Chapitre 13 : Enfin nous nous rencontrons — Partie III : Le Dénominateur Commun.


« C'est juste que j'arrive pas à croire que tu sois revenu, c'est tout, » fit Kiba en posant la main sur l'épaule de Naruto comme pour vérifier qu'il était bien réel.

« Moi j'arrive pas à croire que je porte de nouveau cet uniforme… » murmura Naruto en se regardant. Tout cela était assez surréaliste, en fait. Ça faisait une semaine qu'il avait recommencé à travailler à l'hôtel, mais Kiba se comportait toujours comme si Naruto était revenu la veille. Et il ne pouvait pas lui en vouloir. Il avait oublié tant de choses depuis qu'il était parti, et tout ça parce que sa vie était partie en couille. Il avait oublié ce que c'était d'être une personne normale, d'être un simple travailleur. Qui avait le temps de s'inquiéter de chambres d'hôtel sales et de chefs insupportables, alors que des personnes étaient portées disparues et que des meurtriers énigmatiques étaient en cavale?

Il avait été absent pendant si longtemps sans prévenir, que le boss avait bien évidemment fini par le virer. Naruto avait changé de téléphone et de numéro juste après avoir donné ses coordonnées la première fois qu'il avait été engagé, histoire qu'Orochimaru n'aie aucun moyen de le contacter en dehors de sa grand-mère.

Naruto avait évité tous ses appels comme la peste, mais il réalisait seulement maintenant que tous les coups de fil de sa grand-mère devaient avoir un rapport avec les plaintes de son boss et le fait qu'il avait essentiellement perdu son job.

Il avait du employer des moyens assez peu glorieux pour qu'Orochimaru accepte de le reprendre. Vraiment peu glorieux, pensa-t-il en secouant la tête. Assez gênants pour qu'il se demande sérieusement si ça en valait vraiment la peine…

Mais lorsqu'il vit que Kiba le regardait en souriant tout en tapotant son épaule, Naruto décida que si. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas pu traîner normalement avec son meilleur pote comme ça. En fait ça faisait longtemps qu'il avait pas pu se contenter de se reposer. C'était cool et tout, mais le souvenir de ce qu'il se préparait lui laissait en permanence un goût amer. Il pouvait sourire d'amusement devant le cabotinage de Kiba et rire à ses blagues, mais son esprit revenait incessament à la terrible fragilité de ces brefs moments de bonheur, qui pouvaient lui être arrachés en l'espace d'un instant. Il savait qu'une fois ces douces secondes passées, il serait de retour dans son appartement, assis là, terrifié, dans l'attente que quelque chose se produise enfin.

Le lendemain de sa visite à l'asile, six flics inconnus déboulèrent dans son appartement à la recherche de systèmes d'écoute, de câbles suspects et de micros cachés. Ils ne trouvèrent rien. Ça avait d'abord désespéré Naruto, avant de se rappeler qu'il n'avait d'habitude pas ses idées les plus brillantes chez lui, mais chez Kakashi, à l'aide de son ordinateur. S'en suivit une fouille en règle de l'appartement de Kakashi pour laquelle les flics ne demandèrent aucune autorisation, mais le couple l'accepta tout de même.

Et rien de nouveau. Pas de micros. Pas de câbles. Rien de rien.

Naruto fronça les sourcils. Ils avaient même été jusqu'à vérifier qu'il n'y avait pas d'empreintes de pas bizarres, de cheveux, de bouts d'ongles, ou de peaux mortes sur les murs ou la souris de l'ordinateur. Mais rien. Tout ce qu'ils trouvèrent fut de la poussière, des cheveux bruns, blancs et blonds dans différentes pièces de l'appartement. Il n'y avait aucune trace du passage d'un individu suspect dans l'immeuble, et la vidéo-surveillance ne donna rien non plus.

Naruto était sorti de cette affaire plus que découragé.

« Naruto » demanda Kiba en lui donnant un coup de coude dans les côtes. « Tu refais la gueule. »

Naruto cilla et fit un petit sourire fatigué à son ami. « Désolé, » fit-il en secouant la tête. « Je réfléchis… » Ils se rendaient vers la cafétéria après avoir fini leur journée. Orochimaru s'était arrangé pour leur donner des missions trés différentes, afin qu'ils ne puissent pas passer la journée ensemble. Ils avaient cependant mangé ensemble à midi.

« Tu réfléchis à quoi? » demanda Kiba. « Les pélos comme toi sont pas censés penser à autre chose qu'à bouffer et dormir. » Il lui envoya une pichenette qui fit sourire Naruto.

Ce sourire ne dura cependant pas longtemps, parce que la nostalgie qui s'en suivit était tout simplement trop douloureuse. Il avait vraiment une vie géniale à l'époque, n'est-ce pas? Même alors qu'il n'avait aucun autre plan pour l'avenir qu'un job de merde et un appartement de merde, c'était toujours mieux que ça… La paranoïa avec laquelle il vivait chaque jour.

« T'as pris ton propre repas ce coup-ci? » demanda Kiba en ouvrant la porte de la cafète. Il s'assit à la table la plus proche et posa immédiatement les yeux sur l'écran de télévision accroché au plafond. C'était la pub, alors il s'en détourna, peu intéressé.

Naruto exhiba timidement une barre de céréale unique en s'asseyant. « C'était soit ça, soit des nouilles instantanées, » dit-il en riant un peu à la vue du regard déconcerté de Kiba. « Et tu sais le goût que ça a, des nouilles à l'eau du robinet dégueulasse. »

Kiba secoua la tête d'un air amusé. « T'aurais pu prendre l'eau chaude de la bouilloire. »

Naruto afficha un air affecté. « Tu sais bien qu'elles font des cacas nerveux dés que je prends l'eau chaude de leurs cafés, » ricana-t-il en 'les' indiquant d'un signe de tête.

Lorsque Kiba jeta un coup d'œil furtif, il vit trois femmes en tailleur assises autour d'une table. Elles bossaient à la réception. Le jeune brun rit et secoua la tête. « L'élite, » fit-il entre ses gloussements.

Naruto secoua la tête et entreprit d'ouvrir sa barre de céréales. « Tu te souviens de la fois où j'ai vraiment pris leur eau, ah ouais? Elles m'ont pété les oreilles avec leurs sales voix de putes. »

Kiba haussa les épaules en ricanant. « J'y étais pas. C'est toi qui me l'a raconté. C'était à pisser de rire. Je me suis déjà accroché une paire de fois avec certaines d'entre elles, mais en général elles sont cools avec moi. »

« C'est parce que t'as une gueule à les frapper sinon, » marmonna Naruto en mordant dans sa barre.

Kiba lui fit un sourire en coin. « Ah ouais? C'est peut-être pour ça que j'ai jamais pu garder une petite amie… »

Naruto s'arrêta en pleine bouchée et tourna des yeux prudents vers Kiba. Le jeune homme était en train de fourrer sa fourchette dans sa bouche.

« Comment va Shino? » demanda-t-il soudainement. Il voulait vraiment savoir.

Kiba acquiesça avant de mâcher sa nourriture et de l'avaler. « Il va bien, » répondit-il simplement avant de reprendre une bouchée.

Naruto haussa un sourcil, l'air de dire que ce n'était absolument pas satisfaisant comme réponse, et Kiba soupira. Il se mit à parler la bouche pleine.

« J't'assure, tout va bien. On… s'entend assez bien, » expliqua-t-il en détournant le regard, alors que ses oreilles rougissaient à vue d'œil.

Naruto ne put s'empêcher de lui lancer un regard moqueusement coquin. « Vous vous 'ententez bien'? C'est un code pour quelque chose…? »

« Oh, remets-toi en, Naruto. Je voulais pas parler de ça. Je veux juste dire que c'est… sympa. » Il haussa les épaules. « Shino est un type bien… Il est vraiment… » Il détourna le regard une nouvelle fois avant de secouer la tête et de retourner à sa nourriture. « C'est juste qu'en fait, ma vie n'a jamais été aussi… j'sais pas… stable. Vivre avec lui c'est… simple. » Il haussa de nouveau les épaules. « Des fois c'est bizarre, et des fois je suis vraiment con, mais il comprend toujours… » Il laissa sa phrase en suspens et avala une nouvelle bouchée.

Naruto fixa son meilleur pote avec un petit sourire, avant de reprendre un morceau de sa barre. « Ça a l'air cool, » remarqua-t-il la bouche pleine.

Kiba acquiesça sans lever les yeux. « Yep'. »

Plusieurs secondes de silence suivirent. Ce n'était pas un silence gênant, mais Naruto avait l'impression que quelque chose ne collait pas. Il savait que si Kiba avait eu une petite amie, ils seraient en train d'en rire et il serait en train de le vanner pour savoir s'il l'avait baisée ou pas, ou de lui demander de lui décrire son corps. Mais avec un homme c'était… différent. Naruto fronça les sourcils à cette pensée. Ça ne devrait pas être ainsi.

« Alors… » commença-t-il en repoussant son emballage vide. « Est-ce que toi et Shino vous avez… tu sais… »

Kiba leva un regard incrédule sur le blond. Naruto le regarda dans les yeux. Il put voir Kiba réaliser soudainement ce qu'il voulait dire par là, et le brun toussa avant de se masser la gorge et de baisser les yeux.

« Euh… » toussota-t-il en tirant sur son col. « On… » Il ferma les yeux. « Non. On a rien fait, » acheva-t-il.

Naruto écarquilla les yeux. C'est pas qu'il trouvait ça bizarre, mais… trois mois s'étaient écoulés, et les deux n'avaient pas passé la vitesse supérieure? Au lycée il était lui-même sorti avec une fille timide qui voulait attendre jusqu'au mariage, et ça ne lui avait pas posé de problème. C'était juste chelou pour Kiba. Peut-être qu'il voulait y aller doucement parce que Shino était un homme.

« Oh, » lâcha-t-il maladroitement. « C'est… bien? Vous attendez… ou…? »

Kiba, qui était en train d'essayer de fourrer une autre fourchette de nourriture dans sa bouche, soupira et reposa son couvert. « Je… C'est pas qu'on attend. C'est juste que… ça m'attire pas vraiment… des masses… tu comprends? » marmonna-t-il. « Je veux dire… Tout le reste se passe super bien… Je vois pas pourquoi on devrait forcément… aller plus loin, quoi. » Il joua avec sa bouffe pendant quelques instants.

Naruto fronça les sourcils. « Ouais mais… tu crois pas qu'à un moment, Shino va… je sais pas… s'en plaindre? »

Kiba prit une expression pensive. « Il se plaint jamais… » observa-t-il doucement. « Il comprend toujours tout… Il me passe toujours tout, quoi que je fasse. Il est— » Il s'interrompit avant de secouer la tête. « Il est amoureux de moi, » marmonna-t-il.

Naruto ne savait pas quoi répondre. Était-ce une mauvaise chose? Peut-être que Kiba n'était tout simplement pas prêt? C'était compréhensible. Mais la manière dont il tournait les choses, on aurait pu croire qu'il avait aucune envie de…

« Kiba, est-ce que t'as peur? » demanda-t-il brusquement, avant de le regretter instantanément lorsqu'il vit Kiba se figer.

Il ne reprit pas la parole pendant un long moment. « Je sais plus trop où j'en suis… On… On fait des trucs des fois… et c'est plutôt sympa, mais dés que ça va plus loin je… ça me dit plus trop. Je sais pas, » conclut-il avec un haussement d'épaules. « J'ai peut-être peur. » Il s'arrêta quelques secondes en réfléchissant à ses prochaines paroles. « Des fois, j'ai l'impression que… je suis pas vraiment gay. Que Shino est le seul mec que… j'aimerai comme ça. »

Naruto cilla. Quoi, comme ça? « …D'amour? » demanda-t-il les yeux écarquillés.

Kiba baissa la tête. « Ouais, » répondit-il simplement.

Naruto fit un petit sourire à Kiba. « Eh ben, je crois que Shino n'aura pas à s'inquiéter de la concurrence, alors, » fit-il en essayant maladroitement de détendre l'athmosphère.

Kiba ne lui rendit pas son sourire. « Je devrais me laisser faire, » dit-il. « Je devrais laisser faire Shino. Il le mérite, non? » demanda-t-il en fixant le blond d'un regard suppliant. « Il a toujours été gentil avec moi. Tout ce que j'ai à faire c'est de m'allonger et point-barre, » acheva-t-il avec un grognement de frustration. « Bon, tu veux bien qu'on arrête d'en parler? Parle-moi un peu de toi plutôt. T'as scoré? »

Naruto baissa et secoua la tête. « Non. J'ai… »

Naruto s'arrêta. Il savait qu'il ne pouvait pas dire la vérité à Kiba. Il y avait tant de choses qu'il ne pouvait pas dire. Il sentit un petit pincement de cœur à cette idée. Il détestait garder des secrets ; ils le rongeaient de l'intérieur, et le faisaient se sentir si seul. S'il lui arrivait quelque chose, Kiba ne saurait jamais pourquoi, parce qu'il ne lui dirait jamais ce qu'il se passait, ce qu'il traversait en ce moment.

Mais Naruto savait que c'était pour le mieux.

« Ah ouais, au fait, t'as entendu parler de ça, toi? » demanda Kiba en fixant un point indéterminé par delà la tête de Naruto.

Lorsque Naruto se retourna, il fit face à la télévision.

RÉVÉLATIONS CHOQUANTES SUR LE PASSÉ DU MEURTRIER

Naruto se raidit sur son siège.

Qu'est-ce qui se passe? se demanda-t-il en plissant les yeux. Shikamaru devait vraiment être un génie. Il avait promis de se débrouiller pour faire patienter les médias pendant qu'il cherchait des explications sur le comportement du département dans l'enquête sur Gaara. Naruto n'avait aucune idée de comment il s'était démerdé, mais on était seulement une semaine plus tard, et l'histoire ne passait que maintenant aux infos. Il y avait bien eu un teaser de reportage le lendemain de la visite de Naruto et Kakashi au commissariat, mais à présent ça ressemblait à un gros titre en bonne et due forme.

« Les chaînes d'infos ne parlent que de ça depuis ce matin, » commenta Kiba. « Tu te souviens de ce gars, Guru Sadako ou je sais plus quoi, celui qui a tué tous ces gens dans son lycée? Apparemment son oncle l'a martyrisé pendant toute son enfance. Les gens se demandent si c'est juste de maintenir sa première condamnation à pérpète pour avoir cramé ce malade. »

« Hmm, » émit Naruto en tentant de paraître nonchalant. « Je me rappelle pas trés bien de l'affaire Gaara, » et c'était la vérité. Il n'en savait rien jusqu'à il y a au moins 6 mois. « Mais je crois que s'interroger sur ce genre de truc ne sert à rien. Gaara a déjà purgé sa peine et il a été remis en liberté conditionnelle, et rien ne pourra changer ça. L'important c'est de savoir si le tribunal se laissera influencer par le fait que Gaara se soit fait violer étant enfant, une fois capturé. »

Comme Kiba restait silencieux, Naruto se tourna vers lui.

Le jeune brun le fixait avec des yeux surpris. « Tu… Ce que tu viens de dire était assez intelligent. Philosophique, je dirais même, » fit-il en plissant les yeux. « T'as quitté le travail pour retourner à l'école ou un truc comme ça? »

Naruto hésita. Pourquoi pas? pensa-t-il. Il avait besoin d'un mensonge valable pour le couvrir au cas où il disparaissait une nouvelle fois. Il espèrait juste que Kiba ne demande pas de détails. « Ouais, » acquiesça-t-il d'un ton léger. « Je, euh… J'ai pensé, vu que ma grand-mère est bourrée aux as de toutes façons, autant que je le dépense dans des trucs utiles comme l'éducation, non? » dit-il en souriant.

Kiba lui rendit son sourire et fixa le blond le temps de quelques secondes. « C'est pour ça que j'ai comme l'impression que t'as changé, alors? » demanda-t-il doucement quelques secondes plus tard.

Naruto lui rendit son regard, perplexe. « Qu'est-ce que tu veux dire? J'ai pas changé. »

Kiba plissa les yeux, sincèrement amusé. « C'est juste que… on dirait que t'es plus mature. Comme si t'avais grandi en l'espace de ces derniers mois. »

Naruto cilla une fois. Deux. La seconde fois fut plus lente. Il comprenait là où Kiba voulait en venir. « Je le vois chez toi aussi, » articula-t-il. « T'as changé. Toi aussi on te dirait plus mature… » Il ne finit pas sa phrase, préférant baisser les yeux au sol, soudainement assailli par une cascade de culpabilité. « Je suis vraiment désolé de pas avoir été là pour te voir grandir, Kiba. »

Kiba lui jeta un regard un peu surpris avant de lui faire un sourire hésitant. « C'est bizarre ce que tu dis… » remarqua-t-il dans un gloussement nerveux. « Mais bon, je t'en veux pas. Moi aussi j'aurais voulu être là pour te voir grandir. »

Naruto acquiesça, toujours aussi triste. Kiba se remit à manger, et il se tourna de nouveau vers la télévision. L'écran affichait une vieille photo de Gaara adolescent, en train de fixer l'objectif d'un visage complètement neutre.

« Il s'appelait Gaara Sabaku Kaze, et il n'avait que douze ans à peine au moment où il a assassiné son père et a brûlé son oncle quasiment jusqu'à la mort, dans cette maison, » exposa une grande femme se tenant devant une petite maison décrépie.

Naruto écarquilla les yeux. C'était là que Gaara avait vécu? Ils avaient filmé ça à Suna? Ils avaient fait de bonnes recherches.

« A peine quatre ans plus tard, après une remise de peine trés controversée, M. Kaze a frappé une nouvelle fois dans son propre lycée, tuant ainsi pas moins de soixante-quinze élèves et professeurs— »

« Soixante-quinze? » s'exclama Kiba en relevant brusquement la tête. « Mais pourquoi on a laissé sortir un monstre pareil de taule? »

Naruto se posa la question en son for intérieur. Pourquoi est-ce qu'ils avaient laissé Gaara sortir après seulement deux années de prison? Il croyait que les meurtriers devaient purger minimum dix ans avant de pouvoir prétendre à une remise de peine. Il se souvenait que quelqu'un lui avait dit que le gars s'était bien comporté en prison, mais ça n'avait pas l'air d'avoir grand-sens…

« Des années durant, les crimes de ce jeune garçon ont tourmenté les esprits de la section Nord. Qu'est-ce qui pouvait pousser un enfant à tuer? Qu'est-ce qui a bien pu rendre ce garçon si cruel? Il se peut que nous ayons aujourd'hui une partie de la réponse. En effet, cet homme— »

Apparut alors la photo d'un jeune homme aux traits délicats, presque féminins, affichant un sourire paisible. Il avait des cheveux blonds qui lui tombaient sur les épaules ainsi que des yeux vert vif.

Naruto plissa les yeux. S'agissait-il… d'Ito Yashamaru? Il se redressa sur sa chaise en essayant de contenir la rage qui bouillait en lui. Alors c'était à ça qu'il ressemblait quand il avait infligé ces choses à Gaara? L'air si innocent? Si chaleureux? On donnerait le bon dieu sans confession à une personne pareille. Et c'est ce qu'il s'est passé, pensa Naruto. Cet enculé n'a jamais été inquiété une seule fois pendant toutes ces années.

« …Cet homme est la seule victime connue de Kaze à avoir survécu. Alors qu'il guérissait encore de brûlures au troisième degré infligées par son neveu, il a été admis à l'Asile de Fous du District d'Oto, qu'il n'a pas quitté depuis. Des agents de police se sont rendus à l'asile afin de parler avec la victime qu'ils croyaient innocente, dans l'espoir de récolter de nouveaux indices sur la piste de Kaze. Ils trouvèrent alors non pas des indices, mais la vérité. Peter? » enchaîna la femme d'un signe de tête vers la caméra.

L'écran montra alors un homme répondre en hochant la tête. Il se tenait devant un portail en fer, et le blond plissa les yeux jusqu'à ce qu'il réalise qu'il s'agissait du portail de l'asile.

« Tout à fait, Diana. C'est effectivement un lourd secret que ces hommes ont découvert dans l'enceinte de l'asile que vous voyez derrière moi, et laissez-moi vous dire que cette révélation est on ne peut plus choquante. L'homme dont le visage s'affiche sur votre écran, Yashamaru Ito, a avoué pas moins de deux fois avoir abusé sexuellement le jeune garçon pendant des années. Les forces de police ainsi que la presse sont arrivées sur les lieux après le témoignage d'une femme garde de sécurité qui avait assisté à l'échange. M. Ito n'a fait preuve d'aucune retenue sur le sujet. Il a raconté dans les moindres détails à la presse et à la police ses crimes atroces, commis alors que Gaara Sabaku n'était qu'un enfant. »

L'écran se partagea en deux, et Naruto vit un autre homme assis derrière un bureau, fronçant profondément les sourcils. « Peter, vous étiez présent sur les lieux lorsque M. Ito est passé aux aveux…? »

« Effectivement, Jacob. Même si nous n'étions pas sûrs de devoir le croire sur parole — étant donné qu'il est interné dans un asile — mais la façon dont il a parlé de ses crimes nous prouve qu'il s'agit tout simplement un monstre. »

« On ne demande qu'à vous croire. Maintenant dîtes-moi, quelle sera à votre avis la prochaine réaction de Mr Kaze, maintenant que le monde entier connaît la vérité? Pensez-vous qu'il sortira de sa cachette, ou qu'il sera plus prudent que jamais? Mr Ito va-t-il être arrêté suite à ses aveux? »

L'homme ne répondit pas immédiatement, ce qui laissait supposer qu'ils se parlaient en différé.

« Avant toute chose, reste à savoir si cet homme mentalement dérangé devrait oui ou non être jugé pour ses crimes, débat brûlant s'il en est. Les familles des victimes de Mr Kaze sont partagées sur la question, certaines affirmant que Mr Kaze a mérité ces mauvais traitements et que Mr Ito ne devrait pas être inquiété, et d'autres disant que l'état de Mr Kaze résulte directement de ces mauvais traitements — et donc que Mr Ito mériterait la peine capitale pour avoir indirectement provoqué la mort de leurs enfants. »

« Les familles sont donc — contre toute attente — extrêmement divisées sur la question, » acquiesça l'homme.

Et Naruto se prit à se faire la même réflexion. Il était abasourdi. Lorsqu'il jeta un coup d'œil à ceux qui étaient avec eux dans la salle en train de regarder la télévision, ils semblaient tout aussi choqués. Comment pouvait-on dire que Gaara méritait de s'être fait violer dans son enfance à cause de choses qu'il avait faites bien plus tard?

« Et il est peu probable que Mr Kaze se laisse attraper si facilement, » continua l'homme devant l'asile. « Mr Kaze a toujours été une énigme. Comme le dit la police, personne ne peut prétendre le comprendre ou prédire ses mouvements. De plus, ils doutent fortement que Mr Kaze cessera de se cacher. »

« Et qu'ont fait les forces de police jusqu'à maintenant pour tenter de retrouver sa trace? Ça fait presque deux ans qu'il a disparu. Et même s'ils le trouvent, pensez-vous que la révélation des actes de Mr Ito changera quoi que ce soit à l'affaire? Notamment lorsqu'il recomparaîtra devant la justice? »

« On ne peut rien affirmer, » répondit l'homme, « mais— »

« Naruto, on doit y aller. »

Le blond cligna des yeux et se tourna vers son ami. « Hein? »

« On est mercredi. On a que trente minutes. »

Naruto fronça les sourcils et se vautra un peu plus sur sa chaise. Il avait oublié. « OK, » fit-il en se levant. « On y va. » Il espérait toujours revoir le reportage quand il irait dîner chez Iruka ce soir-là.

« On m'a collé un bleu comme binôme pour les suites d'aujourd'hui, alors t'auras sûrement fini avant moi, » grommela Kiba avec rancœur. « Shino viendra me chercher à 18h, alors si ça te dérange pas d'attendre, on te reconduira chez toi comme la dernière fois. »

Naruto acquiesça avec gratitude. « Ça serait génial, merci beaucoup. Là tout de suite j'ai une chambre simple et quelques autres plus tard, mais je pense que je vais bien prendre mon temps pour pas attendre trop longtemps. »

Kiba tapota l'épaule de son acolyte avant qu'ils se séparent dans le couloir.

Naruto n'avait pas beaucoup de chemin à faire. Comme d'habitude, il devait prendre les escaliers vu que les employés n'avaient pas le droit d'utiliser les ascenseurs, mais il ne devait monter qu'au troisième étage. D'habitude ça lui prenait une demi-heure de nettoyer une chambre simple, mais il voulait utiliser son délai d'une heure pour faire du vrai bon boulot. Il voulait s'immerger dans son travail et ne plus penser à des choses qui le faisaient trembler et frissonner, et lui donnaient envie de s'arracher les yeux de terreur. Son travail l'y aiderait. Kiba l'y aiderait.

Lorsqu'il pénétra dans la chambre, il soupira en voyant qu'il n'y avait pas vraiment de désordre. Le lit était toujours fait, avec les oreillers bien rebondis et à 4 centimètres l'un de l'autre, adossés à la tête de lit, et les draps étaient rentrés sous le matelas et lisses, pliés au bout en guise de repose-pieds moelleux. Le sol n'était pas sale, et il n'y avait pas d'odeurs. Tout semblait être en ordre.

A part pour le sac noir qui reposait sur la table de nuit.

Naruto cligna des yeux. Ou peut-être était-ce un sac à main? Il avait l'air d'être fait en simili-cuir ou quelque chose comme ça. Il se demanda si le propriétaire l'avait oublié, ou si il ou elle utilisait toujours la chambre. Il avait déjà eu des missions comme ça avant, où il devait nettoyer une chambre toujours occupée.

Lorsqu'il observa la chambre d'un peu plus près, il ne pouvait rien voir d'autre qui aurait pu indiquer que quelqu'un occupait toujours les lieux, alors il se rendit dans la salle de bain. En général, les clients laissaient leurs produits de toilette lorsqu'ils prévoyaient de revenir.

Il marcha jusqu'à la porte en espérant trouver ces produits, parce que sinon il allait devoir remettre le sac à la réception et remplir des papiers aux objets trouvés. Bien que ça lui prendrait son temps en trop, ça restait chiant à faire, et il ne se sentait pas de parler aux gens de la réception.

Lorsqu'il ouvrit la porte de la salle de bains, il laissa échapper un sourire. Il y avait effectivement quelqu'un qui occupait toujours la chambre, pensa-t-il alors qu'il se penchait sur le comptoir juste en dessous du miroir. Il y avait une quantité assez impressionnante de maquillage sur le meuble de salle de bains. La seule chose qu'il reconnaissait avec ses maigres connaissances en cosmétiques était le rouge à lèvre couvrant certaines parties du lavabo de traces vermeil.

De la part de quelqu'un qui avait laissé la zone autour du lit aussi propre, c'en était assez surprenant de voir la salle de bains dans un état pareil. Il avait cependant vu bien pire, si bien que même la grande quantité de cheveux noirs dans l'évier et la baignoire ne le dérangeaient pas vraiment.

Il y avait une règle stricte concernant les chambres toujours occupées, et c'était de remettre la chambre telle que le client l'avait trouvée en touchant le moins possible ses affaires. Naruto rencontra des difficultés à nettoyer le comptoir et l'évier, étant donné qu'il dut repousser le maquillage pour effacer les traces noires et rouges. Lorsqu'il se mit à retirer les cheveux du lavabo, il se rendit compte que ces derniers laissaient des traces sombres sur ses doigts gantés. Il grimaça en les ramassant, tout en se demandant comment cette personne (qu'il supposait être une femme) avait réussi à rendre ses cheveux aussi collants.

Il se figea lorsqu'il tomba sur un carton d'emballage qui avait l'air d'avoir été rageusement arraché en mille morceaux à côté de l'évier. Il soupira tout en se baissant pour le ramasser, morceau par morceau. Il remarqua le mot « coloration » du coin de l'œil et comprit un peu mieux ce qu'il se passait ici. Il avait déjà vu des trucs semblables auparavant, à l'époque où il venait de commencer à travailler à l'hôtel. C'était alors un endroit un peu glauque, et il y avait toujours des personnes étranges qui arrivaient brunes et repartaient blondes. Il s'agissait généralement de prostituées ou d'hommes à l'allure bizarre.

Il se demandait si cette femme n'était pas une prostituée.

Il nettoya la salle de bains aussi bien qu'il le put sans trop déranger ses affaires. Il retint un cri d'horreur lorsqu'il découvrit une culotte pleine de sang et roulée en boule avec la serviette toujours dessus dans l'une des extrémités de la baignoire. Yep' c'était sûrement une prostituée. Elles étaient souvent sales comme ça. La seule raison pour laquelle la chambre était clean était probablement parce qu'elle y faisait son business et qu'elle ne voulait pas que ses clients la payent moins à cause du manque de propreté.

Naruto secoua la tête en s'engueulant mentalement. Qui était-il pour juger les prostituées? Elles faisaient juste ce qu'elles pouvaient pour joindre les deux bouts.

Il aurait juste voulu qu'elles soient plus propres, pensa-t-il en grimaçant en ramassant précautionneusement la culotte souillée. Il se demanda s'il ne devait pas tout simplement jeter l'ensemble, ou séparer la serviette de la culotte avant de jeter la serviette.

Naruto grogna. Rien à branler. Il jeta la boule de culotte et de serviette dans le coin de la baignoire où il l'avait trouvée. Il frissonna. Mais pourquoi est-ce qu'il avait été ramasser ce truc? Il voulait bien s'appliquer, mais il y avait des limites à tout.

Le reste de la salle de bains fut facile à nettoyer. Il remplaça les serviettes, le shampooing, et accrocha la carte intitulée « Ai-je fait du bon travail? Contactez la réception pour toute réclamation » sur la poignée de la porte.

Il émergea de la salle de bain avec deux sacs poubelle qu'il avait remplis en travaillant, et vérifia l'heure sur l'horloge de la table de nuit. Cette chambre lui avait donc pris trois quarts d'heure en tout. Ça lui laissait quinze minutes pour se rendre à la prochaine chambre simple.

Il se dirigea vers la porte en poussant un soupir. Si une seule salle de bain lui prenait quarante-cinq minutes à nettoyer, comment est-ce qu'il allait pouvoir s'occuper d'une chambre utilisée normalement? Alors qu'il refermait la porte de la chambre derrière lui, son regard rencontra le sac noir par terre.

Naruto se figea.

Attendez.

Il fixa le sac. Qui était par terre.

Naruto plissa les yeux. Il était pas sur la table de nuit quand il était entré? Est-ce qu'il était tombé? Ou est-ce que…

Naruto se raidit.

Ou est-ce qu'il y avait quelqu'un dans la chambre?

Il balaya la pièce du regard avec prudence. Le lit ne semblait pas avoir bougé. Il venait de sortir de la salle de bains, alors il savait qu'il n'y avait personne à l'intérieur. La chambre était un petit espace clos. Il ne pouvait y avoir personne là-dedans. Il laissa échapper le soupir qu'il retenait et marcha jusqu'au sac.

Il était de toute évidence tombé. Il allait le ramasser et le remettre à sa place. Il n'avait aucune raison d'avoir peur de toute manière. S'il y avait quelqu'un dans la chambre, ça serait la personne qui l'avait louée. Naruto devrait simplement expliquer qu'il était l'homme de ménage, puis sortir. Aucun problème. Les gens pouvaient entrer et sortir de leur chambre quand ils voulaient.

Lorsqu'il commença à soulever le sac, il fut surpris de son poids inhabituel. Il grogna un peu en le levant. Qu'est-ce que cette femme pouvait bien avoir là-dedans? Il ne voyait aucune valise, alors peut-être qu'elle avait fourré toutes ses affaires dans un seul sac? Naruto émit un nouveau grognement lorsqu'il se rendit compte qu'il allait devoir le soulever à deux mains, avant de saisir le fond du sac de sa main libre. Il se figea lorsqu'il réalisa à quel point le bas du sac était mouillé et froid. On aurait dit que la femme l'avait rempli de glace.

Naruto avait vu assez de choses étranges dans des chambres d'hôtel pour qu'il ne soit pas trop perturbé par un sac de glace, mais c'était quand même bizarre. Une fois le sac de retour sur la table, il ne put s'empêcher de se pencher pour jeter un œil à l'intérieur.

Il s'arrêta brusquement alors qu'il commençait à écarter les bords du sac, sa conscience intervenant à ce moment précis afin qu'il se rappelle du respect de la vie privée que l'hôtel promettait à ses clients. Mais il repoussa cette hésitation aussi sec, parce que l'hôtel garantissait aussi ses clients contre le vol, mais ça n'empêchait pas les employés de se servir quand même.

Le sac était bizarre. Il ne pouvait pas juste écarter les bords pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur. Il devait déboutonner un truc, et après il devait dénouer un lacet chelou. Une fois la ficelle dénouée, il vit qu'il y avait effectivement un petit sac de glace sur le dessus. Il supposait qu'il y en avait un autre au fond puisqu'il avait senti que le sac était mouillé à cet endroit-là. Poussé par la curiosité, il se mit à soulever délicatement le premier sac de glace, histoire de vérifier si la prostituée serait assez bizarre pour en remplir un sac entier.

Mais ce qu'il vit n'était pas blanc et plein de cristaux. On ne voyait que du noir. Naruto plissa les yeux. C'était quoi? Ça avait l'air d'un bout de fourrure noire et hirsute. Il posa un doigt dessus pour toucher, et fut pris d'un petit frisson. On aurait dit des cheveux sur de la pierre glacée—

« T'es qui? »

Naruto laissa échapper un cri et laissa tomber le sac de glace sur… qu'importe.

Il se tourna pour répondre à la voix abrupte, pour sortir une excuse bégayée qu'il avait déjà au bout de la langue, mais il s'étrangla lorsqu'il vit la femme qui se tenait devant lui.

Les cheveux si noirs, la peau si blanche, les lèvres si rouges, les lunettes si épaisses—

Elle ne se ressemblait pas.

Mais il savait.

« S— » Il s'arrêta à temps. Juste à temps. Il avait longuement parlé de ce moment avec les autres, dans les moindres détails. Ils lui avaient dit de faire semblant de ne pas reconnaître la femme sous son déguisement, de faire comme s'il s'agissait d'une rencontre normale—

Mais comment pouvait-il?

Comment pouvait-il?

Alors qu'il savait que c'était elle. Il le savait de par la manière dont son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, et de par la sueur qui perlait derrière ses oreilles, il savait.

« J-Je suis tellement désolé, » murmura-t-il.

Et sa voix sonnait comme s'il se retenait de vomir, et ses mains tremblaient à ses côtés, et la femme, non pas la femme, elle, elle — parce qu'il savait qui elle était, elle qui le fixait avec de grands yeux ébahis, et là était tout le mal, de savoir que ses grands yeux ébahis savaient, qu'elle savait.

Elle savait.

Naruto lui fit un demi-sourire. « Je… J'ai trouvé le sac par terre. J'aurais pas du regarder. Je suis désolé. » Le tressautement de sa voix était parfaitement audible, mais il espérait qu'elle croirait qu'il était nerveux d'avoir été pris sur le fait, et non pas parce qu'il savait qui elle était.

Parce que c'était elle. C'était elle.

Et ça le tuait. Il avait espéré que lorsque ce moment viendrait, ce serait quelqu'un d'autre… Une fois qu'ils se seraient retrouvés, ça aurait été un moment magnifique, et elle se serait jetée dans ses bras et lui l'aurait portée de toute sa force — mais non. Ça n'allait pas se passer comme ça. Ça se passerait comme ça.

« Qui t'as envoyé? » grogna-t-elle, et ses mains tremblaient alors qu'elle passait une main dans son dos.

Naruto suivit cette main des yeux avant de recroiser son regard. Marron à présent, dissimulant ses magnifiques pupilles vertes qu'il connaissait si bien—

« QUI T'ENVOIE ?! » C'était un cri perçant, et Naruto fit un pas en arrière. Ce fut à cet instant seulement qu'il vit la fatigue dans ses yeux, le désespoir qui tordait ses traits.

« J-Je devais nettoyer la chambre, » dit-il doucement. Son cœur s'ouvrit à ses peines. A quel point ces derniers mois l'avaient-ils éprouvée? Désespérée, recherchant frénétiquement son mari, sans personne vers qui se tourner, obligée de changer d'identité et de se transformer—

« Qu'est-ce qu'il y a dans le sac? » cracha-t-elle d'une voix tremblante, comme si elle risquait de fondre en larmes à tout moment. « QU'EST-CE QUE C'EST?! » recommença-t-elle à crier une nouvelle fois.

Naruto lui lança un regard confus. Elle ne savait pas ce qu'il y avait dans le sac? Alors dans ce cas, pourquoi était-ce dans sa—

Il se figea lorsqu'il entendit un bruit de mouvement. La femme brune faisait un pas en arrière, fixant Naruto d'un air de terreur et de regret. Naruto lui rendit un regard compatissant. Il voulait la prendre dans ses bras, il voulait lui dire que tout allait bien, qu'il était de son côté. Son regard lui disait tant de choses sur ce qu'elle avait du traverser, la peur qu'elle devait ressentir tous les jours—

« S'il te plaît, » dit-il en faisant un pas en avant.

« RESTE OU TU ES! » hurla-t-elle à nouveau en faisant un mouvement de bras bizarre que Naruto ne comprit pas, jusqu'à ce que—

Jusqu'à ce qu'il se retrouve à fixer le canon d'un pistolet.

Naruto se raidit.

Oh.

Oh.

Tue-la avant qu'elle ne te tue

Oh.

Naruto se sentit ciller, trembler légèrement — mais pas de peur. C'était une sorte de… d'épiphanie.

Allait-il mourir aujourd'hui?

Il ferma les yeux.

Tue-la avant qu'elle ne te tue

Mais il avait caché le flingue chez lui. Il était trés trés loin de lui, maintenant…

Tue-la

Il aurait incapable de la tuer s'il avait voulu…

Tue-la

Mais ça n'avait pas d'importance, pas vrai? pensa-t-il en son for intérieur, tout en serrant les poings.

Avant qu'elle ne te tue

Parce qu'il ne ferait jamais ça.

Avant qu'elle ne te tue

Il ne tirerait jamais sur elle pour sauver sa propre vie.

Avant qu'elle ne te tue

Pas Sakura.

« E-Est-ce que c'est vrai? » gémit-elle d'une voix épaisse, et Naruto pouvait voir ses yeux brillants de larmes, même à travers ses lunettes hideuses. « T-Toutes les lettres… Toutes les notes — elles disent la vérité?! » Cria-t-elle en pointant son canon sur le blond de plus belle.

Naruto fit instinctivement un pas en arrière. Il leva les mains en l'air. « Je ne sais pas de quoi tu parles… » dit-il doucement en essayant de rester calme. Son cerveau lui soufflait d'accepter son destin, mais sa réponse instinctive était de se mettre en mode « survie, » et il sentait son cœur battre dans sa poitrine comme s'il voulait à tout prix s'échapper.

« Si je te tue, » grogna-t-elle à travers ses larmes, « je pourrai revoir mon Sasuke? » Elle acheva sa phrase dans un souffle, et ses lèvres se soulevèrent en une horrible grimace, suivie par un sanglot. « C'est la vérité? »

Naruto laissa son visage s'effondrer de lassitude.

Alors c'était comme ça.

Gaara l'utilisait vraiment comme un pion après tout.

Il ne comprenait pas pourquoi… Mais il savait que Sasuke devait avoir le rôle principal dans cette affaire, lui, la pièce centrale, le point névralgique de cette histoire entière.

Gaara voulait probablement que Naruto meure ici, afin qu'il ne devienne pas une gêne plus tard.

Naruto ferma totalement les yeux et laissa la dépression rampante l'envahir.

Alors c'était comme ça.

« Fais ce que tu as à faire, » dit-il doucement. « Sakura, » ajouta-t-il, parce que, en toute honnêteté, à quoi rimait ce plan à la noix s'il n'était qu'un pion, juste quelqu'un qui serait sûrement mort dans quelques secondes?

Il entendit le bruit de respiration saccadé de Sakura, et un long sanglot le suivit. « Naruto, » fit-elle, la voix épaisse de salive. « Ça disait que tu saurais, » continua-t-elle à travers un gémissement, « que je devais te tuer, avant que tu ne me tues, » fit-elle tout en levant la voix. « Mais tu n'essayes pas de me tuer Naruto! » Cria-t-elle. « Pourquoi? »

Naruto tremblait sur place. Gaara les avaient tous manipulés. Sakura avait… Elle avait reçu la même lettre. En des termes différents cette fois. Il les avait tous corrompus en leur faisant miroiter ce qu'ils désiraient le plus. Naruto voulait être important, et Sakura voulait voir Sasuke.

Il se demanda si qui que ce soit ici obtiendrait jamais ce qu'il voulait.

S'ils avaient le choix, s'il y avait un semblant de vérité derrière tout ça, il espèrait que Sakura obtienne ce qu'elle voulait. Cela voudrait dire qu'elle vivrait, et qu'elle serait enfin réunie avec son mari, et qu'elle retrouverait le bonheur.

« Qu'est-ce qui t'es arrivé, Sakura? » demanda-t-il doucement, calmement. Autant qu'il obtienne réponse à ses questions avant qu'il se fasse tuer.

Sakura le regarda à travers ces lunettes affreuses avec des yeux écarquillés. Elle continua de le fixer de longues secondes avant de secouer la tête. « Non, » fit-elle doucement. « Pas de questions. Il faut que je le fasse. » Ceci étant dit, Naruto entendit le clic de l'arme, et le blond sut qu'elle était prête à tirer.

Tout le calme qu'il pensait avoir quelques instants auparavant fondit comme neige au soleil, et il se sentit étranglé de panique.

« Sakura, attends— »

« Ne parle pas— »

« Tu comprends pas— ! »

« J'AI DIS ARRÊTE DE PARLER! » Elle fit un mouvement brusque avec le canon de son arme et se positionna les jambes écartées. « Je-Je suis désolée, Naruto, » dit-elle à travers des dents serrées. « Mais c'est le seul moyen. »

Naruto ouvrit la bouche, puis la ferma, avant de la rouvrir. Il ne réussit qu'à avoir l'air d'un poisson hors de l'eau.

Putain, pensa-t-il désespérément en levant les mains. « Sakura… » dit-il doucement en la fixant avec des yeux écarquillés. C'était vraiment comme ça que ça allait se terminer? Il allait mourir de la main de la femme qu'il aimait depuis son enfance? C'était tragique, d'une manière qui lui donnait envie de s'arracher le cœur. La vie lui avait toujours réservé le rôle de perdant, et il allait mourir comme il avait vécu, pensa-t-il, des larmes de douleur et de pure terreur s'échappant de ses yeux. Il allait mourir en anonyme. Jamais appelé à être quoi que ce soit, jamais appelé à capturer Gaara ou à jouer un vrai rôle dans sa capture. Il n'était qu'un figurant, et il mourrait en figurant.

Il ferma les yeux et ne fit rien pour retenir les larmes qui coulaient le long de son visage jusqu'à s'accrocher aux poils de son menton et pendre tragiquement.

Allait-il vraiment mourir comme ça?

Il entendit un clic mou venant du pistolet de Sakura.

Et après ça, les choses se passèrent en un éclair.

Il y eu un grand bruit sourd, comme une porte qui butait contre un mur avec force, et une voix résonna, joyeuse, insouciante, pleine de vie—

« Naruto, tirons-nous de c'te— »

Et puis Sakura avait lâché un cri, surpris, et—

Et il y eut un son.

Puissant.

Comme le cri perçant d'une machine, déchirant l'air d'un seul trait, laissant un cortège d'échos résonnant comme du tonnerre.

Un coup de feu.

Lorsque Naruto leva les yeux, il aurait juré que sa portion du monde tournait au ralenti. Il baissa les yeux sur son propre corps pour tâter à la recherche de la blessure qui devait être là, mais il ne la sentait pas—

Et il ne la trouvait pas.

Il n'était pas touché.

Et lorsqu'il leva les yeux, il vit Sakura debout devant lui, lui tournant le dos, faisant face à la porte avec son pistolet tremblant entre ses mains, pointé en direction de—

En direction de Kiba, qui se tenait là, fixant le trou sanglant sur son torse dans un silence abasourdi. Et puis il leva la tête, d'une manière douloureusement lente, et son regard trouva celui de Naruto. Il le regarda droit dans les yeux alors que son visage se déformait sous le coup de la réalisation, et ses yeux devinrent tristes, et il s'effondra doucement.

S'effondre, s'effondre, il s'effondre—

Le temps revint soudainement. Il passait à une vitesse étourdissante, comme s'il cherchait à rattraper toutes les secondes qu'il avait passées au ralenti.

« KIBA! » s'entendit-il hurler, et bien que le temps fut revenu à la normale, son cœur battait toujours frénétiquement dans sa poitrine. Il se rua maladroitement sur son ami et se pencha sur lui en poussant un cri de désespoir. « Kiba, » éructa-t-il en repoussant les cheveux de son ami.

Et alors—

Et alors il ne sut plus quoi faire, il ne savait pas quoi faire, et ses yeux qui voyaient déjà flou à cause des larmes devenaient de plus en plus flous—

« APPELEZ LA POLICE! »

C'était sa voix, ça? Il n'en savait rien, mais elle avait l'air rauque et sèche et désespérée—

« Naruto. »

C'était Kiba avec ses yeux grand ouverts, qui le fixait avec de grands yeux suppliants, « Naruto, » et sa main chercha le blond à l'aveuglette et Naruto attrapa cette main et la serra de toutes ses forces—

« JE VOUS EN PRIE! » C'était encore lui, ça? Pourquoi est-ce que sa voix avait l'air d'un grognement de monstre comme un son guttural inhumain et profond et le sang de la blessure de Kiba s'étendait s'étendait s'étendait comme un feu de forêt sur son ventre d'où est-ce que tout ce sang pouvait bien venir ce sang tout ce putain de sang—

Il y en avait d'autres dans le couloir maintenant, en train de courrir, de crier, de bouger, d'hurler, de dire de vrais mots et des mots absurdes et des mots importants et des mots ultra-supra-importants et les yeux de Kiba, Kiba, Kiba, ils se fermaient il se fermaient et—

« Kiba! » C'était encore lui-même, la voix suraigüe, et il se penchait pour secouer son ami, et Kiba ouvrit grand les yeux, déboussolé, et il fixa Naruto comme s'il ne l'avait jamais vu avant—

« Naruto, » et pourtant, on aurait dit que son nom était le seul mot qu'il connaissait, « Naruto »

« S'il te plaît Kiba, » et la voix de Naruto sortit comme un cri aigü et doux, et ses larmes tombaient goutte à goutte sur le visage de son meilleure ami, « reste avec moi, ne t'endors pas, ne t'endors pas »

« Pourquoi je suis si… fatigué, » et la voix de Kiba sortait comme un soupir, et ses yeux se fermèrent de nouveau.

Naruto le secoua violemment. « Non! Non! Kiba, reste avec moi, Kiba— »

« C'est quoi ce— gurrh! » Et un bruit de toux grasse s'éleva de sa gorge, et un liquide sombre gicla de sa bouche que Naruto essuya frénétiquement.

« Monsieur, il va falloir que vous vous écartiez, » et c'était une autre voix, une voix de femme, une voix autoritaire qui énerva Naruto car elle avait pas l'air de comprendre que son ami était en train de mourir—

« Monsieur, il risque de s'étouffer dans son sang, écartez-vous s'il vous plaît. »

Et alors il y eut des mains sur ses épaules qui le tirèrent brusquement en arrière, et il se débattit pendant quelques secondes avant que des mots apaisants se bousculent à ses oreilles. « Calme-toi fiston il ira bien soit fort tout ira bien tu verras— »

Puis il y eut d'autres dans le couloir, des hommes en uniforme portant un brancard et criant à tout le monde de s'écarter—

Naruto fut tiré à l'intérieur de la pièce, toujours au sol, fixant avec de grands yeux écarquillés la foule croissante de gens qui se penchaient sur Kiba, qui le déplaçaient, qui le touchaient, qui lui déchirait sa blouse de travail et qui le soulevaient et qui l'emportaient—

« Kiba—! »

Un hurlement perçant lui vrilla soudain les oreilles. Un cri puissant, continu qui venait de derrière. Et lorsqu'il se retourna précipitamment, il vit Sakura à genoux, le sac vide devant elle, serrant le pistolet contre sa poitrine, les yeux clos et la tête rejetée en arrière vers le plafond alors qu'elle se balançait d'avant en arrière et poussait ce cri qui ne cessait pas.

Et puis d'autres personnes criaient aussi, bougeaient et tombaient tout autour de lui.

Mais pas Naruto. Il ne pouvait pas.

Il ne pouvait que regarder et se demander depuis combien de temps la tête gonflée et bleue de Sasuke roulait au sol.


Il y avait eu beaucoup de mouvement.

C'était tout ce dont Naruto se souvenait pour le moment.

Beaucoup de mouvement de gauche à droite, de droite à gauche.

Et puis des visages à quelques centimètres du sien.

Essayant de—

Le sang qui tachait ses mains.

Incrusté sous ses ongles.

Tout ce sang.

Tout ce sang.

Pas le sien.

Mais comme il aurait voulu que ce soit le sien.

Comme il aurait voulu.

Il y avait eu un paquet de mains sur ses épaules, et un paquet de tapotements sur son bras, et un paquet de mains qui serraient la sienne.

Qui le touchaient.

Qui le consolaient.

Inconsolable qu'il était.

Tout le monde l'avait vu tel qu'il avait été.

Kakashi, Iruka, Shikamaru, le Chef, Chôji, Neji—

Ils étaient tous venus avec leurs yeux compatissants et tristes et inquiets, et calculateurs mais ils s'en foutaient, ils s'en foutaient de Kiba, tout ce à quoi ils s'intéressaient c'était la tête coupée, la putain de tête coupée de Sasuke Uchiwa de merde que Sakura refusait de lâcher, idiote de Sakura refusait de la lâcher elle ne voulait pas la lâcher—

Les yeux de Naruto se fermèrent quelques instants, alors qu'il repensait à l'amour qu'il ressentait pour cette femme. Lorsqu'il chercha ces sentiments, il ne trouva rien d'autre qu'un grand vide froid qui s'étendait dans sa poitrine.

Il avait été idiot

Il avait été idiot

Il laissa ses yeux retomber sur le pistolet métallique dans sa main. Il scintillait sous la lumière de la lune, et la gachette l'appelait comme une pute tentatrice.

Il allait régler toute cette merde

Il allait régler toute cette merde

Il savait comment il allait le faire. Il savait où il voulait que la balle frappe. Juste entre ses deux yeux, histoire qu'il y ait un trou dans son cerveau, et qu'il gicle de l'autre côté.

Il n'avait jamais utilisé le pistolet. Il voulait garder chacune des balles pour lui. Il savait qu'il était chargé, de par son poids.

Le salaud avait voulu qu'il l'utilise pour tuer Sakura. Mais il allait l'utiliser pour le tuer lui à la place. C'était comme ça que ça devait être.

« Je sais que t'es là, » dit-il calmement. Il se tenait dans la rue qui longait l'immeuble 1313. Il était venu là toutes les nuits depuis ce jour à l'hôtel.

Il ne savait pas pourquoi, mais il savait, de la même manière qu'il avait su que c'était Sakura dans cette chambre d'hôtel, que Gaara viendrait ici, dans cette allée, pour le voir. Il ne savait pas quand ça arriverait. Mais il savait que ce serait ici.

« Je vais te faire payer, » dit-il au pistolet en le caressant de ses doigts fatigués. Il devait être une heure du matin maintenant. La nuit était silencieuse. Trés peu de voitures passaient.

La lune était pleine.

« Je vais te faire payer! » cria-t-il à la lune. « Je vais te faire regretter d'être né, espèce de putain de connard de tes morts, je vais te tuer encore et encore, et puis je te cramerai vivant— sauf que je te laisserai pas vivre, je te laisserai pas vivre putain de merde— »

Et ça continuait, comme toujours. Ça se passait comme ça depuis trois nuits. Lui qui venait là, qui insultait les étoiles avec un gun dans la main, en espérant, en priant Dieu qu'il se ramène enfin pourqu'il puisse lui coller une bastos entre les deux yeux—

« Uzumaki Naruto. »

Naruto se figea.

Et c'était comme de la glace coulant sur du verre. Cette voix.

Naruto sentit l'air transporter ce son jusque dans ses oreilles, jusqu'à l'arrière de sa nuque jusqu'à ce qu'il trouve sa colonne vertébrale. Le frisson qui le secoua le fit presque lâcher son arme.

« Enfin nous nous rencontrons. »

La voix venait de—

D'un coin, il le savait, mais elle résonnait dans son crâne comme si elle émanait de tous les côtés.

Ses mains tremblaient violemment. Si bien que le pistolet dans sa main cliquetait contre le mur derrière lui.

Et il y avait une sensation qui apparaissait au fond de son estomac. On aurait dit quelque chose de long, chaud et métallique, s'agitant dans son estomac et remontant dans sa poitrine et réveillant son cœur en sursaut.

C'était de la peur.

Qui le rongeait vivant. Qui lui aspirait toute vie. Toute sa volonté—

Mais non. Non, il ne laisserait pas ça le stopper. Il se détacha du mur contre lequel il était appuyé et se tourna vers l'endroit d'où venait la voix.

Il gardait la tête baissé, et il ne savait pas pourquoi—

Si. Il savait pourquoi. C'était à cause de la peur — la peur qui palpitait en lui comme une chaleur vivante. Elle lui donnait envie de se ruer en avant et de s'enfuir, elle lui donnait envie de se chier dessus—

Mais non.

Non.

Mais il avait toujours peur, comme il avait peur.

« Regarde-moi, Naruto. »

Naruto. Il disait son nom avec un roulement de langue qui donnait au blond une envie impérieuse de s'enfuir de l'allée en hurlant sans un regard en arrière.

Mais l'homme avait raison. Comment Naruto pourrait-il lui tirer entre les deux yeux, s'il ne le regardait pas?

Ça lui demanda un effort tel qu'il en brisa presque sa volonté, de lever les yeux. Et même ainsi, le mouvement pris quelques secondes, avec une longue pause tous les centimètres.

Et soudain il avait levé les yeux.

Et il regardait Gaara.

Le Gaara.

Qui lui rendait son regard avec des yeux brillants et froids.

Naruto sentit de la sueur froide qu'il n'avait même pas senti s'accumuler, tomber de son front, goutter le long de son nez et s'accrocher aux poils de son menton.

Il n'était rien comme il l'avait imaginé.

Non. Il avait tout simplement eu trop peur pour l'imaginer.

Mais l'homme qui se tenait devant lui, jamais il n'aurait été capable de le concevoir de toute façon. L'homme en face de lui était…

Irréel.

Il était grand et immobile, et il portait des vêtements sombres mangés en grande partie par les ténèbres. La seule chose découverte, la seule chose exposée à la lumière de la lune, c'était son visage. Et ses cheveux.

Ces cheveux rouges sang étaient classe. C'était tout ce qui venait à l'esprit de Naruto pour les décrire. Classe, et vifs, pendant au-dessus des épaules inhabituellement larges de l'homme. Son visage était pâle — d'une pâleur choquante qui tranchait avec la couleur vive de ses cheveux.

Et puis il y avait autre chose. Un tatouage sur son front. Quelque chose qui ressemblait à un caractère chinois, juste au-dessus de son œil. Ça lui donnait l'air d'une peinture.

D'un fantôme au lieu d'un être humain.

Qui se tenait là. Avec ces yeux.

Ces grands yeux brillants. Cernés par quelque chose qui ressemblait à du charbon.

Il n'affichait aucune émotion.

Et Naruto se noyait dans des émotions qui semblaient vouloir l'étouffer jusqu'à la mort.

« Tu… » commença-t-il, et le temps d'un instant il ne put reconnaître sa propre voix, tant elle était laide. « Tu l'as tué. »

Le roux ne cilla même pas. Il se tenait là, tel une statue. Fixant Naruto de ces yeux.

Naruto avait l'impression d'être face à un démon. Un monstre. L'homme le terrorisait tellement.

Et ces yeux. Ces putains d'yeux, qui ne le lâchaient pas—

« Tu ne te souviens pas de moi. » La voix tenait plus du murmure cette fois, comme s'il s'agissait d'une réflexion personnelle.

Il fit alors un pas en avant, et Naruto pointa le canon de son arme sur lui d'un geste comme s'il avait reçu une claque.

« Ne bouge pas, » grommela-t-il, mais la menace qu'il tentait de faire passer était amoindrie par les tremblements de sa voix. « R-reste où tu es! »

Quelque chose qu'on aurait pu qualifier de sourire sur n'importe quel autre visage souleva un coin de la bouche du roux. C'était une chose petite et laide.

« Je suppose que j'ai changé depuis, » continua-t-il doucement avant de refaire un pas en avant.

Naruto pointa le pistolet de plus belle sur l'homme. « J'ai dit ne bouge pas! » cria-t-il. « Je vais tirer, je te jure que je le fais! »

« Je t'en prie, » répondit simplement le roux. Il recula d'un pas et écarta légèrement les bras et les jambes. « Vise où tu le souhaites. »

Naruto fixa l'homme avec des yeux écarquillés. Avait-il conscience de ce qu'il faisait? Il fronça alors les sourcils. Bien sûr qu'il savait ce qu'il faisait, il savait tout sur tout, hein? Il pensait vraisemblablement que Naruto se dégonflerait et ne tirerait pas.

Eh bien il allait lui montrer.

Il leva le pistolet et ferma un œil. Il ne savait pas viser avec le canon, il ne savait pas où partirait la balle. Il espérait juste qu'elle toucherait au but. Si elle ne se logeait pas entre ses deux yeux de bâtard, alors elle le toucherait à l'œil, ou au nez, ou à la mâchoire—

Ça n'avait pas d'importance, tant que l'ordure crevait—

« Vise bien, » dit l'homme, et il hocha la tête en regardant Naruto droit dans les yeux, comme s'il s'agissait d'un accord mutuel, et non de la seule décision de Naruto—

Et ce fut la goutte d'eau, ce qui le poussa à enfin appuyer sur la gâchette—

« clic »

Naruto ouvrit les yeux. Quand les avait-il fermés?

Il n'avait rien entendu, ni bang, ni grognement de douleur, ni le bruit sourd d'un corps tombant au sol. Et il savait qu'il avait appuyé sur la gâchette.

« La pièce du haut, » fit la voix, et ça ressemblait à des ongles crissant sur un tableau, « tire-la. Ensuite appuie sur la gâchette. »

Naruto fixa le roux avec de grands yeux apeurés et calculateurs. Se rendait-il compte qu'il était en train d'aider Naruto à le tuer?

Il obéit, et le pistolet émit un déclic mou. L'arme sembla légèrement plus lourde tout à coup, et Naruto la serra de ses deux mains, et la releva au niveau du visage de Gaara.

« Si je puis me permettre, » articula lentement l'homme. « Juste ici, » dit-il en montrant la zone entre ses deux yeux.

Naruto inspira profondément, et retint un cri.

C'était—

C'était son idée.

On aurait dit que le roux avait investi son esprit, lui volait ses pensées et les lui renvoyait en guise d'insulte—

Comment faisait-il pour tout savoir? Et qu'est-ce qui lui donnait le droit de jouer avec les gens comme ça? De leur envoyer des lettres, de les conduire à leur perte—

C'était le mal. Cet homme était le mal incarné. C'était ce que pensait Naruto alors qu'il pointait son pistolet. Ses mains tremblaient terriblement, mais il le toucherait, il le savait. Il tirerait une fois, et s'il était toujours debout il lui tirerait dessus encore, et encore, et encore, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de balles.

« Espèce de sale monstre, » dit-il d'une voix gutturale. « Tu vas payer pour tout ce que t'as fait. »

L'homme ne fit rien, ne dit rien. Il restait là, dans la même position ouverte.

En attendant que Naruto tire.

Et c'est ce que Naruto fit.

Le son, bien trop familier, transperça l'air, plus fort encore que dans la chambre d'hôtel. On aurait dit un rapide et timide grondement de tonerre, et le son résonna sur les murs et frappa ses deux oreilles comme un éclair.

Naruto poussa un petit cri de surprise, parce qu'il ne s'attendait pas à ce que le coup de feu soit si fort.

Et les tremblements de ses mains empirèrent. Il avait cru qu'il se sentirait mieux, il avait cru qu'il aurait une sorte de soulagement. Mais au lieu de ça il se sentit bien pire, et il tremblait toujours.

« Hmm. » Le marmonnement était bas et sans méchanceté. Juste un simple son.

Naruto se tourna vers l'homme en levant son pistolet une nouvelle fois. Putain de merde s'il s'était chié

Mais non, vit-il en suivant du regard la grande main posée contre du tissu sanguinolent, juste au-dessus de l'endroit où était censé être son nombril.

Naruto déglutit. Il l'avait touché.

Il lâcha son arme.

Oh mon Dieu.

Gaara regardait sa blessure sans afficher d'expression particulière. Il avait l'air d'appuyer dessus, avant de retirer ses doigts et de relever les yeux sur Naruto.

« Tu as raté, » dit-il simplement.

Et soudain il s'avançait — il se déplaçait en avant, d'une vitesse et d'une lenteur possibles uniquement en rêve—

Tout ce que Naruto savait, c'était que le temps d'un instant il ne put plus bouger, et qu'il pu rebouger l'instant d'après — et c'était pour s'enfuir, avec un cri de désespoir au bout de la langue. Il se retourna et courut peut-être quatre pas avant qu'une main lui saisisse l'épaule, le retourne et le plaque vicieusement contre le mur.

Naruto en perdit le souffle. Il faillit en tomber sur le sol, mais un bras fort le retint, pendant que l'autre était pressé contre le mur juste à côté de sa tête.

Naruto grogna vainement lorsqu'une douleur aigüe apparut à l'arrière de son crâne, mais lorsqu'il eut ouvert les yeux, la douleur avait disparu.

Gaara était tout près.

A quelques centimètres seulement de son visage.

Et il le surplombait de toute sa hauteur.

Il coinça la carrure plus petite de Naruto contre le mur et resta là, tout en l'observant.

Avec ces yeux.

Naruto lui rendit son regard, son souffle entrant et sortant sèchement de sa bouche, et sur le visage de Gaara.

Mais ça n'avait pas l'air de le gêner. Il se rapprocha même encore plus, jusqu'à ce que leurs nez se touchent presque, et inclina la tête.

« Tu ne te rappelles toujours pas de moi, » murmura-t-il. Et il s'agissait d'une constatation, non pas d'une question.

« J-Je me rappelle? » La voix de Naruto était fêlée, rauque et gutturale comme s'il avalait du verre pilé en parlant.

Gaara bougea de nouveau la tête, cette fois de manière à ce que ses lèvres soient à la hauteur de la touffe de cheveux blonds pleins de sueur au sommet de son crâne. « J'étais… plus jeune à l'époque… » murmura-t-il encore.

Et Naruto sentit un autre frisson frapper sa colonne vertébrale, cette fois-ci remontant jusqu'à ses oreilles. Gaara était proche, si proche — il ne le touchait pas, mais presque. Comme si sa silhouette fusionnait avec celle de Naruto.

« J'étais… plus petit que toi. Plus faible aussi. Mais tu n'avais aucun désir de profiter de moi… »

Naruto sentit la confusion soudaine occulter sa peur. De quoi parlait-il?

« Nous étions déjà brisés tous les deux, » continua l'homme dans le même murmure, et la main qui serrait l'épaule de Naruto glissa quelques centimètres plus bas. « Mais tu comprenais. »

Naruto tourna brusquement la tête sur le côté, le souffle coupé.

« Tu comprenais qu'il existait de la misère… de la détresse… de la souffrance dans chaque pièce, dans chaque coin. Qu'aucune place sur cette pitoyable terre n'a été épargnée du spectre de cette inéluctabilité. »

Naruto ferma les yeux et inspira profondément. Le roux se rapprochait, pressant son corps contre le sien si bien qu'il pouvait sentir sa chaleur. « Quelle inéluctabilité? » se força-t-il à dire, et il n'aurait pas été surpris si ses dents se mettaient à saigner, tant il les serrait.

« La seule et unique chose que chaque être humain a en commun avec tous, » fut la réponse. Et Naruto voulait ne faire plus qu'un avec le mur lorsque l'homme se rapprocha. Gaara leva alors son autre main et la passa dans ses cheveux.

Il secoua frénétiquement la tête afin de repousser la main, et tenta de lui jeter un regard noir. Hélas, une fois le regard plongé dans ces deux yeux sans émotion, il ne fut plus trés sûr d'avoir réussi. « Ne me touche pas, » parvint-il à dire.

« La mort, » acheva l'homme en ignorant le blond. « Le dénominateur commun. »

Naruto se mordit brièvement l'intérieur de la bouche. C'était quoi le problème de tout le monde avec la mort et son inéluctabilité en ce moment? « C'est pas vrai, » dit-il d'une voix laide et chevrotante. « Tout le monde naît aussi, » poursuivit-il. « La vie, c'est quelque chose qu'on a tous en commun. Notre dénominateur commun. »

« …La vie? » Gaara s'arrêta et détourna le regard. Lorsqu'il reposa les yeux sur Naruto, ce fut avec un petit hochement de tête négatif. « Non. Nous n'avons pas cela en commun. »

« De quoi tu parles? » demanda-t-il. Et il essaya de se déplacer sur le côté, mais il fut bloqué par le bras de l'autre juste à côté de son visage, l'enfermant. « T'es mort? » Et il haïssait la la manière dont sa voix sonnait, aigüe et pathétique.

Les coins des lèvres de Gaara se re-soulevèrent. Le faux sourire, si étrange. « J'ai arrêté de vivre il y a bien longtemps. Je suis une coquille vide à présent, une ombre sans valeur, à l'agonie— »

« Tu es fou, » chuchota Naruto avec vigueur en fusillant l'autre du regard. Il reprenait peu à peu confiance en lui, mais pas assez pour que les tremblements de sa voix et les frissons disparaissent. Si Gaara avait voulu le tuer, il l'aurait déjà fait, n'est-ce pas?

« Non, » répondit doucement Gaara avec un léger reproche dans la voix. « Ne sois pas comme eux. La folie n'est qu'une bonne excuse. Je sais ce que je fais. »

« Alors pourquoi tu fais ça! » hurla Naruto à la face de l'autre. « Pourquoi tu tues tous ces gens, pourquoi tu les fais souffrir — pourquoi tu me fais souffrir? J'ai rien fait pour mériter ça — Kiba non pl— »

« Chhh… » fit doucement Gaara, réussissant ainsi à faire taire le blond. « La souffrance, » commença-t-il à voix basse, « fait partie de la vie. Et je te promets, » ajouta-t-il en rapprochant encore plus son visage du blond, « que quand tout sera terminé, tu ne souffriras plus. »

Naruto leva sur lui des yeux écarquillés et trahis. « T'es pas sérieux, » fit-il lentement. « Tu m'as fait souffrir plus que je— »

« Mais je t'ai dit ce que tu devais faire, » coupa doucement Gaara en se reculant enfin légèrement, afin qu'il puisse mieux voir le blond. « Je t'ai dit de la tuer. Autrement c'est elle qui allait te tuer. »

Naruto fixa le roux d'un air ahuri. « Mais elle m'a pas tué, espèce de gros shlague! » cria-t-il. « Elle a tué Kiba! Et il avait rien à voir avec cette histoire! C'était un innocent qui n'avait rien fait de mal— »

« Chhh… » refit l'homme en fermant les yeux, dans une mimique qui ressemblait à une légère exaspération. Une fois les yeux rouverts, il se rapprocha de plus belle et plongea son regard profondément dans celui de Naruto. « Dis-moi si tu resté cette même personne que tu étais avant de l'avoir regardé mourir, » murmura-t-il. « La réponse est non, » poursuivit-il simplement sans attendre sa réponse. « Tu es mort, Naruto. Et tu es né une nouvelle fois. En la personne que tu es maintenant. »

Naruto fixa l'autre avec de grands yeux ébahis. « Hein? »

« Tu es un homme de vengeance à présent, » clarifia-t-il. « De revanche. L'homme que tu étais avant… N'aurait pas été capable de tirer. »

« Et comment tu savais que j'allais pas mourir, putain de merde?! » hurla-t-il, incrédule. « Comment tu peux savoir quoi que ce soit? Comment tu fais pour prédire les choses comme ça? »

L'homme haussa les épaule. « Est-ce que ça importe? »

Naruto avait envie de lui cracher au visage. « Va te faire foutre, » grogna-t-il. « Est-ce que ça importe? Tu joues avec la vie des autres! Tu assassines des innocents! Qu'est-ce qui te donnes le droit de faire toutes ces choses, nom de Dieu?! »

« Dieu? » Gaara fronça légèrement les sourcils. « Cet être nous a abandonné il y a longtemps. Il s'est voilé de l'idée de perfection alors qu'il cristallisait simultanément la loi d'imperfection dans chaque corps et âmes humains. »

Naruto émit un son d'exaspération désespéré. « Ce que tu dis n'a aucun sens, » geint-il.

« Sens, sensible, sensibilité, sensoriel, ressentir… » murmura l'homme, et il se rapprocha une énième fois, se pressant contre le corps de Naruto. Ce dernier retint son souffle lorsqu'il sentit quelque chose de chaud et d'humide pénétrer le T-shirt qu'il portait. Lorsqu'il baissa les yeux, il vit le sang de la blessure de Gaara tachant leurs vêtements.

« Tu… » observa-t-il en hésitant. « Il faut que t'ailles à l'hôpital, » souffla-t-il. Il fut instantanément pris de honte d'avoir dit ça. Gaara ne méritait pas d'aller à l'hôpital. Il devait être abandonné à son sort.

« J'avais tort… » marmonna le roux, et sa poigne se resserra autour du bras de Naruto. « Tu n'es pas mort. Ton envie de vengeance s'affaiblit. Ton ancien toi reparaît. Peut-être ton ami n'est-il pas mort après tout… »

Naruto ressentit un coup au cœur si puissant et tranchant qu'il ne put se retenir d'avantage. Il cracha au visage de Gaara.

Sa salive atterrit sous son œil et coula jusqu'à son menton. Il ne fit rien pour l'enlever.

« On m'a dit qu'il n'y avait plus rien à faire — qu'il n'allait pas s'en sortir— »

« Et puis tu t'es enfui de l'hôpital, et tu n'es jamais revenu, » murmura l'autre. Il avait un drôle d'air, avec la bave qui coulait le long de son visage. « Tu n'as vu personne depuis. Tu t'es enfermé dans ton appartement, tu pensais à la vengeance, et tu as dormi dehors ces deux dernières nuits de peur que tes amis viennent te chercher. »

Naruto secoua la tête. « Comment tu peux savoir ces choses? » cria-t-il de frustration.

« Parce que je t'observe, » répondit simplement l'autre.

Le blond recommença soudainement à se débattre contre l'homme. Mais le roux se pressa encore plus contre lui et le maintint pris au piège de son corps.

« Je t'observe depuis le début, » enchérit-il. « Je suis rentré chez toi. Je t'ai regardé dormir, je t'ai regardé te laver, je t'ai regardé te toucher— »

Naruto fit une nouvelle tentative pour se dégager en utilisant ses bras cette fois, tentant de se faufiler au-dessus ou en dessous du roux, mais Gaara le maintenait en place de son propre corps, pressé contre le sien.

« Je vois pourquoi, maintenant, » dit l'homme en mettant ses lèvres au niveau du creux de son cou. « Je vois pourquoi ça doit être toi. »

Naruto grogna et essaya encore de se dégager, mais s'arrêta immédiatement lorsqu'il sentit un genou se plaquer entre ses jambes. Il eut un hoquet de surprise, et se figea de la tête aux pieds.

« La manière dont tu me regardes… » marmonna l'homme dans son cou. « Cette peur, et pourtant — il y a de la défiance. Du pouvoir. Tu trouveras un moyen. » La main serrant le bras de Naruto descendit jusqu'à tenir le poignet du blond. Naruto déglutit avec difficulté alors que la main de Gaara se déplaçait encore jusqu'au dessus de sa hanche.

« J'entrevois déjà ma perte, » murmura de plus belle Gaara en remuant à peine les lèvres. « Et tu es son auteur. Mais ne te méprends pas, » ajouta-t-il en pressant encore plus son genou contre l'aisne de Naruto. Le blond siffla et fit mine de se détourner, mais il ne réussit qu'à se frotter encore plus—

« Je continuerai à déjouer la mort jusqu'à la toute fin, » poursuivit Gaara. « Et beaucoup souffriront, avant que je ne te laisse me détruire. Mais l'inéluctabilité de cette destruction… » Naruto sentit l'autre frissoner contre lui et poser ses lèvres contre son cou. Naruto dut alors retenir sa respiration, parce qu'il pouvait sentir les vibrations de la voix de l'homme lorsqu'il parlait. « …Est sublime. Est-ce de la peur, je me demande…? Mais l'idée de ma propre mort… » Il s'arrêta et bougea contre Naruto d'une manière qui semblait expérimentale.

Naruto ouvrit la bouche en un cri silencieux, lorsque le corps de Gaara frotta contre une bosse dans son pantalon qu'il refusait d'admettre.

« Mais maintenant que je l'ai acceptée, » continua le roux. « Je relèverai le défi, et je continuerai à me battre jusqu'à ce qu'inéluctablement, je tombe aux mains de l'énemi de mon créateur. »

Il y eut un long silence, uniquement troublé par le souffle court de Naruto. Lorsqu'il réussit à parler, sa voix n'était plus qu'un chuchotement. « Tu veux que je te tue? »

« C'est inéluctable, » répondit Gaara, toujours en murmurant. Il avait l'air d'avoir trouvé quelque chose de fascinant au creux du cou de Naruto, parce qu'il n'en bougeait pas. Le blond grimaça et tenta encore de se dégager, en vain.

Il ne pouvait rien faire pour s'échapper, alors que quelque chose de chaud et d'humide traça soudainement un trait continu de la base de son cou à l'arrière de son oreille. Il ne put contenir un pathétique miaulement de terreur qui s'échappa de ses dents serrés, et il ne put contrôler le tressaillement de ses genoux lorsque l'autre se frotta une nouvelle fois.

« A… Arrête, » supplia-t-il, et c'était un murmure désespéré, parce qu'il ne captait strictement rien à ce qu'il se passait, et il était sur le point de vomir, et sa chaleur allait l'étouffer, et il allait s'évanouir de terreur dans quelques secondes—

Et d'un coup d'un seul, la chaleur pressée contre son corps disparut.

Et Gaara était devant lui. Immobile. Impassible.

« Honore-moi de ta langue, » articula-t-il en fixant le blond avec ces yeux. « Et je ne parlerai pas contre le soleil. »

Naruto hésita. C'était les mots de la lettre. « Je ne comprends pas— »

Wiiiiiiiiiiiiiiiiimmmmm

Le son familier des sirènes retentit hors de l'allée et Naruto retint son souffle. La police était là? Qui les avait appelés? Il se retourna vers Gaara, qui regardait en direction des sirènes de ses mêmes yeux sans émotion.

« Hélas, » murmura-t-il en reculant d'un pas dans les ténèbres.

Naruto paniqua et se rua en avant. « A-Attends! T'as pas le droit— je te laisserai pas partir! » s'écria-t-il. « Je te traînerai en prison, même si c'est la dernière chose que je dois faire! »

L'homme recula vers le bout de l'allée, fixant Naruto tout le long. Ce dernier restait planté là, figé sur place, incrédule. Les sirènes se rapprochaient, et sa chance de capturer Gaara se tenait là, pile en face de lui, sa chance qui s'étiolait un peu plus à chaque seconde—

Ses yeux rencontrèrent alors le pistolet qu'il avait laissé tomber un peu plus tôt, et il se précipita dessus. Il le rammassa et le pointa sur Gaara, lequel était toujours en train de reculer, déjà à moitié effacé par les ténèbres. « Bouge pas! Ou je tire! »

Gaara lui fit un autre de ses faux sourires alors que son visage disparaissait complètement dans l'ombre.

Naruto se figea, le cœur battant, le visage rouge—

Avant de tirer frénétiquement dans les ténèbres en hurlant, se perdant dans le bruit perçant qui résonnait contre les murs avec chaque coup de feu.

Plus tard, il dut expliquer à la police pourquoi il avait tiré dans le vide comme un fou.