Court OS basé sur une question simple : Si Alejandro n'avait pas arrêté son fils à Monterey, qu'est-ce qui aurait pu empêcher Zorro d'accepter l'amnistie ?
NdA : Ça faisait longtemps que je n'avais pas écrit sur Zorro, j'espère que ça ne se verra pas trop. ^^ La première version de l'OS était avec Tornado (ça collait mieux à ce que j'imaginais), je l'ai corrigée en intégrant Fantôme (c'est ainsi plus cohérent par rapport à la série).
L'amnistie ?
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Zorro lança son cheval au galop. Chemins de poussière, plateaux herbeux, arbres rabougris par la sécheresse ou végétation florissante près d'un cours d'eau, la campagne de Monterey défilait à toute vitesse tandis qu'il exultait.
L'amnistie. Enfin !
Elle serait actée dans quelques minutes, le temps de parcourir la distance le séparant de l'église. Plus de masque, plus de secret, plus de Zorro. Il n'y aurait bientôt plus que Diego de la Vega face au reste du monde.
Ah, quelle hâte avait-il de voir la surprise sur le visage d'Anna Maria, de Ricardo, du sergent ou de son père ! Alejandro serait vexé à coup sûr, mais Diego avait tant souffert depuis son retour de ses critiques qu'il estimait justifié de ne pas lui dire avant les autres. C'est mal, lui soufflait une petite voix dans son esprit, mais il la chassait rapidement. Tout aussi vite repoussait-il le visage de Garcia blessé par la révélation pour y placer une moue incrédule, la même que sur le visage de Ricardo. Ni l'un ni l'autre ne le croirait, pas vrai ? Il eut plus de mal à chasser cet air sur le visage d'Anna Maria. Le bonheur de découvrir qui se cachait derrière le masque était une image qui refusait de tenir plus d'une seconde dans son esprit.
- Vamos, Fantôme ! exhorta-t-il.
Les images n'étaient que des images. Il savait que tout se passerait bien. Bernardo ne l'avait pas retenu à Monterey après tout. Oui, mais il y avait eu quelque chose dans son regard, souffla de nouveau la voix.
Zorro était sourd à tous les doutes.
- Bientôt nous serons libres, mon ami !
L'étalon ne partagea pas son enthousiasme. Il freina subitement des quatre fers. Zorro ne dut qu'à ses talents de cavalier de ne pas être désarçonné. Un autre que lui aurait roulé sur la terre sèche et caillouteuse du chemin.
- Fantôme ? s'enquit-il en se rétablissant tant bien que mal.
Le cheval ne réagit pas. Perplexe, Zorro tenta de le faire repartir. Rien. Le jeune homme mit pied à terre et tira sur les rênes. Peine perdue, l'animal ne bougea pas. C'était d'autant plus étrange qu'il n'avait jamais agi de la sorte. Zorro le connaissait certes moins que Tornado, mais tout de même il avait aussi noué un lien étroit avec lui.
- Que se passe-t-il ? L'amnistie ne te convient pas ?
Aucune réaction. Comme s'il n'avait pas parlé ni tiré sur les rênes.
- Être libre ? Ne plus être traité comme un criminel ? Nous en avons rêvé pourtant !
Tu en as rêvé, dit la voix en insistant sur le premier mot, mais Zorro la chassa de nouveau. Seul comptait Fantôme et son refus de bouger.
- Je ne vais pas aller là-bas à pied, prévint-il. Si c'était le cas... eh bien, que dirait le gouverneur ? Il ne me croirait pas assurément.
Qui le croirait d'ailleurs ? Ricardo certainement pas, ou pas avant plusieurs jours et après avoir multiplié les preuves. Qui alors ?
- Mon père le croirait, songea-t-il à haute voix.
Mais qu'en penserait-il ? Après avoir expliqué ces derniers jours à son fils combien était nécessaire le hors-la-loi, il ferait face à un cauchemar bien réel. Son fils unique lui ayant caché si longtemps un tel secret, une révélation au monde sans lui en dire un mot en privé, le tout en bafouant ses valeurs et ses convictions... Diego serait une nouvelle déception pour lui, peut-être même la pire de toute.
Et que dire du sergent Garcia ? songea encore Zorro. Le lancier était un homme bon et bien plus sensible qu'il n'y paraissait. C'était son ami, l'un des rares à l'accepter en tant que Diego comme en tant que Zorro sans savoir qu'il s'agissait du même homme. Passé l'incrédulité, il se sentirait profondément blessé.
Pourtant il avait le droit à l'amnistie, à une vie simple et heureuse, pas vrai ?
Oui, acquiesça la voix, mais...
Personne n'apprécierait donc son geste ? la coupa-t-il. Pas même...
- Anna Maria !? demanda-t-il.
Cette fois, Fantôme secoua la tête. Enfin une réaction, se félicita Zorro.
- Elle a le droit de savoir, n'est-ce-pas ? poursuivit-il.
Tu as eu mille occasions de le lui dire.
Zorro chassa encore la voix de la raison qui tentait de se faire entendre. Il s'adressa à Fantôme.
- Elle t'apprécie.
La réaction du cheval fut plus vive et clairement négative.
- Tu ne l'aimes pas ?
La voix de Zorro trembla légèrement.
Comme un ami. Comme un frère.
- Anna Maria m'aime, contra-t-il.
Cela sonna faux à ses oreilles. Qui aimait vraiment la señorita Verdugo en réalité ? Zorro ? L'homme derrière le masque ? La légende ?
Il le savait. Il connaissait la réponse depuis longtemps, depuis peut-être le tout début. Non, ça n'avait pas d'importance. Une fois qu'elle saurait...
Elle t'abandonnera.
- Elle m'aime, répéta Zorro tout bas.
Il implorait comme un enfant, mais en avait à peine conscience.
- Elle m'aime comme je l'aime, répéta-t-il.
Si c'était le cas, tu lui aurais tout dit depuis longtemps.
Anna Maria aimait la légende. Jamais elle n'accepterait de découvrir Diego derrière le masque, encore moins qu'il abandonne ses activités de hors-la-loi pour une vie d'haciendado. L'interdit, c'était ça qu'il lui plaisait, le rêve du bandit à cheval, du justicier masqué.
- Elle ne m'aime pas.
Fantôme s'approcha pour apposer la tête contre sa poitrine dans un geste de réconfort. La réalité prenait enfin place dans la tête de son cavalier. Et ça faisait mal.
Les minutes s'égrenèrent. Il ne voulait pas qu'Anna Maria se sente forcer de l'épouser parce qu'elle l'avait dit alors qu'elle n'aimait que le masque. Il ne voulait pas décevoir son père, le sergent ou même donner raison à Ricardo. Et puis il y avait le regard de Bernardo avant qu'il quitte la cachette. Tout ça concourrait à une seule conclusion.
- Une autre vie nous attend.
Il devait oublier l'amnistie, abandonner cette idée sur les cailloux du chemin. Un jour il trouverait peut-être quelqu'un avec qui partager sa vie, mais il n'était pas encore l'heure et il n'avait pas trouvé la manière.
Avec un soupir, il se remit en selle. Cette fois, Fantôme accepta de reprendre la route. Le paysage défila de nouveau, plus lentement. Il en profita.
Fantôme était un cheval intelligent. Moins que Tornado bien sûr, mais il comprenait beaucoup de choses. Ou peut-être était-ce son cavalier qui savait si bien se faire comprendre des chevaux ? Bernardo avait supposé cela une fois.
Néanmoins, tout intelligent que fut Fantôme, il n'avait pu saisir l'ensemble des paroles de Zorro. En approchant de l'église, le hors-la-loi comprit une chose, il était celui qui avait des doutes depuis le début. Le cheval n'avait fait que les ressentir dans sa voix et son comportement. C'était la raison pour laquelle il s'était arrêté.
Cette fois complètement serein, Zorro guetta le dernier coup de cloche pour s'élancer vers la foule.