naître, indescriptible. Elle avait un mauvais pressentiment. En jetant un regard à Frodon, elle le voyait caresser lentement l'Anneau qui pendait autour de son cou.

L'Anneau.

Elle pourrait accomplir tellement de choses, si seulement...

Ses mains allèrent agripper les bords boisés de la barque. Il lui fallu un effort énorme afin de détacher ses yeux du maudit Anneau. Elle réussit finalement.

Ses yeux dévièrent vers Legolas, elle fut surprise de voir qu'il la regardait en silence.

Avait-il vu son moment de faiblesse vis-à-vis de l'Anneau ? Elle ne sut rien lire dans son visage, si impassible.

Il rompit le contact visuel avec nonchalance et se mit à regarder droit devant lui, comme si elle n'existait plus. Une perle de sueur froide dévala le long de sa tempe et elle dû se concentrer d'autant plus sur les berges du fleuve pour ne pas être de nouveau tentée par l'Anneau.

Après deux heures de barque, ils accostèrent enfin sur une berge, juste avant les Chutes de Rauros. Le fleuve s'était élargi, et le courant s'était un peu ralenti. Ils accostèrent sans grande difficulté le long de la berge.

Boromir sortit de la barque presque en titubant, le visage blanc et humide. Elle se demanda un instant si lui aussi, devait lutter contre la soudaine puissance de l'Anneau.

Son train de pensée fut interrompu par la voix du Rôdeur :

- Nous sommes à Amon Hen, expliqua Aragorn en réajustant une dague à sa ceinture, l'ancien point de vue des guerriers du Gondor, à son apogée.

Il reprit :

- Nous continueront à pieds.

Elle sursauta alors qu'un bruit de feuillage capta son attention. Derrière elle, elle entendait vaguement Gimli décrire de manière funeste le chemin qui les attendait vers le Mordor, mais pour une raison étrange ses yeux et son attention demeuraient fixés vers un buisson non loin de là. Elle était certaine d'avoir entendu un bruit.

- ... aussi loin que l'Oeil peut voir...

Elle trembla à la mention de l'Oeil.

- Il s'agit bien de notre route, répondit calmement Aragorn.

Elle ne manqua pas le regard inquiet de Pippin, qui avala difficilement son morceaux de Lembas.

- Je vous suggère de vous reposer un peu, Maître Gimli, ajouta-t-il avec un sourire dans la voix, afin que vous retrouviez votre force.

- Retrouver ma-...

Le Nain s'étouffa bruyamment.

Alors que le Rôdeur réajustait l'ensemble de son équipement, Legolas s'approcha de lui, les traits durs, la mâchoire serrée. Dùen l'entendit parler en Sindarin, de manière hâtive. Elle comprit au ton de sa voix que quelque chose n'allait pas.

- Nous devrions partir, l'entendit-elle dire au Rôdeur.

- Non.

Un autre froissement retentit, plus près d'elle cette fois-ci. Elle se tourna vivement vers sa droite, son coeur se mit à battre la chamade.

- Où est Monsieur Frodon ? demanda soudain la voix inquiète de Sam.

Dùen observa autour d'elle, pas de trace de Frodon, ni de Boromir...Elle entendit Aragorn jurer entre ses dents.

- Partons à leur recherche, incita-t-il en ramassant une autre dague qu'il avait posé contre un rocher.

Alors que tous s'activèrent et commençaient à quitter la berge, Dùen resta paralysée. Un autre bruit. Encore.

Elle vit le buisson trembler.

Elle était désormais seule sur la berge. Ou pas ? Pensa-t-elle ironiquement.

Saisissant ses deux lames de derrière son dos, elle s'approcha lentement du buisson. La montée d'adrénaline lui donna un coup de chaud.

Elle sursauta alors qu'un énorme Oiseau Noir sortit des feuillages, dans un brouhaha assourdissant. La Semi-elfe eu tout juste le temps de s'aplatir contre le sol, qu'il venait de s'envoler, passant tout près d'elle.

Ses froissements d'ailes se faisant de plus en plus lointains, Dùen se releva péniblement, et passa une main tremblante contre son front. En se tournant, elle vit que l'Oiseau était bien loin désormais.

- Il... part ? Murmura-t-elle à elle-même.

Un vacarme assourdissant la sortit de ce moment de questionnement. Des bruits de métal, des cris, des rugissements retentissaient au loin, dans la forêt.

- Non... ! Frodon ! Cria-t-elle avant de se lancer à son tour dans les bois.

A peine avait-elle fait trois pas dans les bois qu'un son qui lui était inconnu résonna, on aurait dit un cor. Elle se stoppa net.

Boromir. Elle se rappela qu'il avait avec lui un cor du Gondor.

Elle continua de courir, remontant une pente escarpée, entre les arbres et des vestiges d'une ancienne forteresse. Elle ne put retenir un cri de surprise alors que quelque chose dévala la pente et la heurta violemment. Elle ramassa vivement ses deux lames et les brandit en direction de la chose qui l'avait poussée.

Ses yeux s'écarquillèrent.

Ses lames retombèrent au sol.

- Frodon ?

Il était en nage, ses yeux bleus tout aussi écarquillés que les siens. Dùen ne put retenir un soupir tremblant. Le boucan de la bataille approchait, elle le regarda une deuxième fois.

- Dame Dùen, appela-t-il essoufflé

Son regard était désolé, elle comprit avec un pincement au coeur qu'il devait s'enfuir.

- Allez-y, pressa-t-elle avec un mouvement de la main, partez Frodon !

Contre toute attente, il s'avança vers elle et lui prit la main. Il lui donna une petite pression avant de la relâcher complètement et partir. Le dernier regard qu'il lui donna lui fendit le coeur. Elle avait l'impression qu'il lui disait adieu.

Comme si elle ne le reverrait plus.

Le vacarme de la Bataille se fit plus fort, ils n'étaient pas loin. La Semi-elfe prit son courage à deux mains, et reprit sa course folle. Une fois en haut de la pente, elle se stoppa de nouveau, d'effroi cette fois-ci.

Des Uruk-hai.

Une armée d'Uruk-hai.

Elle se souvint péniblement de l'assaut qu'elle avait mené contre l'une de ces bêtes, lorsque Gandalf lui avait demandé d'amener une preuve de la Trahison de Saroumane. Son combat avait été long, difficile. Ces créatures ne sont pas comme des stupides orques...

Un grognement sinistre la sortit de ses pensées et elle esquiva de justesse un coup de lame. Elle agita les siennes et frappa de toutes ses forces son assaillant. Ce dernier tomba lourdement à terre dans un rugissement terrible.

Elle enchaina avec un autre, beaucoup plus grand qu'elle.

Autour d'elle, la Bataille faisait rage. Elle aperçut Boromir, Merry et Pippin. Mais où étaient donc passés Aragorn, Gimli, Legolas, Sam ? Le pire lui traversa l'esprit.

Le monstre tira sur sa cape, l'étranglant presque, et la broche qu'on lui avait offerte à son départ de Caras Galadhon céda. La feuille de métal tomba au sol, ainsi que la cape.

Un coup de poing énorme atterri sous sa poitrine, elle fut projetée en arrière, s'écrasant violemment contre un tronc d'arbre. L'Uruk-hai se rua sur elle, elle roula sur le côté, rattrapa ses lames et les planta dans son abdomen. Du sang noir lui gicla au visage.

Dùen grimaça de dégoût en retirant ses lames du corps de l'immonde bête, qui s'écroula au sol. Tremblante, elle continua à se battre.

Un grondement plus féroce que les autres la fit vibrer de terreur. Un Uruk-hai, bien plus grand que les autres, avec une Main Blanche peinte sur le visage la fixait de manière animale. Il montra les crocs en expirant un râle lugubre.

Il accourut vers elle, sortit son arc et ses flèches d'une manière rapide et barbare. Prise au dépourvu, elle saisit tout de même ses lames et se jeta vers lui, bras et armes en avant.

Elle fut propulsée sur le côté, le geste semblait si facile pour la créature. Il l'avait poussée comme si elle n'était qu'un vulgaire insecte.

A terre, elle réalisa trop tard qu'il ne la regardait pas elle. Il avait braqué son arc sur le Capitaine du Gondor, qui, trop occupé à se battre contre d'autres, ne l'avait pas remarqué.

- Boromir ! Hurla-t-elle de tous ses poumons.

Il se retourna.

Mais il était trop tard.

La flèche alla s'enfoncer dans sa poitrine.

- Non ! Brailla la Semi-elfe. Non ! Non !

Elle se releva péniblement alors que le grand Uruk-hai braquait de nouveau une flèche vers lui. Elle fut stoppée par une autre créature qui se dressa devant elle.

Sous l'emprise d'une rage extrême, d'une montée puissante d'adrénaline, elle asséna de violents coups de lames, des coups de pieds, d'épaules.

Bientôt ils étaient trois autour d'elle.

Dùen criait, elle hurlait à la mort, en donnant des coups confus dans tous les sens. C'est comme si elle ne réfléchissait plus. Elle cherchait Boromir du regard, elle le voyait à terre.

A genoux, en face de son bourreau. Elle cria une nouvelle fois.

Bientôt ce fut au tour des Hobbits d'hurler, Dùen essaya de se dégager de l'emprise sanglante d'un des monstres, en vain. Ils les emmenaient. Ils les enlevaient.

- Merry ! Pippin ! S'égosilla-t-elle.

Elle reçut un immense coup dans le ventre, lui faisant perdre tout son souffle.

La tête lui tournait. La confusion l'envahit. Elle avait envie de vomir.

Au loin, elle aperçut Aragorn, en train d'essayer de se frayer un chemin vers le Capitaine du Gondor. Luttant contre les créatures qui se dressaient devant lui et essayaient de lui barrer le chemin.

Elle reprit un coup de pied, dans l'épaule cette fois-ci, et s'époumona alors qu'elle entendit et sentit un terrible craquement. Elle gémit au sol, son souffle balaya la boue séchée. Son bras, la douleur était intense.

Elle ne sentait presque plus son bras gauche.

Dùen serra les dents et roula une seconde fois, évitant ainsi un coup de machette. Avec son pied, elle arriva à frapper l'adversaire sur le tibia et de le couper avec l'une de ses lames. La bête rugit de souffrance et s'agenouilla laborieusement.

En gémissant, elle asséna un dernier coup de lame de sa main droite, directement dans le cou du monstre. Le sang noir jaillit à flots, et la bête gronda une dernière fois avant de s'aplatir sur la Semi-elfe.

Il lui était tombé dessus, de tout son poids. Elle en avait le souffle coupé.

Elle sentait son sang répugnant couler sur son visage, jusque dans sa nuque. Elle essaya de sa dégager en utilisant son bras valide. Mais rien n'y fit. Elle était coincée. Elle lança un gémissement de douleur et de frustration.

Elle ne voyait plus les Hobbits, certains Uruk-hai étaient partis avec eux. Vite, il fallait qu'elle y arrive, il fallait qu'elle aille les aider.

La Semi-elfe tourna la tête de l'autre côté, Boromir était à genoux, à bout de souffle, livide. Le bourreau le toisait férocement, un rictus animal sanglant aux lèvres.

- ...N...Non ! Boromir !

Elle avait essayé de crier, mais à bout de souffle, aucun son ne sortit de sa bouche. Il a tout de même dû l'entendre car ses yeux vides se sont dirigés vers elle, l'espace d'un court instant.

Dùen ne put retenir un sanglot.

Ces yeux, si vides. Ce sont les yeux d'un Homme qui comprend qu'il va mourir.

Elle trembla alors que quelque chose tira le corps de l'Uruk-hai qui était au-dessus d'elle, et avec une once de soulagement, elle reprit une bouffée d'air.

Mais ce soulagement, fut de courte durée.

Des armes étaient pointées vers elle. Lames, épées, flèches. Elle ne reconnut pas de suite les êtres qui l'entouraient férocement. L'un d'eux lui aboya dessus dans une langue gutturale qu'elle ne comprit pas. Il agrippa ses cheveux châtains d'une poigne de fer. Un autre gémissement quitta ses lèvres alors qu'elle fut soulevée de force par son assaillant.

- Lâchez-moi ! Hurla-t-elle en se débattant tant bien que mal, dépourvue de ses armes.

Elle reprit un coup dans l'épaule, et s'étouffa sur son propre cri.

On lui répéta les mêmes mots acerbes. Bientôt, on lui attrapa les pieds, les mains. Elle se secoua dans tous les sens, frappait tout ceux qui la touchaient.

- Lâchez-moi... Boromir !

La Semi-elfe ne le voyait plus désormais, ses agresseurs l'emmenaient au pas de course à travers les bois. Ils l'enlevaient.

- Dùen !

C'était la voix d'Aragorn qui résonnait au loin.

Dans cet instant si confus elle arriva à distinguer des détails de ses assaillants qui ne la rassuraient pas. Des fourrures, des colliers et ornements en os et petites pierres sombres. Des barbes brunes, une peau mate, des yeux noirs en amande...

Ils ressemblaient à ceux de sa vision, ceux qui accompagnaient Haroth, son père, dans la forêt noire.

Les Lossoths.

Les guerriers de Forochel.

Tout lui revint à présent.

Le Contrat, le maudit Contrat sur sa tête et celle de sa soeur.

Ils sont venus la chercher, leur dessein était de la livrer à Seth, et réunir le Palantìr brisé.

Comprenant maintenant quel était son destin entre les mains de ces guerriers, elle se mit à se débattre de plus belle, assénant coups, crachats, injures.

La tête à l'envers, elle distingua au loin les formes floues de Aragorn et Gimli toujours en train de se battre. Ne voyaient-ils pas qu'ils l'enlevaient ?

Elle discerna aussi la silhouette de Legolas qui descendait la colline, continuant à se battre lui aussi. Elle crut voir son visage se tourner vers le sien.

- Gwînith ! Dùen !

Elle crut entendre son prénom, elle crut l'entendre l'appeler.

Mais tout paraissait si lointain.

Dans un dernier effort elle hurla, utilisant tout son souffle, et ce qui lui restait d'espoir :

- Merry et Pippin ! Ils les ont em-...»

Une douleur fugace sembla lui briser le crâne.

Tout devint noir.

Elle entendait encore les souffles et les pas des Lossoths qui l'emmenaient loin.

Puis, petit à petit, tous ses sens s'éteignirent.

Sa dernière pensée avant de sombrer fut : « Je vais mourir ».


Sìdhil se glissa dans la Talan en silence et baissa la tête lorsqu'elle croisa deux elfes en tenue de guerre. Par chance, ils ne lui avaient prêté aucune attention.

L'elleth s'avança, camouflant au mieux sa nervosité, elle se servit dans un coffre, et en tira la première tunique venue, casque, ceinture et veston de cuir.

Une fois changée, elle ressorti de la Talan et alla se mélanger aux autres guerriers. Le casque sur sa tête était très lourd et inconfortable, mais il lui procurait un certain anonymat. Très tôt, à l'aube, elle avait entendu Rùmil parler d'une expédition au Nord, car l'Ennemi, qui avait été terrassé la veille, menaçait de revenir ébranler de nouveau les Frontières.

C'était insensé, complètement stupide, elle le savait. Mais on ne lui avait pas laissé le choix. Si elle ne se battait pas maintenant, qu'adviendrait-il de sa soeur ? D'Haldir ? Elle se mordilla la lèvre inférieure en pensant au Capitaine. Elle ne pouvait se résoudre à lui dire ce qu'elle avait vu dans le miroir de la Dame. Mais le voir mourir avait été quelque chose qui l'avait sincèrement bouleversée.

Sìdhil s'avança à son tour devant l'elfe qui distribuait les armes. Comme ceux avant elle, elle tendit simplement les bras et reçu un arc, un carquois plein de flèches, une lame et un bouclier.

Le bouclier était tellement lourd. Elle le tint avec difficulté dans sa main droite, et quitta la Talan avec hâte. Elle se contenta de suivre les autres en silence. Eux parlaient doucement. Ils évoquaient la bataille de la veille, où plusieurs âmes auraient été perdues, le tout, dans une violence de combat inouïe.

Sìdhil déglutit avec difficulté et resserra son étreinte sur la poignée du bouclier. Elle s'aligna avec les autres et se tint la plus droite possible. Devant eux, le Capitaine se tenait droit, avec deux autres Capitaines de la garde dont Sìdhil ne se souvint pas des noms. Ils arboraient un air grave.

Haldir s'avança.

- Prenons la direction du Nord, ordonna-t-il d'un air solennel, hier certains de nos frères sont tombés. Continuons à nous battre pour défendre notre Cité.

Il balaya les guerriers des yeux, et Sìdhil dû abaisser les siens, de peur qu'il ne la reconnaisse.

- Procédons comme nous avons convenu à l'aube. Je prendrai le commandement du dernier groupe.

Sìdhil déglutit une nouvelle fois.

Du coin de l'oeil elle aperçut Rùmil et Orophin se diriger dans le premier groupe avec l'un des Capitaines et certains guerriers.

Alors que tous se formaient en différents petits groupes, Sìdhil s'avança vers la forêt à son tour, comptant suivre le deuxième groupe où elle était certaine qu'elle ne croiserait personne qui pourrait la reconnaître.

L'elleth suivit un elfe juste devant elle en silence, tête baissée, luttant pour ne pas faire tomber son bouclier. Le casque lui tenait chaud, une goutte de sueur dégoulina le long de son front, à la bordure de ses cheveux. Son coeur battait la chamade.

Elle avait réussi.

Elle avait réussi à intégrer un groupe de soldats vers le Nord. Elle-...

Une main, sortie de nulle part, vint se plaquer fermement contre sa bouche. Elle fut entraînée vigoureusement en dehors du sentier. Elle n'osa pas crier, de peur qu'on la reconnaisse ou qu'on la soupçonne, elle se laissa simplement entraînée, puis plaquée solidement contre le tronc d'un Mallorn. Elle laissa échapper une petite plainte lorsque son dos cogna contre l'arbre.

Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle vit qui l'avait entraînée ainsi, et elle baissa systématiquement la tête, fermant les yeux et grimaçant dans son casque.

Elle avait parlé trop vite.

- Pensais-tu vraiment pouvoir tromper ma vigilance et ma confiance ?

Elle ne dit rien, et demeura tête baissée.

Deux mains se placèrent de part et d'autre de son casque et le retirèrent vivement avant de le balancer au pied de l'arbre. Elle n'osa toujours pas relever la tête. Son souffle s'accéléra. Elle laissa tomber le bouclier, qui s'écrasa lourdement à ses côtés. Une main vint pincer son menton et relever son visage.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle vit les siens.

Noirs de colère, le visage fermé, les lèvres pincées.

Le Capitaine n'avait pas l'air ravi de la voir.

- Tu es une véritable idiote, articula-t-il avec un ton glacial.

- Haldir, je-...

- Je t'ai clairement dit Non hier soir, ne comprends-tu pas ce mot ?

- Je-...

- Non seulement cette idée que tu as eu est très stupide, mais en plus, tu m'as désobéi.

- Je n'ai pas à recevoir d'ordre de vous, Haldir ! Rétorqua-t-elle, sentant la colère monter en elle.

- Ah oui ?

Il rit.

Sìdhil resta interloquée, jamais avait-elle vu Haldir sourire, le voir rire semblait complètement irréel. Mais son rire se transforma progressivement en un souffle sarcastique, et finalement en un faux sourire. Il resserra son emprise sur son menton et releva encore plus son visage. Sìdhil plaça ses deux mains sur le bras du Capitaine, espérant qu'il lâcherait prise, mais il n'en fit rien.

- Tu avais raison, Sìdhil, siffla-t-il sur un ton venimeux.

Elle laissa échapper un souffle tremblant.

- Tu es prisonnière ici.

- ... quoi ? Murmura-t-elle sous le choc.

- Oui, et je suis ton geôlier.

Son sourire disparut pour laisser réapparaitre son air grave. Il s'approcha d'elle.

- Tu ne sortiras pas d'ici.

Elle sentait les larmes s'accumuler dans ses yeux, et se retint autant qu'elle le pouvait.

- Tu ne sortiras pas, car je ne te laisserais pas sortir.

Silence.

- De toute façon tu n'as aucune chance dehors, qu'espères-tu vraiment ? T'enfuir ? Tu ne réalises pas à quel point ta vie est confortable à l'intérieur de ces frontières, à l'intérieur de cette Cité. Tu ne te rends pas compte de la Protection que nous te procurons chaque jour, et ce, depuis ton arrivée ici.

Avec toutes ses forces elle repoussa la main du Capitaine. Elle nota que c'était la première fois qu'il lui parlait du moment où elle était arrivée dans la Cité, il y a environ un siècle. Il la toisa en silence.

La respiration de Sìdhil devint haletante ; l'image du Capitaine gisant au sol sous la pluie ne cessait de se répéter dans sa tête.

- Laissez-moi y aller, répéta-t-elle en camouflant tant bien que mal le sanglot coincé dans sa voix.

Le Capitaine resserra ses poings, perdant toute forme de patience.

- Tu ne peux pas.

- Mais je dois y aller ! Hurla-t-elle.

L'expression d'Haldir évolua une nouvelle fois devant les larmes de l'elleth. Elles coulaient à flots le long de ses joues rougies.

- Si tu y vas, tu mourras ! Aboya-t-il à son tour.

- Si je n'y vais pas, vous mourrez ! S'époumona-t-elle.

Le Capitaine laissa la surprise déformer son visage. La confusion s'empara de lui, et il avait l'impression de perdre le contrôle de la situation. Il ne dit rien alors que Sìdhil se mit à genoux devant lui.

- Si je n'y vais pas, Dùen mourra aussi.

La phrase était sortie sous forme de sanglot.

- ... le ... le Miroir... j'ai...

Haldir fronça les sourcils et s'accroupit en face d'elle. Les traits du Capitaine s'étaient étrangement adoucis, et il dû admettre que rarement il avait connu autant de sentiments différents en l'espace de si peu de minutes.

Elle releva les yeux vers lui et joint les deux mains, suppliante :

- Je vous en prie, laissez-moi y aller. Enseignez-moi !

Il prit ses deux mains dans les siennes et les sépara doucement. Elle lisait clairement de la pitié dans ses yeux, cela la rendait malade.

- Je ne peux pas.

Silence.

- Je ne peux pas te laisser y aller, j'ai juré.

Une autre larme.

- J'ai juré de te protéger, voilà pourquoi tu ne peux pas sortir.

Le ton de sa voix était si doux qu'elle faillit ne pas l'entendre.

Après un moment d'hésitation, il posa sa main sur le haut de sa tête, et caressa lentement ses cheveux châtains.

- Toutes ces Pierres, ces Miroirs... J'ai bien peur que tout cela ne te bouleverse l'esprit.

Elle releva vivement la tête, et repoussa son bras brusquement.

- Êtes-vous en train de dire qu'en plus d'être une prisonnière, je suis également en train de sombrer dans la folie ?

Elle n'en croyais pas ses oreilles.

Même lui.

Elle savait, elle avait entendu les rumeurs à son sujet. Ils disent qu'elle est folle, insensée. Qu'elle a perdu l'esprit à cause d'une Pierre de Vision perdue. Cela faisait cent ans qu'elle entendait ces inlassables ragots, cent ans qu'elle ne se faisait aucun ami, cent ans qu'elle passait collée au Capitaine et ses deux frères.

Ils étaient ses seuls alliés dans cette Cité.

Mais elle avait tort. Les larmes lui montèrent aux yeux.

Quelque chose se brisa en elle.

Même Haldir disait qu'elle avait perdu l'esprit.

- Depuis l'arrivée de la Communauté, de ta soeur, tu n'es plus la même. Tu es devenue déraisonnable.

Il se releva en déviant ses yeux, comme s'il n'était plus capable de croiser son regard. Il fit un signe de tête et bientôt deux elfes apparurent à ses côtés.

- Faîtes en sortes qu'elle ne quitte pas sa Talan avant mon retour, ordonna-t-il sur un ton impassible.

Elle le regarda s'éloigner, abasourdie, les yeux encore plein de larmes.

Elle fut incapable de dire quoique ce soit. Le Capitaine s'éloigna sans plus de cérémonie, sans dernier regard.

Sìdhil se laissa emporter par les deux elfes.


Lorsque Dùen reprit conscience, elle était allongée par terre. Elle grimaça, essayant de se relever, sans y parvenir. C'est comme si des poids étaient placés sur ses bras et ses jambes.

Elle entendait vaguement un raffut à côté d'elle, des voix, une langue qu'elle ne connait pas... et puis tout à coup de la langue commune :

- Ne la touchez pas, menaça la voix.

Cette voix, elle la connaissait. Elle sentit des mains appuyer fermement tout le long de son corps, comme si on cherchait quelque chose.

Ses yeux gris s'ouvrirent d'un seul coup, réalisant la situation. Elle était maintenue à terre, ils étaient en train de la fouiller pour trouver la Pierre. Elle se débattu vivement, et se mit à regarder de tous les côtés.

Des Lossoths la fouillaient, penchés au dessus d'elle. D'autres se tenaient un peu plus loin, armes pointées sur elle et sur...

- Non ! Balbutia-t-elle.

Legolas se tenait droit sur ses genoux, bras dans le dos. Il lui lança un regard qu'elle ne sut déchiffrer. Une lame était pointée sous son cou.

La Semi-elfe fut soulevée vivement et remise sur ses pieds, maintenue par deux Lossoths. Elle ne put retenir une grimace de douleur alors que son épaule gauche la tiraillait. Tout était flou dans sa tête. Que faisait-elle là déjà ?

Puis, elle se souvint de tout, l'Oiseau Noir, Frodon qui s'enfuit, la Bataille, Boromir... Non, cela ne pouvait être vrai.

L'image de Merry et Pippin, enlevés, traversa son esprit. Non, cela ne pouvait pas être réel.

- Les Pierres.

La voix rauque la fit sursauter. Un Lossoth s'était approché d'elle et lui faisait face. Il avait un crâne nu et une épaisse barbe noire, ses yeux en amande soulignaient de sévères sourcils. Elle remarqua tout de suite qu'il avait beaucoup plus d'ornements en os, perles de bois et pierres que les autres. Sa tunique était également différente. Était-ce leur chef ?

Il attrapa son cou d'une seule main, puissante. Dùen frémit.

- Où sont les Pierres ? Aboya-t-il en langue commune.

Comme elle ne répondait rien, il la gifla du revers de sa main.

Le bruit avait résonné entre les arbres.

Sa joue lui brûlait intensément, elle releva lentement son visage souillé de sang noir vers le Chef. Plus loin, sur sa gauche, elle vit Legolas s'agiter.

- Je vous l'ai déjà dit, ne la touchez pas, siffla-t-il entre ses dents serrées.

Le regard qu'il lançait au Chef était assassin. Alors que Dùen essayait de se recomposer, il continua :

- Je serai votre prisonnier, proposa-t-il abruptement, mon Père vous paiera une importante rançon en échange de ma vie.

- Non, Legolas ! Intervint-elle avec une voix enrouée.

Ceci avait suffit pour susciter l'intérêt du Chef, il se tourna légèrement vers l'Elfe en soulevant un de ses épais sourcils noirs.

- Et qui est ton Père, Elfe ?

- Ne dites rien, Legolas, je vous en prie ! Interféra de nouveau la Semi-elfe d'un air suppliant.

Cette nouvelle intervention déplut au Chef qui la frappa au ventre avec son poing. Elle gémit alors que tout l'air de ses poumons se vida dans un souffle douloureux. Des palpitations insupportables firent trembler sa cage thoracique.

- Thranduil, Roi de la Forêt Noire.

Il y eut un moment de Silence dans les guerriers et Dùen ne put s'empêcher de hoqueter de surprise. Il l'avait dit.

Un rictus vicieux déforma le visage du Chef. Il cria à l'assemblée des paroles âcres et étranges, et tous émirent soudain des rires malsains. Dùen parcourut cette assemblée barbare des yeux.

Le bourdonnement lancinant dans sa tête lui faisant presque perdre l'équilibre. Elle se sentit vaciller lentement, et fut surprise de sentir une petite pression sur son bras droit. Cette pression n'était étonnamment pas désagréable. Elle se tourna vers le guerrier qui la tenait.

Il ne riait pas.

Dùen plissa les yeux, trouvant cela étrange. Puis, plus elle regardait autour d'elle, plus elle remarquait que d'autres, comme lui, ne riaient pas.

- La fortune est pour nous, compléta le Chef en langue commune, toujours en arborant son rictus pervers.

- Relâchez-la, dicta Legolas sévèrement.

Le Lossoth perdit son sourire, tous se turent, il montra la Semi-elfe du doigt :

- Elle ? Non.

Il s'approcha de nouveau d'elle, empoigna vigoureusement sa mâchoire. Son regard était si vile qu'elle frémit.

Derrière lui, elle aperçut un guerrier qui changea de position, il avait une arme dans sa main. Dùen discerna un mouvement de tête vers un autre guerrier à ses côtés, et il fit de même.

Étrange.

Et si...

Et s'ils n'étaient pas tous du même côté ?

- Elle va me dire où sont les Pierres.

Dùen devint pantelante. Chaque inspiration était douloureuse, chaque expiration, un supplice. Il approcha encore son impitoyable visage du sien. Si proche, elle pouvait sentir son haleine pestilentielle s'écraser sur son visage prisonnier.

La main du Chef descendit jusque dans son cou palpitant, le comprimant. Une plainte s'échappa des lèvres de la Semi-elfe.

Le rictus revint.

- Seth l'Honorable veut les Pierres, chuchota-t-il, et Seth le Puissant aura les Pierres.

Peur. Elle avait peur.

Son regard croisa furtivement celui de Legolas. Ses yeux n'avaient jamais été aussi noirs, aussi haineux, et son visage n'avait jamais été aussi expressif, déformé par l'animosité. Il fallait être courageuse. Il le fallait.

L'image de Frodon apparut dans son esprit, n'était-il effectivement pas un bon exemple de courage ? Puis elle vit Sam à ses côtés. Elle repensa à Gandalf, n'avait-il pas dit qu'il ne fallait jamais perdre espoir ?

Puis ce fut au tour de Gimli, Aragorn... Boromir. Son coeur se comprima. Et si Merry et Pippin subissait la même torture qu'elle en ce moment ? Et s'ils étaient déjà... Non.

Sìdhil. Sa soeur, elle la connaissait à peine. Et si lui arrivait la même chose ? Sa gorge se resserra, ses poings tremblèrent.

Elle ressentit une étrange tension naître dans la clairière ; mais cette tension était différente, ce n'était pas la sienne. De nouveau, elle sentit une petite pression sur son bras droit.

Ce qu'elle sentait, elle n'en n'était pas sûre.

C'était comme une tension de révolte.

Ses yeux se relevèrent soudain vers ceux du Chef Lossoth.

Remplis de Haine.

- Je vais vous dire où sont les Pierres.

Sa voix était étrangement grave, elle ne se reconnut presque pas.

Un silence s'installa.

- Gwînith ! »

Elle essaya d'ignorer l'appel du Prince. Sa voix était tendue.

Et si elle se trompait ? Elle signait sûrement leur arrêt de mort, à tous les deux.


« Tu n'es plus la même »

La voix du Capitaine résonnait sans cesse. Il avait raison, elle le savait. La rencontre de sa soeur avait déclenché quelque chose en elle. Elle voulait sortir. Elle voulait se battre, elle aussi.

Elle voulait se venger.

Sìdhil se laissa glisser le long de la porte en bois de sa Talan.

Elle entendait les deux gardes marcher avec lenteur et légèreté juste derrière l'épaisseur du bois. L'Elleth laissa échapper un souffle tremblant et se releva.

La porte grinça en s'ouvrant.

Les deux gardes se placèrent automatiquement devant l'elleth à la robe parme, l'air neutre.

- Le Capitaine a dit-...

- Je l'ai entendu comme vous, interjeta-t-elle.

L'elfe devant elle souleva un sourcil.

- Vous devez m'écouter, expliqua-t-elle les mains jointes, si vous le faites, vous pourrez sauver cette Cité.

L'autre laissa échapper une expression sarcastique.

- Vous savez qui je suis, je le sais, continua-t-elle, vous aussi vous avez entendu ces rumeurs.

- Ne perdons pas notre temps, mon frère, dit l'un à l'autre.

- Les rumeurs sont vraies, poursuivit-elle.

Ils se turent et la fixèrent étrangement.

- Je suis bien celle qui a vu l'avenir dans les Pierres et le Miroir, celle que vous appelez folle et insensée.

Les deux gardes échangèrent un regard de malaise.

- Et dans ce cas, qu'as-tu vu ? Demanda l'un d'eux, méfiant, mais mordant à l'hameçon.

- Ne lui parle pas ! Cracha l'autre.

- Si vous ne me laissez pas y aller, la Cité courra à sa perte.

- Tu dis n'importe quoi ! Seule la Dame sait et voit l'avenir.

- Pendant que vous me parlez, quelqu'un essaie de s'emparer des Pierres en ce moment-même.

- ...Quoi ?

- Vous devriez aller voir la Talan au Sud, vous savez, celle où les deux Pierres sont cachées ? Mais vous devriez le savoir puisque c'est vous qui montez la garde devant d'habitude.

Les deux gardes se regardèrent longuement.

- Je vais y aller, annonça l'un, surveille-la en attendant mon retour.

Il partit, et le restant lui lança un regard hésitant.

- N'essaie rien de stupide.

Elle leva les deux mains en l'air, et adopta un air outré.

- Ce n'était que pour vous aider.

Elle referma la porte de sa Talan, satisfaite de son mensonge. Pour atteindre la Talan Sud, il faudrait au garde plusieurs dizaines de minutes. Maintenant qu'elle était seule avec le deuxième, il fallait faire diversion.

Vivement, Sìdhil retira sa robe en lin de couleur parme et remit sa tunique de soldat. Résolument, elle s'approcha de la fenêtre et regarda vers le sol. Une branche était là, à une dizaine de mètres des racines du Mallorn où sa Talan était perchée.

Elle accrocha son petit miroir dans sa robe parme et balança le tout vers le sol. Le miroir, dans sa chute, produisit un énorme bruit de verre dans les branches et les feuillages. Elle accourut vers la porte, et lorsque celle-ci s'ouvrit violemment, elle se cacha derrière.

Le garde entra en courant, et se précipita vers la fenêtre ouverte. En se penchant, il vit plusieurs mètres plus bas, cachée dans les feuillages, l'elleth à la robe parme. Il cracha une injure et sortit aussi vite qu'il était rentré.

Là était sa chance.

Sìdhil déguerpit de la Talan et prit les autres escaliers.


Et voilà ! J'espère qu'il vous a plu.

Le prochain chapitre s'appelle "Le Nord" et arrive très bientôt !

xoxo,

Netphis.