CHAPITRE TRENTE DEUX


La nuit était tombée pendant que les images défilaient sur l'écran de toile blanche – et depuis un bon moment à en juger par l'obscurité calme diffusée par la voûte ensorcelée de la Grande Salle. Le public oscillait entre torpeur assoupie et impatience, tandis que les délibérations traînaient en longueur.

Le coin où s'étaient rassemblés dignitaires, personnalités politiques, juges et huissiers, bruissait de discussions assourdies par des protections magiques assurant leur intimité. On pouvait seulement les voir s'assembler en petits groupes, certains membres passant des uns aux autres, parfois rejoints par des juges qui leur rappelaient le droit sorcier, ou par les Langues-de-Plomb qui leur rappelaient le droit spécifique à Talos.

Parfois, le Ministre faisait signe à un Auror ou à un secrétaire pour l'attirer. Une fois dans la bulle de discrétion, il donnait ses instructions et les sorciers repartaient rapidement pour les exécuter.

Leurs sièges parfaitement alignés au centre du cercle central, les Rowane patientèrent un bon moment, en silence d'abord, pensifs, perdus dans leurs univers. Puis l'attente se faisant sentir, ils commencèrent à jeter des coups d'œil furtifs aux alentours, essayant de jauger l'état d'esprit de leurs compagnons. L'un se racla la gorge, l'autre tapotait le bord de la chaise… Soudain Théodore se leva, attirant l'attention de tout le monde – et leur crainte : allait-il se lancer dans une litanie de reproches à l'encontre du public et du Ministère ?

Mais Théodore se contenta de se diriger vers le siège occupé par Millie, il écarta ses jambes et s'agenouilla devant elle, posant sa tête dans son giron et entourant son large buste de ses bras. Il leva vers elle un regard émerveillé, rougissant.

- « Alors c'était toi… Je me suis posé tellement de questions, tu sais ? Et puis j'ai honte de ne pas avoir compris avant, de ne pas t'avoir reconnue, ni même suspectée. Je suis un imbécile. »

Millie sembla tétanisée, incapable de répondre, tandis que Théo frottait sa joue contre son ventre dodu.

- « Euh… Théo ? Tu fais quoi, là ? Tu sais qu'il y a des gens qui nous regardent ? » demanda Blaise, un peu ébahi.

- « Des gens dont l'avis ne m'importe guère. Vous, vous faites ce que vous voulez, mais moi, je fais un câlin à Millie, » répondit Théo d'une voix légèrement étouffée. Il leva brièvement la tête, fixant Blaise d'un air malicieux. « Tu es jaloux parce que tu n'as pas eu la jugeote d'en profiter tant que tu le pouvais ? »

Blaise bafouilla un instant.

- « En… En pro… En profiter ? Et quand j'aurais pu faire ça, dis-moi, au juste ? »

- « Voyons Blaise, elle s'infiltrait dans notre dortoir juste pour te voir, toi, et te donner sa fameuse Malle… Tu aurais pu saisir l'occasion, plein de fois ! »

Blaise ouvrit et referma la bouche sous le regard moqueur de Théo, deux fentes malicieuses et bleues dardées vers lui, puis le Noir se reprit et eut un rire mesquin.

- « Tu ne savais pas qu'elle venait, hein ? »

- « Tch, » fit Théodore autant vexé qu'amusé puis, estimant que Millie était un meilleur sujet à taquiner, il se tourna vers elle. « Tu as de la chance qu'il n'y ait pas de lit à proximité, sinon je serais déjà en train de te faire subir des tas de trucs indécents. »

Il fut récompensé en voyant le fard dépasser la robe verte, déborder sur le cou et atteindre les lobes d'oreille de la jeune fille. Blaise leva les yeux au ciel, puis s'adressa aux autres.

- « Bon… Ils risquent d'en avoir pour un moment, là-bas. »

- « Si on en profitait pour discuter ? » fit Hermione après une légère hésitation.

Un concert de hochements de tête et de bougonnements lui répondit, ainsi que quelques sourires timides, et tous se levèrent finalement. Ils se saisirent de leurs chaises et les réarrangèrent en cercle tourné vers l'intérieur, de part et d'autre de Théo et Millie qui eux, ne daignèrent pas bouger (ou plutôt, Théo ne daigna pas bouger, et Millie ne prit pas la peine de le déranger…), avant de se rasseoir.

Pendant plusieurs minutes, rien ne fut dit. Certains baissaient les yeux, d'autres les levaient vers la voûte de la Grande Salle, d'autres encore se cachèrent le visage entre les mains. Finalement, Harry jeta un œil à Théo et Millie, cherchant dans leur apparente entente la force nécessaire pour prendre la parole.

- « Hem… » fit-il. « Je… » Il s'interrompit, prit une profonde inspiration et reprit. « Je suis désolé, mais ce que j'ai vu aujourd'hui… m'a fait… très plaisir. »

Tous levèrent la tête vers lui, certains étonnés, d'autres perplexes. Harry poursuivit, un peu confus.

- « Je sais, je ne devrais pas, personne n'a eu la vie facile, et certains ont pris des risques inconsidérés, mais… ça m'a fait plaisir. Voilà. »

- « Je rêve. » fit Draco, fixant Harry d'un œil sombre, l'air furieux. « J'ai torturé des prisonniers, je me suis fait violer par ma tante, je l'ai salement punie pour ça, et j'ai tué un ancien camarade de classe, et tout le monde est maintenant au courant, et toi… Toi, ça te fait plaisir !? »

Harry rougit, fixa ses chaussures, puis releva soudain la tête lorsqu'il entendit un rire franc. Draco rigolait à sa déconfiture.

- « Tu es… le type… le plus bizarre… que j'ai jamais… rencontré, » parvint-il à dire entre ses rires. Il se calma cependant, et ajouta, toujours souriant. « Mais… Je comprends. Ça m'a fait plaisir aussi. Je pensais être le seul meurtrier parmi nous… Mais Dean Thomas a tué un Rafleur, et Viktor s'est occupé des Carrows. Ça me soulage. Si nous sommes punis pour cela… »

- « Je ne crois pas que ce soit le plus problématique, » l'interrompit Hermione. « Regardez. »

Dans la bulle de discrétion, les gens s'agitaient, le ton montait entre les représentants des Gobelins et le Ministre. On envoya un des huissiers chercher madame Zabini, un autre fit amener madame Flint, toujours sous la surveillance d'Aurors. Puis les portes de la Grande Salle s'ouvrirent et l'un des secrétaires en mission pour le Ministre revint, chargé de papiers et de documents. Quelques instants plus tard, un autre secrétaire entrait, suivi de quelques individus de noir vêtus.

- « Ouch. C'est pour moi, ça, je pense… » fit Théodore en reconnaissant l'aspect et l'allure typique de ces individus : des vampires.

La porte s'ouvrit à nouveau, et Draco se redressa sur son siège, perdant toute trace de sourire. Lucius Malfoy, enchaîné et encadré par deux Aurors, entrait dans la Grande Salle. Il était pâle, amaigri, affaibli, mais lorsque ses yeux gris se posèrent sur lui, Draco y lut autant de peine que de fierté – et un soupçon d'espoir. Draco ne put s'empêcher de se tourner vers sa mère, mais Narcissa Malfoy restait immobile, regardant droit devant elle, impassible – et Draco et Lucius, qui la connaissaient fort bien, savaient qu'intérieurement elle bouillait d'envie de montrer son plaisir de le revoir, son espoir de se dire que peut-être, il y aurait moyen de libérer son époux…

Lucius Malfoy fut amené au groupe des dignitaires, un remue-ménage régna pendant quelques minutes avant que les délibérations reprennent de plus belle.

Une heure passa. Puis deux. La voûte de la Grande Salle s'éclairait d'une sourde lueur annonçant l'approche de l'aube. Le public dans les gradins s'impatientait, une partie s'agitait. D'autres avaient purement et simplement décidé de dormir sur place, et l'on voyait des gens de tous âges affalés les uns sur les autres ou la tête renversée en arrière sur leurs dossiers.

Au centre de la Salle, les Rowane discutaient.

- « Alors, c'est à cause des Carrows que tu souhaitais entrer dans le Clan ? » demandait Hermione à Viktor.

- « Pas seulement. Je ne contrrôlais plus ma maîtrise de l'Air pendant les matches de Quidditch – et découvrrirr que la majorrité de mes concitoyens étaient d'accorrd avec les idées de Voldemorrt… »

- « Tu ne t'en étais pas rendu compte avant ? » demanda Ron.

- « … Non. J'ai vrraiment prris tous leurrs commentairres pourr des blagues. De mauvais goût, mais des blagues malgrré tout. Et quand j'ai comprris… » Il se tourna vers Hermione. « Quand j'ai comprris, j'ai pensé à toi. A l'été que nous avons passé ensemble chez moi aprrès le Tourrnoi des Trrois Sorrciers. Mes parrents ne s'étaient pas opposés à ta venue, et même si je les avais trrouvé un peu frroids à ton égarrd durrant ton séjourr, j'ai mis ça sur le compte de la barrièrre de la langue, et surr le fait qu'ils ne te connaissaient pas. Maintenant, je sais ce qu'il en est. Je ne pouvais plus rrester là-bas. Quant à mes co-équipiers… Leurrs blagues dans les vestiairres m'étaient devenues insupporrtables. Peut-êtrre que c'est lâche de ma parrt, peut-êtrre que j'aurrais pu, avec le temps, beaucoup d'énerrgie et beaucoup d'efforrts, leurr fairre prrendrre conscience… Mais je ne peux pas changer la mentalité de tout un pays. Lorrsque cette opporrtunité de Clan s'est offerrte, j'y ai vu une échappatoirre pour moi comme pourr mes parrents, qui n'ont pas hésité à accepter. Et mon équipe ne rregrretterra pas longtemps mon déparrt, je pense… »

Harry écoutait les explications de Viktor d'une oreille, mais son attention était souvent attirée par d'autres conversations en cours, Gabrielle discutait avec Luna et Neville, chacun précisant son ressenti, l'une faisant part de son angoisse et sa douleur lors de sa première transformation, l'autre relatant sa résignation face à la « torture » infligée par Draco, le troisième se remémorant les exactions des Carrows et sa vie en exil dans la Salle sur Demande.

Blaise semblait impressionné par l'arme à feu que Dean avait utilisée contre les Rafleurs pour venir en aide à sa mère, et Dean essayait de lui faire comprendre – sans succès – quel soulagement ça avait été de s'en débarrasser. Et Dean semblait intéressé par les origines Kenyanes de Blaise…

Alors qu'il contemplait à nouveau Millie et Théo, qui n'avaient toujours pas bougé – mais qui participaient de temps en temps à la conversation, Harry se sentit observé. Levant les yeux, il rencontra ceux de Draco.

Le blond, assis à côté de Blaise, écoutait la conversation en cours avec Dean, tout en fixant Harry avec une attention soutenue. Son expression n'était ni froide ni chaleureuse. Un peu pensif, un peu inquiet, comme s'il voulait lui dire quelque chose, mais n'osait pas, tout en sachant que ne rien dire, même si cela arrangerait tout le monde sur le coup, ne donnerait rien sur la durée et pourrirait leurs relations.

Et c'était ce qu'il avait fait, se rendit compte Harry. Il avait brièvement résumé ses épreuves puis il en avait ri. Ça avait détendu l'atmosphère, ça leur avait permis d'avancer et d'entamer ces discussions, et maintenant ils parlaient entre eux, avec plaisir et sans animosité… Mais tout allait-il réellement si bien que ça ? Pour les autres, on dirait, oui, mais pour Draco ?

Harry ferma les yeux, et se souvint du rejet de Draco durant la séance. Il avait voulu l'approcher et le rassurer alors que sur l'écran, Draco recevait un Doloris de la part de Voldemort. Merlin sait comment, il avait trouvé comment diriger son être, son aura, son âme, ou quoi qu'il ait été dans cet état dissocié, mais le blond l'avait repoussé.

Il fallait crever l'abcès. Mais… Maintenant ? Alors que tout semble aller bien, alors que leurs compagnons semblent s'être remis de leurs émotions et parviennent même à sourire aux aventures des uns et des autres, alors que Ron raconte certaines anecdotes de leur exil à Viktor et Neville, et que Théo ajoute un commentaire perfide qui les fait tous éclater de rire ? Même Draco qui détourne enfin son regard gris et rit de la déconfiture de Ron ?

Oui, maintenant.

Harry se leva et se planta devant le blond, qui perdait son sourire un peu trop vite – preuve qu'il n'était pas très franc. Draco déglutit, mais se leva finalement pour faire face à Harry.

Les deux sorciers se jaugèrent un moment, tandis que leurs compagnons faisaient silence et perdaient lentement leur bonne humeur.

Leur face à face dura une éternité, puis Draco eut une grimace atroce tandis que des larmes perlaient à ses yeux.

- « Si tu ne m'avais pas volé ma baguette, j'aurais pu me défendre contre ma tante. »

Ce fut alors un effondrement horrible, lorsque Draco cacha son visage dans ses mains, et resta là, debout, devant Harry, secoué de hoquets incontrôlables, ses larmes coulant entre ses doigts blancs et tremblants.

Blaise se leva dans le but de prendre Draco dans ses bras, mais Ron le retint.

- « Tu… tu m'as laissé là, seul, sans défense, au milieu de tous ces m… monstres. Je ne peux pas… je ne peux pas l'oublier, ni faire semblant, ni te pardonner… »

- « Je ne veux pas que tu me pardonnes. »

Surpris, Draco releva la tête, essuya ses larmes, et se redressa. Harry n'avait pas bougé, tout juste avait-il rougi – de colère ou d'embarras, on n'aurait pu le dire. Il reprit.

- « Je ne veux pas que tu me pardonnes, parce que je ne peux pas m'excuser. Je ne savais pas ce que ça impliquerait pour toi, mais même si je l'avais su, je t'aurais malgré tout volé ta baguette. C'est grâce à elle que j'ai vaincu Voldemort, c'est grâce à elle si je suis vivant aujourd'hui. M'excuser maintenant serait hypocrite de ma part, car si c'était à refaire, je le referais. Entre ma survie et ton bien-être, je choisirais égoïstement ma survie. Et la victoire. »

Draco le fixa un moment, hésitant entre pleurer à nouveau et se mettre en colère, il opta pour un sourire mesquin.

- « Zut ! Moi qui espérais te culpabiliser et t'imposer mes quatre volontés… C'est raté, à ce que je vois… »

Le sourire mesquin se fit amer, et il baissa les yeux. Mais avant qu'il retourne s'assoir, Harry le rattrapa, le prit dans ses bras dans une étreinte désespérée.

- « Tu ne méritais pas ce qui t'est arrivé, et je ne t'ai jamais souhaité une telle épreuve, mais j'ai besoin de t'entendre me dire que tu es content que je sois vivant, malgré ça, malgré tout. J'ai besoin de savoir si tu me détestes et s'il faut arrêter là. »

Draco pinça les lèvres, la fureur menaçant de prendre le dessus.

- « Tu es bien exigeant, Potter… » siffla-t-il entre ses dents serrées.

- « Harry. »

- « Pott… »

- « Harry, je suis Harry, et je veux que tu m'appelles Harry. »

Draco ne dit rien, il savait que sa fureur, aussi justifiée soit-elle, n'était qu'une diversion qui l'empêchait de penser et de répondre à la seule question qui méritait une réponse. Etait-il content que Pott… Harry soit vivant ? Là, tout de suite, maintenant ? Ne préfèrerait-il pas le voir mort ?

Il oscilla un temps infini entre la rage et la raison. Il avait envie de se défouler sur le garçon – ce serait facile, c'était une habitude après tout, c'est toujours comme ça qu'il avait réagi face à Potter. Et en plus, il avait tout un tas de bonnes raisons de se laisser aller, personne ne le blâmerait s'il cédait maintenant à la colère. Il grinçait des dents, retenant difficilement les insultes qui lui venaient spontanément à l'esprit, il avait envie de les lui hurler à la figure. Et au moment où il allait céder à la tentation, au moment où sa mâchoire se décrispait enfin pour laisser les insanités sortir enfin, il leva les yeux et rencontra ceux de son père.

Son père, vivant. Sa mère, vivante. Et lui-même, vivant et libre. Si Potter n'avait pas volé sa baguette, s'il était mort, si Voldemort avait gagné, lui et sa famille seraient en ce moment même livrés en pâture aux Mangemorts et aux loups-garous. Peut-être même que Bellatrix serait toujours en vie.

Draco ferma les yeux, et, graduellement, se détendit dans les bras du brun. Les insultes haineuses qu'il avait sur le bout de la langue s'effilochèrent, perdant toute signification, avant de s'estomper. Ses larmes cessèrent de couler, ses souvenirs cessèrent de le hanter, sa colère et sa peur cessèrent de le tourmenter.

- « Oui. Je suis content que tu sois vivant, aujourd'hui et maintenant, » murmura-t-il finalement.

Draco sentit le torse d'Harry se soulever et s'abaisser en un long soupir de soulagement. Le blond soupira à son tour et s'éloigna. Il fixa Harry d'un regard dur.

- « Il y a trop d'histoires entre nous. Je risque d'être toujours aussi mesquin et désagréable à ton égard, parce que j'estime que je ne te dois rien. Mais je te concède que tu ne me dois rien non plus… »

- « C'est déjà un bon début. Mais… peut-être aurais-tu préféré vivre ta vie de ton côté, plutôt que de participer à un Clan dont je fais partie ? »

Draco haussa un sourcil perplexe, puis sourit.

- « Je ne regrette pas d'être entré dans le Clan. Et avec le passif qu'on a tous les deux, ç'aurait été dommage de se tourner le dos pour vivre nos vies séparément… »

- « Une autre manière de me dire que tu es content de m'avoir sous la main pour me faire des crasses ? »

- « Oui, exactement. »

Le blond et le brun se fixèrent encore un moment, puis sourirent doucement, les yeux pétillants. Chacun retourna s'asseoir en silence, sous les regards surpris mais heureux de leurs compagnons. Théo était toujours fourré dans les jupes de Millie, les autres, simplement assis, attendaient en silence, tout en s'observant les uns les autres, avec un léger sourire qui en disait long sur leur connivence et leur désir de tout faire pour que leur Clan fonctionne et dure.

Il leur fallut plusieurs minutes pour sortir de leur petit monde intérieur, et s'apercevoir que le Ministre tentait désespérément d'attirer leur attention. Lorsqu'ils réalisèrent que le public, réveillé, les observait, et que les dignitaires avaient tous rejoint leurs sièges derrière le comptoir, les Rowane rougirent, embarrassés. Ils se levèrent et réarrangèrent leurs sièges en une rangée nette, puis se rassirent, drapant les pans de leurs tenues colorées autour de leurs jambes.

- « Hum. Bien. Bien, bien, bien, » commença le Ministre tandis qu'il observait les Rowane s'installer. « Hum. »

Il jouait avec le tas de parchemins posé devant lui, passant son temps à le soulever, à l'arranger en une pile nette, qu'il dérangeait ensuite en prenant un document, puis un autre. Finalement, il se leva.

- « Bien. Beaucoup… Beaucoup de choses ont été révélées durant ce Jugement. Bien sûr, la Clause de Confidence sera appliquée, comme convenu, et les crimes révélés qui ne sont pas du fait des Rowane eux-mêmes, ne seront pas poursuivis. Cependant, avant de délivrer à l'honorable assemblée un verdict définitif, nous avons tenu à nous assurer de plusieurs points évoqués lors du Jugement. »

Le Ministre prit un des papiers de sa pile impeccable, un parchemin qui s'avéra muni de nombreux rabats. Puis il se tourna vers les gradins et les spectateurs.

- « Durant ces témoignages, nous avons eu la surprise de découvrir qu'un réseau d'exfiltration de Nés-Moldus a été mis en place par la Rowane Millicent ex-Bulstrode, avec la complicité du Rowane Blaise ex-Zabini. Si certains membres du public ont bénéficié de ce réseau, nous vous demandons de vous faire connaître. »

Six mains se levèrent dans les gradins, et chaque sorcier donna son nom au Ministre, qui les recherchait sur sa liste à rabats, et les cochait quand il les trouvait. Quand ils eurent fini, il reprit la parole.

- « Bien. Il nous faudra un moment et un vrai recensement – et probablement contacter les autorités Kenyanes pour connaître le devenir de nos compatriotes – et leur restituer juridiquement leurs biens et leurs avoirs, je crains que certains héritages n'aient été liquidés entre-temps… Enfin, la preuve est faite que ce réseau a bien été une réalité, et cela entrera en considération pour le verdict. A présent… »

Le Ministre sembla se tasser sur lui-même, et les Rowane, face à lui, ne purent manquer la grimace déplaisante qu'il arbora momentanément. Il se tourna vers le coin sombre où avaient eu lieu les délibérations.

- « Messieurs, étant donné les services rendus par la Rowane Millicent, et son faible impact sur la mort de vos congénères, je vous remercie de ne pas l'impliquer dans votre prochaine discussion. » Il se tourna avec un soupir vers les Rowane. « Monsieur Théodore Rowane ex-Nott ? Si vous voulez bien vous lever et vous approcher ? »

Théodore, assis à côté de Millie, lâcha sa main, se leva et s'avança vers le comptoir. Du coin de la salle, trois formes noires se détachèrent, habits sombres, visages blancs inexpressifs… Les trois vampires firent l'effort de marcher quasiment normalement – même si leurs mouvements saccadés montraient qu'ils n'avaient plus tellement l'habitude d'exercer leurs muscles raides. Théo les observa, et lorsqu'ils se plantèrent devant lui, les défia du regard, adoptant un port de tête royal et arrogant.

- « Des reproches à me faire, vampires ? »

- « … Nous pourrions, Rowane. Vous avez tué plusieurs des nôtres… »

- « Quelle importance, puisqu'ils étaient techniquement déjà morts ? »

Les trois vampires eurent un – léger – mouvement de recul. L'un d'eux s'avança, menaçant.

- « Il y a des conventions, Rowane ! Les traités qui nous lient aux sorciers, et qui assurent le bien de nos deux communautés, vous les avez rompus ! »

- « Ce clan de vampires projetait de massacrer des sorciers. »

- « Sur ordre de l'un des vôtres. Lord Voldemort était un sorcier, non ? »

- « Les traités que vous avez signés, ce n'était pas avec lui, mais avec le Ministère. »

- « Pendant un moment, il n'y a pas eu de différence entre lui et le Ministère… »

- « C'est vous qui le dites. Un Ministère est dirigé par un Ministre élu par la population. Je ne crois pas que Voldemort ait été élu par qui que ce soit. » Théodore fusillait les trois vampires du regard, il avança d'un pas dans leur direction – ils reculèrent – et mit ses poings sur les hanches, plissant les paupières. « Vous savez pertinemment que ce clan piétinait nos conventions, alors à quoi vous jouez ? Pourquoi êtes-vous venus ici ? »

- « Nous estimons que vous avez porté atteinte à notre communauté… Nous ne sommes pas nombreux, et nous avons donné notre accord pour ne pas nous multiplier… »

Théodore eut un rire moqueur

- « Donné votre accord pour ne pas vous multiplier ? Mais c'est la moindre des choses, vous êtes morts, vous n'avez pas à vous reproduire ! »

Les trois vampires se turent, et firent face à Théodore, leurs expressions mécontentes. Celui du centre s'avança, il paraissait plus ancien que ses voisins.

- « Les vampires ne participant plus aux cycles de la vie et de la mort, ils ne rentrent pas dans le Talos, et ce fait seul, je le sais, vous hérisse. En Angleterre, le déclin de Talos nous avait permis d'envisager une cohabitation sereine, les traités avec les sorciers permettaient d'atténuer cette inimitié et cette profonde méfiance – et à force de concessions, nous étions parvenus à un équilibre satisfaisant. Un équilibre qui a été rompu sur vos terres, Théodore Nott, que ce soit par vous ou le clan de vampires renégats, peu importe. Ce que nous vous demandons, à vous Théodore Rowane, c'est de ne pas ranimer la flamme de la haine contre nous. Nous pouvons reconnaître que les vampires que vous avez exterminés ont effectivement trahi l'esprit des conventions – et pour être honnête, la disparition de leur Maître ne me dérange pas – mais nous souhaitons retrouver des relations apaisées avec les sorciers, et avec vous, représentants de Talos. Nous sommes venus nous assurer que vous ne relancerez pas, avec votre Clan, une nouvelle chasse aux vampires. Et que Talos ne vous servira pas d'excuse pour nous détruire si nous nous rencontrons à nouveau. »

Diantre, oui, ces vampires le hérissaient, songeait Théodore, leur simple présence, la vue de ces corps morts en train de bouger, de parler et d'exiger des droits le répugnait viscéralement. Il n'avait jamais apprécié les vampires, mais être officiellement affilié à Talos rendait son rejet encore plus pointu, c'en était physique. S'il s'écoutait, il se jetterait sur ces créatures pour les mettre en pièce.

Mais…

Théodore ferma les yeux. Il fit appel à toute son éducation Serpentard, et parvint à la mobiliser, avec difficulté, pour faire preuve d'un minimum de diplomatie.

- « Le… Clan Rowane… n'a pas pour… objectif… d'entrer en… croisade… contre les… vampires. »

Il était blanc comme un linge, de la sueur coulait de son front, tandis qu'il prononçait cette phrase allant à l'encontre de la nature même de Talos. Il fixa les trois vampires d'un regard bleu glacé, malveillant, et heureusement, les vampires semblèrent comprendre que c'était tout ce qu'ils obtiendraient de lui.

- « Cela nous convient. Les traités sont suffisants pour gérer nos relations. Monsieur le Ministre ? Permettez-nous de nous retirer. »

- « Je vous en prie, » fit le Ministre Jones, qui s'épongeait le front – lui aussi avait eu chaud, voyant se profiler un nouveau conflit à l'horizon.

Lorsque les trois vampires, moitié glissant, moitié marchant, passèrent la porte de la Grande Salle, le Ministre s'adressa à Théodore.

- « Je vous remercie, Théodore Rowane. Les relations avec les vampires sont… ce qu'elles sont, mais… »

- « Mais elles ne sont pas si bonnes que ça s'ils arrivent à prendre le premier prétexte venu pour se dresser contre nous, » intervint Hermione, alors qu'elle se levait et se dirigeait vers Théodore. « Ils ont quand même essayé de prétendre que s'allier à Voldemort n'allait pas contre les traités… »

Théodore tremblait, haletant de rage contenue, et à semi-hébété par la concession qu'il venait de faire au nom de son Clan. Viktor l'interpela d'un air soucieux.

- « Pourrquoi, Théodorre ? Tu sais qu'avec un Clan comme le nôtrre, nous pourrrions érradiquer ces verrmines sans autrre forrme de prrocès, et tout le monde aurrait été soulagé… »

Il se tut lorsqu'il avisa le regard haineux de Théodore, il eut la surprise de voir le garçon se mettre à rire.

- « Talos… provoque chez moi un rejet instinctif des vampires, mais mon rejet de la communauté est pire puisqu'il est raisonné. » Il se tourna vers le public. « Vous m'entendez, tous ? Je vous déteste plus que je ne déteste les vampires, en réalité. Nous ne vous servirons pas de boucliers. Nous ne vous protégerons pas contre ces créatures. Vous vous êtes toujours complu dans vos lâches concessions, eh bien, vous continuerez ! Et si jamais les vampires devaient s'allier à un prochain Seigneur des Ténèbres, je vous promets que le Clan Rowane se gardera bien d'interférer ! »

Théodore se dirigea vers son siège, mais au moment de s'asseoir, il lança au Ministre.

- « Pour être honnête, je vous avoue qu'un tel spectacle me ferait bien plaisir. »

Il s'assit, croisa les bras, se désintéressant de la conversation, et son visage penché disparut bientôt sous l'ombre du bord de son large chapeau bleu. Quelques minutes plus tard, Millie le força à décroiser les bras, en lui prenant la main. Hermione regagna son fauteuil elle aussi, les lèvres pincées, puis quelques instants passèrent dans le silence.

- « Bien… » fit le Ministre au bout d'un long moment. « Bien, bien, bien… Hum. Je peux comprendre votre réaction, mais je ne peux pas dire que je l'apprécie… Enfin. Pour l'instant, les relations avec les vampires resteront telles quelles. Voilà. Et maintenant… Hum. Les Gobelins… au sujet du cambriolage de Gringotts. »

- « Nous avons réglé ce souci avec les Rowane eux-mêmes, Ministre Jones, nous vous l'avons déjà dit, » intervint le Gobelin Ragnok. « Ils nous ont offert leur amitié, et nous l'avons acceptée. »

- « Hum. Oui, mais, si cela ne vous dérange pas, j'aimerais tout de même avoir un… comment dire… un droit de regard sur ce que cette amitié pourrait impliquer à l'avenir… »

- « Et que pourrait-elle impliquer qui vous concerne, Ministre Jones ? »

- « Dans la mesure où vous tenez les finances de notre Communauté, je pense que je suis en droit de me sentir concerné… »

- « Eh bien, nous, nous ne le croyons pas. »

Le Ministre Jones lançait au Gobelin goguenard des regards furibonds, puis s'adressa aux Rowane.

- « Bien. Puis-je vous demander, Rowane, de bien vouloir m'avertir des démarches que vous effectuerez à l'avenir au sujet des Gobelins ? »

Aucun des membres ne répondit, puis Dean se redressa.

- « Eh bien, ça dépendra de ce qu'on fait ensemble, je suppose. Je veux dire, si on assiste à une de leurs fêtes, où si on les invite chez nous, je ne crois pas que cela vous intéressera énormément. »

- « Vous voyez très bien ce que je veux dire, j'en suis certain, monsieur Thom… enfin, monsieur Dean Rowane. »

- « A vrai dire, non, je ne vois pas. Je ne suis pas au fait de la politique économique sorcière, monsieur le Ministre. Y aurait-il d'autres traités, d'autres conventions, relatives aux Gobelins que ces derniers voudraient modifier ? »

- « Hem. Je suis sûr que messieurs Nott ou Malfoy sauront vous renseigner, mais sachez que notre économie, mise en place en concertation avec les Gobelins, reste tributaire de ces derniers, et que leurs demandes, inoffensives en apparence, pourraient fort bien nous mettre en péril… »

Dean fit mine de répondre, mais Blaise posa une main sur son poignet, lui adressant un léger signe de tête, aussi ne dit-il rien. A sa place, Blaise déclara.

- « Nous sommes persuadés que notre amitié avec les Gobelins ne nuira pas à la Communauté Sorcière. »

- « … Bien. Bien, bien, bien, » fit le Ministre, peu sûr que la formulation de Blaise valait accord à sa demande de transparence. « Eh bien, dans ce cas, hum… Je voudrais que nous discutions d'un tout autre sujet… Un problème qui a été évoqué, lors du Jugement, et qui m'a incité à faire venir ici-même celui qui… en a fait part. Monsieur Malfoy ? »

Draco leva la tête, ainsi que Narcissa Malfoy – et à vrai dire, le public eut un regain d'attention. Lucius Malfoy, toujours enchaîné, et toujours encadré par deux Aurors, fut amené vers une chaise disposée sur le côté, de façon à ce qu'il ne tourne le dos ni aux juges, ni aux Rowane. Il jeta un regard inexpressif à son fils, puis s'assit.

- « Monsieur Malfoy, » Lucius reporta son regard gris vers le Ministre, qui reprit, « Lucius Malfoy, les souvenirs de votre fils ont été révélés à l'assemblée ici présente. L'un de ces souvenirs concernait les raisons qui vous ont poussé à prendre la Marque et à vous associer à Vous-Savez-Qui… »

Lucius haussa un sourcil, mais ne dit rien.

- « Vous vous souvenez ? Des circonstances, et de vos propos à cette occasion ? »

- « … Oui. »

- « Y a-t-il… Enfin, je veux dire… Vous avez présenté un tableau plutôt noir de la situation, en ce qui concerne les sceaux de protection de nos institutions… »

- « La situation est catastrophique. Les sceaux de Poudlard sont tombés au premier assaut. »

- « Oui, mais face à un Seigneur des Ténèbres déterminé… »

- « Les sceaux étaient conçus pour résister à des sorciers du niveau d'un Merlin. Un niveau que même Lord Voldemort n'aurait jamais pu espérer atteindre. S'ils sont tombés au premier assaut, c'est qu'ils étaient fragilisés. »

- « … Et vous pensez que les autres vont aussi tomber. »

- « C'est une évidence, et ce n'est qu'une question de temps. »

- « Bien. Bien, bien, bien. Hum. Vous semblez, hum, comment dire… avoir des connaissances particulières en Magie Astrale, monsieur Malfoy. »

- « C'est exact. J'ai une forte affinité à la Lumière. Qui s'est manifestée dès ma naissance, c'est pourquoi j'ai reçu le prénom de Lucius… Alors évidemment, j'ai exploré ce don au maximum. »

- « Bien. Bien, bien, bi… »

- « Qu'attendez-vous de moi, monsieur le Ministre ? »

- « … ien. Eh bien. Hum. Nous envisagions, avec les juges et ce, en vertu de l'intérêt supérieur de la Communauté… de, disons, d'aménager votre peine de prison. Vous pourriez être simplement assigné à résidence, avec interdiction de posséder une baguette, bien sûr, et en échange de cette mesure de clémence, assister et conseiller nos diverses institutions pour réparer leurs sceaux protecteurs… »

Lucius Malfoy fixa le Ministre Jones un long moment – il avait vu des manipulateurs politiques plus subtils que ça… A vrai dire, il avait du mal à croire qu'un Ministre puisse être aussi transparent.

- « Monsieur le Ministre, vous êtes bien conscient que, même si je peux assister et conseiller des sorciers, je ne peux pas, moi-même, réparer des sceaux d'une telle puissance. Il faut des spécialistes en Magie Astrale, pour cela… »

- « Le Clan Rowane a justement suivi les cours du défunt Professeur Binns, qui s'est avéré être un maître en Magie Astrale. Je suis sûr qu'avec vos conseils, les Rowanes pourront… »

- « Monsieur le Ministre ! » intervint Minerva McGonagall. « Vous savez que le choix du thème de prédilection d'un Clan reste à la discrétion du Clan. Les Rowane n'ont pas à se soumettre à vos désirs, aussi… »

Le Ministre Jones leva brusquement une main impérieuse, le geste imposa le silence. Il se redressa et toute trace d'hésitation disparut de ses traits – et de son discours.

- « Madame la Directrice, monsieur Malfoy, et vous, Clan Rowane. Et vous également, mes chers administrés. Je suis le Ministre de la Magie. Mon rôle premier est d'assurer la survie de notre Communauté, et sa sécurité. La Justice vient après et doit se mettre au service de cet objectif primordial. Au sein du Clan Rowane, nous avons vu le pire comme le meilleur : des assassins, des sauveurs, des cambrioleurs, des héros. Si nous devions appliquer une Justice stricte, la moitié d'entre eux devrait aller en prison, et l'autre moitié recevoir des médailles. Je pense sincèrement que le Clan Rowane n'en a rien à faire des médailles, de telles récompenses ne viendront jamais contrebalancer la punition de voir certains des leurs se faire enfermer. Alors je jongle. J'accepte que l'on piétine nos lois, j'accepte que l'on torde le cou à nos principes, j'accepte d'influencer et de corrompre les juges qui composent notre assemblée, mais en retour, je demande… non, en fait, je ne demande pas, j'exige, du Clan Rowane qu'il se spécialise dans la Magie Astrale, afin de restaurer les sceaux de protection de nos institutions. »

- « Mais… »

- « Pour la mort de Marcus Flint, Draco Malfoy devrait aller en prison. Pour la mort du Rafleur, Dean Thomas devrait aller en prison. Pour l'exécution de la fratrie Carrow, Viktor Krum devrait aller en prison. Pour l'usage d'Impardonnables, Harry Potter devrait aller en prison ! Et à l'inverse, comment est-ce qu'on peut dignement récompenser une Millicent Bulstrode et un Blaise Zabini, qui ont sauvé un nombre incalculable de vies ? Et Théodore Nott, doit-on le récompenser ? Certes, en tuant le clan de vampires avant qu'il ne prenne part à la bataille, il a sans doute évité un massacre – mais il a aussi mis en danger la Communauté Sorcière en brisant sciemment les traités qui nous unissent aux vampires… »

Le Ministre s'interrompit, le silence régnant dans la Grande Salle faillit le déstabiliser. Mais il reprit avec force.

- « Nous avons des lois pour punir les actes criminels, ça oui, on en a plein, on sait comment faire. Mais on n'a pas de lois pour récompenser les actes héroïques. Les honneurs, la gratitude, les médailles ? C'est facile, ça ne coûte rien, ça ne mange pas de pain. J'estime que les membres du Clan Rowane sont en droit de recevoir un peu plus que ça. J'estime que les Rowane doivent recevoir une gratitude plus concrète qu'un vulgaire « merci, vous avez fait du bon travail » ! J'estime qu'ayant en leur sein des membres qui risquent la prison, une bonne manière de leur montrer notre gratitude pour les services rendus, c'est de ne pas appliquer de telles peines. Mais en retour – et parce que des crimes ont malgré tout été commis et qu'il faut bien que les crimes soient punis – il faut que les Rowane prennent un chemin qui bénéficiera, à terme, à la Communauté. »

Le Ministre se rassit tandis qu'un long silence planait sur la Grande Salle. Les Rowanes s'entre-regardèrent, surpris – plus ou moins agréablement – et finalement, Neville se leva.

- « Monsieur le Ministre, » commença-t-il avec un peu d'hésitation. « Nous apprécions votre volonté de clémence à notre égard. Et nous comprenons les exigences politiques qui la sous-tendent. Nous… » Il se tourna vers ses compagnons qui lui adressèrent des signes de tête encourageants. « Nous sommes d'accord pour nous spécialiser dans la Magie Astrale. Nous en ferons notre principale activité à l'avenir. Nous… serions également heureux de pouvoir bénéficier des connaissances de monsieur Malfoy en la matière – il s'est révélé plutôt visionnaire sur ces sujets. Et il n'y a pas, aujourd'hui, d'autre personne mieux à même de nous guider. Nous serons ravis de voir nos efforts effacer nos fautes, et nous serons… fiers d'apporter notre aide à la Communauté. »

- « A toutes les Communautés Sorcières, en fait, » précisa le Ministre. « Nous espérons que vous aiderez les institutions des autres pays… »

- « C'est-à-dire que Draco est toujours sous le coup d'une interdiction de sortie du territoire… »

- « Cette interdiction sera levée dès que les sceaux des institutions sorcières d'Angleterre seront restaurés. »

- « Puis-je vous demander quelle est la contrepartie de cette mesure ? » demanda Lucius Malfoy.

Le Ministre se tourna vers lui.

- « Un certain nombre de Mangemorts ont été recrutés à l'étranger, ce qui indique que le clivage entre Sang-Purs et Nés-Moldus est toujours prégnant. La dernière guerre a fait prendre conscience à certains de nos voisins que le statut et l'accueil des Nés-Moldus devait être repensé. Nous avons bon espoir d'unifier certaines lois notamment sociales, et les différents représentants des gouvernements étrangers ont accepté de se mettre autour de la table pour peu que la sécurité de leurs bâtiments soit restaurée – par les Rowane. »

Lucius fixa le Ministre d'un air un peu surpris – un peu impressionné mais aussi un tantinet dubitatif. Il hocha finalement la tête. Le Ministre se tourna alors vers les Rowane, et s'éclaircit la gorge.

- « Très bien. Alors voici le verdict concernant le Jugement du Clan Rowane. Les peines prévues pour les crimes répertoriés lors du Jugement ne seront pas appliquées, en échange de l'implication du Clan dans la restauration des Sceaux Astraux des bâtiments et autres territoires nécessaires à la vie sorcière, à sa sécurité et à sa dissimulation vis-à-vis des Moldus. »

Les Rowane s'entre-regardèrent, des timides sourires apparurent sur leurs lèvres, mais à leur surprise, le Ministre poursuivit.

- « Après l'ensemble des témoignages, madame Zabini, qui a requis le Jugement du Clan, nous a signifié qu'elle acceptait cette décision, et ne souhaitait pas y apporter de modification ni poursuivre un combat juridique à ce sujet. »

Blaise, surpris, se tourna vers sa mère, qui resta impassible sous son regard doré.

- « Par ailleurs, » reprenait le Ministre, « en dédommagement du déni de justice pour la mort de son fils Marcus Flint, le Ministère de la Magie versera à madame Flint la somme de cinq mille Gallions. Cette somme, acceptée par madame Flint, entérine de fait l'abandon de toutes poursuites à l'encontre de Draco Malfoy. »

Draco jeta un œil à madame Flint, qui lui rendit un regard plein de haine mâtinée de peine. Draco pinça les lèvres et se détourna.

- « Aucune plainte n'ayant été déposée pour la mort du Rafleur dont l'identité est restée inconnue, ni pour la mort d'Amycus et Alecto Carrow, le déni de justice pour ces crimes ne fera l'objet d'aucun dédommagement financier. »

Un silence perplexe accueillit cette mesure, pour l'ensemble de la population sorcière, la mort de ces trois personnes ne posait manifestement pas trop de problème.

- « Enfin, pour les différents services rendus par la famille Malfoy, et ceux que Lucius Malfoy pourra rendre à l'avenir en tant que conseiller en Magie Astrale, le Ministère décide de commuer sa peine de prison en assignation à domicile, monsieur Malfoy sera entouré de deux Aurors lors de ses sorties professionnelles. Tous les autres crimes révélés lors du Jugement, et qui ne sont pas le fait des Rowane, ne feront pas l'objet de poursuites, comme convenu, mais je tiens à ajouter, à titre personnel : madame Malfoy, c'était très mesquin de votre part de nous cacher la mort de Fenrir Greyback. Au cas où vous ne le sauriez pas, nos Aurors ont autre chose à faire que de courir après des chimères, et ça tombe bien, maintenant que nous savons qu'il est mort, nous pouvons affecter deux d'entre eux à la surveillance de votre époux. »

Narcissa Malfoy haussa un sourcil hautain, un léger sourire au coin de ses lèvres fines, mais ne fit pas de commentaire.

- « Ceci clôt le Jugement du Clan Rowane. Je vous remercie tous pour votre patience, et votre courage pour avoir subi ces témoignages souvent intenses, et vous prie de bien vouloir évacuer la Salle dans le calme. »

Le Ministre s'empara du maillet de l'un des juges dont il avait usurpé la fonction, et en donna un coup sur le comptoir.

- « Mazette, j'ai toujours rêvé de faire ça… »

Un peu embarrassé, il rendit l'objet au juge, tandis que quelques rires se faisaient entendre dans les gradins.


oOo


- « Eh bien, voilà, » fit Ron. « On ne s'en tire pas trop mal, je trouve. »

- « Oui, je trouve aussi, » fit Luna. « Qu'est-ce qu'on fait, maintenant ? »

Les Rowane étaient de retour dans leurs appartements de l'aile Ouest, installés sur les fauteuils du salon, devant la cheminée où un feu agonisait. Ils étaient épuisés, pour la plupart, mais n'avaient pas tellement envie d'aller se coucher. Seul Théodore semblait en pleine forme.

- « Eh bien maintenant, » fit-il joyeusement, « si on veut être calés en Magie Astrale, pas d'échappatoire, il faut travailler nos Runes ! Alors au boulot ! »

- « Quoi ? »

- « Maintenant ? »

- « Non mais, ça va pas la tête ? »

- « Il est même pas sept heures du matin ! On n'a pas dormi de la nuit, et… »

- « Hey, hey, » fit Théo, « avec ce fichu Jugement, on a perdu toute une journée, et c'est pas comme si on s'était agités : on est restés assis tout le temps, et on n'a strictement rien fait ! »

- « Moi, j'ai sommeil, » fit Millie.

- « Bon, alors, allons dormir, » conclut Théodore.

- « Qu… ! Non, mais tu plaisantes ou quoi ? Je rêve ! Alors si Millie dit que… »

- « Oui, un problème ? Je suis navré de t'apprendre, Ron, que les charmes de Millie éclipsent les tiens. »

- « … ! Et vous, vous ne dites rien !? »

Mais, non, ses compagnons n'étaient pas en mesure de dire quoi que ce soit, occupés qu'ils étaient à rigoler à ses dépens.

- « 'Mione ? »

- « Hum, hum. Oui, bon. Je propose qu'on aille tous au lit. »

Tous se levèrent avec un certain soulagement, et tandis qu'ils se dirigeaient vers leur chambre et leur lit immense, on put entendre Ron demander à Dean :

- « Les charmes de Millie éclipsent vraiment les miens ? »

- « Beeeeen… »


oOo


Narcissa Malfoy attendait patiemment dans le salon du manoir, assise sur l'un des fauteuils confortables, tandis que les deux Aurors qui les avaient raccompagnés, elle et son mari, précisaient à Lucius les règles de son assignation à domicile. Finalement, après lui avoir retiré ses entraves et lui avoir lancé quelques sortilèges de localisation afin de le retrouver dans le cas peu probable où il chercherait à s'enfuir, ils prirent congé.

Lucius Malfoy la rejoignit, et s'assit sur un fauteuil en face d'elle. Ils se fixèrent longuement, observant les changements, les altérations, l'impact qu'avait eu sur eux leur séparation. Narcissa nota le visage émacié, les cheveux ternes, les cernes, le pli amer qui commençait seulement maintenant à s'effacer. Lucius nota la fatigue, les vêtements noirs et tristes, les nouveaux cheveux blancs, les épaules affaissées qui se redressaient lentement. Ils se sourirent.

- « Narcissa… »

- « Oui, Lucius ? »

- « Mmh… Je me demandais… Madame Zabini n'est pas une Sang-Pur… C'est plutôt rare qu'une personne qui n'est pas de Sang-Pur en sache tellement sur Talos… C'est curieux qu'elle ait eu connaissance de la procédure de Jugement des Clans… »

- « Oh. Vraiment. »

- « … Je vois. Je me demande si notre cher Draco, ou un de ses… amis, comprendra un jour… »

- « Tu sais, ce ne sont encore que des enfants. »

Lucius se leva, un sourire aux lèvres, tandis que Narcissa lui tendait la main, le regard pétillant.

FIN


NOTE DE L'AUTEUR


Remarques diverses et variées :

Eh bien voilà ! C'est fini pour Les Rowane ! Alors, comme je l'ai dit à certains et certaines d'entre vous, cette histoire mérite un troisième acte, malheureusement, pour des raisons personnelles et professionnelles, je n'aurais probablement pas le temps de l'écrire. Trois fois hélas…

Je vous remercie tous de m'avoir lue, merci à tous et à toutes pour vos reviews, et j'espère que cette histoire vous aura fait rêver.

Dernières réponses aux reviews :

Bellsams : eh bien, voilà, le dernier chapitre est publié, pour la rentrée scolaire ! (enfin le lendemain, puisque le site fanfiction était en maintenance, impossible d'accéder à mon compte... enfin bref.) J'espère que cette histoire t'a plu, merci pour ta review !

Ashtana3 : voili voilou, pour la fin de cette deuxième partie ! J'espère que tu n'es pas déçue par le traitement des personnages et par cette fin – heureuse évidemment, je n'aurais jamais pu écrire une mauvaise fin… Pour la troisième partie, hélas, c'est peu probable en l'état actuel des choses… J'attends avec impatience tes commentaires sur mon deuxième tome des Lignées, par ailleurs j'aurais peut-être une question à te poser à ce sujet. Donc dès que je reçois ton mail, je t'en parlerai… A bientôt, et courage pour ton stage !

melu49 : ah oui, on n'a pas beaucoup vu Luna, mais bon, je n'aurais pas eu grand-chose à ajouter à son histoire personnelle, alors… Merci pour toutes tes reviews, j'espère que ce chapitre final t'a plu.

tsumy-malnewca : eh bien, j'espère que ce dernier chapitre ne t'a pas déçue. Merci pour tes reviews !

Alyfass : merci pour tes compliments et encouragements, j'espère que ce dernier chapitre t'a plu.

Vampyse : eh si, hélas, c'est la fin du deuxième acte. Un troisième serait bienvenu, mais comme je l'ai indiqué, c'est peu probable que j'aie assez de temps pour l'écrire… J'espère que cette fin t'a plu, et merci pour ta review.

Dea Artio : eh bien voici le dernier chapitre, j'espère qu'il a répondu à tes attentes… Merci pour tes reviews et tes encouragements.

Marylounette : j'ignore si tu as continué à lire cette fic malgré ta déception au sujet de certains chapitres, mais si c'est le cas, peut-être y auras-tu trouvé des choses intéressantes. En tout cas merci pour tes reviews.

Elorah : eh bien, pour le corps du père de Théodore, je ne voulais pas le décrire parce que c'est vraiment glauque. Sais-tu que, pendant longtemps (ça a peut-être un peu changé aujourd'hui) lorsqu'il n'y avait pas d'instructions précises de la part du défunt, les hôpitaux avaient le droit de prélever sur le corps tous les organes qui s'avéraient encore bons pour une greffe ? C'était assez rare que les hôpitaux le fassent, en réalité, mais il est arrivé que certaines familles se retrouvent face à des corps où il manquait plein de choses, les yeux, les reins, le foie, le cœur, bref, des coupures partout, des creux et des cavités, pour eux c'était horrible. Eh bien, c'est un peu cela que j'imaginais pour le père Nott, qui a été « autopsié ». Sous le drap, un corps éventré, avec les intestins à l'air, des choses comme ça… Enfin, bon. Rien de drôle en tout cas… Voilà, j'espère que ce dernier chapitre t'a plu, et merci pour toutes tes reviews !

Loursa : merci ! Pour Viktor, j'avais cette idée en tête depuis le Clan Talos, mais je ne voulais rien dévoiler à l'époque… La seule chose que je regrette un peu, c'est qu'en ne traitant pas la quatrième année d'Harry, Viktor et Gabrielle n'ont pas pu être introduits correctement, et je n'ai pas pu mettre l'accent sur l'impact de l'Impero sur Viktor. Donc son implication dans le Clan arrive à la toute fin, mais bon. Voilà. Merci de m'avoir lue et de m'avoir laissé toutes ces reviews, c'est un plaisir !

MeianTsuki : merci pour ces compliments ! Pour l'état du père Nott, je t'invite à lire la réponse que j'ai faite à Elorah ci-dessus, qui te donnera une idée de ce que j'avais en tête… Enfin, oui, c'est le dernier chapitre, et pour la troisième partie, je ne peux pas dire que c'est bien parti, hélas… En tous cas, j'espère que cette histoire et cette fin t'ont plu, merci pour ta review !

Mel-In-E DL : oui, c'est vrai qu'à la mort du père Nott, le Clan n'est pas formé. Mais revoir leurs souvenirs après ça, ç'aurait été complètement redondant avec le Clan Talos, donc j'ai préféré m'arrêter là. Enfin, j'espère que cette fin t'a plu. Pour la troisième partie, hélas, ce n'est pas dans les cartons… Merci pour toutes tes reviews, et à bientôt, j'espère !

Yggdras : Wouahou, quelle review ! Des compliments, des encouragements, de l'enthousiasme en veux-tu en voilà : MERCI ! Je suis ravie que cette fic – enfin ces deux fic – t'aient transportée à ce point ! Voici hélas la fin, j'espère que ce dernier chapitre t'a plu. Peut-être que Harry t'apparaîtra un peu différemment… C'est un personnage en réalité très compliqué à écrire parce qu'il n'est pas réellement tranché, si je puis dire. D'où un certain flottement dans sa manière d'être. Enfin. Merci encore pour ta review !

Shanatora : hélas oui, c'est là le dernier chapitre. Dans l'absolu, il faudrait un troisième acte, il y a matière à en écrire un… Malheureusement, je crains de ne pas avoir le temps… Hélas. En tous cas, merci de m'avoir lue et de m'avoir laissé des reviews !

Inril Serket : merci pour ces compliments ! J'espère que le verdict ne t'a pas déçue ! En tous cas, merci de m'avoie lue !

Serpent d'argent : eh bien, j'espère que ce chapitre final t'a plu également ! Merci pour ta review !

cha910 : hélas, oui, c'est le dernier chapitre des Rowane, et je sais que, pour être parfaite, cette série mériterait un troisième acte… Hélas, je n'aurais pas l'occasion de l'écrire de sitôt… Un jour peut-être, mais rien n'est moins sûr. Merci de m'avoir lue !

hathor2 : eh bien voilà, suite et surtout fin ! Merci de m'avoir lue !

luffynette : eh bien, voici la fin, merci pour toutes tes reviews régulières, et j'espère que cette histoire t'a plu.

Le Poussin Fou : eh oui, c'est la fin, il le faut bien. J'espère que ce dernier chapitre t'a plu, et je te remercie pour toutes tes reviews !

Fay-L : merci pour ta review, et, oui, bien sûr, il n'y a aucun problème si tu veux parler de cette fic sur ton blog ou sur ton stream. A bientôt peut-être, et merci de m'avoir lue !

Severuse : merci, voici la suite et fin des Rowane ! J'espère que ce dernier chapitre t'a plu ! Merci pour tes reviews !

Toreko : ah la là. Etant nourrie aux films Disney, l'histoire ne pouvait que se finir bien… Enfin, voilà, merci de m'avoir lue, et j'espère que cette fin t'a plu aussi.

Louisa74 : UN AN DEJA ?! Mince ! Bon, je sais qu'il y a eu une assez longue coupure pour pouvoir rédiger La Purge, mais quand même… Un an… Enfin, c'est le dernier chapitre des Rowane, j'espère qu'il termine bien la fic… Merci de m'avoir lue (et non, ce n'était absolument pas ridicule. Choquant, oui, parce que je ne me rendais pas compte que ça faisait déjà un an… Aie !)