Note de l'auteur : Voici à présent le chapitre 3 ! C'est le plus long que j'ai jamais écrit (si on excepte le chapitre 73 de PPA), et je crois qu'ils vont tous finir par faire cette taille-là o_o' Parce que vu le nombre de scènes que je prévois dans chaque chapitre et dont la longueur dépasse totalement ce que j'avais imaginé... Plus ça va et plus j'ai de choses à dire. Enfin, vous autres lecteurs ne vous plaindrez pas que mes chapitres sont trop longs (du moins j'espère) :)

Merci aux revieweurs des chapitres précédents, j'ai nommé Nethzea, DarkFender, MalyceaDunCastellan, Lehanna, Holidays, le guest Silver, Mirajane1 et Kylie Scarlet (à qui je n'ai pas encore répondu, je m'en excuse, je le fais tout de suite après avoir posté ce chapitre), et à tous les autres qui ont lu sans reviewer. :)


3. Principium

- Commencement -


Lentement, Erza commença à prendre ses marques dans le château de Dianthus.

Elle avait rapidement exploré sa chambre le soir de son arrivée, se doutant qu'elle aurait peu d'intimité par la suite. Elle ne pouvait nier que l'ensemble de ses appartements était beau. Mais le faste sans limites lui laissait un goût amer dans la gorge.

La penderie qui habitait un coin de la chambre à coucher était remplie de vêtements, en grande majorité des robes. Les différents atours, tissés de fils d'or et d'argent, mélangeaient les couleurs les plus vives aux tissus les plus rares. Soie, dentelle, fourrure, mousseline, brocart s'entassaient sous les yeux bruns de la future Reine. Elle eut beau chercher, la robe la plus simple qu'elle trouva était malgré tout brodée d'or. Elle déplaça le vêtement pour pouvoir le retrouver aisément le lendemain et referma la porte de la penderie en soupirant, avant de se dévêtir et d'enfiler une chemise de nuit blanche, qu'elle attrapa sans même la regarder dans un tiroir attenant.

Le lendemain matin fut une torture.

Elle fut réveillée par une horde de servantes qui commencèrent aussitôt leur office, une partant dans la salle d'eau préparer un bain, une autre tirant la jeune femme du lit, une autre encore commençant à sortir des vêtements de la fameuse penderie qu'elle avait inspectée la veille, et tant d'autres encore, occupées à des activités qu'elle ignorait.

Mal réveillée et de mauvaise humeur, elle se montra inflexible et les renvoya toutes vaquer à d'autres tâches plus utiles, à l'exception d'une seule, la plus âgée. Elle put sentir le malaise de la domestique alors qu'elle insistait pour se laver seule, puis qu'elle choisissait elle-même ce qu'elle allait porter - à savoir la fameuse robe de la veille au soir.

Soucieuse de ne pas trop heurter la servante, elle accepta que celle-ci la coiffe et s'assit sagement devant le miroir. La brosse à cheveux glissa entre les mèches écarlates, défaisant les nœuds qui s'étaient noués dans son sommeil.

« Je ne me souviens pas vous avoir demandé votre nom. », demanda-t-elle d'une voix douce.

Elle vit distinctement la domestique sursauter. Etait-il si exceptionnel que les nobles parlent aux servants, dans ce pays ? Erza sentit qu'elle allait avoir beaucoup à apprendre des mœurs de Sorciere.

Sa coiffeuse temporaire lui répondit d'une voix tremblotante.

« Je... je me nomme Seira, Votre Altesse. »

Altesse ? Ainsi les nouvelles du mariage étaient déjà connues ? Les rumeurs couraient de plus en plus vite, pensa la belle rousse.

« Inutile d'avoir peur. Je ne vais pas vous manger, déclara-t-elle en voyant le malaise de celle qui lui démêlait les cheveux. Quel âge avez-vous, Seira ?
- Cinquante-deux ans, Votre Altesse, murmura-t-elle.
- Je vois. Et cela fait longtemps que vous travaillez au château ?
- Une petite trentaine d'années, Votre Altesse.
- Vous devez connaître les lieux comme votre poche, j'imagine ?
- En effet, répondit la quinquagénaire avec une pointe de fierté qui fit sourire la Princesse de Magnolia.
- Accepteriez-vous de m'y guider ? L'architecture de Sorciere est assez différente de celle de Magnolia.
- Bien sûr, Votre Altesse, avec grand plaisir. »

Les deux femmes échangèrent un petit sourire, Erza heureuse de ne plus être totalement seule en territoire inconnu, et Seira soulagée - et un peu surprise - que la future Reine ne soit pas une noble sans cervelle et tyrannique.

Ainsi, alors que les jours passaient, la Princesse aux cheveux écarlates visita discrètement le château, apprenant à s'y repérer. Elle eut l'occasion de rencontrer de nombreux autres serviteurs, mais le fait que la majorité semblaient la craindre la chagrina. Le Roi Jellal avait-il si mauvaise réputation pour qu'elle soit fuie du petit peuple ?

Le château comptant également parmi ses habitants de très nombreux nobles, elle fut rapidement assaillie par les aristocrates qui voulaient tous se faire apprécier de leur future souveraine. Elle aurait juré avoir senti les regards envieux de nombreuses femmes - ce qui était normal à son sens : elle, une étrangère, venait de leur souffler sous le nez le meilleur parti de leur Royaume, après lequel elles couraient sans doute depuis plusieurs années.

Elle ne vit pas son futur époux pendant près d'une semaine, ce qui l'étonna. Elle avait eu le sentiment qu'il aimait tout contrôler, qu'il aimait le pouvoir que lui conférait sa position de souverain. Par conséquent, elle avait pensé qu'il viendrait aux nouvelles de temps en temps, de façon directe ou indirecte. Elle s'était trompée. Mais cela la soulagea un peu. Car quoi qu'elle en dise, le bleu la mettait mal à l'aise. Il avait pourtant été poli, galant même, avec elle, mais elle ressentait toujours un étrange sentiment vis-à-vis de lui. Une sensation de fausseté émanait de son fiancé, mêlée à d'autres choses qu'elle n'arrivait pas à définir et qui lui donnaient presque des frissons.

Un matin, alors qu'elle venait de sortir de sa chambre en compagnie de Seira, elle eut à peine le temps de faire quelques pas dans le couloir que quelqu'un lui rentra dedans. Elle vacilla un peu sur ses escarpins à talons trop hauts - encore une trouvaille issue de sa chambre à coucher - et s'appuya au mur pour éviter de tomber.

La personne en face d'elle avait eu moins de chance et tomba sur le sol. Erza distingua des cheveux roses qui lui firent penser à ceux de Natsu. Mais ceux-ci appartenaient à une jeune fille vêtue d'une jolie robe verte et blanche. Tête baissée, elle se redressa en maugréant et releva les yeux pour croiser ceux de celle qu'elle venait de percuter.

L'inconnue cligna des yeux avant de les écarquiller en reconnaissant la femme en face d'elle et s'inclina aussitôt, balbutiant des excuses, mortifiée d'avoir manqué renverser la future souveraine.

« Il n'y a pas de mal. Vous n'êtes pas blessée ?, demanda la Princesse de Magnolia.
- N-non, Votre Altesse. Veuillez m'excuser pour ma maladresse.
- Ce n'est rien. », lui assura-t-elle avec un sourire.

La jeune fille se redressa, parfaitement droite dans son maintien, avant de reprendre la parole d'une voix légèrement plus assurée.

« En fait, Votre Altesse, Sa Majesté le Roi souhaitait vous faire savoir qu'un bal sera donné ce soir. Toute la Cour sera invitée. »

Traduction, pensa la rousse, il allait annoncer officiellement les fiançailles avant de la promener à son bras comme un joli accessoire de décoration au milieu de nobles clinquants, maniérés et hypocrites. Dure description mais qui correspondait malheureusement à tous les aristocrates de Sorciere qu'elle avait rencontré jusqu'à présent.

« Merci de m'avoir transmis l'information, déclara-t-elle en réponse.
- De rien, Votre Altesse. Je suis Meldy, pour vous servir. », s'exclama la rose, toute timidité envolée.

Ce changement d'humeur fit hausser un sourcil à la future Reine. Meldy s'inclina à nouveau avant de repartir joyeusement dans le couloir - presque en gambadant, remarqua-t-elle avec un petit sourire.

Elle passa le reste de sa journée dans sa chambre, avec une Seira complètement survoltée qui avait littéralement vidé les armoires pour trouver la tenue qui lui irait le mieux. Elle essaya des dizaines de robes sans jamais réussir à satisfaire la servante ou elle-même. Trop de froufrous, couleurs trop pimpantes ou qui ne lui allaient tout simplement pas, décolletés vertigineux ou fentes outrancières, rien ne lui convenait. Elle pouvait s'accommoder de talons trop hauts, mais sans robe potable, elle n'irait pas bien loin.

Il restait près d'une heure avant qu'elle ne doive descendre dans la salle de bal et Seira était au désespoir. Tout juste sortie du bain, la future Reine de Sorciere, uniquement vêtue d'un peignoir blanc, était assise sur son lit, séchant ses mèches écarlates encore humides, quand on frappa à la porte de ses appartements.

La domestique alla ouvrir et revint quelques minutes plus tard avec ni plus ni moins que Jellal en personne, un paquet dans les mains. Inconsciemment, Erza resserra les pans de son peignoir.

« Si je puis me permettre, commença-t-elle en haussant un sourcil, ne devriez-vous pas être en train de vous préparer pour ce soir ?
- Il me faut moins de temps que vous, ma chère, sourit-il. Et je me doutais que vous ne trouveriez pas votre bonheur parmi toutes ces tenues, déclara-t-il en désignant la penderie du menton. Ce sont des nobles d'ici qui l'ont constituée, et leurs goûts diffèrent beaucoup des vôtres.
- Effectivement, admit-elle.
- C'est pourquoi, reprit-il en lui tendant le paquet qu'il tenait jusque là dans ses mains, j'ai pris le parti de vous apporter une robe qui, je pense, vous ira à ravir. »

La politesse comme l'étiquette l'obligeaient à prendre le paquet et à l'ouvrir, ce qu'elle fit avec l'aide de Seira qui était restée silencieuse jusqu'à présent. Elle découvrit une robe bleu nuit, brodée de quelques fils d'argent au niveau des manches et du raisonnable décolleté. Le tissu en était léger et elle observa avec fascination les différentes nuances que la lumière faisait apparaître sur la jupe. Cintrée à la taille, la tenue mettait en valeur ses courbes sans pour autant donner dans le provoquant. Une paire d'escarpins à légers talons étaient également présents dans le paquet, assortis à la robe.

Elle ne pouvait qu'admettre que la tenue lui plaisait beaucoup. Elle était simple, sans fioritures, et c'était ce qui la charmait le plus. Elle releva les yeux vers son futur époux qui semblait attendre son avis.

« J'ignore si, comme vous le dites, cette robe m'ira, mais elle est très belle. Je vous remercie de l'attention.
- De rien. C'est de mon devoir de m'assurer que ma promise soit habillée selon ses goûts. »

Ils se regardèrent plusieurs instants avant que Seira ne prenne la parole et s'adresse à la jeune femme aux cheveux rouges.

« Votre Altesse, vous devriez aller vous habiller. Le bal va bientôt commencer, murmura-t-elle.
- Je vais vous attendre, déclara le bleu. Vous êtes ma cavalière, après tout. Je serai dans le salon. », ajouta-t-il en quittant la chambre.

Par précaution, elle préféra tout de même se changer dans la salle d'eau. Passer la robe lui prit quelques minutes, le temps que Seira arrange tous les plis qu'elle trouvait. L'étape de la coiffure fut beaucoup plus longue mais le chignon semi-lâché qui lui dégageait la nuque lui parut un résultat plus que satisfaisant. La servante lui proposa des bijoux ; elle refusa. Elle enfila les escarpins - parfaitement à sa taille, encore une surprise - avant de se diriger vers le salon.

Jellal était confortablement installé dans un fauteuil quand elle passa le seuil. Elle sentit son regard vert sombre la détailler alors qu'il se levait et s'approchait lentement d'elle à pas de velours - le mot prédateur lui vint à l'esprit.

La main du Roi s'éleva jusqu'à son visage, une mèche écarlate non retenue par son chignon s'échouant sur ses doigts.

« Vous êtes magnifique. », souffla-t-il en effleurant sa joue avec le dos de son index.

Elle répondit à son compliment en baissant légèrement la tête. Il recula sa main et sortit de la poche de son veston - bleu nuit, assorti à sa robe - une fine chaîne argentée ornée d'un pendentif en forme de rose. Il se glissa derrière elle et passa délicatement le bijou autour de son cou. Elle sentit ses doigts caresser sa nuque alors qu'il faisait jouer le fermoir ; la rose d'argent alla s'échouer juste au-dessus de la naissance de son décolleté.

Il s'écarta et revint en face d'elle, l'observant à nouveau avant de sourire.

« Maintenant, vous êtes parfaite. »

Il tendit la main vers elle en une invitation silencieuse et elle y posa la sienne avant de passer son bras sous celui bien plus imposant du souverain. Il l'entraîna vers la porte et elle adressa un dernier regard à Seira avant qu'ils ne quittent ses appartements.

Les couloirs défilèrent alors qu'ils se rapprochaient de la salle de bal, les servants qu'ils croisaient s'inclinant sur leur passage. Elle aurait voulu leur dire qu'il n'était pas nécessaire qu'ils baissent la tête ainsi et remarqua que son fiancé ne leur accordait aucune attention. Ils auraient aussi bien pu ne pas être là qu'il n'aurait pas agi différemment. Elle se rappela mentalement de ne pas juger l'homme à ses côtés sur le champ. S'il agissait de même avec les nobles qui allaient peupler la soirée, cela signifierait que cette indifférence affichée était dans son caractère et qu'elle n'avait pas à réprouver son attitude. Dans le cas contraire... Elle aurait toute sa vie pour lui faire la morale après leur mariage.

Ils descendirent un grand escalier de marbre blanc, orné en son centre d'un tapis rouge, avant de se retrouver devant les portes de la salle de réception. Le majordome qui attendait devant le double battant s'inclina profondément avant de faire signe aux deux gardes présents d'ouvrir les portes.

Elle sentit Jellal resserrer légèrement sa prise sur son bras et lui jeta un regard.

« Anxieuse, ma chère ?, chuchota-t-il avec ce sourire en coin un peu ironique qui semblait être sa signature.
- Pas plus que ça. C'est un bal comme un autre, après tout. »

Le bleu sourit plus largement à l'entente de sa réponse.

« Voilà un bel état d'esprit. », déclara-t-il juste avant que les portes ne s'ouvrent.

Le bruit de la fête les frappa comme une vague, mêlant musique, voix et tintements de verres. De larges lustres illuminaient la grande salle ronde, leur lumière se reflétant sur les dorures et les pierreries qui ornaient non seulement les murs, mais aussi les vêtements des invités. Des serveurs circulaient dans la foule, proposant verres de vin ou flûtes de champagne. Sur une petite estrade se trouvait l'orchestre convié pour l'occasion, jouant une douce mélodie qui seyait parfaitement l'ambiance du jour.

Les deux fiancés avancèrent de quelques pas sans que nul ne les remarque ; Erza entrevit du coin de l'œil un garde se faufiler discrètement jusqu'à l'orchestre et souffler quelques mots au maestro. La musique s'éteignit et les autres sons ne tardèrent pas à faire de même, plongeant la salle de bal dans un silence parfait. La voix du majordome retentit alors, parfaitement claire.

« Sa Majesté le Roi de Sorciere, Jellal Fernandes, et Son Altesse la Princesse de Magnolia, Erza Scarlet ! »

Tous les invités se tournèrent vers la porte d'un seul mouvement. Après un instant de flottement où tous reconnurent effectivement leur souverain, la totalité des têtes se courba. Erza nota que le héraut ne l'avait pas désignée comme fiancée du Roi. L'officialisation serait donc bien pour ce soir.

Le bleu observa un moment ses sujets rassemblés devant lui avant de prendre la parole.

« Relevez la tête, nobles gens de Sorciere. »

Sa voix grave résonna dans la salle, affable et autoritaire tout à la fois. Jellal Fernandes était bel et bien un meneur, conclut la rousse. Le ton de sa voix lui rappelait bien trop celui de son père pour qu'il ne fut pas un de ces hommes auxquels on ne peut dire non.

« Aujourd'hui est un jour particulier, continua-t-il. Pour moi, comme pour vous. Car en ce jour, certes, j'ai trouvé une épouse. Mais surtout, le Royaume de Sorciere a trouvé sa nouvelle Reine ! »

Il se tourna alors vers la jeune femme aux cheveux écarlates qui se trouvait à ses côtés, et leva au niveau de leurs têtes leurs deux mains liées. L'anneau qui ornait l'annulaire de la Princesse de Magnolia étincela sous la lumière des lustres.

« Nobles gens de Sorciere, permettez-moi de vous présenter ma fiancée, et celle qui gouvernera à mes côtés dans moins de deux mois : Erza Scarlet de Magnolia ! »

Les acclamations et les applaudissements survinrent après un silence de quelques instants, saluant la déclaration du Roi et l'annonce de ses fiançailles. La rousse plissa les paupières de façon imperceptible. Où qu'elle regarde, elle voyait des visages arborant des sourires réjouis, et des yeux impassibles, calculateurs ou frustrés. Peu importait à ces nobles que leur souverain se marie. Eux ne voyaient que leurs possibles avantages politiques et financiers.

C'était sans doute ce qu'elle détestait le plus chez eux, bien plus que leur arrogance injustifiée ou leurs atours au prix indécents.

Telle une mécanique bien huilée, la soirée reprit son cours sitôt que Jellal eut fait signe à l'orchestre de recommencer à jouer. La musique s'éleva à nouveau en arrière-fond et les voix recommencèrent à bruisser doucement, reprenant les conversations interrompues par leur arrivée.

Un par un, par ordre de noblesse et de réputation, les nobles vinrent saluer le Roi et sa fiancée. Courbettes, félicitations, meilleurs vœux de bonheur, compliments. Hypocrisie.

Une femme aux longs cheveux corbeau s'avança vers eux, et elle se prépara mentalement à un énième combat contre elle-même. Combien elle aurait aimé leur clouer le bec d'une parole bien placée ! Mais encore et toujours, l'effroi que son Royaume puisse payer le prix fort un simple écart de comportement la retint.

« Majesté, Votre Altesse, s'inclina la brune.
- Ah, voilà une des personnes que je désirais le plus vous présenter, ma chère. », déclara le souverain à son attention, un sourire satisfait sur le visage.

Le regard de leur interlocutrice croisa les iris bruns de la future Reine et celle-ci fut surprise d'y discerner de l'amusement.

« Je vous souhaiterais bien la bienvenue à Sorciere et tous mes meilleurs vœux de bonheur pour votre futur mariage, Votre Altesse Erza, mais j'ai bien peur d'avoir été devancée par les paons et autres volatiles qui peuplent cette salle ce soir. », sourit la brune avec malice.

La rousse resta un instant ébahie devant l'incroyable effronterie dont venait de faire preuve la femme face à elle. Puis, elle ne put s'empêcher de sourire. L'humour franc de la brune était on ne peut plus rafraîchissant après les moults paroles hypocrites dont elle avait été abreuvée jusqu'à présent. Rien que pour cette raison, elle se promit d'essayer de connaître un peu mieux celle qui venait d'insulter la Cour à voix basse - elle sentait qu'elles pourraient très bien s'entendre.

« Vos mots sont toujours aussi affutés, à ce que je vois, ma chère Baronne, rit doucement le Roi. Ma chère, continua-t-il en se tournant vers Erza, je vous présente une de mes plus proches amies dans le nid de serpents qu'est ce château : Dame Ultear Milkovitch.
- Il est vrai que ces lieux sont assez semblables à un poulailler, ne put s'empêcher de répondre la future Reine. Je suis heureuse de faire votre connaissance, Baronne. »

Les trois interlocuteurs se sourirent d'un air entendu, unis dans leur moquerie de la noblesse.

« Moi de même, Votre Altesse. Je pense que vous avez déjà rencontré Meldy ?
- En effet. C'est cette jeune fille aux cheveux roses, n'est-ce pas ? C'est elle qui m'a annoncé la tenue de ce bal.
- Oui, c'est elle. C'est ma suivante, expliqua Ultear d'un air fier.
- Bien que notre chère Baronne se comporte plus comme une mère poule qu'autre chose, souffla Jellal à l'oreille de sa fiancée.
- Cette enfant est trop enthousiaste pour son propre bien, répliqua la brune avec une légère rougeur sur les joues. Il faut bien que quelqu'un la recadre de temps en temps. »

Ce commentaire rappela à la rousse ses propres justifications quand elle recadrait Natsu, Grey, ou un autre de leurs amis turbulents, et elle se demanda si elle était aussi peu convaincante qu'Ultear à ces moments-là.

La musique s'éteignit et ils se tournèrent vers l'orchestre juste à temps pour voir le centre de la salle se vider lentement de la foule qui s'y trouvait.

« Il semblerait qu'il soit temps d'ouvrir le bal, au sens propre, déclara le bleu. Vous nous excuserez, j'espère, Dame Ultear.
- Bien sûr, Majesté, sourit la précitée. Je vais de ce pas aller retrouver mon cavalier. D'abord pour le sermonner de ne pas être venu vous saluer, ensuite parce que le but d'un bal est de danser, bien qu'il ne semble pas vouloir le comprendre... »

Sur ces mots, la Baronne s'inclina légèrement et s'éloigna, disparaissant parmi la foule.

Prenant la main de sa future dans la sienne, Jellal la guida jusqu'au centre de la piste de danse où ils prirent lentement position. La main du Roi sur sa taille, la sienne sur son épaule, ils attendirent quelques secondes avant que la musique ne s'élève. Tête haute, ils commencèrent à valser avec grâce et élégance ; leurs regards s'étaient fichés l'un dans l'autre et ils oublièrent rapidement tous ceux qui les observaient. Il n'y avait plus qu'eux, chacun défiant silencieusement l'autre de détourner les yeux.

« Vous dansez la valse à la perfection, ma chère, déclara finalement le souverain en haussant un sourcil admiratif.
- Pas plus que n'importe quelle noble de ce Continent, très cher, rétorqua-t-elle d'une voix qui ne souffrait aucune protestation.
- Modeste ? », souffla-t-il en réponse.

Elle se contenta de lui envoyer un regard réfrigérant. Elle n'était pas modeste, elle disait la vérité, nuance. N'importe qui était en mesure de valser correctement après dix années de cours de danse. Sous le coup de l'irritation, elle raffermit un peu sa prise sur l'épaule de son fiancé et fut surprise de sentir les muscles jouer sous ses doigts. Le tissu du pourpoint royal était plus fin que ce qu'elle pensait... Ou alors, autre hypothèse, le bleu était bien plus musclé qu'il n'y paraissait au premier abord.

D'autres couples avaient commencer à tournoyer autour d'eux et elle fixa leur attention sur ces derniers - c'était bien plus intéressant et instructif pour elle que de débattre si oui ou non son futur mari possédait des muscles bien taillés.

Dans la foule de visages étrangers, elle retrouva facilement la Baronne Ultear, en train de valser en compagnie d'un homme au cheveux bordeaux à l'air ennuyé. Elle supposa qu'il s'agissait du fameux cavalier qui n'était pas venu saluer le Roi. A sa grande surprise, elle remarqua qu'il semblait exaspéré tandis que la Baronne avait un sourire malicieux sur les lèvres. Elle devinait presque la brune en train de titiller son cavalier qui prendrait sûrement la fuite dès que la musique cesserait et dut retenir un rire - cette Ultear lui plaisait de plus en plus.

« Puis-je savoir ce qui vous fait sourire ainsi ? », chuchota son propre cavalier juste à côté de son oreille.

Elle sursauta légèrement - elle avait complètement oublié l'homme avec qui elle était pourtant en train de valser - et se recomposa rapidement un visage neutre.

« Qui est cet homme qui accompagne Dame Ultear ? », questionna-t-elle à son tour, évitant volontairement de répondre à la question précédente.

Jellal la scruta d'un regard qui montrait qu'il n'était pas dupe avant de jeter un coup d'oeil à ceux dont elle parlait.

« C'est le Comte Erik. Il me semble que c'est le bon ami de notre chère Baronne, bien qu'il le nie vigoureusement.
- Et je suppose qu'elle-même ne fait rien pour démentir ?, déclara-t-elle d'un ton amusé.
- En effet, rit doucement le souverain. Vous m'avez l'air d'avoir vite compris sa personnalité.
- Le fait qu'elle ne soit pas hypocrite comme tant d'autres aide beaucoup. »

Les derniers accords retentirent et les couples cessèrent de tourner ; Erza entrevit du coin de l'œil plusieurs hommes s'approcher ou les observer d'un air qui ne lui laissa aucun doute : ils allaient l'inviter à danser. Bien qu'elle aimât tournoyer ainsi en musique, l'idée de valser avec de parfaits inconnus - ou disons, encore plus inconnus que son fiancé - ne la réjouissait pas tellement. Elle regrettait affreusement les moments où elle dansait avec Luxus, Natsu ou Grey, ou même Gajil ou Elfman, chez elle, à Magnolia. Là-bas, elle n'avait pas à rester froide, impassible ; elle pouvait se laisser aller, rire, plaisanter et discuter de tout et de rien. Ici, elle était constamment sur ses gardes, et bien trop occupée à distinguer les différentes races de serpents dans la foule pour seulement penser à s'amuser.

A sa grande surprise, le Roi ne lâcha pas sa taille et l'emmena un peu plus loin, avant de reprendre position. La musique reprit et ils recommencèrent à tourner ; elle distingua les visages déçus, vexés et même offensés de ceux qui comptaient lui demander une danse. Elle se tourna vers son fiancé, incertaine de ce qu'il comptait faire et de ce qu'elle devait demander. Il resserra sa prise sur sa main et sa taille, la collant un peu plus à lui ; son visage se rapprocha au point qu'elle pouvait sentir son souffle sur sa joue.

« J'ai envie d'être égoïste, ce soir, murmura-t-il d'une voix rauque.
- Ce qui signifie ?, chuchota-t-elle à son tour.
- Ne dansez qu'avec moi. »


Jellal referma avec satisfaction la porte des appartements temporaires de sa fiancée derrière lui. Il avait horreur de toutes ses mondanités, bien que le supplice soit adouci par la présence de personnes telles la Baronne Ultear ou d'autres de ses proches connaissances.

Son attention fut captée par la belle rousse qui venait de s'asseoir sur le divan, et qui retira ses escarpins en soupirant d'aise.

« Mal aux pieds, ma chère ? », demanda-t-il d'une voix amusée.

Il fallait dire qu'il ne l'avait pas lâchée un seul instant, enchaînant les danses au grand dam des courtisans dont il avait apprécié contempler les moues déçues et offensées. Lui qui venait tout juste de proclamer la belle Princesse comme sienne, il n'était pas du tout prêt à la partager avec qui que ce soit, fut-ce pour une simple valse.

La jeune femme se massa les chevilles un moment avant de répondre.

« J'aime beaucoup la danse, moins les chaussures que cela implique. », répondit-elle avec une petite grimace.

Il ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire et contourna le canapé pour venir poser ses mains sur les épaules fines.

« Je suis désolé pour vos pieds douloureux, souffla-t-il en se rapprochant au point que son nez effleura les boucles écarlates qui s'échappaient du chignon. Je vous souhaite une bonne nuit, ma chère Erza. »

Alors que le souverain quittait la pièce, un corbeau aux yeux rouge sang , perché sur le rebord de la fenêtre du petit salon, s'envola dans un claquement d'ailes sonore qui fit sursauter la future Reine de Sorciere, avant de disparaître dans la nuit.


A des kilomètres de là, dans une salle obscure uniquement éclairée par quelques chandelles, un homme aux cheveux noir de jais, affalé sur un trône de marbre sombre, sentit ses lèvres s'étirer en un mince sourire.

« Ainsi donc tu te maries, Jellal ? Et avec la Princesse guerrière de Magnolia, qui plus est... »

Un léger rire se fit entendre dans l'obscurité.

« Voilà qui va me faire changer mes plans. », déclara l'homme en ouvrant des yeux rouge sang.