Bonjour à toutes et à toutes !

Presque 9 mois jour pour jour après le chapitre 13 et un gros syndrome de la page blanche entre les deux, je suis très fière de vous présenter le chapitre 14 ! Cela fait quelques jours que je travaille dessus comme une forcenée pour le peaufiner, vérifier les fautes d'orthographes et tout les petits détails qui m'auraient échappés avant. Bref, le rendre le plus parfait possible ! C'est donc avec un immense plaisir que nous retrouvons dans ce chapitre un personnage toujours très apprécié. J'ai nommé… (Roulement de tambours) Maxon ! Cela faisait longtemps que je n'avais pas écrit avec lui et que j'avais laissé son histoire et sa psychologie de côté. Mais elle est tout aussi importante que celle de sa femme adorée, voir même un peu plus… Vous comprendrez avec la suite, ne vous en faites pas. Je dois avouer aussi qu'écrire avec lui m'avait un peu manqué. Bien que j'ai beaucoup plus de facilités à écrire avec America ou Marlee, ça fait du bien parfois de changer et de se mettre un petit challenge. J'ai eu beaucoup de mal à commencer ce chapitre et il a fait l'objet de nombreux changements au cours de ces derniers mois, vous ne vous imaginez même pas ! Ce chapitre n'avait, au départ, pas du tout la tête qu'il a aujourd'hui. Et puis je voulais amener quelque chose de très particulier et très important pour la suite de l'histoire. Vous trouverez surement que je l'ai fait de façon maladroite, et j'en conviens moi même, mais même après plusieurs mois de réflexion, je ne voyais pas comment faire autrement que ce que j'ai présentement écrit. Voilà pourquoi il a mis un temps conséquent pour arriver. Mais il est enfin là !

Dans ce chapitre, je me suis amusée à cacher plusieurs références : la première à une de mes séries fétiche et l'autre à mon manga préféré. Saurez-vous les retrouver ? Dites-moi en commentaires vos réponses. (Pour vous donner un indice : allez faire un tour sur mes favorites stories, elles regorgent de fanfic qui pourront vous aider).

Je fais court aujourd'hui, je ne vous embête pas avec mon blabla habituel, je vous ai déjà fait plus qu'attendre avec ce chapitre et je ne voudrais pas le faire davantage encore. Mais surtout n'oubliez pas de me dire en commentaire ce que vous avez pensé de ce chapitre : Est-ce que vous l'avez aimé ? Y aurait-il des choses à améliorer selon vous ? Est-ce que c'est cohérent avec le reste de l'histoire, du personnage ? etc… Vos retours sont le seul moyen pour moi de le savoir et de m'améliorer ! Alors n'hésitez surtout pas ! Même si c'est juste un tout petit mot ! Ça fait toujours plaisir )

N'oubliez pas aussi que si vous souhaitez vous tenir au courant de mes news et plein de petites choses en rapport avec mes fanfic, retrouvez-moi sur ma page facebook. (Le lien est dans ma bio auteur)

Allez. Je vous laisse profiter de ce chapitre.

Bien à vous,

Elizabeth-Victoria

PS: Je suis par contre au regret de vous annoncer que le chapitre 15 n'arrivera pas avant cet été. En effet, je profite en ce moment d'une accalmie temporaire dans mon emploi du temps d'étudiante mais cela ne saurais durer encore beaucoup... J'en suis tout autant désolée que vous, croyez-moi.


Maxon POV

Carter me déposa une nouvelle pile épaisse de dossiers sur un coin libre de mon bureau. Comme si ceux que j'avais déjà à faire n'étaient pas suffisant !

- Pfff ! Soupirais-je en m'adossant dans mon siège. Ça ne s'arrêtera donc jamais ? Je ne m'attendais pas vraiment à une quelconque réponse.

- Je crains que non, Votre Majesté. J'en ai encore une dizaine à côté qui viennent d'arriver, rien que ce matin. Il semblerait qu'on se soit donné le mot pour ne pas vous laisser une minute de tranquillité aujourd'hui. Tenta-t-il un trait d'humour. D'habitude, j'aurais répliqué d'un ton sarcastique quelque chose du genre « Je devrais être habitué après toutes ces années. » ou « N'est-ce pas la dure loi d'être roi ? » Quoique, je ne rechignais jamais au travail pharamineux que j'avais. Je l'avais choisi après tout. Mais je n'étais malheureusement pas d'humeur à plaisanter ce jour-là, comme nous en avions l'habitude Carter et moi quand nous étions seuls.

- Il s'emblerait, en effet. Soupirais-je à nouveau. « Mais ce n'est pas pour me déplaire… » Ajoutait-je, intérieurement.

Je pris ma tête dans mes mains. J'étais déjà débordé et j'avais la migraine en prime. Tout ça alors qu'il n'était même pas encore midi. Je devais au moins m'estimer heureux de n'avoir pas trop mal dormi cette nuit. Je ne m'étais réveillé que deux fois. Il arrivait souvent, ces derniers temps, que mon sommeil soit émaillé de plusieurs cauchemars en une seule nuit, me laissant en sueur, tremblant et aussi épuisé que la veille au soir voir plus. Même la forme profondément endormie à mes côtés n'arrivait pas à m'apaiser et me rassurer. Je me refusais à interrompre son sommeil, même pour moi. Je savais que ça ne l'aurait pas dérangée le moins du monde. Au contraire. Mais je voyais bien qu'elle avait plus besoin de repos que moi en dépit de ce qu'elle s'évertuait à contester. Je m'arrangeais toujours pour qu'elle ne voie pas mes traits fatigués, les cernes qui grandissaient sous mes yeux, les rides d'inquiétudes qui se creusaient sur mon front. Quitte à ne pas dormir, autant que je mette ce temps à profit. Je m'éclipsais donc discrètement bien avant le lever du soleil, quand les couloirs du palais étaient encore déserts de toute âme humaine à part quelques gardes somnolents et me cachait dans mon bureau. C'était peut-être lâche et surement complètement stupide de ma part mais je ne pouvais pas l'inquiéter avec mes problèmes. Elle avait déjà suffisamment à gérer dans son état pour que je lui en rajoute.

- Au moins, il n'y a pas de réunion du Conseil de prévue avant la semaine prochaine. Ironisais-je en levant les yeux vers mon bras droit. Je pensais que prononcer cette remarque à voix haute aurait un effet positif. Or ce fut le contraire. Carter esquissa un demi-sourire incertain à ma remarque.

- Oh non… Gémis-je. Ne me dites pas qu'ils ont demandé une session extraordinaire ? Des rendez-vous particuliers ?

- Non. Non. Rien de tout cela. Me coupa-t-il avec empressement. Un peu trop d'empressement, peut-être.

- Tant mieux. J'ai bien cru que tu allais m'annoncer une mauvaise nouvelle, Carter. « Car j'ai bien l'intention de travailler un tant soit peu tranquillement aujourd'hui » pensait-je.

- Et bien… ce n'est pas tout à fait ça, Votre Majesté. Il sembla réfléchir quelques instants. Je voyais bien qu'un combat intérieur faisait rage en lui.

- Y aurait-il quelque chose dont tu ne me parle pas, Carter ?

- Non, Votre Majesté. Il n'y a rien de plus qui doit être porté à votre attention, Votre Majesté. Tout est sur votre bureau ou le mien en attendant, Votre Majesté.

La profusion des « Votre Majesté » m'indiqua clairement, si tant est que j'avais encore un doute, qu'il y avait bien quelque chose qui clochait. Et quelque chose d'important mais dont il n'osait pas me parler franchement. Avant que je ne m'en rende compte, il s'en était déjà retourné vers la porte, visiblement pressé de partir. Je le laissais s'en aller sans un mot de plus, n'ayant pas la force de me batailler avec lui pour lui tirer les vers du nez. Je me remis au travail dans un soupir, la tête lourde.

Ce n'est que peu avant midi que je revis mon bras droit. Il passa la tête par l'entrebâillement de la porte pour me demander :

- Votre Majesté ? Prendrez-vous encore votre déjeuner dans votre bureau ou rejoindrez-vous à Sa Majesté, la Reine ?

- Je le prendrais ici. Tu peux en informer America. Merci Carter. Lui répondis-je, laconiquement sans même lever les yeux de mon travail. Je sentis plus que je ne vis le lourd regard qu'il posa sur moi quelques instants avant de refermer la porte, silencieusement. Avec mon attitude envers elle, le fait que déployais des trésors d'ingéniosité pour l'éviter, je ne pouvais décemment pas me présenter au déjeuner telle une fleur. Je n'étais pas dupe. Depuis le temps, ma femme avait sûrement remarqué mon petit manège. Et je savais pertinemment qu'à la première occasion, elle ne me laisserait pas m'en sortir aussi impunément.

Je n'avais toujours pas quitté ma place à mon bureau quand on toqua à la porte dans l'après-midi. C'était inhabituel. Carter ne frappait jamais avant d'entrer pour des raisons pratiques, devant faire trop d'allers et retour en une journée dans cette pièce. Bien qu'aujourd'hui, je ne l'ai pas encore beaucoup vu... Mes ministres aussi se passaient de cette formalité, n'ayant généralement pas de temps à perdre avec des futilités autre que la révérence de rigueur. Il n'y avait donc guère que les domestiques qui frappaient timidement de peur d'interrompre une discussion privée.

- Entrez ! Hélais-je d'une voix impatiente.

Justin, le majordome en chef, s'introduisit donc dans mon bureau.

- Excusez-moi de vous interrompre, Votre Majesté, mais je dois vous transmettre un message de toute urgence.

Mon sang ne fit qu'un tour et tous mes muscles se tendirent sous mon costume. Etait-il arrivé quelque chose à America et au bébé ?! Justin dû voir mon affolement dans mes yeux et ma soudaine crispation car il s'empressa de répondre.

- Rassurez-vous. Aux dernières nouvelles, votre épouse et l'enfant se portaient à merveille. Je me détendis de soulagement dans mon fauteuil. Non. Continua-t-il. Il s'agit d'une affaire plus… sensible.

Il me tendit alors précipitamment une enveloppe comme s'il s'agissait d'une bombe à retardement. Je la décachetais et la parcouru rapidement. Elle était courte, simple, concise. Il me fallut néanmoins quelques secondes pour en saisir tous le sens.

- C'est une plaisanterie ?! M'exclamais-je, relevant des yeux interloqués vers le majordome qui m'avait transmis la requête. Il me demande une audience privée ? La leçon de la dernière fois ne lui a pas suffi ?

Je me levais à moitié furibond et allait me poster devant la fenêtre. Il faisait beau encore aujourd'hui. Un fugace éclair flamboyant attira mon regard dans l'immensité verdoyante des jardins aussitôt suivi d'un rire cristallin qui fusa à travers le vitrage. C'était mon épouse qui se promenait dans les jardins accompagnée de ses dames comme elle aimait tant le faire. Alors qu'elle passait devant mon poste d'observation, j'eu tout le loisir de l'observer. Vêtue d'une simple robe empire de mousseline blanche aux broderies végétales d'un profond vert, les cheveux lâchés sans autre ornements apparent qu'un fin collier d'or autour du cou, elle était telle une déesse de ces temps anciens dont quelques vieux tableaux était conservés au palais. Le nom du peintre avait été oublié avec le temps mais je me rappelle, plus jeune, avoir été fasciné par la beauté des femmes qu'il avait représentées. Maintenant enceinte de 4 mois, ses robes ne suffisaient plus à dissimuler son léger ventre rond.

- Elle est si belle même aussi simplement vêtue… Murmurais-je tout bas. C'était magnifique de voir la vie qui s'épanouissait en elle et ne la rendait que plus rayonnante chaque jour qui passait.

- Hum, hum. Toussota le serviteur pour me rappeler sa présence.

Mon esprit me tira de ma rêverie dangereusement doucereuse et me ramena bien vite à la réalité. Il ne fallait pas que je m'égare ! Je devais rester concentré sur mon objectif. Mon majordome attendait toujours silencieusement au centre de la pièce que je reprenne contenance, la lettre ouverte toujours posée sur mon bureau. Je me détournais de la fenêtre non sans avoir vérifié qu'on ne m'avait pas repéré du haut de mon perchoir.

- Que dois-je transmettre comme réponse en bas, Monsieur ? me demanda poliment Justin.

- Parce qu'il est présent en plus ?! Il ne manque pas de cran ! M'indignais-je.

- Non. Mais le messager à ordre de ne repartir qu'avec une réponse écrite et signée de votre main.

- Pour que je ne me défile pas en prétendant changer d'avis au dernier moment, j'imagine ? Soupirais-je de frustration.

- Je ne sais pas, Monsieur. Haussa-t-il les épaules.

- Très bien. Autant en être débarrassé le plus vite possible. Capitulais-je. Je rédigeais une réponse sur du papier à en-tête aux armoiries d'Illéa donnant rendez-vous pour le lendemain même. Je tendis l'enveloppe scellée au majordome qui s'inclina.

- Je suppose que la Reine ne doit pas être mise au courant ? Questionna prudemment le domestique.

- Tout à fait. Elle ne doit surtout pas entendre parler de cette entrevue. Faites tout ce qui sera nécessaire pour cela.

- A vos ordres, Votre Majesté.

- Et veuillez dire à mon secrétaire d'annuler tous mes rendez-vous pour demain en sortant.

- Pour toute la journée ?

- Oui. Répondis-je d'un ton ferme.

Il s'inclina une dernière fois avant de repartir, ayant reçu ses ordres. Je me levais, n'ayant plus l'esprit concentré sur mon travail et allais me poster devant la fenêtre, les yeux perdus dans l'océan de verdure qui s'étalait devant moi. Les questions tournaient dans ma tête, sans réponses et terriblement angoissantes. Que me voulait-il ? Qu'allais-t-il bien pouvoir inventer une fois de plus ? J'avais bien senti la dernière fois que le personnage n'était pas le plus honnête des journalistes, cherchant simplement des informations pour son prochain gros titre. Nous avions réussi à lui couper l'herbe sous le pied, l'autre jour mais cette stratégie ne marcherait sûrement pas deux fois. Il avait une idée derrière la tête. Mais laquelle ? Qu'il revienne à la charge ainsi le prouvait amplement à mes yeux.

Le fait qu'America ne soit pas présente pour cette entrevue m'enlevait un certain poids. Elle m'avait malgré tout bien compliqué la tâche… Et je n'avais aucun doute qu'elle n'hésiterait pas à intervenir de nouveau si elle avait vent du rendez-vous. Et ça. Je ne pouvais le permettre. Il était de mon devoir de la protéger, encore plus maintenant. Quel piètre mari ferais-je si je n'étais même pas capable de cette simple mission ? Tant il était vrai que ma femme ne me la rendait pas facile tous les jours. Ces dernières semaines, j'avais travaillé comme un acharné pour, réduire au maximum la pression médiatique qui pesait sur nous mais je n'avais malheureusement pas réussi à faire occulter entièrement le sujet. J'étais néanmoins parvenu à ce qu'on ne lui accorde plus que l'attention qu'il méritait, à savoir une heureuse nouvelle mais qui ne pouvait faire l'objet de beaucoup plus de discussions par les magazines et autres journaux faute d'informations fraiches versées au dossier.

Ma migraine ne s'était malheureusement pas améliorée au cours de la journée. Elle s'était même intensifiée. Et des vertiges s'ajoutaient maintenant aux symptômes. Incapable de travailler, je m'allongeais dans le sofa, espérant qu'un peu de repos me ferait du bien avant cette entrevue qui s'annonçait compliquée et tendue.

Ce soir-là, je rentrais tôt dans notre suite. J'y retrouvais America lisant un livre, allongée sur une bergère au coin du feu. Elle fut surprise, ne s'attendant manifestement pas à me voir à cette heure. Elle se leva à mon entrée. Elle avait déjà revêtue sa chemise de nuit en gaze qui flottait autour d'elle.

- Maxon ? Est-ce que ça va ? Me demanda-t-elle, posant une main sur ma joue.

Je voyais son inquiétude manifeste dans ses yeux mais je ne pouvais me résoudre à lui dire ce qui me tourmentait l'esprit.

- Oui, ça va. Je suis juste épuisé. La journée a été dure. Lui répondis-je plus abruptement que je ne l'aurais voulu en évitant son contact. Il fallait absolument que je détourne la conversation avant qu'elle ne soupçonne quelque chose.

- Tu sais que tu peux tout me dire… souffla-t-elle, surprise mais tendre.

Dieu, que cette femme, aussi merveilleuse soit-elle, était perspicace ! Et entêtée !

- J'ai juste besoin de repos et de calme. Rétorquais-je en me détournant vers notre chambre.

Elle ne répondit rien dans un premier temps, me laissant me préparer pour la nuit mais j'avais bien remarqué dans son attitude que je l'avais blessée. Pour ne pas ajouter à ma confusion, je fermais mon cœur à la peine de la voir ainsi. Je devais avant tout la protéger. Il n'aurait servi à rien d'autre qu'à lui ajouter du stress dont elle pouvait bien se passer que de lui parler du tête à tête qui était prévu. Mais c'était mal la connaitre de penser qu'elle lâcherait le morceau aussi facilement. Elle revint à la charge, plus tard dans la soirée, alors que j'étais couché sur le côté dans le lit tentant de ne pas penser aux évènements de la journée passée.

- Maxon… tu dors ?

- J'essayais jusqu'à présent mais plus maintenant. Soupirais-je, exaspéré. Mon ton la fit hésiter quelques instants.

- Maxon, j'ai bien remarqué tout à l'heure que tu n'étais pas dans ton état normal. Qu'est ce qui ne va pas ? Chuchota-t-elle. Parle-moi. Dit moi ce qui te tracasse, ça te soulagera.

Je me retournais pour lui faire face dans le lit.

- Ce qui ne va pas ?! Je m'énervais soudain, lui causant un mouvement de recul. C'est que tout le monde n'arrête pas de me poser des questions et des requêtes à longueur de journée, de m'interrompre sans me laisser une seule seconde de répit ! Même dans mon propre lit, je ne peux pas avoir un instant de paix, c'est dingue quand même ! Contente ?! Arguais-je finalement en conclusion.

Je savais que j'étais injuste envers elle mais je préférais qu'elle m'en veuille plutôt qu'elle ne soupçonne la vérité. Elle restât muette de stupéfaction, surprise par ma véhémence soudaine mais repris bien vite ses esprits.

- Tu crois que tu es le seul à avoir de dures journées, n'est-ce pas ? Tu crois que tu es le seul à plaindre ?

- Je ne le crois pas, je le sais. Lui rétorquais-je, hautain et de mauvaise humeur. Je me rendis compte en m'entendant prononcer ces mots que cette attitude ne me ressemblais pas le moins du monde. Trop tard. J'étais largement engagé dans cette voie pour faire demi-tour maintenant.

- Forcément ! Tu me retire tout le travail que je pourrais accomplir pour le faire à ma place ! Oh ? Tu pensais peut-être que je ne le remarquerais pas ?! Ce n'était pourtant pas bien compliqué à deviner. Tu passes tes journées dans ton bureau tandis que je me tourne les pouces dans le Boudoir.

- Parce que je ne veux pas te fatiguer outre mesure ! Tu es enceinte, tu as besoin de te reposer.

- Ne crois-tu pas que je sais mieux que toi ce dont je suis capable et ce dont j'ai besoin ? Je ne suis pas en porcelaine, Maxon ! Je pense que je te l'ai suffisamment prouvé au fil du temps.

Nous restâmes silencieux, nous défiant du regard. Je savais bien ce qu'elle essayait obtenir de moi. Et si elle attendait que je lui cède, elle pouvait attendre encore longtemps. Je savais que j'avais pris la bonne décision et je ne reviendrais pas en arrière.

- Tu ne veux rien dire ?

- Pourquoi faire ? J'ai pris la décision qu'il fallait et essayer de me faire changer d'avis ne servira à rien.

- Raaah ! Cette discussion ne nous mène à rien !

- Je suis bien d'accord. J'ai une autre rude journée qui m'attend demain alors si tu pouvais me laisser dormir tranquille maintenant, ce serait gentil de ta part.

- Assez ! Tonna-t-elle. Assez ! Je n'en peux plus de cette situation, Maxon ! C'est à peine si l'on se croise depuis que… depuis que nous avons annoncé l'arrivée de cet enfant au monde entier. Sa main se posa sur son ventre et sa voix tressaillit sous le coup de l'émotion. Tu ne me parles plus depuis des semaines ! Tu me laisse gérer cette grossesse toute seule. J'ai l'impression que je traverse tout ça en solitaire. J'ai parfois même l'impression que tu m'évite ! Je ne comprends pas, Maxon… Tu étais si heureux, il n'y a pas si longtemps que ça. Qu'est-ce que j'ai fait pour te déplaire autant ? Qu'est ce qui a changé depuis ? Qu'est ce qui a changé et que tu ne me dit pas ?!

Follement en colère quelques instant auparavant, elle était maintenant au bord des larmes, sa voix ténue, suppliante retenant difficilement les sanglots qui menaçaient de l'engloutir. Elle serrait dans ses poings la couverture. Et malgré que mon cœur sois déchiré de la voir ainsi, je ne pouvais lui dire le fond de mes pensées, ce qui me taraudait depuis qu'elle m'avait annoncé que j'allais être père.

- America, je ne crois pas que ce soit le bon moment pour parler de tout ça. Nous ne sommes tous les deux pas en état. Nous reprendrons cette conversation une autre fois, si tu le veux bien. Tentais-je de désamorcer le conflit.

- Et dit moi quand cette occasion se représentera ? Argua-t-elle, cyniquement ses yeux me lançant des éclairs de défi. Je dois pratiquement prendre rendez-vous pour voir mon propre époux car il ne supporte manifestement pas de passer la moindre petite heure en ma présence.

- C'est faux ! Je serais toujours disponible pour toi.

- A d'autres ! C'est la première fois depuis des semaines que tu m'adresse plus de trois mots dans la même journée ! Et quand je te demande des explications, tu trouves un prétexte pour éviter le sujet. Alors libre à moi d'en tirer des conclusions puisque ce n'est manifestement pas de toi que j'en aurais ? Me défia-t-elle de répliquer.

- Je ne t'évite pas, je ne cherche pas d'excuses ! Je veux bien répondre à tout ce que tu voudras, seulement ce soir n'est pas le meilleur moment. Rétorquais-je.

- Ah ? Et quand est ce que Monsieur trouvera que c'est le moment approprié ? Quand le bébé sera dans tes bras et que tu le laisseras aux bons soins des nourrices dans une aile éloignée du château peut être ?

- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire, America.

- Non. Bien sûr que non. Répondit-elle d'un ton amer. Elle me tourna résolument le dos et remonta les couvertures sur elle. Je tendis la main vers elle mais me ravisais au dernier moment. Que pouvais-je bien lui dire pour l'apaiser sans l'inquiéter davantage ? J'avais beau tourner et retourner le problème dans ma tête, je ne voyais pas d'issue satisfaisante. Dans un profond soupir, je repoussais les draps et me levais.

- Où vas-tu ? me lança-t-elle.

- Tu m'excuseras mais je sens le dénouement de la soirée venir gros comme le palais alors je préfère qu'on en reste là pour ce soir. Et pour notre confort commun, je pense qu'il est préférable que je dorme ailleurs ce soir.

- Maxon, nous avons à peine discuté tous les deux !

- Si. Je t'ai dit que j'étais épuisé et que je ne voulais pas aller sur le chemin où tu nous emmenais mais bien sur tu n'en as fait qu'à ta tête.

- Parce que tu appelles ça « discuter » toi ? Eh bien, désolée de te décevoir mais ce n'est pas ainsi que je conçois une véritable conversation entre deux personnes sensées.

- Bien sûr ! Pour toi, « discuter » veut dire se disputer dès que l'occasion se présente ! Ose me dire que ce n'est pas ce que nous sommes en train de faire ?!

- Nous ne sommes pas en train de nous disputer. Affirma-t-elle.

- C'est cela ! Peux-tu seulement comprendre que tout le monde ne peut pas toujours se plier à tes moindres désirs n'importe quand sous prétexte que tu portes désormais notre enfant ? Non, bien sûr que non. Ça ne t'a surement pas même effleuré l'esprit une seule fois. Lui criais-je pratiquement dans la figure.

Sa réponse ne tarda pas à se faire sentir. Une gifle retentissante s'abattit sur ma joue. Surement que je devais m'attendre à une telle réaction après de tels propos. Mais c'était comme si une autre personne, complètement différente, agissait à ma place. Comme si j'étais un automate, étranger à mon propre corps. Je n'arrivais même pas à regretter mes paroles.

- Va-t'en. Me dit-elle, glaciale.

Sans un mot, je m'inclinais, raide comme un piquet et quittais notre suite. Le garde en faction à l'extérieur, sursauta à ma vue et se mit immédiatement au garde à vous en claquant ses talons contre eux. Je l'ignorais superbement et me dirigeais vers mon ancienne chambre. Une fois à l'intérieur, je verrouillais toutes les portes de la pièce et profitais enfin du silence et du calme tant attendu. Je m'effondrais sur le lit et la fatigue, la migraine et les vertiges me terrassèrent enfin.

Cette nuit-là, mes cauchemars furent plus intenses et épuisants que jamais.

Je me trouvais dans mon bureau. Mais ce n'était pas vraiment mon bureau. Il avait quelque chose de différent. De changé. Mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. C'était comme une impression tenace, qui ne vous quittait pas. J'entendais des pleurs tout près. Je cherchais d'abord autour de moi sans voir personne. Je baissais les yeux et découvris un enfant d'une douzaine d'année environ à mes pieds. Il était roux. Lorsqu'il leva les yeux vers moi, je plongeais dans mon propre regard en une chute vertigineuse. Il avait indubitablement mes yeux. Je fus soudainement frappé, au plus profond de moi-même, dans chaque cellule de mon corps, chaque globule de mon sang, par la certitude sans l'ombre d'un doute possible que cet enfant à mes pieds était mon fils. Et l'enfant d'America. Mon cœur se gonfla de joie et de fierté à cette constatation. Qu'il était beau, mon fils. Il avait l'air robuste et en pleine forme. Frappé par cette révélation, je ne remarquais pas tout de suite, que ses yeux étaient également remplis de larmes et de terreur. Pourquoi ? Pourquoi mon propre fils était-il terrorisé ainsi ? Par quoi était-il terrorisé ? Je m'avançais d'un pas vers lui dans l'intention de le réconforter mais il recula tout autant. Je me glaçais. Comment pouvais-je inspirer tant d'effroi et de crainte à mon propre enfant ?! Je ne comprenais pas. Ce n'était pas possible ! Jamais je ne serais capable de faire une chose pareille, aussi... aussi… Et alors qu'il se retrouvait acculé dans un coin de la pièce, je me vis lever avec horreur mon bras au bout duquel je tenais fermement une badine et l'abattre sur le petit corps recroquevillé. Encore et encore. Je tentais de m'arrêter, de retenir ce bras, les gémissements de douleur de mon enfant comme autant de lames acérées qui déchiraient mon cœur de part en part. A chaque coup, un morceau de moi partait avec. Je criais, frappait, pleurais, suppliais. Mais rien n'y fit. Malgré tous mes efforts, j'étais prisonnier de mon propre corps, impuissant face au macabre spectacle qui se jouait juste sous mes yeux.

Au bout de ce qui me parut des heures, je m'arrêtais enfin. Lorsque je ne fus plus capable de lever le bras, en nage, en sueur, épuisé. Mais mon fils était dans un pire état que moi. Il s'était évanoui sous le coup de la douleur, ses vêtements étaient en lambeaux et imbibé du rouge de son sang. On me laissa enfin le contrôle de mon corps et je me précipitais à ses côtés, prenant le sien dans mes bras et le serrant contre moi. Mais le destin n'en avait manifestement pas fini de jouer avec ma personne. En un clin d'œil, ce n'était plus un petit corps d'enfant que je tenais mais celui svelte et mince d'une femme aussi rousse que mon fils que je serrais un instant auparavant. America ! Elle gisait dans mes bras à moitié inconsciente, pale comme la mort. Une flaque rouge était en train de se former sous elle. Et à mes côtés, reposait non plus une simple badine mais un fouet ensanglanté. Il ne fallait pas être devin pour savoir quel traitement je lui avais fait subir. Et je n'y étais pas allé de main morte, visiblement. Nous étions toujours dans le bureau, je l'avais dans mes bras, l'infirmerie était à l'étage du dessous. Je pouvais encore la sauver. Il fallait que je sois rapide mais il était encore temps de faire quelque chose pour elle. Je tentais de me lever mais le sort me joua encore un cruel tour. J'étais de nouveau enchainé à l'intérieur de mon corps, simple esprit éthéré, ne pouvant qu'observer épouvanté ma tendre épouse se vider de son sang à mes pieds. Elle tendit une main fine et blanche vers moi. Sa peau était presque translucide. Des fissures apparurent soudainement sur tout son corps, tel les ramifications d'un arbre, et bientôt elle se brisa toute entière entre mes mains, ne laissant derrière elle que des éclats aussi scintillants que des diamants.

Un ricanement se fit entendre derrière moi alors que j'étais encore choqué et anéanti par les derniers instants de ma femme auxquels je venais d'assister. Je me retournais vivement, rempli de rage et de douleur, pour voir qui pouvait bien se moquer de moi dans un moment pareil. Un homme au sourire triomphal était nonchalamment assis dans la chaise du bureau. Gregory Illéa.

- Tu as ça dans le sang, tu vois ? Les gênes ne peuvent pas mentir. Tu descends d'une longue lignée de tyran. Au sens ancien du terme. Au bon sens du terme. Un roi se doit de se faire respecter par tous. Cela commence par ta propre famille.

- Il ne peut y avoir d'exception. Ajouta un autre homme qui était apparu aux cotés de Grégory sans que je ne le remarque. Je le reconnu pour avoir souvent observé son portrait dans la galerie. Mon grand-père.

- Et le seul moyen pour se faire est que l'on te craigne. C'est inscrit dans ton destin. Termina un troisième qui n'était autre que mon père.

- Stop ! Arrêtez ! C'est faux ! Vous avez tort ! Vous avez tous tort ! Leur criais-je.

Gregory Illéa se leva et se pencha à mon oreille.

- Ne fait pas le gamin et sois mon digne successeur. Tu fais partie d'une machine bien plus grande que toi, bien plus grande que tu ne pourras jamais l'imaginer. Alors, n'essaye pas de lutter contre la marche normale du monde, mon garçon.

- Non. C'est complètement faux. Murmurais-je, abattu. « Mais… Et s'ils avaient raison ? » Me souffla ma conscience.

- Tu as été très bien éduqué par ton père. Il t'a tracé le chemin. Il t'a montré la voie.

- Tu n'as plus qu'à la suivre.

- Tu connais la bonne méthode. Il te suffit simplement de l'appliquer désormais.

- Tu as été assez stupide pour épouser cette petite moins que rien et détruire le travail de plusieurs générations avant toi, maintenant il faut que tu prennes la responsabilité de tes actes. Continua mon père.

- Je ne reproduirais pas votre schéma ! Je m'y refuse. Protestais-je.

- Ce que tu ne comprends pas, c'est que tu n'as pas le choix. Cela est nécessaire. Pour le bien de tous.

- Vous vous trompez ! Je ne suis pas comme vous et ne le serai jamais ! Hurla-t-il

- Pourtant, tu l'est déjà… Terminèrent-ils à l'unisson, disparaissant tel des esprits en des volutes de fumées, leurs paroles flottant dans l'air tel un écho sinistre.

- Nooooonnn !

Je me réveillais brutalement, en sueur, alors que les premières lueurs rosées de l'aube pointaient par la fenêtre. Désorienté, il me fallut de longues minutes pour calmer mon cœur qui battait à tout rompre et reprendre mes esprits. Je me levais péniblement et sorti sur le balcon. L'air frais de ce début de journée me fit un bien fou. Je respirais à plein poumons, tentant de chasser de mon esprit les images et les paroles de mon cauchemar encore imprimées dans ma tête. Le palais était encore calme, même les domestiques les plus matinaux n'avaient pas commencé leur travail et la ville d'Angeles qui s'étendait sous mes yeux était tout aussi calme que le château. Je posais mon front contre la rambarde en fer forgé. Elle était glacée mais je le remarquais à peine, encore trop retourné par ce rêve qui avait été d'une réalité si précise qu'il m'effrayait. Et si ce qu'ils m'avaient dit se révélait vrai ? Et si mon rêve avait été prémonitoire ? J'avais traité misérablement America ces derniers temps et hier soir encore plus. Elle tentait de m'aider mais je ne faisais que la repousser, la blessant toujours plus. Nous savions ce que le manque de communication faisait à notre couple. Il nous menait invariablement aux conclusions hâtives et aux disputes. Mais comment lui dire ? Comment lui avouer la terrible vérité ? Comment pouvais-je lui dire que j'étais terrorisé ? Cela ne l'aiderait surement pas à mieux gérer l'arrivée de cet enfant. Et je ne pouvais pas lui rajouter ce poids sur les épaules. C'était un fardeau que je devais porter seul.

Je restais ainsi un long moment, jusqu'à ce que mon corps se rappelle à moi. J'étais sorti uniquement vêtu de mon fin pyjama de soie qui ne me protégeait pas beaucoup du vent frais qui soufflait. La sueur brulante auparavant s'était transformée en glace. J'étais tellement absorbé dans mes pensées que je n'avais pas senti que j'étais complètement transi de froid. Je ne m'attardais donc pas plus longtemps et rentrait à l'intérieur. Je sonnais un domestique pour qu'il m'apporte un café et me fasse couler un bain chaud. Il parut surpris de me trouver dans mes anciens appartements mais si son expression était pleine de questions en suspens, il ne fit aucune remarque et s'empressa d'exécuter mes ordres. Je me dirigeais vers la salle de bains et me plantais devant le miroir. Mon dieu, j'avais une tête affreuse ! J'étais à peine reconnaissable. Mes cheveux en bataille d'ordinaire dorés comme les blés avaient pris une couleur cendré, mon teint était blafard, j'avais maigri et des cernes noirs, résultats de nuits d'insomnies à répétition, s'étalaient sous mes yeux. Je me demandais comment America n'avait pas pu le remarquer. « Bien sûr qu'elle ne peut pas l'avoir remarqué » pensais-je tout haut. Je mettais un point d'honneur à lui laisser le moins d'occasion possible de le faire. Je ne le faisais pas par gaîté de cœur, je voyais bien que mon épouse souffrait de la situation tout autant que moi. Mais je n'avais pas le choix et si c'était le prix à payer pour la protéger, je le payais volontiers et mille fois plus encore.

Mon café avalé, réchauffé et habillé pour la journée qui s'annonçait, je repris le travail que j'avais laissé de côté hier après-midi. Je ne fus pourtant pas des plus efficace. A cause de cette énième mauvaise nuit, mes migraines et vertiges n'avaient pas disparus. Bien au contraire. J'avais même l'impression que cela avait empiré. Et si ce n'était pas encore assez, j'avais manifestement attrapé froid tout à l'heure sur le balcon. Le bain chaud n'avait pas amélioré plus que ça mon état. Tout au plus avait-il peut être permis que ce ne soit pas pire.

Je relevais la tête du dossier que j'étudiais pour voir Carter approcher avec un plateau d'argent où reposait un verre emplit d'un liquide ambré.

- Il est peut-être un peu tôt mais j'ai pensé que vous pourriez avoir besoin d'un petit remontant, aujourd'hui. Son demi-sourire voulait surement me montrer son soutien mais ses yeux chantaient une tout autre chanson. Il était inquiet et préoccupé.

Je lui souris en retour ignorant une fois de plus son regard alarmant qui ne m'aiderait surement pas à calmer le chaos qui faisait tout autant rage en moi mais que je prenais soin de cacher au plus profond de mon être. Si je cédais à la panique et à la peur maintenant, je contaminerais tout le monde de mon humeur. Un roi était un gouvernail, un phare en pleine tempête pour son peuple. Si ce repère ce brisait, il entrainerait toute la société avec lui dans sa chute et toute l'harmonie si durement acquise ces dernières années s'écroulerait comme un château de cartes. L'expérience m'avait apprise qu'il n'en fallait pas grand choses pour affoler les foules. La moindre petite rumeur se répandait déjà comme une trainée de poudre alors je ne doutais pas un seul instant que si je montrais une quelconque faille, cela se saurait encore plus vite. Un mouvement de panique général était bien la dernière chose dont j'avais besoin.

- Tu as lu dans mes pensées, Carter.

Il était vrai que je ne refuserais pas un peu de brandy ou de whisky.

- A votre service, Votre Majesté. Il s'inclina en me tendant le plateau. Je me saisis du verre et y fit tournoyer l'alcool quelques secondes, pensif.

- Vous savez ce que vous allez lui dire ? me demanda-t-il à brule-pourpoint.

Je mis quelques instants à comprendre de quoi il voulait parler. Du journaliste bien sûr. Carter savait mieux que personne combien cette affaire était sensible pour le palais et en particulier pour moi.

- Je ne sais même pas pourquoi exactement il veut me voir. Comment saurait-je ce que je vais lui dire si je ne sais pas la raison de sa visite ? J'aviserais bien quand il sera devant moi.

- N'a-t-il vraiment rien précisé de particulier dans sa demande ?

- Non. Simplement qu'il voulait me voir en privé.

- Serait-il possible que… qu'il… Il hésitât, mal à l'aise. Enfin… qu'il veuille de nouveau aborder le sujet de Sa Majesté, la Reine ?

- Ce serait en effet une possibilité… Mais il pourra toujours essayer de me soutirer des renseignements, je n'aurais de toutes les façons pas d'autres informations plus croustillantes à lui donner pour le moment. La presse s'est enfin calmée sur ce sujet. Evitons surtout de leur redonner de la matière pour le relancer. America n'a vraiment pas besoin de ça. Finis-je d'un ton catégorique.

Il hocha silencieusement de la tête en signe d'assentiment et s'en repartit, me laissant seul avec mes pensées et ma montagne de travail.

- Votre Majesté. Monsieur Wyrrens est arrivé. Annonça le majordome plus tard dans la journée.

- Prêt ? Me demanda Carter. Je pris une profonde inspiration et acquiesçais à son intention.

- Très bien. Faites-le entrer. « Qu'on en finisse. » ajoutais-je en mon for intérieur.

- Souhaitez-vous que je reste présent, Votre Majesté ? Ajouta mon bras droit.

- Ça ne serait sans doute pas plus mal. Il n'aura ainsi pas moyen d'écrire tout et n'importe quoi dans son torchon qu'il appelle journal une fois sorti d'ici.

- Un torchon ! Oh que vous y aller fort, Votre Majesté. Et sans vouloir vous manquer de respect, je ne fais que mon travail de journaliste. Tout ce qu'il y a de plus intègre.

Brody Wyrrens s'inclina obséquieusement en guise de salutation.

- Comment osez-vous ?! S'indigna Carter.

Je l'arrêtais d'un geste de la main, lui intimant le silence. Je n'avais pas besoin qu'il rajoute sa colère à la mienne pour envenimer encore plus la situation.

- Votre Majesté. Je ne pensais pas avoir de nouveau le plaisir de votre compagnie au vu des termes dans lesquels nous nous sommes quittés la dernière fois…

- Je n'en dirais pas de même pour moi, Monsieur Wyrrens. Répondis-je, de méchante humeur.

- Comme c'est dommage… moi qui me faisais une telle joie…

- Venez-en au fait, Monsieur Wyrrens. Venez-en au fait. M'impatientais-je.

- Je voudrais d'abord vous conseiller de renvoyer votre secrétaire ici présent. Il lança un coup d'œil à Carter qui fulminait silencieusement.

- Et pourquoi ferais-je cela, je vous prie ? Me méfiais-je.

- Parce que vous ne voudriez surement pas que ce dont nous allons parler sorte de cette pièce, croyez-moi.

- Est-ce une menace ?

- Oh non ! Je ne me permettrais pas ! Disons simplement que c'est… un conseil d'ami.

- Je ne suis pas votre ami. Rétorquais-je, glacial.

- Vous le serez très bientôt. Une fois que vous aurez entendu ce que j'ai à vous dire.

Il se tut alors et attendit patiemment. Je fis signe à Carter, qui m'interrogeait du regard, de nous laisser seul. Une fois qu'il eut refermé la porte et m'étant assuré qu'il était assez loin pour ne pas nous entendre, je repris, plus impassible que jamais.

- Je vous écoute.

Il prit son temps avant de prendre la parole. Il s'installa plus profondément et plus confortablement dans le fauteuil en face de moi. Il prenait manifestement un malin plaisir à me faire patienter. Et à me faire bouillonner de l'intérieur.

- Et bien… J'ai mené ma petite enquête à votre sujet ces derniers temps. Et j'ai découvert quelque chose de très troublant. En effet, grâce à des sources interne au palais que je ne citerai pas pour les protéger, vous vous en doutez, j'ai pu avoir accès à certains documents très intéressants classés secret défense. Voyez-vous… Il est de notoriété publique que votre mère avait la santé fragile dû à son travail à l'usine tout au long de sa jeunesse. Cela a malheureusement beaucoup influé sur sa fertilité. Je dirais même que cela à trop influé. En effet, parmi les documents que j'ai pu consulter, l'un a particulièrement retenu mon attention. Il fallait savoir quoi chercher pour trouver mais pour un journaliste aguerri comme moi, cela n'a pas été bien difficile.

Comme un chat s'amusant avec une souris, il se complaisait à faire durer le suspense.

- C'était un banal bilan sanguin seulement quelque mois avant le mariage de votre mère avec votre père. Ce rapport médical arrivait à la conclusion que la Sélectionnée, Mlle Amberly Station, à cause de la maladie qui affaiblissait son système immunitaire, aurait certainement beaucoup de mal à porter un enfant jusqu'à terme. Quand bien même, cela n'empêcha pas le prince Clarkson de l'épouser. Il espérait surement faire démentir cette expertise.

- Ce qu'il a fait puisque je suis là.

- Et pourtant… votre mère à fait plusieurs fausses couches avant et après vous. Vous êtes un rescapé, un miraculé parmi vos nombreux frères et sœurs morts bien avant leur naissance. Je me suis alors demandé comment cela était possible alors que tous les médecins étaient catégoriques et que toutes les procédures avaient été tentées sans succès. La réponse m'est alors apparue aussi clairement que je vous vois devant moi. L'adoption bien entendu. Votre mère ne pouvant mettre un enfant viable au monde, vos parents se sont tournés vers la solution la plus évidente. De nos jours, il n'est pas difficile de feindre une grossesse. Beaucoup de starlette ont recours à ce stratagème pour relancer l'intérêt du public à leur égard quand elles sentent que l'opinion se désintéresse d'elles. C'est très simple. Il suffit de porter des vêtements opaques et amples pour créer la confusion, un faux ventre en dessous selon le degré de réaction que l'on veut créer, une promenade en ville et le tour est joué. Et pour expliquer qu'il n'y a pas de bébé à la fin ? Rien de bien sorcier non plus. Une mauvaise chute, une overdose, une malformation... L'éventail des possibilités est infini. Mais pour en revenir à vos parents, le stratagème est diaboliquement simple. Tandis que votre mère faisait semblant de mener une grossesse inespérée devant les caméras, accaparant toute l'attention sur elle, votre père cherchait un orphelin ou une famille dans le besoin ayant une bouche de trop à nourrir. Il suffisait de s'assurer que l'enfant soit en bonne santé, qu'il puisse par la suite engendrer des héritiers pour la couronne et surtout qu'il leur ressemble assez physiquement pour qu'il puisse facilement passer pour leur fils sans que la succession ne soit remise en cause. Il suffisait alors à votre mère de se retirer de la scène quelques semaines avant la prétendue naissance, de prétexter que celle-ci fut difficile pour avoir l'excuse de ne pas réapparaitre avant plusieurs autres semaines, le temps de récupérer l'enfant, de régler les formalités en toute discrétion, de fabriquer les documents nécessaire et d'avoir une excuse pour présenter un nourrisson déjà âgé de plusieurs semaines. Puis oh ! Miracle ! Oh ! Joie ! Oh ! Bonheur ! Elle vous présentait dans ses bras devant tout Illéa, en direct du Bulletin. La nation était trop heureuse de voir un héritier pour le trône que l'idée que vous n'étiez peut être pas leur fils ne leur aurait pas un instant traverser l'esprit. Vous représentiez le Messie à l'époque, le sauveur de la nation, comment pouvait-on imaginer que vous n'étiez qu'un prétendant ?

Une fournaise de rage et de haine fulminait en moi. Aucune insulte ne m'avait été épargnée. Et il s'en prenait en prime à mes parents avec cette histoire abracadabrante ?!

- Imaginons un seul instant que votre histoire soit vraie. Il y aurait surement une trace, une preuve. Un acte d'adoption, un document comptable ou figurerait les frais engagés, un transfert de l'autorité parentale, un témoignage sous serment. N'importe quoi ! Or je suis le mieux placé pour savoir qu'un tel document n'existe pas. Assenais-je.

- Comme il y a eu une preuve pour la « mort » de Spencer Illéa ? demanda-t-il, goguenard.

Je me glaçais d'effroi. Il savait ! Il savait pour August ! Il savait que la lignée des Illéa n'était pas éteinte comme tout le monde le pensait, à part quelques privilégiés au courant. Ses yeux brillaient d'une joie maligne, se délectant de l'effet produit.

- Ainsi, en accord avec la Constitution de notre Grande nation qui dispose que seul le descendant mâle direct de Gregory Illéa peut s'assoir sur le trône, je serais dans le devoir de dénoncer publiquement les résultats de mes recherches. Et comment pensez-vous que le peuple réagira quand il apprendra que depuis tout ce temps on lui a menti ? Qu'il n'est même pas dirigé par l'héritier du trône le plus légitime qui soit mais par un imposteur ?

- Personne ne vous croira. Le contredis-je d'une voix abasourdie. J'avais l'impression qu'on m'avait assené un coup de marteau sur la tête.

- Je ne dirais pas ça, non. Savourait le journaliste.

Il glissa sous mon nez plusieurs coupures de journaux qui racontaient plus ou moins la même chose. Je feuilletais rapidement les coupures de presse, silencieux. J'avais déjà vu passer ces articles sans y avoir prêté plus d'attention que cela, ne les estimant pas assez sérieux pour que j'y consacre de mon temps à les démentir.

- Je peux faire taire ces rumeurs d'un seul mot. Ou les amplifier d'un coup de fil. Le choix vous appartient.

- Si ? Demandais-je. Car bien entendu, il y avait une contrepartie. Ça ne pouvait pas être gratuit. Le sourire de ce maudit journaliste s'accentua significativement d'un seul coup.

- Oh… juste une petite faveur de rien du tout. Un service tout au plus. Ce n'est que juste prix contre celui que je vous rends.

Rendre un service ?! Il me rendait un service ?! Drôle d'appellation pour ce qu'étais en réalité ce « service ». J'aurais pour ma part préférer le terme « chantage » mais nous jouions sur les mots à ce stade. Il était toutefois hors de question que je cède à sa demande. Je devais néanmoins lui faire croire qu'il m'avait à sa botte, au moins le temps de trouver une solution pour me sortir de là. Car on ne peut espérer régner si on cède au chantage. Une partie d'échec sans merci venait de s'engager et l'avantage était pour le noir. Pour le moment du moins.