Bonjour à toutes !

Voilà, enfin, la dernière partie ! Je suis désolée pour l'attente, mais les études m'ont prise pour me séquestrer... Aussi, j'espère que vous apprécierez ce dernier chapitre autant que les deux premiers ! Je tiens aussi à vous remercier, pour votre soutien et vos adorables reviews qui m'ont motivée lorsque je peinais à écrire. Merci, merci, merci ! Cette histoire est toujours dédiée à HyperRasberry, à qui je fais un gros câlin et qui, j'espère, appréciera la fin de cette histoire. Maly Winchester est toujours à la bêta-lecture, et je lui envoie des fleurs pour le merveilleux travail qu'elle a fait.

Il s'agit bien évidemment toujours d'un Steve/Tony, rated M pour le premier chapitre et le langage parfois peu orthodoxe.

Les personnes principaux ne m'appartiennent pas, seuls les personnages secondaires sont en ma possession.

Je vous souhaite une bonne lecture !


N'importe quoi. C'était absolument n'importe quoi.

Steve était sur le toit de son immeuble, assis sur le rebord, les jambes se balançant dans le vide. Son regard se perdait dans l'obscurité de New York. Le seul bruit qu'il pouvait percevoir était celui de la ventilation. Sa tête le lançait et son corps commençait doucement à lui réclamer du repos.

Certainement qu'il deviendrait fou... S'il ne l'était pas déjà. Combien de jours, d'heures s'étaient déjà écoulés depuis que sa vie avait basculé dans cet horrible brouillard ? Il avait perdu toute notion de temps et s'était retrouvé enfoui dans un monde en noir et blanc, terne et sans goût.

Tout était de sa faute.

Stark.

Tony putain de Stark.

Quelle idée lui était passée par la tête ?

Cette question était devenue le leitmotiv de Steve, comme si se la répéter à chaque seconde pouvait lui apporter un élément de réponse. Bien entendu, il avait, vainement, tenté de faire semblant, de faire comme si tout allait bien, comme si ce petit dérapage n'avait pas à le perturber. Il avait pourtant de la pratique dans ce domaine, puisque mauvaise foi et œillères étaient devenues ses meilleures amies avec le temps.

Mais pas cette fois.

Cette fois, il ne parvenait tout simplement pas à occulter le fait que Tony avait posé sa bouche sur la sienne. Il ne parvenait pas à oublier que quelque temps auparavant, il s'était masturbé en pensant à cet homme, alors qu'il avait parfaitement réussi, pendant un moment, à faire comme si rien ne s'était passé. Il ne n'arrivait pas à se persuader que sa présence ne l'apaisait pas... Qu'il ne lui manquait pas.

Une bouffée de rage contre lui-même lui fit serrer les dents, tendre son corps. Il se leva lentement, fixant au loin un point qui n'existait pas. La colère cavalait dans ses veines comme un poison mortel, s'infiltrait dans ses artères pour aller se loger droit dans son muscle cardiaque, remplaçait son sang par une haine noirâtre et pâteuse. Steve se sentit alors happé par une ombre dévorant chaque pensée sensée qu'il pouvait encore avoir. La dernière barrière mentale qu'il possédait s'effondra et il sentit son cœur se contracter.

Comme rarement dans sa vie, Steve Rogers se laissa aller. Comme rarement dans sa vie, il laissa ses émotions le rendre totalement impuissant.

Dans la nuit noire de New York, Steve avait hurlé à s'en arracher les cordes vocales.

C'est ainsi qu'une sorte de fantôme l'avait remplacé le lendemain, une sorte d'entité ni vivante ni morte qui allait et venait entre chez lui et son travail.

Il avait fini par se perdre pour de bon.

Les journées se ressemblaient toutes. Il partait au centre, rentrait chez lui, allait courir, prenait une douche et se laissait aller dans son canapé, happé et sans vie, jusqu'à ce qu'il doive retourner travailler. Cela faisait une semaine que leurs lèvres s'étaient unies et quatre jours que sa conscience l'avait déserté. Ses yeux étaient désespérément vides, ne reflétaient plus rien, comme si son âme s'était envolée, ailleurs. Son corps ne cédait pourtant pas, vivant toujours insomnie sur insomnie. Bien qu'il parvenait à complètement oublier de se nourrir, il ne sentait qu'une légère fatigue physique, comme de légères courbatures.

Hélène avait tenté de l'aborder au détour d'un couloir mais elle s'était heurtée à son silence. Elle avait pourtant persisté et avait même réussi à le coincer dans leur salle commune. Encore une fois, l'absence de réaction de l'homme lui avait serré le cœur et elle l'avait regardé sortir de la pièce d'un air dépité. Il ne parlait plus, ne souriait plus. Il n'était tout simplement plus là.

Steve se laissait porter par les vagues de son quotidien et ne faisait plus attention à ce qui l'entourait. Il avait perdu face à ses pensées, bien trop nombreuses, trop dérangeantes, trop malsaines. Il n'était plus qu'un pantin sans vie, celui-là même qu'il avait décrit quelques jours avant à l'homme qui lui avait fait perdre le peu de contrôle qui lui restait. Ses problèmes identitaires étaient ressortis vainqueurs de leur bataille. Il n'était plus Captain America, il n'était pas Brett Hendrick, il n'était même plus Steve Rogers.

Il n'était plus rien.


Ce n'est que quelques jours plus tard que Steve sortit de sa léthargie comateuse. Il se sentit comme s'il émergeait d'un très long cauchemar, pour en vivre un autre, différent.

Eddy était blotti dans son giron et semblait ne jamais pouvoir s'arrêter de pleurer. Face à lui, le médecin en charge du petit garçon avait la gorge serrée, ses doigts crispés sur le dossier qu'il tenait. A sa droite, la marraine du petit sanglotait silencieusement.

« Je sais que cela est très difficile pour toi mon bonhomme, tu as fait vraiment tout ce qu'il fallait et tu as été très courageux. Malheureusement, il est parfois impossible de réparer ce qui a été cassé. Je suis désolé. »

Richard Adams déposa le dossier sur la petite table face à lui et sortit, laissant l'enfant aux soins de Steve et de sa tutrice. Ce dernier sentait le petit corps contre lui s'agiter de soubresauts interminables, les minuscules poings agrippés à son t-shirt avec la force du désespoir. Eddy ne pourrait pas remarcher. Ses jambes ne pourraient plus le porter, les liaisons nerveuses de sa moelle épinière étant finalement beaucoup trop endommagées pour pouvoir être sauvées. Le blond serrait le petit garçon dans ses bras en le berçant doucement, comme s'il s'agissait de son propre fils.

Il ne pouvait tout simplement pas croire que ce petit être venait de voir tous ses espoirs éclater en mille morceaux à la manière d'un verre brisé. Il pouvait sentir son désespoir s'échapper par tous les pores de sa peau et se répandre dans la pièce. Le petit garçon essayait de reprendre son souffle, de reprendre pied dans le torrent qui venait de l'emporter mais il lui semblait qu'il n'y parviendrait jamais. Les bras de Steve avaient beau le rassurer comme son père l'aurait fait, il n'arrivait pas à se calmer.

« Je suis là bonhomme, je suis là. On va trouver une solution, ne t'inquiète pas. »

Il lui parlait à l'oreille, continuant de le bercer doucement, lui prodiguant le baume dont il avait besoin pour panser la plaie qui venait de se rouvrir dans son petit cœur d'enfant.

Paola Wesson ne pouvait s'empêcher de pleurer, elle aussi. Elle bénissait la présence de cet homme qui savait parler à son filleul et le rassurer plus qu'elle n'y arriverait jamais.

« N'oublie pas ce que je t'ai promis, on trouvera une solution pour tes jambes. Je vais demander à Iron Man de t'aider. »

Les mots s'étaient échappés de la bouche de Steve avant qu'il ne puisse contrôler quoi que ce soit. Alors que les larmes d'Eddy continuaient de dévaler ses joues, il ne put empêcher le visage de Tony d'apparaître dans son esprit.

La réalité le rattrapait.


Steve n'avait tout simplement pas le choix : Il devait téléphoner à Stark.

Sa promesse pour le petit garçon l'obligeait à regarder les choses en face et cela faisait naître en lui une myriade d'émotions différentes. Entre la colère, la peur, l'appréhension, la résolution, la joie et l'hésitation, l'ancien militaire ne savait pas comment il allait s'en sortir sans retomber dans l'état catatonique des derniers jours. Il avait beau ne pas être prêt à admettre certains faits, il savait pourtant qu'il allait être obligé, par la force des choses, à se confronter aux démons qu'il avait désespérément essayé d'enfouir.

Il était tard, comme toujours, et il se sentait dans son propre appartement comme un condamné dans le couloir de la mort. Un immense soupir lui échappa et il passa nerveusement une main dans ses cheveux. Il avait déjà perdu, il était déjà perdu. Il n'était plus personne et la seule chose qui lui restait était cette promesse, faite à ce petit bout d'homme qui avait besoin de lui. Steve se sentait vide, mais il lui restait quelques lambeaux de fierté, survivants de la vague dévastatrice de lâcheté et de colère qui s'était écrasée sur lui.

Eddy avait confiance en lui et il se devait de respecter ça, même si cela impliquer de devoir parler à l'homme hantant son esprit. Contrairement à ce qu'il aurait pu éventuellement penser s'il s'en était laissé l'occasion, Tony n'avait pas cherché à le contacter de quelque manière que ce soit. Pourtant, s'il était honnête avec lui-même, Steve savait que s'il avait eu un appel de l'ingénieur, il n'aurait pas répondu. D'ailleurs, il regardait son téléphone portable d'un œil particulièrement mauvais, comme si tout était de la faute de l'appareil.

Foutue technologie. Foutu portable. Foutu Stark.

Il ne savait même plus comment contrôler ses émotions, toutes exacerbées par son manque de sommeil évident. Il en aurait presque regretté de ne plus être anesthésié. Le blond finit par s'asseoir sur son canapé, smartphone dans la main. Il déverrouilla son écran et l'observa longuement, comme la première fois qu'il avait décidé de rappeler le milliardaire. Devait-il s'excuser ? Ou alors, devait-il faire comme si rien ne s'était jamais passé ? Sans se donner le temps de clairement y réfléchir, il fit apparaître le numéro de Tony, le sélectionna et porta l'appareil à son oreille.

Les tonalités semblèrent durer une éternité. Son souffle se coupa quand il sut que l'autre homme avait décroché. L'épais silence dura quelques secondes et pourtant il eut l'impression que le temps s'écoulait grain de sable par grain de sable. Ses mains étaient moites et son cœur semblait décidé à sortir de sa cage thoracique. Pourtant, ce fut lui qui abdiqua le premier.

« Tony ? »

A l'autre bout du fil, l'ingénieur grogna.

« Belle déduction, Rogers. »

Steve ignora superbement l'horrible sentiment de culpabilité qui s'infiltra dans ses veines à cet instant.

« J'ai quelque chose à te demander », dit-il de son ton le plus sûr.

Autant en finir le plus vite possible, avant qu'il ne finisse par complètement craquer. Il n'y aurait aucune fioriture cette fois-ci.

« Je te garantis rien mais dis toujours. »

La voix de Stark lui fit alors penser à une lame, s'immisçant dans ses viscères avec précision.

« Le petit dont je t'ai déjà parlé ne pourra plus marcher. Alors...

- Alors tu viens me chercher », termina l'ingénieur avec une amertume et une déception non dissimulées.

L'ancien militaire sentait sa gorge se serrer. Ses muscles tressaillaient sans qu'il ne puisse contrôler quoi que ce soit. Il dut faire un effort surhumain pour continuer à parler comme si de rien n'était.

« Tony, je le lui ai promis. Il a besoin de toi. »

Durant quelques secondes, pendant lesquelles Steve essaya de contrôler sa respiration, le milliardaire ne pipa mot. Alors que le blond crispait ses doigts sur le tissu de son jean, Stark finit par reprendre la parole.

« Il faut que je le voie et que je voie son dossier médical. »

Un immense soulagement parcourut le corps tremblant de l'autre homme. Ses nerfs lâchaient complètement. Il rassembla ce qui lui restait de courage.

« Passe au centre dès que tu peux. Il sera encore avec nous pour un petit mois, après il rentrera définitivement chez lui », fit l'ancien militaire d'une seule traite.

C'était bientôt fini, il allait bientôt raccrocher. Il allait pouvoir souffler, respirer, sans avoir l'impression que du souffre s'infiltrait dans ses poumons.

« Je viendrai demain après-midi », répondit l'ingénieur d'une voix égale.

Le blond soupira, sa poitrine compressée.

« Merci pour lui Tony, vraiment.»

Steve allait mettre un terme à la conversation quand Tony reprit la parole, avec un ton bien différent.

« Steve, tu as pu dormir ces derniers jours ? »

Immédiatement, les tremblements dans ses jambes s'accentuèrent et la boule dans sa gorge se fit plus présente.

« A demain, on se voit au centre. »

Sans plus de cérémonie, il raccrocha et expédia le téléphone à l'autre bout de son canapé, comme brûlé à son contact. Pendant un long moment, son regard se perdit dans le vide, tout son corps alors pris de soubresauts incontrôlables. Il ne fit pas attention au texto qu'il reçut et qu'il ne lirait que plusieurs jours plus tard avant de l'effacer, ni même au fait que des larmes dévalaient ses joues silencieusement. Il resta assis tout le reste de la nuit, oscillant entre deux mondes.

Il perdait une nouvelle fois pied, savait très bien pourquoi, et ne voulait pas l'admettre.

« C'est toi que j'ai envie d'aider. »


La matinée passa rapidement. Steve se concentra sur tout ce qu'il pouvait pour éviter de penser au fait que d'ici quelques heures, il allait devoir affronter Tony. Pourtant, après le déjeuner, il dut se rendre à l'évidence et partit rejoindre Eddy à la fin de son atelier. Il avait, bien entendu, parlé de son projet avec l'Iron Man au docteur Adams dès qu'il avait proposé la chose au petit garçon. Il avait donc mis au courant l'équipe médicale se chargeant de l'enfant le matin-même, et tous semblaient plus ou moins ravis que l'ingénieur de renom qu'était Stark se penche sur le sujet.

Il avait cependant dû expliquer comment il le connaissait et avait dû broder sur le moment avec les idées qui lui étaient venues. Ainsi, il avait donc connu le milliardaire grâce à des amis communs, notamment Maria, et ils avaient sympathisé autour de plusieurs verres quelques mois auparavant. Décidément, l'agent Hill lui rendait bien service.

Il avait été convenu que l'ingénieur voie l'enfant dans une des salles de jeux qu'il préférait, avant qu'il n'ait un entretien avec les médecins afin de voir ce qui était possible ou non. Steve faisait de son mieux pour paraître détendu mais son cœur battait comme jamais. L'effort de contrôle qu'il devait faire sur lui-même devenait de plus en plus compliqué à gérer. Aux environs de quatorze heures, il était avec Eddy, assis face à lui. Le petit garçon gardait un air triste en toute circonstance depuis qu'il ne pouvait plus utiliser ses jambes.

« Bonhomme, est-ce que tu te souviens de notre conversation à propos d'Iron Man ? » fit Steve en regardant le petit brun dans les yeux, lui souriant doucement malgré son propre état de nervosité.

Ce dernier secoua positivement la tête et souffla.

« Je sais que ce n'est pas possible. Les super-héros ne s'occupent pas des enfants. Iron Man a d'autres choses à faire, dit-il en détournant le regard vers une des fenêtres donnant sur le parc du centre.

- Je crois pourtant que je suis venu ici pour m'occuper d'un petit gars avec un léger problème de guibolles. »

Steve et Eddy firent volte-face au même instant et observèrent l'ingénieur refermer la porte derrière lui, accompagné du médecin.

Il portait la veste en cuir noire et la chemise carmin, ouverte d'un seul bouton, ses Ray Ban sur le nez. Les entrailles du blond semblèrent se liquéfier. Eddy, lui, le regardait comme s'il venait d'une autre planète.

« C'est toi Iron Man ?

Le seul et l'unique mon grand, fit le brun en attrapant une chaise à côté du Captain, s'y installant à califourchon. Raconte-moi un peu ce qu'il t'arrive. »

Pendant plusieurs minutes, ils discutèrent ensemble, laissant Steve et le docteur en dehors de leur conversation. Le blond parvenait difficilement à se concentrer, comme si la seule présence de l'autre homme lui faisait oublier comment respirer. Il avait cependant encore assez de force morale pour lutter contre les vagues houleuses de sentiments contradictoires qui voulaient le submerger.

« Je vais voir ce que je peux faire pour toi, bonhomme. Tu peux dire merci à Brett, sans lui je ne serais pas là. »

Steve tourna la tête vers l'ingénieur. Il sombra dans les prunelles chocolat et ne put dire un mot.


Tout bien considéré, tout s'était assez bien passé. Steve avait fini sa journée et il allait enfin pouvoir souffler ailleurs que dans les environs de Stark. Les médecins et lui en étaient arrivés à des conclusions dont le blond n'avait pas compris grand-chose mais les faits étaient là : Tony pouvait aider Eddy, et plus généralement la recherche médicale en terme de motricité des accidentés et des handicapés. Ils allèrent signer plusieurs contrats après la visite au petit garçon et le docteur Adams l'avait chaudement remercié lorsqu'ils étaient partis dans les bureaux. Stark, lui, avait fait comme s'il était invisible après le regard échangé dans la salle de jeux.

Au final, ils avaient fait comme si l'autre n'existait pas et le blond se sentait encore plus perdu qu'il ne l'était en arrivant le matin même. Au fond, à quoi cela rimait-il ? Il allait passer la porte de l'entrée de service et replonger dans le magma bouillonnant de ses pensées quand il sentit qu'on lui attrapait la manche. Ses réflexes militaires prirent immédiatement le relais et il tordit le bras accroché à lui d'un mouvement souple, avant de le lâcher brusquement en voyant à qui il appartenait.

Hélène le regardait avec des yeux écarquillés, une expression effrayée animant ses traits. Il s'approcha immédiatement d'elle, la prenant presque dans ses bras.

« Je suis désolé Hélène, tu vas bien ? Je ne t'ai pas fait mal ? » demanda-t-il, les mains posées sur celles de la jeune femme.

Elle bégaya et secoua la tête, ses boucles brunes se balançant doucement.

« Ça va Brett, ça va. Je ne m'attendais pas à ce que tu me fasses une prise de catch mais je t'ai appelé et tu ne m'as pas répondu alors... »

Steve ferma brièvement les yeux et la coupa.

« Non ne t'excuse pas, c'est ma faute, j'étais complètement ailleurs et je n'aurais pas dû réagir comme ça. Je suis sincèrement désolé. »

Il affichait une mine contrite qui la fit fondre immédiatement. Elle lui adressa son plus beau sourire.

« J'accepte tes excuses... A condition que l'on prenne un café ensemble. »

Le blond ne prit pas la peine de réfléchir et accepta en souriant lui aussi. Hélène sembla rayonner et lui demanda de l'attendre quelques minutes pour qu'elle aille se changer et récupérer ses affaires dans les vestiaires. Elle partit rapidement, Steve restant dans le couloir immaculé. Il s'appuya contre un mur et soupira, les mains dans les poches. Au moins, il aurait autre chose à penser ce soir. Cependant, il ne voulait pas qu'elle se fasse de faux espoirs et il ne souhaitait vraiment pas lui faire de mal.

Avec un peu de chance, ils passeraient simplement une bonne soirée entre amis autour d'un café.

Elle revint quelques minutes plus tard et ils purent enfin partir. En bon gentleman, l'ancien militaire lui tint la porte pour qu'elle puisse sortir la première, lui souriant gentiment. Alors qu'il allait franchir le seuil lui aussi, il tourna la tête vers le fond du couloir. Tony était là et le regardait, une expression indéchiffrable sur le visage.

Le cœur de Steve rata un battement. Pourtant, il détourna les yeux et sortit sans regarder en arrière.


La soirée fut aussi agréable que la précédente. Hélène riait beaucoup et l'aidait à se détendre. Ils allèrent une nouvelle fois au Starbucks puis s'arrêtèrent au restaurant, où ils purent continuer de rire ensemble et d'apprendre un peu plus à se connaître. Comme il l'avait supposé, il s'agissait d'une jeune femme très intelligente et très piquante.

Steve était bien plus à l'aise que lors de leur première sortie et put, lui aussi, s'ouvrir un peu, sans pour autant s'épancher sur lui-même. Bien qu'il n'ait aucune expérience dans le genre, et il s'était déjà fait la réflexion auparavant, il savait pourtant que la brune attendait beaucoup de leur sortie. Si la première fois, il avait réussi à y échapper, il était devenu de plus en plus évident au fur et à mesure de la soirée qu'il allait devoir mettre les choses au clair dans les instants à venir.

A la fin du dîner, il se proposa pour la raccompagner chez elle, son appartement situé à plusieurs minutes du restaurant. Ils avaient ainsi pu profiter de la douceur de la nuit, tombée depuis quelques heures, tout en poursuivant leur conversation sur les raisons qui les avaient poussés à entrer dans le secteur médical. Le blond dut alors se référer au passé factice de sa couverture, tout en soulignant sa propre envie d'aider ceux qui en avaient besoin et de les protéger.

Il remarqua immédiatement le comportement de la jeune femme lorsqu'elle se mit à réduire l'espace qui les séparait. A présent, ils pouvaient presque se toucher.

Ses muscles se tendirent imperceptiblement, comme s'ils refusaient la proximité d'Hélène. Il fit comme si de rien était jusqu'à ce qu'ils arrivent en bas de son immeuble. Elle se mit alors face à lui, un petit sourire plein d'espoir étirant ses lèvres.

« Tu veux boire un dernier verre à la maison ? » dit-elle en se rapprochant encore un peu plus de lui.

Steve secoua la tête plus vite qu'il ne l'aurait voulu et recula lentement.

« Je suis désolé Hélène, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. J'ai passé une très bonne soirée et tu es une femme réellement charmante mais je ne peux pas accepter. »

Il avait parlé d'une voix douce, mais ne laissant place à aucune protestation. Le visage de la jeune femme se décomposa trait par trait et elle pinça les lèvres avant de soupirer.

« Je comprends oui, ne t'excuse pas. J'aurais dû me douter que ça ne pouvait pas être possible. Tu es trop parfait pour être célibataire. »

Les sourcils du blond se froncèrent immédiatement.

« Je te demande pardon? » demanda-t-il.

Elle laissa échapper un petit rire triste.

« Voilà, regarde simplement ta façon de parler. Tu es bien trop prévenant et bien trop maniéré… Soit tu venais d'un autre siècle, soit tu étais trop parfait pour ne pas être seul. Et vu que la première option était proscrite... Tu es un homme formidable, tu sais, et il doit l'être aussi. Enfin, excuse-moi, maintenant je vais aller me noyer sous la douche. Passe une bonne fin de soirée, Brett. On se voit lundi. »

Hélène se tourna pour composer le code de sa porte mais Steve ne l'entendit pas de cette oreille. Il saisit son bras et la fit se retourner avec douceur. Son regard s'ancra alors dans le sien. Il ignora la petite voix dans sa tête disant que ses yeux n'étaient pas aussi beaux que ceux de Tony.

« Hélène, je ne suis pas en couple, encore moins avec un homme, vraiment, c'est juste que... »

Elle ne lui laissa pas le temps de continuer et posa ses lèvres sur les siennes, entourant sa nuque de ses bras. Il resta coi les premières secondes avant de se détacher d'elle, rompant le baiser. Rouvrant les yeux, la brune afficha une mine qui en disait plus que n'importe quelles paroles.

« Passe un bon week-end, Brett. »

Rapidement, elle se détourna de lui, ouvrit sa porte et s'engouffra dans la noirceur du bâtiment sans regarder en arrière. Il resta planté devant la porte de l'immeuble pendant encore quelques minutes, avant de finalement reculer et prendre la direction de son propre appartement.

Steve se sentait vide. Il n'y avait tout simplement aucun mot pour décrire l'état dans lequel il venait de sombrer. Pendant les petites secondes qu'avait duré ce baiser, il n'avait pas pensé à Hélène, ni à la courbe de ses lèvres épousant les siennes, ni même à son corps, alors pressé contre le sien. Il n'avait eu que le souvenir de la pulpe des lèvres de Tony, du parfum de Tony, du corps de Tony.

Simplement Tony. Encore et toujours Tony.

Il fit le trajet dans un état de transe, semblable à celle qu'il avait connue quelques jours plus tôt, perdu dans un monde loin de la réalité. Ce n'est qu'une fois dans son hall, face à sa porte, qu'il se demanda comment il avait bien pu arriver sans s'en apercevoir. Il baissa machinalement la tête et chercha ses clés dans la poche de son blouson, quand son regard fut attiré par une petite boîte posée à ses pieds.

Fronçant les sourcils, il hésita quelques secondes à la prendre en main, avant de finalement la saisir et de voir qu'elle portait son nom. Rapidement, il ouvrit et entra chez lui, posant ses clés sur le petit meuble à l'entrée. Steve s'installa sur son canapé sans prendre la peine d'enlever sa veste, absorbé par l'objet entre ses doigts. Il avait bien une idée de qui cela pouvait provenir mais il ne savait pas s'il devait l'ouvrir ou non.

« Tu n'es qu'un lâche, Rogers », souffla la petite voix perfide de sa conscience qui aimait tant le tourmenter.

Il secoua la tête et ouvrit la chose sans effort. Il découvrit alors une petite fiole contenant un liquide incolore et une feuille de papier pliée, glissée en dessous. Fronçant les sourcils, il examina le petit contenant d'un œil critique, avant de le poser sur la table basse et de prendre la feuille dans ses mains. Il ne savait pas à quoi s'attendre, ni même à quoi il s'attendait.

Un long soupir résonna dans le silence de la pièce. Il finit par lentement déplier le mot, révélant une petite écriture serrée.

« Appelle-moi si tu veux la posologie.»


Steve ne l'avait évidemment pas appelé ce soir-là, ni même les soirs suivants. Il avait rangé cet élément dans un coin de sa tête et mis la boîte là où il ne serait pas tenté de la regarder. Les jours étaient passés, similaires aux précédents, rythmés par ses insomnies. Pourtant, il ressentait maintenant de nombreux signes de fatigue physique. Le tiraillement de ses muscles devenait de plus en plus présent, sans pour autant le faire souffrir.

Alors, il continuait de courir et de ne pas dormir.

Au centre, il écoutait d'une oreille assez distraite les avancées de Stark, qu'il n'avait pas revu depuis le premier jour. Tous parlaient de lui, excités et impatients de voir ce que l'ingénieur pouvait créer pour aider la médecine. Aussi, tous essayaient de lui parler de lui, mais il coupait toujours court à la conversation et s'en allait s'occuper d'une personne ou d'une autre.

Quant à Hélène... Elle lui adressait quelques sourires mais ne l'interpellait plus pour qu'ils discutent au détour d'un couloir.

Le blond aimait se cacher derrière ses œillères et ne cherchait pas à approfondir les paroles de la jeune femme à son propos. Steve Rogers, comme Brett Hendrick, aimait les femmes et il n'y avait pas à réfléchir à la question. Que la brune soit persuadée du contraire et du fait qu'il ne soit pas seul le gênait un peu, mais il ne voulait surtout pas à y penser plus que ça...

Enfin, il se voilait la face.

Il ne voyait pas comment s'y retrouver en tant que personne, dans ce monde où rien de ce qu'il avait connu n'avait subsisté. Être homosexuel n'était plus un tabou, peu importait le milieu social, et cela ne gênait plus que quelques irréductibles idiots. Bien entendu, il n'avait lui-même rien contre ces gens et, tout comme lorsqu'il avait compris qu'il n'existait plus de ségrégation raciale, il était heureux qu'il existe une certaine égalité qu'il n'avait pas connu à son époque.

Steve était assis sur la pelouse d'un parc, face au pont de Brooklyn. Les lumières du crépuscule jouaient sur les reflets de l'East River. Dans quelques jours, Stark annoncerait qu'il avait terminé le prototype qui permettrait à Eddy de remarcher, ajoutant à son palmarès une autre belle action. Il était d'ailleurs prévu qu'il annonce ses progrès lors d'une conférence de presse, dont la date restait encore à déterminer, selon les résultats.

Le directeur et le docteur Adams avaient personnellement remercié l'ancien militaire d'avoir réussi à ramener un mécène aussi riche et talentueux que l'était Tony. Là aussi, Steve avait balbutié quelques mots avant de trouver un prétexte pour ne pas parler de lui. Il fuyait tout ce qui, de près ou de loin, lui faisait penser à cet homme. Il ne voulait certainement pas admettre que la présence dans sa vie avait été comme un salut, une lueur salvatrice dans son monde d'ombres, ni même qu'il lui manquait.

Surtout pas qu'il lui manquait.


Lorsqu'il entra dans la salle de jeux ce jour-là, Steve ne s'était pas préparé à trouver Tony, agenouillé devant Eddy dans son fauteuil roulant, lui expliquant vraisemblablement quelque chose. Près de la fenêtre, le docteur et la marraine d'Eddy discutaient. Il eut l'impression qu'une pierre venait de lui tomber dans l'estomac quand l'ingénieur tourna la tête vers lui, insondable. Le petit garçon, lui, semblait ravi de le voir.

« Brett ! Brett ! Tony a fini ! Il a fini de me fabriquer mon médicament ! » fit-il en lui adressant le plus grand des sourires.

Immédiatement, il fut près de l'enfant et le prit dans ses bras, le serrant comme si c'était son propre fils.

« C'est vraiment génial, bonhomme ! Tu vois, je t'avais bien dit qu'il trouverait une solution. »

Sans qu'il ne puisse rien y faire, son regard croisa celui de Tony, son cœur s'emballant, sa respiration devenant laborieuse. Le brun soutint son regard, une expression fermée sur le visage, indéchiffrable. Ce fut le médecin qui rompit leur contact visuel, tapant dans ses mains en se tournant vers eux.

« Madame Wesson nous a donné son accord pour que l'on opère Eddy. Nous allons programmer ça le plus vite possible, puisque monsieur Stark nous a fourni directement les appareils afin que l'on puisse agir rapidement. Mon grand, nous allons essayer de faire en sorte que tu puisses remarcher, mais attention, il y a quand même un risque que ça ne fonctionne pas comme tu l'espères », dit-il en s'adressant à Eddy, la mine sérieuse.

Ce dernier secoua la tête, comme si ce que disait le docteur ne l'intéressait pas.

« Tony vient de tout m'expliquer, j'ai tout compris. »

L'ingénieur sourit au petit garçon et se releva souplement, son regard toujours fixé sur Steve.

« Je vais y aller, mais promis je serai là quand tu te réveilleras de ton opération, bonhomme. »

Il se tourna vers le médecin, bien plus avenant qu'une seconde auparavant.

Un pincement se fit sentir dans la poitrine du blond.

« Richard, communiquez-moi toutes les infos dès que vous les aurez, je tiens à y assister. »

Il parla d'une voix ferme et sûre, celle qu'il devait certainement prendre lorsqu'il s'adressait aux dirigeants de son entreprise. Tony ébouriffa les cheveux de l'enfant et sortit de la pièce sans plus regarder en arrière.

Steve fut alors confronté de plein fouet à la réalité, celle qu'il avait tant essayé de fuir mais qu'il avait compris depuis bien longtemps.

Il était irrémédiablement et immanquablement attiré par Tony Stark.


Ses poings heurtaient violemment le sac de frappe, s'enfonçant dans le cuir avec rapidité et précision, le bruit du choc résonnant dans la pièce. Il soufflait à chaque coup, expirant sa colère.

Steve s'acharnait sur l'objet depuis plusieurs minutes avec une rage qu'il avait du mal à contenir. Il était presque quatre heures du matin et il avait passé la nuit à malmener son corps dans son intégralité. Une fois encore, il se battait contre lui-même. Le blond n'arrivait tout simplement pas à évacuer tout ce qu'il ressentait, à cause de sa dernière rencontre avec Tony.

Lorsque le cuir craqua, il recula et épongea son front, la sueur roulant sur son visage. Depuis le premier appel nocturne de l'ingénieur, il ne comptait plus les moments comme celui-ci, où il n'avait plus aucune emprise sur ses propres émotions. Mais, pourtant, il continuait de se débattre, ne voulant surtout pas regarder les choses telles qu'elles étaient. Il soupira et se laissa tomber sur un banc non-loin, les épaules affaissées. La confusion lui brouillait l'esprit. Il savait qu'il n'allait pas bien, que ce soit psychologiquement ou physiquement.

Il ne pouvait plus. Comment savoir qui il était, sans arriver à assumer ce qu'il ressentait ? Steve devait s'accepter pour pouvoir avancer. Et il le savait, cela passerait par Tony Stark.

Tony putain de Stark.

Il se releva avec souplesse, attrapa sa serviette et la posa sur son épaule, tournant le dos au sac fissuré de part et d'autre. En partant, il laissa une poignée de billets dans la boîte aux lettres de la salle de sport.

Le trajet jusqu'à chez lui fut court. Une fois arrivé, il se dépêcha de prendre une douche et de s'installer dans son lit, seulement vêtu de son boxer. Il fallait qu'il l'appelle, qu'il s'excuse, qu'ils s'expliquent.

Le portable à la main, il composa le numéro de tête.

Son cœur s'emballa dès qu'il entendit les tonalités. Au bout de la troisième, l'autre décrocha.

« Rogers ? »

Steve savait que ce ne serait pas facile. Il déglutit et passa une main dans ses cheveux.

« Tony. Je suis désolé de t'appeler encore en pleine nuit, mais... Je crois qu'il faut qu'on discute. Mon comportement de ces dernières semaines a été inacceptable. Je suis vraiment désolé d'avoir été aussi bête et de t'avoir frappé. Je n'aurais pas dû... Enfin, excuse-moi, je suis vraiment désolé. »

Il avait tout dit d'une seule traite, sans prendre le temps de se laisser respirer. Les muscles de ses cuisses se contractaient sans qu'il ne puisse les contrôler.

Un grognement lui répondit.

« Écoute, je suis pas seul. Fallait te réveiller avant. A plus. »

Il raccrocha.

Le cœur de Steve éclata en morceaux.


L'opération d'Eddy eut lieu la semaine suivante. Le petit garçon avait tenu à ce que Steve l'accompagne aussi. Ce dernier avait alors pris sa journée, faisant fi de ses états d'âme, une fois encore, pour lui. A l'hôpital, alors que l'enfant était parti avec les médecins pour de nombreuses heures d'opération, l'ancien militaire était resté avec Paola et son compagnon. La journée avait été longue et terriblement stressante. Ce ne fut que le soir venu, alors que la nuit était tombée, que les chirurgiens vinrent les trouver pour annoncer la réussite de l'opération. Le petit était en salle de réveil à l'instant où ils discutaient.

L'émotion les submergea. Les médecins soulignèrent la générosité et l'ingéniosité de Stark. Si ce qu'il avait créé remplissait son office, les paraplégiques et tétraplégiques voyaient leurs chances de revivre normalement multipliée par plusieurs dizaines. Il s'agissait d'un pas de géant pour le progrès médical.

Dans tous les cas, ils seraient fixés plusieurs jours plus tard, lorsqu'Eddy se serait remis de la chirurgie et que son corps semblerait accepter ce nouveau composant. A ce moment-là, Stark apparut et arriva vers eux. Il discuta un peu avec Paola avant qu'elle ne l'embrasse, les larmes roulant sur ses joues.

« Vous n'avez pas besoin de votre armure pour être un héros. »

Ce fut comme s'il se prenait une gifle. Son regard croisa celui du super-soldat, avant de rendre son étreinte à la femme dans ses bras, fermant les yeux.

Steve se sentait incroyablement blessé, pour ne pas dire dévasté, depuis qu'il l'avait eu au téléphone. Mais, à l'instant où il avait pu voir les orbes chocolat, il n'avait ressenti qu'une colère sourde envers l'ingénieur, une colère qui avait parcouru son corps comme un frisson. Il parlerait avec Stark. Il ne pouvait décemment pas accepter d'être jeté comme un vieux mouchoir usagé, pas après avoir enduré des jours de souffrance psychologique, à se demander le pourquoi du comment.

Non, Steve ne s'était pas fait du mal pour rien, n'avait pas accepté pour finalement baisser les bras. Lorsqu'il eut fini de discuter et se retourna pour partir, le blond s'excusa auprès des médecins et de la famille d'Eddy avant de s'élancer derrière lui, déjà hors de vue. En quelques enjambées, il était face à l'ascenseur, les portes commençant à se fermer. D'un coup d'épaule, il força l'appareil sous l'expression médusée de Stark, seul dans la cabine. Les portes se refermèrent immédiatement après.

Steve se tourna vers le brun, qui l'observait comme on observe un fou.

« Tony, il faut vraiment qu'on discute », fit l'ancien militaire en le regardant droit dans les yeux.

Le milliardaire fronça les sourcils, son visage se fermant complètement.

« J'ai rien à te dire Rogers. Tu arrives après la guerre cette fois. »

Son ton était froid et dur. Rien à voir avec celui qu'il utilisait avant... Avant qu'il ne le frappe.

Une rage sans nom jaillit en Steve comme la lave d'un volcan entrant en éruption. Il plaqua ses mains de part et d'autre de la tête de Tony avec une telle force que l'appareil s'immobilisa, faisant trembler les murs de métal. L'atmosphère était lourde entre les deux hommes. Ils partageaient presque le même air. Leurs yeux semblaient liés et l'ingénieur ne montrait aucun signe de surprise. Au contraire, un rictus tordait sa bouche tandis qu'un de ses sourcils se haussait de façon sardonique. Steve l'ignora.

« Tu ne peux pas dire ça, on ne peut pas rester comme ça ! » souffla-t-il, sentant son rythme cardiaque arriver à son maximum.

Le regard brun devint cynique.

« Voilà que tu redeviens violent... Qui aurait cru que le petit gendre parfait de l'Amérique soit de ceux qui s'expriment avec leurs poings plutôt qu'avec leur langue ? »

Ces mots donnèrent l'impression à l'ancien militaire de plonger dans un bain de glace. Steve recula doucement, les yeux baissés, à la manière d'un animal blessé.

« Je ne suis pas le petit gendre parfait de l'Amérique. Toi, en revanche, tu es bien le connard prétentieux que tous dépeignent, même si je mérite ta colère et que je n'aurais jamais dû lever la main sur toi. Je voulais vraiment qu'on discute, que tu me laisses une chance de m'expliquer. »

A ce moment-là, l'appareil s'ébranla à nouveau et quelques instants plus tard, les portes s'ouvraient sur le rez-de-chaussée. Tony s'avança, ne regardant plus Steve.

Ce dernier ne sut pas qu'une boule grossissait dans la gorge de l'ingénieur.

« On s'est tout dit il y a quelques temps, lorsque je ne pensais pas à toi en ayant mal au cœur. »


Eddy remarcha. Ce fut un des plus beaux jours que Steve ait pu vivre depuis très longtemps. Il s'était attaché au gosse plus qu'il ne l'aurait dû. Aussi, lorsque presque un mois après sa chirurgie, l'enfant refit ses premiers pas en agrippant les barres de soutien métalliques, il sentit les larmes embuer ses yeux. Ce n'était que quelques centimètres mais les faits étaient là. Il remarcherait grâce à l'implant qu'avait développé Tony pour lier les deux parties de sa moelle épinière brisée.

Les médias s'emparèrent de l'affaire et une déferlante de journalistes envahit l'entrée du centre pendant plusieurs jours. Ainsi, la conférence de presse aurait lieu dans peu de temps et Stark pourrait annoncer sa réussite au monde entier. Steve y était bien entendu invité en tant que personnel du centre, ainsi qu'au gala suivant la conférence. A vrai dire, il n'avait aucune envie d'y mettre les pieds pour plusieurs raisons.

La première, la plus évidente, était Tony lui-même.

Il ne savait plus quoi penser, plus quoi faire, en ce qui concernait l'ingénieur.

Beaucoup de choses le rendaient encore plus confus qu'il ne l'était déjà, et dieu seul savait qu'il l'était énormément. Le fait qu'il ait aidé le petit garçon à sa demande le rendait un peu perplexe mais ne l'étonnait pas outre-mesure. Après tout, il n'était pas tout à fait le salaud qu'il lui avait dit être. Cependant, en plus de cela, il avait tout de même continué d'essayer d'aider Steve, même après que celui-ci lui ait démonté la mâchoire. Enfin, la chose la plus troublante était ses derniers mots.

« On s'est tout dit il y a quelques temps, lorsque je ne pensais pas à toi en ayant mal au cœur. »

Il n'y avait là aucune ambiguïté. Steve lui avait clairement fait du mal en l'ignorant, certainement même plus qu'en le heurtant physiquement. Bien qu'il ne se sente toujours pas prêt à assumer tout ce qu'il pensait, il détestait savoir qu'il l'avait blessé par son silence et son attitude bornée. Il avait envie de se rattraper et ne savait absolument pas comment.

Le second problème était tout aussi compliqué. Il ne savait pas s'il devait y aller parce qu'il voulait tout simplement ne pas être reconnu. Cela engendrerait trop de questions, les gens se sentiraient lésés et l'ancien militaire aurait beaucoup de mal à assumer le fait qu'il s'était caché pendant des mois à la vue de tous.

Pourtant, il avait envie d'assister à cet événement qu'il savait très important et qui, en partie, était le fruit de son initiative. Il soupira, affalé dans son canapé, les yeux perdus dans le blanc de son plafond. Il était épuisé. Un petit tintement lui fit froncer les sourcils. Steve se releva un peu et avisa son cellulaire. L'appareil était allumé.

Intrigué, et le cœur battant déjà plus fort, il sortit de sa léthargie pour aller l'attraper. Il eut l'impression que ses entrailles avaient fait un looping.

Un texto. Un texto de Tony.

C'était tout simplement inespéré, insensé. Plus fébrile qu'il ne l'admettrait jamais, il ouvrit le message.

« Si le fossile que tu es arrive à lire un texto, sache que je t'emmènerai avec moi après la soirée. C'est non-négociable. »

Plusieurs sentiments envahirent le blond et il décida d'écouter son instinct. Se réinstallant sur son canapé, il fit de son mieux pour taper sa réponse rapidement. Peut-être qu'il dépasserait les bornes. Il tenta le tout pour le tout.

« Je n'ai aucun ordre à recevoir d'un enfant braillard et capricieux. »

Il se souvint alors de l'horrible sentiment de jalousie qui l'avait pris lors de leur dernier échange téléphonique.

« Tu devrais emmener la personne avec qui tu étais l'autre jour. »

Un nouveau tintement ne tarda pas à retentir.

« J'étais seul, l'autre jour. Je voulais t'emmerder.»

Puis un autre.

« Je te montrerais bien que je suis un adulte normalement constitué si tu n'allais pas me maltraiter avant de m'émasculer. »

Il se détendit enfin.

« Je ne rentrerai pas dans votre petit jeu Stark. »

« Mh, sentiment de déjà vu... Steve ? »

« Tony ? »

« Je suis désolé. Pour tout. »

« Moi aussi. »

« On fait la paix et on va jouer au gendarme et au voleur ? »

« Seulement si tu fais le voleur. »

« Comme par hasard... »

Steve respirait mieux, maintenant.


Il était face à son miroir, habillé d'un costume trois pièces qu'il avait acheté la veille, pour l'occasion. Noir, bien coupé, il lui allait très bien et le vendeur le lui avait d'ailleurs assuré. Pourtant, quelque chose le gênait énormément. Il avait laissé pousser son collier de barbe encore plus qu'habituellement et il avait l'impression de ne ressembler à rien.

Sa main passa sur sa joue et il grimaça. Sa seule envie était de prendre son rasoir et de tout enlever. Steve n'était pas un homme superficiel, se souciant de son apparence outre-mesure. Il avait simplement du mal à ne pas se reconnaître du tout en se regardant dans cette glace.

Il devrait pourtant s'y faire. Faisant comme s'il ne s'était pas vu, il sortit de sa salle de bain et mit ses chaussures cirées, achetées dans le même magasin que le reste. Il avait eu envie de neuf, comme cela lui arrivait rarement.

La perspective de se retrouver avec Tony après l'événement le tendait, et ça avant même qu'il soit entré dans le taxi l'attendant devant chez lui. En plus de cela, quelque chose lui remuait l'estomac de façon anormale. Il décida de ne pas y faire attention.

La conférence de presse et le gala avaient été organisés dans un hôtel luxueux au centre de Manhattan. De nombreux photographes attendaient sur le parvis, à l'affût, voulant mitrailler chaque personne invitée. Immédiatement, Steve eut l'envie de rentrer chez lui et de ne pas affronter l'armée pouvant le démasquer. Néanmoins, il respira un bon coup, paya le taxi et sortit rapidement, sans pour autant paraître suspect.

Alors que les flashs l'aveuglaient, il se félicita mentalement de ressembler à un bûcheron canadien endimanché et non pas à lui-même. Il montra son invitation au vigile et put pénétrer dans le hall somptueux, où d'autres journalistes prenaient place. L'ancien militaire se dit alors que c'était décidément une des idées les plus idiotes qu'il ait jamais pu avoir. A sa droite, un autre homme semblait aussi perdu qu'il l'était, regardant partout autour de lui. Son malaise grandissait.

Il aperçut alors le docteur Adams et décida d'aller dans sa direction, heureux d'enfin voir un visage familier. Cependant, des vibrations dans sa poche lui firent prendre son portable et s'arrêter.

« Happy va venir te chercher. Je voudrais te voir avant de commencer. »

Au même moment, il vit à sa gauche un homme se diriger vers lui d'un pas décidé avant de lui faire signe.

« Monsieur Stark vous attend en haut. Il a l'air... Impatient. »

Steve décida de ne pas répondre et le suivit sans poser de question. La confrontation arriverait donc plus tôt que ce qu'il pensait.

Deux minutes plus tard, il était devant la porte de la chambre de l'ingénieur et ses mains étaient devenues moites. Le garde du corps toqua, ouvrit sans attendre de réponse et referma la porte derrière lui.

La pièce était indécemment immense, décorée d'un savant mélange de rouge, de gris et de cuir. Le super-soldat faisait tout pour rester stoïque, même lorsqu'il aperçut le milliardaire face à la baie vitrée du fond de la pièce. Il avait une vue imprenable sur le ciel crépusculaire de cette journée de fin d'été.

Tony se retourna. Il portait un costume noir lui aussi, accordé à une chemise d'un bleu de glace et une cravate sombre. Ils se dévisagèrent pendant un petit moment avant que l'ingénieur ne s'avance, un sourcil levé et un scotch à la main.

« Tu as pris dix ans d'un coup avec cette coupe de barbe Cap, autant te dire que tu fais pas tout jeune. »

Steve secoua la tête en souriant doucement.

« Je sais bien. Je déteste franchement mais je n'ai pas le choix si je ne veux pas que tout le monde hurle en me voyant. »

Le brun prit un air supérieur et posa son verre sur une table en acajou.

« Non, ça c'est quand on me voit moi. »

Le blond se détendit un peu avant de soupirer. Il voulait rapidement en venir au fait. Cela faisait trop longtemps qu'il se torturait l'esprit pour accepter de faire des simagrées.

« Pourquoi m'as-tu fait monter Tony ? Je croyais que nous devions nous retrouver après, enfin c'est ce que tu... »

Il ne termina pas sa phrase.

Les lèvres de l'ingénieur étaient posées sur les siennes. Il eut l'impression que tout son corps s'était éteint d'un coup, avant que son cœur n'explose, que sa chair n'exulte. Il passa ses bras autour de la taille de l'autre homme et lui rendit son baiser. Leurs bouches se caressèrent doucement pendant un instant qui dura à la fois une seconde et mille ans. Steve se souvenait avec une précision terrifiante de la pulpe des lèvres du brun, de leur goût, de leur courbe. Il eut l'impression d'enfin se sentir vivant.

Pourtant, il rompit le baiser et enfouit son visage dans le cou de Tony, cachant la rougeur de ses joues. Ce dernier enserrait sa nuque de ses deux bras, la tête posée sur son épaule.

« Tony... Je ne suis pas prêt pour ça. Je ne sais pas où j'en suis, je ne sais plus qui je suis... »

Il sentit le corps de l'autre homme s'appuyer un peu plus sur le sien.

« Je sais Cap, je sais... Bienvenue au club. »

Il posa son front sur celui de Steve, les yeux clos. Ils respiraient le même air.

« Écoute. Je sais que j'ai été un connard la dernière fois. Tu as aussi été un connard. Nous sommes deux gros handicapés sentimentaux et... Steve, on efface tout et on recommence. Cette histoire me rend encore plus fou que je ne le suis déjà. Je sais pas ce qui se passe entre nous, mais c'est là, et même si je te demande pas d'accepter ce truc, je voudrais juste qu'on puisse se voir. »

Le blond se dégagea lentement de leur étreinte maladroite et le regarda, plongeant dans le regard qui l'avait tant troublé. Il y avait déjà tellement réfléchi, il avait déjà tellement retourné le problème dans tous les sens, il avait déjà tant souffert qu'il n'allait pas faire marche arrière.

« Je n'ai pas dormi depuis tant de jours que j'ai arrêté de les compter. Je devenais fou, tu me rendais fou alors même que nous ne nous parlions plus. Je me suis enfermé... Parce que je sais que je ne peux pas assumer ce qui se passe entre toi et moi. Mais je sais que j'ai du mal à vivre sans. »

Il s'arrêta. Pour reprendre sa respiration, pour mettre de l'ordre dans ses idées. Tout allait trop vite.

« Tony, laisse-moi du temps. J'en peux plus de me prendre la tête, je suis vraiment usé, alors s'il te plaît, attends un peu. »

Ils ne se quittaient pas du regard. Un bruit derrière la porte les fit alors se tourner vers elle.

« Monsieur Stark, vous êtes là ? Vous commencez dans cinq minutes ! » fit une voix féminine.

Steve secoua la tête.

« On en discutera plus tard. Maintenant, il faut que tu présentes ton nouveau bébé », dit-il en souriant gentiment à l'ingénieur.

Ce dernier lui rendit son sourire et prit l'air de canaille qui lui était habituel.

« T'inquiète pas Cap, je te kidnapperai après tout ça.

- Tu kidnappes des grabataires maintenant ? » demanda le super soldat en levant un sourcil narquois.

Ils souriaient.


Il y eut le trajet jusqu'à la salle de conférence, où leurs mains s'effleurèrent, parfois, sans le vouloir, sans l'assumer.

Il y eut les journalistes, posant leurs questions, s'agglutinant autour d'eux, à leur arrivée.

Il y eut les flashs aveuglants des appareils photos hors de prix.

Il y eut le sourire de Tony, le rire de Tony, qui montait sur l'estrade.

Il y eut le pressentiment de Steve, grandissant, enflant, étouffant.

Il y eut d'autres flashs, d'autres questions, d'autres rires.

Il y eut le bruit d'une arme que l'on charge.

Il y eut Steve, écartant les journalistes, sautant devant Tony.

Il y eut les coups de feu.

Il y eut les hurlements, l'agitation, la foule.

Il y eut le sang, dans sa bouche.

Il y eut Steve, tombant dans les bras de Tony.

Il y eut le regard de Tony, les cris de Tony.

Puis, il n'y eut plus rien.


Un bip régulier lui vrillait les tympans. Steve ouvrit les yeux pour immédiatement les refermer, assailli par un mal de crâne terrible. Quelqu'un bougea à sa droite, un tissu tomba à terre. Il fit un effort surhumain pour rouvrir ses paupières. Une douce petite lumière était diffusée dans la chambre. Alors que l'odeur caractéristique des antiseptiques s'insinuait dans ses narines, il comprit qu'il était à l'hôpital.

Doucement, il tourna la tête vers l'endroit où il avait cru entendre du bruit et tomba nez à nez avec Tony. Tony, qui le regardait comme si c'était la première fois qu'il le voyait vraiment. Il voulut parler mais ne réussit qu'à s'étouffer, sa gorge horriblement sèche et irritée. L'ingénieur se leva d'un bond et lui servit un verre d'eau qu'il l'aida à boire, gorgée après gorgée. Il ne pouvait pas se lever. De nombreux fils et tuyaux le reliaient à des machines qui affichaient son rythme cardiaque et tout un tas d'autres données.

Le brun l'aida à reposer sa tête sur l'oreiller derrière lui. Il prit place au bord de son lit et l'observa sans un mot pendant de longues minutes. Steve essaya de parler une nouvelle fois mais sa gorge et sa poitrine lui faisaient mal, ne laissant échapper qu'un sifflement aigu. Tony secoua la tête et se mit à regarder la porte.

« Je suis désolé Steve, je crois que j'ai fait une connerie. Tu me diras, ça change pas de d'habitude mais... Cap, l'Amérique entière sait que tu n'es pas mort. »

L'ancien militaire s'étouffa pour de bon avant d'essayer de se relever, faisant fi de la brûlure lancinante dans son corps. Il fut stoppé par les deux mains de l'ingénieur, le remettant sur le lit avec une douceur étrange. Son rythme cardiaque s'emballait, ses poumons le brûlaient.

« Calme-toi, sinon je vais me faire virer et toi tu vas devoir supporter les tests des infirmières de nuit. »

Le blond souffla et serra les dents. Une main de feu lui enserrait le système respiratoire. Il essaya de l'ignorer au prix d'un effort surhumain.

Tony se replaça à ses côtés, lissant distraitement les draps de sa main droite, les yeux rivés sur le tissu.

« J'ai pas fait exprès de leur dire tu sais. Mais je n'ai pas eu le choix... Tu m'as pas donné le choix. »

Steve fronça les sourcils, accentuant alors son mal de tête. Que faisait-il là bon sang ?

Un mouvement plus vif lui fit baisser les yeux vers les doigts du milliardaire. Il tremblait.

« Qu'est ce qui t'a pris, putain ? Tu avais des envies suicidaires ? Tu es le seul qui ait compris ce qui se passait et quoi ? Tu sautes pour te mettre entre les balles et moi... »

Sa voix était basse, rauque. Comme ses mains, elle tremblait. La douleur dans le dos du blond lui parut plus claire, plus nette. Il se souvint.

Il se souvint avoir eu cet horrible pressentiment, d'avoir entendu le bruit si caractéristique d'un pistolet que l'on arme, de s'être jeté sur l'estrade devant Tony.

Il se souvint de l'impact de la balle. Il se souvint de la douleur entraînée par son omoplate explosant.

Il se souvint de la douleur dans sa poitrine au deuxième coup. Il se souvint du sang montant de sa gorge, inondant sa bouche.

Il se souvint des yeux de Tony.

Alors qu'il allait faire une nouvelle tentative de parole, un corps se collait avec précaution contre le sien. Tony pleurait.

« Putain de merde Steve, t'as failli y passer... T'étais à un demi-centimètre de la mort, dans mes bras, devant trois cent putain de personnes... Il faut vraiment faire soigner ton complexe du super héros… Tu pouvais pas faire plus cliché... »

Steve sentait les larmes de l'ingénieur glisser sur sa peau. Il passa sa main autour de son cou et soupira. Il était fatigué. Il avait mal. Mais Tony allait bien et c'est tout ce qui comptait, à présent.


En tout, Steve resta plusieurs semaines à l'hôpital, soigné et choyé par les médecins comme les infirmières. Son omoplate droite avait explosé à l'impact de la balle, des fragments d'os s'éparpillant dans tout son thorax avant que la seconde balle ne frôle sa paroi pulmonaire de façon quasi-mortelle.

Il avait dû être opéré en urgence et la chirurgie avait duré plusieurs heures où il avait joué le funambule entre la vie et la mort. Ensuite, il était resté dans le coma quelques jours, le temps pour son corps de reprendre des fonctions à peu près normales.

Le tapage médiatique avait très vite été endigué par Tony et une bonne armée d'avocats, mais tous savaient dorénavant que Captain America était non seulement bien vivant, mais qu'il avait sauvé la vie de l'Iron Man.

Quant au tireur, il avait agi de façon désespérée après que sa femme et son fils soient décédés d'un accident de voiture. Le fait que l'ingénieur ait mis au point un système pour aider les personnes étant sorties vivantes de ce type d'horreurs lui avait fait totalement perdre le peu de raison qui lui restait.

Beaucoup de choses s'étaient passées, mais le milliardaire faisait tout pour le ménager. Il voulait faire en sorte qu'il ait une vie normale à sa sortie. Enfin, dans la mesure du possible lorsqu'on était le héros de toute une nation.

Protégé par les murs de l'hôpital, Steve ne se préoccupait pas, ou peu, de ce léger problème. Il arrivait à dormir, il voyait Tony tous les jours et c'est tout ce qui lui importait. Parfois, il avait la visite de quelques personnes du centre, qui occultaient le fait qu'ils aient Captain America face à eux. Il était Brett et c'était tout.

L'avant-dernier jour de son séjour, vers seize heures, alors qu'il discutait avec Tony assis sur son lit, on toqua à la porte.

L'ingénieur adorait draguer les infirmières et les faire devenir cramoisies. Aussi, il alla ouvrir avec l'intention de faire son numéro de charme mais son visage se ferma lorsqu'il vit qui voulait entrer. Steve fronça les sourcils.

Sans mot dire, Tony s'effaça et laissa Hélène pénétrer dans la pièce, une boîte de pâtisseries dans la main. Elle s'avança vers le blond en lui souriant, penaude.

« J'espère que je ne dérange pas. Je voulais juste te porter ça, puisque je sais que tu les adores. Et... »

La jeune femme se tourna vers le milliardaire, qui gardait les bras croisés au fond de la chambre, avant de revenir sur Steve.

« Je voulais te dire que je suis désolée pour ce que j'ai pu te dire l'autre fois. Avec les événements... J'ai compris beaucoup de choses. Mais apparemment, je ne me suis pas trompée sur l'essentiel. »

Elle jeta un œil rapide au brun avant de hausser les épaules et de sourire.

« Je pourrais dire que j'ai volé un baiser à Captain America à mes copines ! »

Ils rirent ensemble, puis discutèrent un peu avant qu'elle ne s'en aille, non sans avoir déposé un baiser sur sa joue. Lorsqu'elle eut fermé la porte derrière elle, Tony haussa un sourcil, regardant le super-soldat, qui fronça les siens.

« Alors comme ça, vous vous êtes embrassés ? »

Steve roula des yeux et se mit à pouffer.


Le jour de sa sortie était arrivé. Il était redevenu autonome et ne gardait quasiment plus aucune trace de l'accident, pas même une cicatrice, et son système respiratoire était en bien meilleur état. Même s'il doutait pouvoir courir à la même cadence la première fois, Steve avait hâte de se remettre au sport.

Une nouvelle vie l'attendait, dehors. Il avait l'impression d'être revenu en arrière, presque une année auparavant. Tant de choses s'étaient passées, depuis. Il avait une chance de recommencer à zéro, d'enfin être lui-même sans se cacher dans la peau d'un homme qu'il n'était pas. Il pourrait enfin être Steven Rogers.

Il était dans la salle de bain et se regardait dans le miroir. Dans la trousse de toilette que Tony lui avait porté, un rasoir et de la mousse à raser semblaient l'attendre. Il prit son temps, fit les choses bien. Les lames de rasoir passèrent sur sa peau une fois, deux fois, trois fois. Dans le lavabo rempli d'eau, les traces de Brett Hendrick disparaissaient petit à petit.

Il posa le rasoir sur la faïence immaculée. Pour la première fois depuis des mois, il se reconnut enfin.

Tony vint le chercher plus tard dans la journée. Il ne fit aucun commentaire mais ses yeux en disaient long. Alors que le milliardaire prenait le dernier sac du blond, il lui fit signe d'attendre. Ce dernier le regarda partir hors de la chambre avec un air étonné. Puis, il entendit des bruits venant du couloir. Il sortit.

Eddy arrivait vers lui, aidé par une paire de béquilles. Au fond du couloir, Paola lui fit un signe de la main.

Un sourire immense fendit le visage de Steve. Il s'avança et enlaça le petit garçon.

Il était bien.


La vie reprit son cours. Steve mit du temps à se retrouver mais il était apaisé. Tony avait fait un travail colossal et personne ne vint lui demander quoique ce soit. Il dormait, rêvait de nouveau.

Tous les jours, il voyait l'ingénieur.

Bientôt, tout ne fut plus qu'une évidence.

Ils s'embrassèrent pour la première fois depuis l'accident sur la terrasse de la Tour Stark, alors que les premiers flocons de neige tombaient sur New-York.

Ils firent l'amour pour la première fois dans la chambre Tony, à la seule lumière de l'aube de ce mois de décembre.

Ils s'engueulèrent pour la première fois le jour même.

Ils ne se quittèrent plus.

Emmitouflé dans son manteau et son écharpe, Steve porta son dernier carton d'affaires à la Tour Stark un froid jour de janvier.

Il s'acceptait, tel qu'il était. Il aimait Tony et ne pensait plus au reste.


La journée avait été riche en événements, puisque Tony avait présenté un nouveau projet destiné à la recherche médicale. Il avait participé à une conférence de presse, où il y eut plus d'agents de sécurité que de journalistes. Bien sûr, ils ne s'affichaient pas en public, mais Steve aimait être avec lui.

A présent, les deux hommes rentraient d'une vente aux enchères destinée elle aussi à la recherche, où le milliardaire s'était évidemment fait remarquer sans effort.

« Non, Tony, tu ne pouvais vraiment pas dire que le tableau était moins artistique que ton vomi éclaboussant une voiture !

- Mais, écoute, il était vraiment salement dégueulasse ce truc, qui aurait voulu avoir ça dans son salon ? Je me le demande ! »

Steve soupira d'un air las.

« Il valait plusieurs centaines de milliers de dollars ce « truc », comme tu dis. »

L'ingénieur grogna alors qu'ils pénétraient dans la Tour.

« Raison de plus. Je préfère mon vomi, ou même le tien ! »

Ils continuèrent leur conversation jusqu'au salon du dernier étage. L'ingénieur fit taire Steve de la manière la plus agréable qu'il ait pu trouver et l'embrassa en le poussant vers le comptoir du bar, où leurs affaires reposaient sagement.

Leurs mains se faisaient baladeuses et bientôt leurs vestes et chemises rejoignirent le carrelage mat. La bouche du brun passait sur la peau de son cou très lentement, faisant frissonner et gémir son partenaire.

Ils s'embrassèrent encore, torse nu contre torse nu, comme si leur vie en dépendait, quand le téléphone de Steve se mit à vibrer sur le marbre noir. Tony glissa sur la mâchoire du blond jusqu'à son oreille, qu'il lécha, avant de murmurer :

« Décroche, Cap... »

Soufflant, Steve attrapa l'appareil, une langue et des lèvres talentueuses butinant sa chair. Il décrocha sans prendre le temps de regarder qui l'appelait à une heure pareille.

« Oui, allo ? » dit-il en grognant d'appréciation alors qu'une main passait sur ses fesses.

- Steve... C'est moi. »


"I'm giving you a nightcall, to tell you how I feel

I'm gonna drive you, through the night, down the hills

I'm gonna tell you something you don't want to hear

I'm gonna show you where it's dumped, but have no fear

There something inside you, it's hard to explain

There something inside you boy, and you're still the same"

London Grammar


Fin de la dernière partie

J'espère que vous ne m'en voulez pas trop pour ce cliffhanger final... Aussi, je n'avais pas prévu d'écrire une suite, mais au fur et à mesure de l'écriture, je me suis aperçue que certaines choses valaient le coup d'être encore développées. Donc, je pense pouvoir vous assurer que la suite, sous une forme encore inconnue, verra le jour l'année prochaine. Je pense qu'il est assez évident de comprendre qui téléphone à Steve... Mais je ne dis rien, sait-on jamais.

J'ai adoré écrire cette histoire, merci encore, à vous, qui l'avez suivie jusqu'au bout !