Ygritte

Elle était là, son arc pointé sur moi. Je n'osais plus bouger, de peur de me voir transpercé par une de ses flèches. Seul un sourire m'échappa. Depuis le temps que je rêvais de la revoir !

Pourtant, je savais que ces retrouvailles ne seraient pas chaleureuses. Ne l'avais-je pas trahi en prétendant être un sauvageon alors que j'étais resté un frère juré de la Garde de Nuit ? Je l'avais fait souffrir, même si elle ne l'admettrait jamais.

J'avais autant souffert qu'elle en la trahissant. C'était peut-être une sauvageonne, mon ennemie, elle restait tout de même la première femme que j'avais connu, et aimé. Ce n'était pas rien pour un homme comme moi. J'avais enfreint mes vœux pour elle. J'étais un parjure parce que je n'avais pas su lui résister.

Face à mon petit sourire, je vis bien qu'elle luttait intérieurement. Elle devait sûrement se demander si elle devait me tuer, là maintenant, ou m'épargner. Son visage trahissait l'extrême tension qui l'habitait. Elle ignorait les combats qui se déroulait au tour de nous, se contentant de me dévisager avec une expression inquiétante sur le visage.

Je n'avais pas peur de ce qu'elle pouvait me faire. Elle ne me tuerait pas, j'en étais certain. Elle en avait déjà eu l'occasion une fois, mais elle avait préféré me blesser gravement plutôt que de me tuer. Je savais qu'elle n'avait pas pu ne pas faire exprès de ne pas me tuer connaissant ses talents d'archère. Elle tenait trop à moi pour ça.

Le fait qu'elle ne m'avait pas encore tiré dessus était lourd de signification. Son hésitation était clairement visible. J'aurais voulu m'approcher, mais je sais qu'elle n'aurait pas hésité à tirer, sans me tuer pour autant. Nous conservions donc nos places.

C'est alors qu'une flèche lui transperça la poitrine. Un petit cri mêlant surprise et douleur lui échappa. J'ai jeté un regard interloqué vers le destinateur de cette flèche, qui se trouvait être le jeune Olly. Il me gratifia d'un signe de tête, montrant qu'il maîtrisait la situation.

Entendant sa respiration difficile, j'ai tourné mon attention vers elle, paniqué. Elle regardait sa blessure avec des yeux qui ne comprenaient pas ce qui venaient d'arriver. Ce n'est que quand elle vit mes yeux écarquillés par la stupeur qu'elle prit conscience de ce qui lui arrivait.

Alors qu'elle allait s'effondrer, je me suis élancée vers elle pour la retenir. J'ai examiné sa blessure, inquiet, mais elle m'interrompit.

- Jon Snow, souffla t-elle en me dévisageant.

Sa voix me donna des frissons que je ne pus réprimer. Je ne l'avais pas entendu depuis si longtemps !

- Chut, ne parles pas, lui fis-je, n'osant pas quitter ses yeux.

Elle prit quelques respirations difficiles. Cela me brisa le cœur de la voir lutter pour respirer.

- Tu te rappelles de la grotte ? Me demanda t-elle.

J'ai hoché la tête. Bien sûr que je m'en rappelais ! C'était le meilleur moment de ma vie.

Elle me jeta un regard résolu, et pourtant triste. Je voyais bien dans ses yeux qu'elle savait qu'elle allait mourir dans peu de temps.

- On aurait dû y rester, assura t-elle.

- On y retournera.

Ses yeux commencèrent à se fermer d'eux-mêmes, et sa respiration faiblit. Pourtant, elle fit un effort qui me sembla surhumain pour garder les yeux ouvert pendant quelques secondes supplémentaires. Ses derniers mots furent émis dans un souffle. Ces mots que j'avais entendus tellement de fois dans sa bouche. « Tu ne sais rien, Jon Snow ». Non, je ne sais rien, et c'est pour ça que j'étais en train de la perdre. Je perdais la seule femme que j'aimais.

Sa respiration s'arrêta, alors que ses yeux restaient ouverts, n'attendant que moi pour les fermer à jamais. Mes lèvres tremblèrent, et une vive douleur envahi mon cœur. Mes larmes coulèrent sans que je ne m'en rende compte alors que je plaquais mon front contre le sien. Je la berçais tendrement, comme si elle pouvait encore être rassurée.

Autour de moi, la bataille continuait. Tout le monde se battaient, inconscient de la scène qui venait de se produire, inconscient de ma détresse. Ma tristesse semblait insurmontable. Pourtant, en voyant les sauvageons tuer mes frères, tuer les miens, j'ai su que je ne pouvais pas rester là à tenir le corps d'une femme morte pendant des heures en laissant la Garde de Nuit être dévasté. Je ne pouvais pas renier mon devoir. Je devais protéger le Mur. C'était le but de ma vie.

C'est donc en essuyant les quelques larmes qui maculaient mes joues que je me suis relevé, et que j'ai lâché son corps. Je l'ai regardé pendant quelques secondes pour graver les traits de son visage dans ma mémoire, puis, difficilement, je me suis éloignée pour me jeter à nouveau dans la bataille...