Je tourne en rond. Il est près de deux heures du matin. J'attends juste que Mélanie, Mélina, Mélinda, ou peu importe son nom, se casse une bonne fois pour toute de mon lit. Je lui montre la porte en commençant à perdre patience. Elle me regarde comme si j'étais le plus grand connard qu'elle ait jamais vu, prend ses affaires dans ses bras, et se retrouve en sous vêtement sur le palier. C'est une magnifique métisse aux cheveux et aux yeux noirs comme la suie, mais elle n'y a rien à l'intérieur de son crâne. Je suis blasé. Cinq filles en cinq jours. C'est beaucoup trop simple. Elle me regarde comme si elle allait me cracher au visage, et pourtant, elle commence à descendre les escaliers de l'appartement. Si seulement elle avait eu l'audace de me traiter comme le salaud que je suis, elle aurait peut-être attiré mon attention. Ses chaussures sont toujours dans mon salon. Je donne un coup de pieds dedans pour les faire dévaler l'escalier en même temps qu'elle.

« Merde ! J'entends. »

Et je lève les yeux. C'est qui, elle ? Là, dans la courbe que décrit l'escalier, je vois cette fille. Ses ongles rouge sang agrippent la rambarde, et je suis frappé par ses doigts. Ils sont sans fin. La main qui y est rattachée est tout simplement la plus élégante qu'il m'ait eu été donné de voir. Son bras nu est pâle. Pas blafard. Magnifiquement pâle. Comme voilé. Je m'arrête sur sa tenue. Une robe noire. Classique et glamour. Assez courte pour suggérer, pas assez pour que la fille soit facile. Je me perds le long de ses jambes alors qu'elle monte les dernières marches qui la séparent de moi, et je l'entends se racler la gorge. Mes yeux remontent sur son visage. Ses lèvres rouges s'entrouvrent et j'ai l'impression d'avoir les portes du paradis devant moi. J'avale difficilement ma salive, et mon regard accroche le sien. Merde. Comment c'est possible d'avoir des yeux aussi beaux ? J'ai à peine le temps de me poser la question que je remarque qu'elle me toise avec animosité, et je ne sais pas pourquoi, mais j'ai honte. Pour la première fois de ma vie, je suis embarrassé. Je me dis qu'elle a dû croiser la métisse de tout à l'heure, et je me sens con. Vraiment con. Elle passe devant moi. Assez près pour que son parfum délicat vienne mettre mes neurones en vrac, mais pas assez pour que je puisse croire qu'elle m'allume. Elle glisse une clé dans la porte d'à côté, et je comprends que je viens de rencontrer ma voisine quand ses cheveux roux ondulés s'engouffrent dans l'appartement. Elle referme sa porte sans me gratifier d'un autre regard, et je reste sur le palier, abasourdi. Je ne sais pas combien de temps mes yeux restent figés sur sa porte. Elle a arrêté le temps. Qu'est ce qu'il m'arrive ? Son parfum ne flotte plus autour de moi et je me demande pour quelle raison je continue à respirer. Je suis fou. Cette pensée me suit jusque dans mon lit.

Je me lève tôt le lendemain matin. J'ai peu dormi. Je dois aller retrouver Rémus au quartier général de l'Ordre du Phoenix. Il paraît qu'il y a eût du grabuge hier soir. S'il y en a eu là bas, il y en a eu ici aussi. Dans ma tête. Je prends ma veste et ouvre ma porte d'entrée. Mes yeux trouvent instantanément la sonnette près de sa porte à elle et je veux tellement connaître son nom que je ne pense plus qu'à cela. Je m'approche et lit « » L ? Linda ? Léa ? Lucy ? Bordel. Je veux savoir comment tu t'appelles. Je jettes un coup d'oeil à ma montre, je n'ai plus le temps, il faut que j'y aille. Tant pis. Je descends les escaliers et je transplane. Rémus est déjà là, toujours en avance. Il y a Dumbledore avec lui. Ils ont l'air inquiets.

« James ! Il y a eu une embuscade hier dans le Chemin de Traverse ! S'exclame Rémus paniqué.
_ Que s'est-il passé ?
_ Ils sont descendus là bas, ont fait exploser les vitrines des restaurants et ont semé la terreur au Chaudron Baveur. Ils ont torturé un client. John est arrivé en premier... Il a voulu le défendre, et ils... Ils l'ont tué. »

John. Mon pote. Quel idiot. Pourquoi n'a t-il pas attendu les renforts ? J'ai envie de péter un câble, mais je me retiens. Cette journée commence bien.

Il est 22h et Sirius m'attend au Trois Balais. Il a insisté. Il dit qu'après une sale journée, il n'y a rien de mieux qu'un whisky pur feu. Il dit exactement la même chose quand tout va bien. Peu importe. C'est mon meilleur ami, alors j'y vais. Il me fait une accolade et je me pose au bar à côté de lui. Il me montre deux filles un peu plus loin, et je hausse les épaules mais il n'a pas attendu ma réponse. Il leur fait un signe et elles accourent. C'est ridicule.

« Tu fais quoi dans la vie ? Me demande l'une d'entre elles. »

J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais je réfléchis, chose qu'elle ne se fatigue sûrement pas à faire, puis je la referme. Je n'ai pas envie de lui dire ce que je fais dans la vie. Pour la première fois. D'habitude, « je gère la fortune de mon défunt père », est ma phrase favorite, mais pas ce soir. Je reporte mon attention sur mon verre de whisky pur feu que je fais rouler dangereusement entre mes doigts, et je m'y noie. La teinte ambrée de l'alcool me fait penser aux cheveux de . Je les revoit voler devant moi en un mouvement gracieux, et j'ai envie de me frapper la tête contre ce comptoir. Sirius me donne un coup de coude et me fait signe qu'il part avec les deux filles. Je le félicite, mais en fait, je m'en fous.

Pourquoi on fait cela ? Presque tous les soirs on se retrouve ici, et on ramène une fille différente chez nous. A chaque fois. Sans exception. On sort, on boit, on baise. Je me regarde dans le miroir qui me fait face et je me déteste. J'ai l'air de ce que je suis. Ma chemise noire, mon jean hors de prix, ma ceinture en cuir... Je transpire le luxe et je me dégoûte. Je baisse les yeux et je me rends compte de la médiocrité de ma vie. Si je n'étais pas aussi conscient de ma réalité, je serais peut-être heureux, mais malheureusement, je suis né lucide. Je vide mon quatrième verre de whisky pur feu et laisse plusieurs gallions sur le comptoir. Je ne compte pas, je m'en fous, j'en ai plein les poches. Je ramène ma carcasse jusqu'à mon appartement, et mon regard ne peut s'empêcher de venir se poser sur la porte de , mais je me contente d'ouvrir la mienne. Je me laisse tomber sur mon canapé. Ah. Il y a une lettre sur la table. Je l'ouvre. C'est pour l'enterrement de John. J'ai envie de pleurer comme une fillette, mais même ça, je n'en suis pas capable. Je prends un parchemin et me penche dessus pour répondre à sa famille, puis je sors sur le balcon pour attacher la lettre à la patte de mon hibou. Je le laisse s'envoler, et m'accoude sur la barrière qui me sépare du sol. La nuit, c'est le moment que je préfère. J'aime regarder les lumières des maisons et les phares des voitures briller dans la pénombre. Ça me rappelle Noël avec mes parents. On allait toujours regarder les illuminations dans les rues quand j'étais gosse.

« Salut, j'entends. »

Sa voix me transperce. Je tourne rapidement la tête, et je la vois. est sur son balcon, elle aussi, et elle me regarde avec ses beaux yeux verts. Elle est penchée sur la balustrade et je me rends compte que son corps est parfait.

« Salut Lola, je tente. »

Elle a un demi sourire. Adorable. Mais j'ai l'impression qu'elle se fout de moi, et ça me fait quelque chose.

« Raté, dit-elle simplement.
_ Tant pis. »

Je souris et hausse les épaules. J'attends qu'elle me corrige, mais elle ne le fait pas. Je veux juste ton prénom, dis-le moi. S'il te plaît, dis le moi. Ma tête hurle, mais je ne lui donnerais pas la satisfaction de lui demander quoi que ce soit. Je ne veux pas qu'elle pense que je suis intéressé. Même si je le suis. Je m'apprête à lui dire quelque chose quand sa porte vitrée s'ouvre. Un homme la rejoint sur le balcon. Il pose sa main dans le creux de son dos et la tire vers lui. Elle le laisse faire et disparaît. Elle a un copain. Merde. Ça me fout la rage.

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« Expelliarmus ! »

La baguette du mangemort qui me fait face se retrouve dans ma main, et je le ligote. Je jette un coup d'oeil autour de moi. Sirius s'en sort bien, Rémus aussi. Je me baisse précipitamment pour éviter un sort et me cache derrière le mur d'une maison en brique. D'un revers de la main j'essuie le sang qui coule sur ma tempe gauche. L'Ordre nous confie de plus en plus de mission pour la simple raison qu'il y a de moins en moins de membre. Les mangemorts se multiplient. Ils effraient les gens avec leurs idéologies. Ils les menacent. C'est la peur qui leur fait gagner des partisans. Moi je n'ai pas peur, je n'ai rien à perdre. Je n'ai plus de parent, je n'ai plus d'attache, ma vie ne vaut rien. C'est sûrement ce qui fait de moi une si bonne recrue pour l'Ordre. J'ose tout. Je me sacrifierais pour n'importe lequel de mes amis qui se battent là, à mes côtés. Je me penche pour regarder où sont les sous merde qui ont tué John, et un sort passe si près de moi qu'il écorche mon oreille. Je sors de ma cachette et leur donne tout ce que j'ai, mais la brigade d'aurors arrive en même temps, et ces lâches de mangemorts transplanent. Il ne reste plus que ceux que nous avons réussi à immobiliser. C'est mieux que rien. Je transplane au quartier général de l'Ordre avec les gars pour faire un rapport à Dumbledore, et repars directement à mon appartement après malgré les protestations de Sirius. Je suis crevé. Je monte les escaliers au ralenti, et j'entends des cris. J'accélère la cadence jusqu'à arriver sur le palier du troisième étage, et je m'arrête net lorsqu'un mec vient s'écraser contre le mur, juste devant moi.

« Si tu remets les pieds ici, je te fais bouffer les marches une par une ! Rugit , baguette à la main. »

J'écarquille les yeux alors que le mec s'enfuit à toute allure dans le tourbillon dont je sors tout juste. Ce qui me frappe en premier, c'est que ce n'est pas celui qui était sur le balcon avec elle l'autre jour. Ce qui me frappe ensuite, c'est que cette fille vient de faire voler de part et d'autre du palier un mec qui fait deux fois sa taille. Elle est surhumaine. Je la regarde de haut en bas. Elle porte un jean noir qui tombe sur des escarpins bleu foncés, et son top gris est légèrement transparent. Elle est divine, mais je ne m'attarde pas dessus. Je n'ai pas envie qu'il m'arrive la même chose qu'à ce mec. Parce que bizarrement, elle me fait plus peur que les dix mangemorts qui étaient à mes trousses tout à l'heure. Elle me regarde aussi.

« Salut, J ! Lance-t-elle comme si elle ne venait pas de mettre la raclée à ce gars. »

Elle a dû jeter un coup d'œil à la sonnette, elle aussi. Cette simple pensée me donne satisfaction. Elle est intéressée.

« Salut, Laura ? Tente-je.
_ Encore raté. »

Elle a encore ce petit sourire mystérieux cloué au visage lorsqu'elle ferme la porte en me laissant seul sur le palier. J'ai envie de rire. Je reviens d'une attaque où j'aurais pu perdre la vie, et j'ai envie de rire. C'est la jungle dans ma tête.