Hijack Week : December 2014

Salut tout le monde ! Voilà enfin la Hijack Week de décembre.

Deux contraintes : écrire un OS sur le thème du jour, et insérer du hijack !

J'ai dérogé un peu à la règle pour ce coup-ci, en créant un fil conducteur pour mes OS. Cela explique entre autres le petit bout de texte avant « Day 1 » qui ne semble pas avoir beaucoup de liens avec le reste de l'OS.

Si vous vous sentez inspiré par un thème, n'hésitez pas à écrire, je me ferai une joie de vous lire.

15/12 21/12

Day 1 : Assassin

Day 2 : Pharaon/servant

Day 3 : Legend

Day 4 : Alpha/oméga

Day 5 : Steampunk

Day 6 : Yule ball

Day 7 : Holidays

OS corrigé par Emmawh. Merci à elle !

Merci à tous ceux qui ont pris le temps de laisser une review et/ou d'ajouter la fic dans leurs favoris et/ou dans leur liste de follow.

J'avais peur d'écrire cet OS. Vraiment. Parce que j'avais pas d'idées.

Le Steampunk, c'est pas mon monde. Je n'aime pas plus que ça l'époque victorienne et les machines, c'est moyen. Donc j'avais peur d'écrire un truc bateau. Sauf que j'ai eu une idée. Une idée qui m'a même fait songer à publier l'OS 5 avant le 4, qui m'emballait moins, au final.

En gros, je vais m'attaquer à un univers qui me tient à cœur. Pas Pratchett, parce que c'est encore un peu trop gros pour moi, mais un autre qui a une place toute particulière dans mon petit cœur et que je vous laisser découvrir.

J'ai aussi inclus un autre univers, que les connaisseurs reconnaîtront peut-être. Je le maîtrise beaucoup moins, donc s'il y a des incohérences, veuillez par avance m'en excuser.

Pour ceux qui me suivrait sur Les Années Sombres, désolé d'avoir disparu ainsi. Ma vie a été compliquée ces derniers mois. Pour plus d'explications, je vous invite à aller voir ma page Facebook.

Bonne lecture !

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Un peu plus. Toujours un peu plus. Juste une page. Mais à chaque fois une en plus.

Le piège était refermé. Le Livre ne lâcherait pas sa proie. Pas si près du but.

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Day 5. Steampunk

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Autour d'Altaïr, étoile de la constellation de l'Aigle du point de vue des Terriens, tournaient plusieurs planètes. La plupart étaient évidemment impropres à la vie, mais la troisième planète était un peu différente. Nommée Teatra, elle était assez éloignée de l'étoile pour être propice à la vie et avait permis à une foule d'êtres vivants de se développer.

Parmi eux, on pouvait compter quelques spécimens assez étonnants. Dont un ver, complètement aveugle, qui se repérait à l'aide des grognements de son ventre. S'affamant, il faisait littéralement crier famine à son estomac et identifiait les obstacles de sa route par écholocation. Le plus intéressant, dans tous cela, était que ce système était totalement inefficace. Le ver avait donc développé un acide stomacale capable de tout désagréger, mais continuait à faire grogner son ventre, dans l'espoir qu'un jour, cela fonctionne.

Gêné par cette observation minutieuse, le ver en question expulsa un bon jet de salive, formant un petit trou dans le mur, et prit rapidement la fuite. Cette attitude tira un soupir de regret à l'observateur, qui se repositionna contre le mur de sa geôle. Dire qu'il avait enfin cru trouver quelque chose à faire. Parce que compter les gouttes qui tombaient de la fissure du plafond, ça allait bien deux minutes, mais on s'en lassait vite.

Soupirant une nouvelle fois, le prisonnier se positionna du mieux qu'il put et ferma les yeux. Quitte à ne rien faire, autant dormir. Alors que le sommeil grappillait les derniers restes de sa conscience, la porte s'ouvrit brusquement, ce qui réveilla le jeune homme en un instant. Il n'était pas encore l'heure du dîner, personne n'aurait dû rentrer ici maintenant.

Se redressant, il se retrouva nez-à-nez avec un inconnu. Pull bleu, pieds nus, les cheveux blancs, la peau crayeuse. Définitivement pas un garde du Palais, qui semblaient n'avoir été sélectionnés que sur base physique : grands et larges. Qu'ils soient des idiots complets n'était pas vraiment important.

« - Salut ! fit l'apparition. Je ne m'attendais pas à tomber sur quelqu'un. Tu habites ici ?

- Pardon ?

- Oh. Tu parles peut-être un dialecte peu connu ? Le TARDIS a du mal avec ça. Mais ne lui dit pas que je t'ai dit ça, elle se vexerait.

- Le… Quoi ? Et que faites-vous ici ? Ma cellule est censée être fermée !

- Cellule ? Oh, ça explique le verrou. Et le peu de décoration. Et les gardes, aussi. D'ailleurs, ils doivent toujours être à ma poursuite. Cela me laisse approximativement, hummmm,… 30 secondes. 29, en fait. Moins maintenant. Bref, pas le temps. Tu viens avec moi ?

- Pardon ?

- Tu t'ennuies comme un rat mort. Vu ta jambe mécanique et l'ambiance politique, tu es ici soit pour cause de rébellion, soit pour mécanisation illicite. Tu n'as pas le profil du rebelle, du moins pas celui qui se fait attraper. Donc mécanisation. Probablement dénoncé par un voisin. Intelligent, mais trop confiant envers les autres. Je t'aime bien. Au fait, je suis le Docteur, ça te dirait un petit voyage ? »

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Il n'avait aucune idée de ce qu'il faisait. Enfin, si, il savait ce qu'il faisait : il fuyait à travers le Palais d'Acier avec un inconnu. Ce qu'il ne savait pas, c'était pourquoi lui, Harold Haddock, emprisonné pour mécanisation personnelle non-autorisée, et accessoirement libéré dans moins de trois jours, s'assurait de se voir enfermer pour au minimum une année supplémentaire.

En parlant de mécanisation… Ce « Docteur » avait intérêt à avoir son fameux vaisseau garé pas loin, parce que sa jambe de métal n'allait pas tenir longtemps. C'était un véritable petit bijou, probablement sa plus belle pièce, toute de cuivre et d'acier, entièrement basée sur un système à vapeur, fonctionnelle et esthétique, mais décidément pas faite pour la course.

« - C'est encore loin ?

- Après le tournant ! »

Et après le tournant… Une boite bleue. Sur laquelle trônait « Police Box », ce qu'Harold comprenait, pour une raison étrange, comme « Boite à Gardes ».

« - Vous voulez nous enfermer là-dedans ? Autant se rendre aux gardes toute de suite !

- Oh, allez, détends-toi. Ils ne nous rattraperont pas. Et même s'ils le font, ça va être fun.

- Je ne sais pas ce que « fun » veut dire, mais ça a intérêt à être quelque chose de costaud.

- Allez, rentre là-dedans, » se contenta de répondre l'homme en ouvrant la porte de la boite bleue.

Sans trop réfléchir, Harold obéi, rentra mais s'arrêta de courir, histoire de ne pas foncer dans le fond, la boite ne devait pas faire plus d'un mètre de long. Logiquement, du moins.

Sauf que là, la logique semblait avoir taillé sa route. Très loin. Genre l'astéroïde B-612. Parce qu'à l'intérieur de la police box se tenait un univers miniature.

« - De la compression spatiale ? Comment est-ce possible ?

- Tu n'es pas drôle. D'habitude, les gens disent « c'est plus grand à l'intérieur », répondit l'homme aux cheveux blancs en refermant la porte.

Harold regarda l'homme faire tourner la clef dans la serrure avant diriger vers ce qui semblait être un tableau de commande.

« - Qui êtes-vous ?

- Je te l'ai dit, je suis le Docteur. Et tu n'es pas inquiet par le fait qu'il n'y ait qu'une simple porte de bois entre nous et nos poursuivants ?

- Il y a un champ déstructuré sur la porte. Je l'ai vu en passant. Il la rend plus dure que du diamant le cas échéant. Et il y probablement d'autres défenses. Docteur qui ? (1)

- Tu n'es vraiment pas amusant. Quel intérêt de voyager dans le temps et l'espace si les gens qui m'accompagnent savent déjà tout ? Et je suis le Docteur. Juste le Docteur. Avec une majuscule.

- Le… Le temps et l'espace ?

- AH ! Ça t'en bouche un coin, hein ? Ouais, le temps et l'espace ! Et la dimension kwek, aussi, mais j'évite de m'y rendre.

- Vous… Ce… Ce n'est pas possible. Seuls les Seigneurs du Temps peuvent voyager comme ça. Et ils ont tous disparus.

- Presque tous. Je suis le dernier. Enfin plus ou moins. Enfin ça dépend. Mais c'est plus simple de dire qu'il ne reste que moi : le Docteur. Bon, maintenant, où vais-je te déposer ? J'avais cru trouver quelqu'un d'intéressant, mais tu n'es qu'un petit intello. Alors… Une heure plus tôt, ça te va ? Tu auras juste à remplacer ton toi passé dans la cellule.

- Quoi ? Vous m'avez proposé un voyage, tout ça pour me remettre dans ma cellule ?

- Je te pensais plus amusant, d'accord ? Même à 21 351 ans, personne n'est à l'abri d'une erreur.

- C'est possible d'être aussi âgé ?

- Une de mes incarnations était agoraphobe au plus haut niveau. Je suis resté enfermé en haut d'une montagne pendant environs quatre mille ans. »

Abaissant plusieurs manettes, le Docteur lança la machine, qui fit un bruit de vieux moteurs quelques secondes, avant de s'arrêter aussi net.

« - Eh bien, ma belle, qu'est-ce que tu me fait là ?

- Un problème ?

- Oh, Sexy(2) refuse de démarrer. Elle me fait ça, de temps en temps, quand elle n'est pas d'accord avec moi. La dernière fois, il m'a fallu deux semaines pour la convaincre que c'était une bonne idée de visiter la galaxie Alork.

- La galaxie Alork ? C'est pas celle qui a explosé dans une supernova ?

- SI ! Et elle voulait que je rate ça, tu te rends compte ? Bon, d'accord, c'était légèrement dangereux, mais bon, faut bien s'amuser de temps en temps. Et puis, j'ai vérifié qu'il ne restait plus personne sur la seule lune habitée. Mais là, je ne vois pas pourquoi elle refuse que je te ramène.

- Et si vous ne me rameniez pas ? »

L'homme aux cheveux blancs arrêta de tourner la roue qu'il maltraitait pour le fixer, interloqué.

« - Pourquoi diable ferais-je ça ?

- Vous me prenez pour un je-sais-tout, Docteur ? Eh bien prouvez-moi que je ne sais pas tout. Montrez-moi que je suis un idiot. »

Le Docteur fixa une nouvelle fois Harold.

« - L'idée… Est intéressante. Que proposes-tu ?

- Emmenez-moi en un endroit étonnant. Si vous arrivez à me surprendre, j'avouerai ma défaite et voyagerai avec vous.

- Tu me mets au défi et si je gagne, je devrais te garder avec moi ?

- C'est ça.

- Donc, je perds, peu importe ce que je fais.

- Plus ou moins.

- Le concept me plaît. »

Il est abaissa une autre manette.

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Le voyage ne durant que quelques instants, juste assez de temps pour que la cabine tremble et émette un bruit de moteur déglingué.

« - Et voilà ! Nous sommes à bon port. »

S'écartant de la console, l'homme aux cheveux blancs, le « Docteur », s'approcha de la porte qu'il ouvrit en grand, laissant passer une lumière aveuglante.

« - Alors, tu viens ? »

A son tour, Harold s'avança. Dans l'embrasure, un spectacle merveilleux s'offrait à lui. Un immense paysage, composé de ce qui semblait être du verre fondu. Des arcs immenses s'élançaient vers les cieux et se s'ornaient de milles couleurs à la lueur des trois soleils qui gouvernaient les cieux.

« - Où sommes-nous ? demanda Harold, émerveillé.

- Quand les humains découvriront cette planète, ils l'appelleront Chantelune. Dans le coin, elle est plutôt connue comme Kratho, ce qui veut dire « Chante la bienvenue ».

- Chante la bienvenue ? Drôle de nom.

- Pas tant que ça. Regarde. »

Le Docteur sortit du Tardis, sautillant avec légèreté sur le sol. A chacun de ses pas, les arcs de verre vibraient doucement et petit à petit, une mélopée s'éleva de la planète entière.

« - La planète… Elle… elle chante.

- Etonnant, n'est-ce pas ? Simple réflexion du choc de mon pas, associé à une structure unique au monde.

- C'est magnifique, souffla le brun.

- Il existe de telles merveilles partout dans l'Univers. Certaines sont connues depuis des siècles, d'autres n'attendent qu'à être découvertes. »

Toujours sur le pas de la porte, Harold regarda le Docteur se rapprocher de lui, toujours le pas léger.

« - Tu viens ? » demanda-t-il en tendant la main.

Sans hésiter, il la prit et se laissa entraîner sur quelques pas, avant de glisser lamentablement.

« - Désolé, dit-il. Ma jambe n'est pas vraiment adaptée à un endroit pareil.

- Il va falloir arranger ça.

- Pardon ?

- Je voyage énormément. Je cours beaucoup. Tous le temps, en fait. Et je ne sais pas toujours pourquoi. Ni vers où. Il va donc falloir que ta jambe puisse suivre, à partir de maintenant.

- Vous êtes sérieux ?

- J'ai accepté le défi, non ? Je t'ai prouvé que tu ne connaissais pas tout. Je t'ai surpris. J'ai gagné. Donc, tu voyages avec moi. Pour un temps, du moins.

- Pour combien de temps ?

- Cela dépend. Le temps est relatif. Cela te paraîtra une seconde et à moi une éternité. Ou l'inverse. Ou autre chose. Et un jour pour une raison ou une autre, tu retourneras là où tu dois être et moi, je poursuivrai mon voyage. »

Harold, qui avait continué à avancer, toujours appuyé sur le Docteur, s'arrêta.

« - Votre vie doit être triste.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Je le vois. Dans vos yeux. Quand vous parlez de continuer à voyager, vous pensez à ceux qui n'ont pas pu vous suivre. »

L'homme aux cheveux blancs regarda à son tour le plus jeune.

« - J'aime voyager seul.

- Pourtant vous me prenez avec vous.

- Uniquement parce que j'ai perdu ! Allez viens, laissons cette planète garder un peu de son mystère. »

Le Teatrien, sur le chemin du retour vers le Tardis, se demanda s'il avait été trop loin. Le Docteur lui avait paru un premier temps comme insouciant. Se moquant des gardes, fuyant les réactions logiques. Mais peut-être… Peut-être qu'au fond, il était plus que cet adolescent dont il avait l'apparence. La froideur de la glace sous l'apparente douceur du rideau de neige.

« - Bon ! dit le Docteur une fois à bord. Passé ou futur ?

- Quelle différence ?

- Pour toi ? Aucune. Bon, alors disons… Le futur ! »

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Au final, ce voyage unique s'était multiplié, encore et encore. Harold avait vu de véritables merveilles et, au côté du Docteur, combattu de nombreux monstres. Les pires restaient sans aucun doute les Daleks, des créatures mortelles enfermées dans un carcan de métal et qui ne connaissaient ni la pitié ni la compassion.(3)

Harold les avait rencontré pour la première fois lorsqu'il tentait de détruire la Terre, une petite planète, unique espace de vie de tout un système solaire, que le Docteur semblait particulièrement affectionner. A la base, ils s'y étaient rendus pour rendre visite à une certaine Martha Jones, une vieille connaissance du Seigneur du Temps, qui lui avait envoyé un message, car des nombreux terriens disparaissaient mystérieusement ces dernières semaines.

« - Vous la connaissez depuis longtemps ? demanda le teatrien, tandis qu'il essayait de se sentir plus ou moins à l'aise dans cette drôle de chose que le Docteur appelait « T-shirt ».

- Assez, oui. Elle a voyagé un certain temps avec moi, il y a maintenant quelques années. Je suis sûr que tu l'apprécieras. »

Et le Docteur n'avait pas eu tort. Martha s'était révélée être une jeune femme énergique qui, d'après ce que lui avait raconté Mickey, avait rencontré le Seigneur du Temps il y a moins de trois ans pour eux mais des milliers d'années pour lui. Il arborait alors une toute autre apparence, celle de sa dixième incarnation, que Mickey avait décrit comme « complètement à l'ouest quand on parlait de sentiments ».

L'affaire des Daleks avait été assez rapidement réglée. Apparemment, les aliens tentaient de détruire la Terre relativement souvent, au point que cette dernière avait développé des systèmes de défenses pointus en matière de monstres robotisés. Harold avait d'ailleurs réussi à récolter un peu du métal de leurs armures, du « dalekanium », qui se révélait incroyablement résistant. Il lui avait vite trouvé une utilité.

« - Qu'est-ce que tu fabriques ? demanda le Docteur, en se penchant par-dessus l'épaule du brun.

- Un animal robotique. C'était mon métier, avant. Bien sûr, je les faisais moins complexes. A base de fer, de cuivre et de rouages.

- Et celui-ci ?

- Oh, eh bien j'ai réussi à faire fondre le dalekanium et le Tardis m'a ouvert une salle pleine de ferraille. D'ailleurs, que diable faites-vous avec une telle réserve ? J'y ai même trouvé un mini-réacteur pour faire tourner la machine. Je ne sais pas trop ce que c'est, mais le Tardis m'a dit que c'était sans danger. Apparemment, c'était un vieux truc qui n'avait plus assez de puissance pour faire tourner une de ses machines.

- Une réserve de… Sexy t'a ouvert ? Elle t'a parlé ?

- Parler est un bien grand mot. Elle a fait apparaître des mots sur l'écran. »

Harold vit que sa réponse avait troublé le blanc. Il était assez exclusif avec le Tardis, qui aimait rarement ses compagnons. Voir que SA machine à remonter le temps parlait à quelqu'un d'autre que lui, cela devait lui miner le moral.

Au final, le « jeune » alien avait boudé deux, trois jours, puis tout était redevenu normal. Enfin, aussi normal que deux hommes voyageant dans le temps et l'espace à l'aide d'une cabine téléphonique.

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« - Ca te dirait que l'on aille sur Teatria ? »

Harold, présentement occupé à visser quelques boulons défaillant de Toothless, manqua de lâcher sa clef.

« - Pardon ?

- Je te demandais si ça te dirais d'aller sur ta planète.

- … Pourquoi ?

- Eh bien, cela fait quand même quatre mois que nous voyageons à deux, je me suis dit que tu aurais peut-être envie de voir ta famille. »

Remarquant la tension qui habitait soudain les épaules de son acolyte, le Docteur se dit qu'il avait peut-être fait une bêtise. Un silence gênant s'installa, jusqu'à ce qu'Harold y mette fin.

« - Je n'ai pas de famille à visiter. »

Abandonnant ses outils, le brun quitta la salle des commandes. Rejoignant sa chambre, il s'installa sur son lit, fixant le plafond. Il ne fallut pas cinq minutes au Docteur pour le rejoindre.

« - Je suis désolé.

- Vous ne saviez pas.

- C'est un de mes défauts. Je ne cherche jamais à connaître les gens. Je laisse les choses arriver. Mais… Si jamais tu veux en parler… »

Harold regarda l'homme. Il fallait être aveugle pour ne pas remarquer que celui-ci voulait savoir. Soupirant, il se lança. Cela faisait longtemps que le raconter ne faisait plus mal.

« - J'habitais un petit village en bordure de l'Empire. Beurk. Ouaip, le nom est pas terrible, je sais. C'était un village de pêcheurs et de chasseurs. Moi, j'étais pas capable de pister un lapin correctement et je faisais fuir le poisson. Donc, on m'a mis chez le forgeron, Gueulfort.

- Gueulfort ? Réellement ?

- Je m'appelle bien Harold. Bref, il s'est avéré que j'étais bien plus doué pour le travail du métal que pour la chasse. Et une fois que j'ai eu dix-huit ans… Mon père m'a envoyé en apprentissage à la capitale. Dix mois par an loin de Beurk. Pas que ça me dérangeait. A part Gueulfort et mon père, il n'y avait pas grand-chose pour moi là-bas.

- Et ta mère ? questionna le Docteur, aussi subtil qu'à son habitude.

- Partie à ma naissance. Mon père a jamais voulu en dire plus. Bref, j'étais parti à la capitale. Dix mois plus tard, je suis revenu et… Beurk avait disparu. Rayée de la carte.

- Comment… ?

- L'Empire. Le village était soupçonné d'entretenir des relations avec le royaume voisin. Ce qui n'était pas faux. On leur vendait de la nourriture et en échange, les garnisons nous laissaient tranquille. Après avoir enterré ceux qui… qui… »

Ne trouvant pas les mots, le Docteur serra la main de son acolyte, le rassurant comme il pouvait.

« - Bref. Je suis retourné à la capitale. Et je me suis engagé dans la résistance.

- C'est pour ça que tu étais en prison ? Parce que tu étais un résistant ?

- Oh non. SI j'avais été pris pour ça, j'aurai été exécuté. Non, vous aviez vu juste la première fois, j'y étais pour « mécanisation non-autorisée ». Mais peu de temps après avoir arrêté, j'ai assisté à l'exécution du chef de mon groupe. Ça veut surement dire que tout le réseau a été démantelé. Bref, plus grand monde pour moi à la maison !

- … Je suis désolé Harold. »

Souriant amèrement, le brun caressa de son pouce la main du Docteur, qui se serrait convulsivement sur la sienne.

« - Ne le soyez pas. Vous m'avez sauvé. Si j'avais été libéré, je me serais sans doute tué dans un acte de rébellion quelconque. Avec vous, je peux sauver des vies et devenir plus fort. Peut-être qu'un jour, je le serais assez pour pouvoir sauver mon chez moi. »

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« - Mais pourquoiiiiiii ?

- Parce que. Tu ne peux pas te balader avec un mini-dragon mécanique là où l'on va. On va se faire remarquer.

- Vous avez visité Londres au XVe siècle en sweat à capuche !

- Les Londoniens ont l'habitude des gens bizarres. Les habitants de Columbia exécutent ceux qui ne rentrent pas dans la norme. Et un dragon métallique comme Krokmou n'est pas exactement la norme au début du XIXe. D'ailleurs, cache bien ta jambe. Ça ne devrait pas choquer, mais sait-on jamais.

- C'est pas juste…

- Arrête de râler et enfile ça ! »

Harold attrapa au vol les vêtements que lui lançait le Seigneur du Temps. Cela ressemblait un peu à ce que portaient les Teatrien. Un pantalon de toile, une chemise blanche et une veste sans manche. Dommage. Le jeune homme avait fini par aimer les t-shirt, tellement plus confortables.

Finissant de s'habiller, le brun sorti de sa cabine, se retrouvant quasiment nez-à-nez avec le Docteur, qui s'apprêtait à toquer à la porte. Lui aussi s'était changé, abandonnant ses éternels pull à capuche et jeans pour des vêtements fort semblables à ceux d'Harold.

« - Ah, tu es prêt. Bien. Une fois là-bas, évite de m'appeler « Docteur », d'accord ? Le mieux, c'est que je me fasse passer pour un humain. Quand je le fais, je prends le nom de John Smith. Il faudra que tu m'appelles comme ça durant tout notre séjour.

- John Smith ? Sérieusement ?

- Quoi, ce nom ne te plaît pas ?

- Bah, c'est pas ça mais… Avouez que c'est un peu trop commun, non ? Dans tous les livres terriens que vous m'avez donné, c'est ce nom là que choisit celui qui veut disparaître.

- Ça a toujours très bien marché !

- Oui mais…

- Très bien ! Tu proposes quoi, alors, môsieur l'expert ?

- J'aime bien Jack Frost.

- Jack… Frost ?

- C'est un personnage de livre. Il vous ressemble. Eternellement jeune et un peu idiot.

- Merci. »

Harold ne put s'empêcher de rire devant la mine vexée du pluri-millénaire.

« - Bref, appelle-moi Jack Frost si tu veux, mais surtout, essaie de te fondre dans la masse.

- Ces gens vous font si peur que ça ? D'habitude, vous aimez le risque.

- Ils sont dangereux et ont développé des technologies très destructrices, les Toniques, des boissons qui leurs donnent des pouvoirs surnaturels, comme contrôler le feu ou la glace, mais qui rendent terriblement dépendant. Si l'on te propose à boire, refuse !

- D'accord… Mais pourquoi y aller si c'est tellement risqué ?

- De vieux amis m'ont demandé un coup de main. Cela ne devrait pas prendre plus de quelques heures. Et comme Sexy n'est pas aussi efficace en défense quand il y a quelqu'un à bord, je préfère te prendre avec moi. »

Le brun hocha la tête. Il ne voyait que très rarement le Docteur aussi sérieux. D'après Martha, qu'ils avaient revue plusieurs fois depuis l'attaque de Dalek, cette incarnation était une des plus joyeuses et prête à l'amusement qu'elle avait côtoyé. Le voir aussi grave était presque inquiétant.

« - Bien, allons-y. Les Lutèce vont nous attendre, et ce serait compliqué de devoir remonter le temps pour arriver à l'heure alors que nous sommes déjà à Columbia. »

Après un petit voyage et l'éternel bruit de vieux moteur du Tardis, les deux hommes sortirent de la boite bleue pour atterrir… En plein ciel.

« - On… Vole ? demanda Harold, en admirant les nuages qui frôlaient au loin l'immense statue d'une femme ailée qui flottait dans le bleu du ciel.

- Etonnant, n'est-ce pas ? Ce sont les Lutèce, ceux à qui nous rendons visite, qui ont fait ça. Ils sont parvenus à maintenir des bâtiments entiers dans le ciel. De simples humains du XIXe siècle ! Cela vaut bien Rapture !(4)

- Rapture ?

- Une autre merveille de ce siècle. Une ville entièrement sous l'eau. Pour pas mal d'extraterrestres, c'est banal, mais c'est une sacrée avancée pour les terriens. Je t'y emmènerai, un jour. C'est très particulier. »

Hochant la tête, le brun emboîta le pas du Docteur, qui s'était mis en mouvement, tout en inspectant son environnement. Il ne comprenait pas ce qui faisait tant peur au Seigneur du Temps. Les gens avaient tous l'air heureux et sympathiques. Et si c'était plutôt surprenant la première fois où l'on voyait quelqu'un allumer sa cigarette en claquant des doigts, ce n'était pas plus bizarre que beaucoup de choses que lui avait montré le Docteur depuis qu'ils voyageaient ensemble.

Le blanc les mena jusqu'à un grand bâtiment, sûrement le laboratoire des fameux Lutèce. Sans hésiter, il entra, faisant fi des regards étranges que lui jetaient les citoyens de Columbia. Apparemment, cet endroit était de ceux que les gens du coin évitaient. Souvent à raison. Restait à savoir pourquoi.

Tentant d'avoir l'air le plus naturel possible, Harold emboita le pas du Docteur, accélérant jusqu'à le rattraper.

« - Ces gens, là, que nous devons rencontrer… Ils savent qui vous êtes ?

- Ils savent que je suis docteur. Pas LE Docteur, juste docteur.

- Et ils ne cherchent pas à savoir votre nom ?

- Sûrement. Mais ils ont aussi des choses à cacher, donc ils ne mettent pas leur nez dans mes affaires et je ne mets pas mon nez dans les leurs. En échange, je les aide quand ils en ont besoin et inversement. Ce sont des gens utiles à avoir dans son carnet d'adresse, en cas de pépin.

- Et aujourd'hui, nous sommes là pour quoi ?

- La dernière fois qu'ils m'ont appelé, c'était pour le « champs Lutèce », ce champ de force qui permet à la ville de flotter. Ils, ou plutôt elle, étant donné que Rosalind Lutèce n'avait pas encore retrouvé son frère, voulait savoir si cela pouvait provoquer des réactions non-désirées chez l'être humain.

- Oh.

- Oui, « oh ». Ce sont des esprits brillants. Ils vont te plaire. Moi, ils m'ennuient, la plupart du temps. Ils connaissent trop de choses.

- Et vous n'aimez pas les intellos.

- C'est ça.

- Sauf moi ! »

Harold laissa un petit sourire naître sur ses lèvres en voyant le Docteur soudainement fixer toute son attention sur la route. C'était incroyable comme il pouvait être coincé quand on parlait de ses sentiments, alors qu'il était on ne peut plus prolixe quand il s'agissait de ceux des autres.

« - Bon, nous y voilà, reprit le Seigneur du Temps, faisant comme si la dernière phrase n'avait pas été prononcée. N'oublie pas, ne parle pas du Tardis, ni de nos voyages. Pour eux, nous voyageons en avion.

- On n'a pas d'avion, signala aimablement le brun.

- Ils n'ont pas besoin de le savoir. Ils savent que s'ils se mettent à chercher, je cesserai de leur venir en aide. Bon, prêt ?

- Prêt. »

Poussant les portes, le Docteur, un masque d'homme sérieux sur le visage, ce qui contrastait pas mal avec l'habitude, entra dans le laboratoire.

Au milieu des câbles et des engrenages, se tenaient deux personnes. Au travers de la vapeur, Hiccup ne put de premier abord que distinguer deux silhouettes vaguement semblables, mais en s'approchant plus près, il constata qu'il s'agissait de ce qui semblait être la version masculine et féminine d'un même être.

« - Ah, docteur, s'exclama la femme, en apercevant les deux hommes. Vous voilà. Je commençais à me demander si votre avion n'avait pas rencontré un problème. Et je vois que vous avez amené un ami.

- Bonjour, Rosalind. Je vous présente Harold, c'est mon assistant. Harold, voici Rosalind Lutèce et son frère, Robert. Alors, Rosalind, pourquoi avez-vous besoin de moi, cette fois-ci ? »

La femme afficha un sourire énigmatique avant d'entrainer le Docteur avec elle vers une immense machine. Jugeant qu'il valait mieux pour lui de ne pas s'en mêler, il traina dans le laboratoire, inspectant tableaux et instruments.

C'était amusant de constater que si sa planète était très avancée technologiquement, ayant inventé la téléportation et le voyage spatial depuis bien des années, ce qui se trouvait ici était d'une nature à la fois plus avancée et plus ancienne. Les systèmes étaient vieux de plusieurs siècles pour Harold, mais la manière de les agencer et les résultats obtenus étaient totalement novateurs. Il ne savait pas qui étaient exactement ces fameux Lutèce, mais ils étaient de véritables génies.

Au final, la rencontre ne dura pas bien longtemps. Pour la première fois, Harold vit le Docteur se mettre réellement en colère. Une colère froide, pour ne pas dire glaciale. Apparemment, la machine des Lutèce ne lui plaisait pas.

D'une démarche rageuse, il sortit du laboratoire, tirant Harold derrière lui.

« - Ça c'est mal passé ?

- Ces Lutèce… Ils ne se rendent pas compte de ce qu'ils font. Ça va leur retomber dessus.

- Et vous ne pouvez rien pour eux ? Ce sont presque vos amis, non ? Je vous ai vu, avec Rosalind. Vous l'appréciez.

- Je ne peux pas. J'y ai pensé mais… Ce qui va leur arriver est un point fixe. Un évènement qui a trop d'impact pour que je puisse m'impliquer. C'est malheureux, mais c'est comme ça. Je ne peux pas aider tout le monde… »

Le brun voyait à quel point cette constatation minait le Seigneur du Temps. Ne serait-ce qu'à sa démarche. Ce pas raide si différent de son allure sautillante habituelle.

Une fois à l'abri dans le Tardis, alors qu'ils partaient vers une autre aventure, Harold hésita un instant, avant de se lancer.

« - Vous savez, j'ai l'impression que chaque jour, je découvre une nouvelle facette de vous. Et j'aime vraiment ça. Je crois que… »

Laissant le reste de la phrase en suspens, Harold partit rejoindre sa chambre. Il n'était qu'un simple teatrien et lui était le Docteur. Cette phrase ne pouvait être finie.

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Le soleil brillait au-dessus de Londres. Pas un nuage pour protéger le citoyen moyen de ses ardeurs. Alors autant dire qu'Harold, dans sa tenue matelassée et noire d'UNIT était en train de crever de chaud. Le noir, c'était peut-être idéal pour la discrétion des missions miliaires, mais cette foutue agence de protection de la terre contre les attaques aliens aurait pu penser à celles qui auraient lieu en plein mois d'août.

« - Tu es prêt ? demanda alors le Docteur, toujours vêtu de son éternel pull bleu.

- Oui.

- N'oublies pas, tu dois…

- Les empêcher de vous atteindre pendant que vous désactiver la source d'énergie.

- Tu n'es pas obligé, tu sais. UNIT…

- Ne peut pas tout faire. Allez-y, avant que le plan ne foire. »

Son fusil en main, Harold se plaça du mieux qu'il put pour pouvoir avoir le champ de tir le plus large possible. Ainsi positionné, il se rappela des paroles que Martha avait eu pour lui la première fois qu'il l'avait rencontré : « Le Docteur ne porte pas d'arme. Mais ses compagnons le font pour lui ».

Il n'avait pas compris, sur le moment. Jamais le Docteur ne lui avait demandé de porter une arme. Mais il n'avait tout simplement pas à le faire, parce qu'Harold avait pris la décision lui-même. Pour protéger le Docteur. Parce que malgré toute sa puissance de Seigneur du Temps, il avait besoin d'être protégé. Ne serait-ce que pour être empêcher de foncer droit dans le danger.

C'est pour cette raison qu'Harold n'hésita pas un instant, lui qui n'avait jamais rien tué de plus gros qu'une mouche, du moins pas volontairement. L'œil dans le viseur, il abattit de sang-froid l'être reptilien humanoïde qui voulait empêcher le Docteur d'atteindre son but. Ses mains auraient le temps de trembler plus tard.

Le teatrien ne sut jamais combien d'aliens il dut abattre le temps que le Docteur désactive leur arme qui allait leur permettre d'éradiquer de la planète terre tous les êtres autres que les reptiles. L'important, c'était que le Docteur lui revienne sain et sauf.

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La soif réveilla Harold. Tendant la main pour attraper la bouteille d'eau qu'il prenait toujours le soin de remplir avant d'aller se coucher, il eut la surprise de rencontrer du vide.

Se redressant, il remarqua avec un certain étonnement que sa bouteille n'était plus là. L'avait-il oublié la veille ? C'était étonnant, mais après la bataille contre les hommes-serpents de la veille, ce n'était pas impossible non plus.

Se débarrassant de ses couvertures, il se redressa, attacha sa jambe mécanique et prit la direction de la cuisine. Enfin, d'une des cuisines. Le Tardis était en mode « Top Chef » depuis quelques temps, une émission culinaire terrienne. Il y avait donc pas moins de douze cuisines suréquipées un peu partout à travers le vaisseau. Sachant que l'espace interne était pratiquement infini, on pouvait considérer que Sexy se contenait. Relativement.

Il fallut donc moins d'une minute à Harold pour trouver une des nombreuses salles. Seul problème : la porte de cette dernière était verrouillée. Il était pourtant sûr qu'elle ne l'avait jamais été auparavant. Surpris, il reprit sa marche vers la plus proche, qu'il ne put même pas atteindre, le Tardis ayant apparemment décidé de fermer toutes les portes. Y compris celle de sa chambre.

« - Bon, je sais pas à quoi tu joues, mais ce n'est pas drôle ! »

Evidemment, le vaisseau ne lui répondit pas. Il se contenta de faire clignoter une lampe un peu plus loin dans le couloir, comme pour lui dire « viens par-là ».

Résigné, le jeune homme entreprit de remonter le couloir, tentant d'ouvrir chaque porte qu'il croisait, sans succès. Et quand il en trouvait une d'ouverte, c'était pour se retrouver face à un nouveau couloir. Sans possibilité de retour, vu que le Tardis fermait la porte dès qu'il la franchissait. Il était presque résigné à dormir par terre, quand il aperçut une porte entrebâillée d'où s'échappait un mince filet de lumière.

S'approchant doucement, parce qu'on ne savait jamais sur quoi on pouvait tomber dans ce vaisseau, Il poussa délicatement la porte. La salle se révéla être un dépôt, l'un des nombreux du Tardis, où le vaisseau entreposait tout ce qui ne servait plus. Sachant que l'engin avait une conscience globale du temps, elle y conservait donc tout ce qui avait servi ou servirait un jour. Bref, un joyeux fouillis dans lequel un chat ne retrouverait pas ses jeunes.

Un peu plus loin, assis contre le mur, entre un lavabo et un matelas trois places, le Docteur se tenait la tête dans les mains. De temps à autre, dans un éclair de rage, il saisissait un objet traînant et le balançait au loin, avant de reprendre sa posture.

Harold se doutait quelques peu de ce qui se tramait dans la tête du Seigneur du Temps. Il revoyait le regard qu'il avait eu, quelques heures plus tôt, lorsque UNIT avait dégagé les corps de ceux qui n'avaient pas survécu à l'attaque des hommes-serpents. L'éclair de culpabilité devant ces morts. Malgré tous les combats auxquels il avait participé, le Docteur continuait de s'en vouloir pour chaque vie qu'il n'avait pu sauver. Et cela lui brisait le cœur à chaque fois.

Se glissant dans la salle, Harold enjamba silencieusement les objets entassés, se rapprochant de l'homme qui ne le remarquait pas, tout à sa peine. Ce ne fut que quand le brun se laissa tomber à côté de lui que le Seigneur du Temps releva la tête, les traits tirés.

Sans un mot, le plus jeune laissa aller contre le mur, laissant toute la marge de manœuvre au blanc. Quand ce dernier étendit son bras sur ses épaules, le calant contre lui comme un enfant son doudou, Harold le laissa faire.

Ce n'était pas grand-chose. Mais c'était tout ce qu'il pouvait faire pour son Docteur.

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Accoudé à la rambarde, Harold regardait les ruines fumantes de la partie est de Calores, la capitale de la planète Barcelone. L'attaque des Sontariens avait fait beaucoup de dégâts. Heureusement, il avait pu évacuer le quartier, il y avait donc peu de victimes, à l'exception de quelques soldats.

« - La journée se termine bien. »

Le brun sursauta. Il n'avait pas entendu le Docteur s'approcher. Comme il en avait pris l'habitude ces derniers temps, encore plus depuis qu'il l'avait réconforté dans le dépôt après l'affaire des hommes-serpents, le Seigneur du Temps se cala contre le dos de son compagnon.

Harold, appréciant le contact, se laissa aller contre le torse de l'alien. Fermant les yeux, il profita de l'étreinte. Cela ne durerait probablement pas. Comme à chaque fois. A chaque frôlement. A chaque baiser. Le Docteur fuyait.

Aussitôt l'eut-il pensé que l'homme se dégagea soudainement, comme si le contact du plus jeune le brûlait. Gardant les yeux clos, Harold empêcha une larme de dévaler sa joue. De ce fait, il manqua le regard du Docteur.

Le regard d'un homme qui avait pris sa décision.

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Le Tardis se posa après de longues secondes. Excité, Harold, à qui le Docteur avait refusé d'apprendre leur destination, se précipita vers la porte. L'ouvrant en grand, il se retrouva face à un paysage qui faisait remonter de vieux souvenirs.

« - Chantelune, murmura-t-il.

- Je me suis dit que cela te ferait plaisir de la revoir, expliqua le Docteur. Je me souviens que tu avais plutôt apprécié la première visite. »

Seul le silence répondit au Seigneur du Temps, un silence qui s'étira durant de longues secondes.

« - C'est un adieu, n'est-ce-pas ?

- Un au revoir. Je reviendrai te voir, un jour. Quand mon temps sera venu et que je devrai laisser la place à une nouvelle incarnation du Docteur. Mais pour le moment, nos routes doivent se séparer.

- Pourquoi ? »

La question était inutile. Harold savait pourquoi. Pour les mains qui se frôlent. Pour les contacts pas toujours involontaires. Pour les regards qui se perdent. Pour les lèvres qui se touchent.

« - Tu sais pourquoi. Nous… Ce n'est pas possible. Je suis un Seigneur du Temps et tu es humain. Tu mourras un jour, le temps d'un clin d'œil pour moi. Et moi… A chaque aventure, je peux recevoir le coup de trop, celui qui fera que je devrais me régénérer. Et tu te retrouveras face à un autre. Une autre apparence…

- Quelle importance ?

- Une autre personnalité. Je pourrais être roux. Homophobe. Ou même une femme. »

Harold se retourna, faisant face à l'homme aux cheveux blancs.

« - Je m'en moque.

- Pour le moment. J'ai vécu cela assez de fois, Harold. Le mieux pour toi, c'est de retourner sur ta planète et de vivre. »

Serrant l'homme contre lui, Harold murmura à son oreille.

« - Je ne veux pas te quitter.

- C'est nécessaire. »

Harold se décolla de son Docteur. Avisant le visage grave, qu'il avait si peu vu, il comprit.

« - Alors accorde-moi au moins une danse. »

Attrapant la main de l'homme, il l'entraina sur Chantelune. Et au milieu du chœur des piliers cristallins, les deux hommes valsèrent, oubliant le monde, oubliant l'océan d'étoiles et d'années qui les séparaient.

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« - Nous y voilà. Ce… Ce n'est pas exactement ton époque, mais je me suis dit… Tu m'as dit ne plus avoir de famille et avoir perdu tes amis de vue et… comme tu es un fugitif, je…

- C'est parfait. »

Harold laissa son regard survoler la ville. Rien n'avait vraiment changé. Ils étaient peut-être quelques décennies plus tard. Pas d'importance. Il n'y avait rien de son époque qui lui manquerait réellement.

« - Eh bien… Au revoir. Tu vas me manquer, Harold.

- Nous ne sommes pas obligé, Docteur.

- On en a déjà parlé. »

Un silence gênant s'installa.

« - Bon, ben… Je… Je vais y aller. »

Après une dernière pression de la main sur l'épaule, le Seigneur du Temps se retourna, prenant la direction de son Tardis.

« - Docteur ! s'écria soudainement Harold. Jack… »

L'homme se retourna, face à ce nom que le jeune teatrien avait été le seul, à travers toutes ses vies, à lui donner.

« - Promets-moi… Promets-moi de ne pas attendre ta fin. Monte dans le Tardis et va rejoindre la mienne. »

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Les machines ronronnaient doucement. Au milieu d'un lit bien trop grand, un vieil homme dormait. Puis, un bruit, un bruit qu'il n'avait plus entendu depuis bien des années, retentit. Indescriptible. Etrange. Réconfortant. Le bruit du Tardis.

« - Pile à l'heure, Jack Frost.

- Toujours, tu sais bien. »

S'installant sur le fauteuil laissé au chevet du vieillard, le Docteur attrapa tendrement la main tâchée de son ancien compagnon de route.

« - Si j'en crois le luxe de cette chambre, tu as fait bien du chemin depuis la dernière fois.

- Oh oui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je suis encore là. Ils refusent de me laisser partir. Mes élèves. Ils craignent de ne pas pouvoir s'en sortir sans moi. Sans le « Grand Mécanicien » du peuple. »

Une toux sévère interrompit l'homme, qui mit quelques minutes à récupérer avant de continuer.

« - J'ai inventé ou contribué à la moitié des machines qui me maintiennent en vie. Du moins, les anciens modèles. Je voulais vivre longtemps.

- Pourquoi ?

- Pour finir quelque chose. Quelque chose d'important. Prends ceci, dit-il en tendant une fine clef pendue à son cou. Va donc ouvrir le coffre qui se trouve derrière le tableau là-bas. »

Obéissant, le Docteur saisit le petit objet, se dirigeant vers l'immense peinture. Un paysage d'hiver. Une forêt enneigée où trônait un lac gelé. Et sur ce lac, une silhouette semblait patiner gaiement. L'illustration d'un vieux conte que l'on avait raconté au Docteur il y quelques temps, après un voyage sur une immense île volante. Le conte de Jack Frost.

Ecartant le tableau, qui pivota sans faire d bruit, l'extra-terrestre se retrouva face à un minuscule coffre, aux dimensions de la toute petite clef qu'il tenait. Délicatement, il l'introduisit dans la serrure, faisait cliqueter le mécanisme et dévoila… Une disquette. Le genre de disquette qu'il mettait dans le Tardis quand il devait exécuter des programmes spéciaux.

Retournant auprès du vieillard, il lui tendit la disquette.

« - Oh non, répondit ce dernier avec un rire rauque. Ce n'est pas pour moi. C'est pour toi. Le travail de toute une vie. J'ai bien cru que j'allais mourir avant de le terminer, mais mes machines se sont assurées que non. Cela fait un an qu'il est terminé. Un an que j'aurai pu partir, sans mes idiots d'élèves.

- Pourtant, tu m'as envoyé un message pour aujourd'hui.

- Mauvais calcul. J'ai tendance à oublier les déformations induites par les espaces vides. Mais maintenant, tu es là. Je vais pouvoir te donner mes dernières volontés. »

Détournant le regard, le Docteur avisa une forme qui semblait dormir dans un coin.

« - Je vois qui tu as gardé Krokmou, dit-il, espérant éloigner la conversation funeste.

- Je ne l'aurai laissé pour rien au monde. On a essayé de me le voler, tu sais ? Pour étudier sa source d'énergie. Heureusement, il sait se défendre tout seul. Mais ce n'est pas le sujet, Jack. Ma dernière heure est arrivée.

- Tu ne vas pas mourir, Harold.

- Si. Et tu vas t'en assurer.

- Pardon ?

- Débranche mes machines.

- Pardon ?

- Débranche mes machines. Mets fin à ma vie.

- Tu ne peux me demander cela.

- Tu m'as déjà tué une fois, Jack, en me demandant de t'oublier. Mais on n'oublie pas le Docteur. On se souvient, et on souffre. On meurt à petit feu.

- Harold…

- Tant que je pouvais bricoler, ça allait. Je me plongeais dans le travail. J'imaginais. Mais aujourd'hui, je n'en suis même plus capable. Mon esprit se délite. Mes mains tremblent à un tel point que je ne sais plus tenir le moindre outil. Laisse-moi ma dignité, Jack. Laisse-moi le droit de mourir. »

Baissant les yeux, le Docteur serra une dernière fois la main de son vieil ami, avant de se lever et de se diriger vers les machines.

- Jack… »

Se retournant vivement, espérant un changement d'avis, le Seigneur du Temps posa les yeux sur le vieillard.

« - Quand tout sera fini. Quand tu seras remonté à bord du Tardis. Insère cette disquette dans l'emplacement n°3. Sexy saura quoi faire. »

Hochant la tête, le Docteur posa son doigt son le bouton arrêt de la machine principale, celle qui faisait fonctionner le cœur. Ce n'était pas la première fois qu'il tuait. Il avait déjà éliminé des armadas entières. Mais cette mort-ci…

Fermant les yeux, il appuya. Et l'écran s'éteignit.

Derrière lui, Harold prit une grande inspiration, tandis que son cœur ralentissait doucement.

« - Merci. »

S'approchant, le Docteur posa une main tendre sur le front de son ami, qui, même dans la mort, gardait son petit sourire en coin. Refermant les paupières du vieillard, il fit demi-tour, remontant dans son vaisseau.

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A l'abri, derrière les portes infranchissables du Tardis, le Docteur laissa le barrage céder. Les larmes qui menaçaient de couler depuis qu'il avait laissé le jeune Harold roulèrent sur ses joues. La main tremblante, il sortit la disquette de sa poche. Emplacement n°3.

S'approchant de la console centrale, il glissa le morceau de plastique noir. Sur l'écran du Tardis, des chiffres défilèrent soudainement, des dizaines, des milliers de chiffres. Puis, le projecteur s'alluma. Et Harold apparu.

« - Bonjour Jack.

- Ha… Harold ?

- Surpris ?

- Comment ?

- Près d'un siècle de vie. Entièrement consacré à la création de ce programme. Une intelligence artificielle, qui m'est semblable en tout point et qui est capable de réagir comme moi je l'aurai fait.

- Mais Sexy… Elle n'aurait jamais…

- Laissé un tel programme s'installer ? Je sais. C'est pourquoi j'en ai parlé avec elle, quand tu m'as dit qu'il était temps de nous séparer. Elle m'a donné une ligne de code qui me permettrait d'installer le programme sans me soucier des pare-feu.

- Harold… »

S'approchant, le Docteur tendit la main. Qui passa au travers de la joue d'Harold.

« - Je ne suis qu'un hologramme. SI jamais tu veux me désactiver, il suffit de rentrer mon nom dans la commande. Mais je voulais te laisser un dernier cadeau. Un souvenir du moi que tu as aimé.

- Je t'aimais, même vieux et ridé. Mais…

- Mais ce n'était pas possible. Qui sait. Peut-être une autre fois. Dans une autre vie. Quand il n'y aurait plus de Docteur. Juste Jack et Harold. »

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(1) Pour ceux n'ayant pas compris, la fic se passe dans l'univers de Doctor Who. Titre dérivé dans la question que pose la plupart de ses compagnons « Docteur who ? » qui peut se traduire en « Docteur qui ? » en français.

(2) Sexy est le petit nom que le Docteur donne à sa machine. D'ailleurs, ça a donné de très bonnes situations comiques dans l'excellent épisode « L'âme du Tardis ».

(3) Véritables aliens de la série Doctor Who. C'est pas les plus charismatiques, mais ils sont cools. EXTERMINATE

(4) Vous l'aurez (peut-être) compris, cette partie de la fic se passe dans l'univers des jeux Bioshock, est plus précisément dans celui de Bioshock « 3 », Infinite. Des jeux que je ne connais pas sur le bout des doigts, mais que j'ai adoré regarder en Let's Play (même si certaines théories me font un peu grincer des dents).

Bon. Voilà. J'avais dit mars. J'ai quelques mois de retard. Me lapidez pas. Pour dire vrai, il est prêt depuis quelques temps, mais je me suis dit que quitte à avoir un tel retard, autant attendre un peu et le poster pour Noël.

Plus sérieusement, j'aime cet os. Encore une fois, c'est le day 5 mon préféré (bien que rien ne détrônera jamais Yard Sale, de la ROTBTD Week). C'est pas super steampunk, mais dans ce cadre-là, c'est le mieux que je puisse faire.

J'espère que ça vous a plu.

A la prochaine !