Remus se tenait sur le pas de la porte, le cœur battant il n'était pas parvenu à sonner. Pas encore. Ses mains tremblaient tellement qu'il n'avait même pas osé les sortir de ses poches. D'autant plus qu'un flot de sentiments contradictoires envahissait sa poitrine et sa gorge, l'empêchant de respirer et de déglutir. Joie, impatience mais aussi colère, dégoût et tristesse.
Lorsqu'il avait reçu cette lettre quelques jours auparavant il avait cru à une blague. Puis il avait reconnu l'écriture et il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de celle d'Anne, de son amie qui était morte il y a tant d'année. Celle qu'il avait pleurée si souvent. Et même s'il n'avait pas reconnu la courbure de ces mots, il aurait reconnu cet incroyable manque de tact et de finesse.
« Je suis en vie, je ne pouvais pas t'en parler avant. Viens à la maison, Allan pourra te donner l'adresse. »
Joie de savoir que son amie était en vie.
Impatience de la retrouver.
Colère qu'Allan et Emy n'aient été au courant pendant tout ce temps.
Dégoût de l'avoir pleurée alors qu'elle était vivante.
Tristesse d'avoir été mis à l'écart.
Prenant une grande inspiration, il força ses mains à se tenir correctement et se rapprocha de la porte d'entrée. Frappant deux fois, plus fort qu'il ne l'aurait voulu, il se sentit fondre. Son cœur se précipita dans un rythme fou alors qu'il se sentait transpiré à grandes eaux.
Il avait si peur.
De tout.
Plus vite qu'il ne l'aurait voulu, la porte s'ouvrit doucement, laissant apparaître sur le seuil la jeune femme brune qui affichait un grand sourire, mélancolique.
C'était elle. Aucun doute. Il reconnaissait ses traits, malgré le passage des années, malgré la rougeur de ses yeux.
« Je me demandais combien de temps tu allais rester à regarder la porte. Mais il faut avouer qu'elle est jolie, non ? Elle est en chêne brute ! Je me suis occupée de la tailler moi-même, le résultat est assez intéressant, non ? Mais bon, bref ! Rentre donc ! Heureusement que nous n'avons pas de voisins, ils auraient pu prévenir la police ou peut-être un hôpital, lança-t-elle à toute allure, ne lui lançant pas le temps de parler.
- Je… Tu es… Enceinte, bafouilla-t-il lorsque ses yeux tombèrent sur l'étonnante proéminence.
- Non ?! s'exclama-t-elle en mimant la surprise en posant ses mains sur son ventre. J'ai juste pris quinze kilos, et j'ai fait une indigestion de chokogrenouilles, du coup je suis vraiment ballonnée. Et il faut vraiment que je me mette au sport ! J
- Sérieusement ? souffla-t-il.
- Non, bien sûr que non ! » ria-t-elle en l'enlaçant.
Il restait sans bouger, les bras ballants, le cœur au bord des lèvres tandis qu'il essayait de comprendre. C'était toujours la même personne, alors pourquoi ne l'avait-elle pas prévenue ? Pourquoi lui avait-elle menti si longtemps ? Pendant tant d'année ? Avait-il été le seul à ne pas être au courant ? Si Emy et Allan étaient au courant, alors est-ce que Sirius l'avait-il aussi été ? Peut-être était-il aussi en vie ?
« Je suis tellement désolée, murmura Anne alors qu'elle le serrant plus fort encore. J'espère que tu pourras me pardonner ».
Sentant les larmes de la jeune femme se glisser dans son cou, il se retrouva incapable de retenir les siennes. Les émotions qu'il retenait depuis si longtemps explosèrent, secouant sa poitrine de sanglots, alors qu'il passait ses bras autour de sa frêle amie.
22 Janvier 1982
« Je pense que vous ne réalisez pas tout ce qui se trouve derrière chacune de vos actions » souffla-t-il en regardant lentement autour de lui, ses doigts caressant sa longue barbe blanche.
J'en avais assez de ces conversations qui tournaient en ronds sans jamais aboutir. Ce n'était pas la première fois depuis mon retour que l'on se revoyait mais c'était la première fois que nous étions réellement seuls et en possibilité de discuter ouvertement de tous les problèmes. Tous les problèmes qu'avaient et allaient entraîner mon retour.
« Il n'était question que de deux petites choses ! Je ne vois pas quel problème cela pourrait poser !
- Oui ! Bien sûr ! Il est vrai que les deux personnes qu'impliquent vos demandes ne seront absolument pas proches de l'élu et ne risquerait absolument pas de détruire notre chance de vaincre le seigneur de ténèbres ! »
Il avait parlé fort et s'était redressé brutalement. C'était la première fois que je le voyais ainsi. Comme si lui-même se trouvait dans l'impasse, hors il était Dumbledore : il devait y avoir une solution ! Il connaissait forcément la solution !
« Je ne peux pas laisser Remus dans l'ignorance ! Il est mon ami ! Et encore moins laisser Sirius là-bas !
- Pourtant selon votre histoire, vous savez que Sirius s'en sortira.
- Il n'est pas nécessaire de le laisser passer par-là !
- Et si les modifications, commença-t-il
- Stop ! le coupai-je en me levant à mon tour, comme si être à sa hauteur me donnait plus de confiance. Il n'est plus question de parler de modifications quelconques, Christelle est rentrée ! Elle est en sécurité ! »
Le regard abattu qu'il me lança me fit l'effet d'un coup de poignard. J'y voyais le désolément d'un parent qui n'est pas parvenu à expliquer les règles du jeu à un enfant.
« Vous êtes toujours ici. Si une modification empêche Malfoy-fils de partir vous retrouvez votre amie et vous, elle ne pourra pas vous sauver. Vous mourrez durant la fuite de Peter. Vous disparaîtrez simplement.
- Ce n'est qu'une hypothèse, murmurai-je en sentant l'inquiétude me glacer les mains.
- Ce n'est qu'une possibilité, je vous l'accorde, admit-il en soupirant.
- Nous pourrions mettre Remus dans la confidence, lui dire d'agir comme si de rien n'était. Je ne vois pas en quoi ma présence changerait quelque chose ! Et pour Sirius il suffirait de le cacher, pas besoin de dire qu'il n'est pas à Azka… »
Ma voix se bloqua dans ma gorge alors que la tristesse m'envahissait. Tout semblant si simple alors pourquoi ne pouvais-je toujours pas agir ? Il aurait été si simple de lui venir en aide, du moins je le pensais. C'était toujours la même chose.
« Vous devez vivre votre vie Anne. Votre choix était de revenir ici, profitez comme vous le pouvez,
- Je ne resterai pas sans rien faire !
- Vous voulez peut-être rejoindre Sirius ?
- Est-ce une menace ? murmurai-je la gorge nouée.
- Bien sûr que non ! » s'exclama-t-il outré en s'asseyant « Mais pour l'instant je ne peux vous proposer de lui rendre visite. Seule la famille peut se rendre normalement. Je trouverai un moyen. Est-ce que cela vous conviendrait pour l'instant ?
- Je… murmurai-je. Oui, bien sûr ! »
Revoir Sirius serait une chose merveilleuse. Lui dire que j'étais bien en vie et toujours là. Peut-être pourrais-je lui laisser un des miroirs magiques ? Nous pourrions communiquer l'un avec l'autre ? Mais cela me suffirait-il ?
Pour l'instant, je ne pouvais pas dire non. C'était, d'une certaine manière, une grande avancée.
« Je vous enverrai un hibou dès que ma demande est acceptée, m'expliqua-t-il en se redressant, attrapant sa veste qu'il avait déposé sur le porte-manteau dans l'entrée. N'oubliez pas d'en parler à votre mari. Et merci pour la part de tarte, c'était un véritable délice ! Vous devriez penser à en vendre ! »
Il ne resta pas plus longtemps, ne dit rien de plus. Disparaissant sans un bruit, me laissant seule dans ma nouvelle demeure.
Eloignée de tous, notre maison se trouvait sur la côte Ouest de l'Ireland au niveau d'une grande falaise qui surplombait une mer presque constamment agitée. L'air y était frais et agréable, malgré ses humeurs capricieuses qui m'empêchaient d'étendre mon linge dehors, au risque de me retrouver avec une chaussette à plus de quinze kilomètre.
Ne possédant plus une larme de magie dans la bague, je l'avais enterrée dans un coin du jardin de peur que je ne m'attaque à mon homme et ne lui vole son don. Mes journées passaient rapidement car il fallait que j'organise notre nouvelle maison. Mon nouveau foyer.
Tout aurait dû être parfait.
Et tout l'était d'une certaine manière. Mais uniquement si je laissais de côté toute ma culpabilité dévorante qui m'envahissait dès que je me mettais à trop réflechir.
J'aurais aimé m'occuper d'Harry mais la protection de Lily nécessitait qu'il reste chez sa famille. C'était une chose que j'avais fini par accepter. Mais oublier Remus ou Sirius. C'était une difficulté supérieure. Mes amis me manquaient et même si Regulus était là pour moi quand il rentrait, je me sentais seule dans cette grande maison.
Et il était hors de question d'en reparler avec Regulus ! Cette conversation ayant fini la veille sur un « Tu veux un bébé ? ».
Retenant un frisson en repensant à cette conversation, je me redressai. Oubliant ma nostalgie qui menaçait de me noyer, je me glissais dans ma cuisine, attrapant les ingrédients après avoir allumé ma petite radio.
Cuisiner était un parfait échappatoire à toutes les pensées.
Surtout si il était question de danser sur « born to be alive »
« Il t'a permis de lui rendre visite ? répéta Regulus pour la troisième fois en tournant la louche dans la sauce sans pour autant de se servir.
- Oui, il m'enverra un message dès qu'il a des nouvelles.
- Tu réalises bien que cette prison est remplie de Détraqueurs, ils sont cruels et ne feront aucune distinction.
- Pardon ?
- Ils te prendront aussi tes sentiments heureux ! Tu souffriras sans avoir le moyen de te défendre.
- Tant qu'ils ne m'embrassent pas, tout va bien, non ? demandai-je en me servant un grand verre d'eau. Je pourrais leur dire que j'ai déjà un amoureux.
- Anne ! On ne parle pas de n'importe quoi ! s'impatienta-t-il.
- Dixit le gars qui ose me parler de bébé entre le fromage et le dessert ! grinçai-je en détournant le regard.
- Bon sang, la question n'est pas là !
- Ah non ? Vraiment ? Pourquoi tu m'as sortie ça comme une bombe hier ?
- Mais ! Enfin ! commença-t-il alors que le rouge lui montait aux joues. Je ne pensais pas qu'il fallait demander une autorisation pour parler d'un sujet comme ça ! N'est-ce pas naturel ? Pour un couple ?
- A notre âge ? Alors qu'on n'a même pas encore parlé d'avoir un hamster ou un chat ?
- On n'est pas si jeune ! Pleins d'autres personnes ont déjà eu des enfants dans notre entourage !
- Notre entourage ? Les seules personnes qui sont au courant de notre retour à la vie sont Dumbledore et Moniqua ! Et excuse-moi mais je pense qu'ils sont tous les deux suffisamment âgés pour que leurs gonades respectives soient à l'état de fossiles !
- J'ai vu Allan hier en ville, finit-il par avouer en poussant un profond soupir. Avec sa petite Hannah.
- Il ne t'a pas vu, n'est-ce pas ? marmonnai-je en triant les miettes sur le rebord de la table.
- Bien sûr que non, j'étais en mission… »
Shielderhood était parvenue à trouver un travail parfait pour Regulus. Etant donné qu'il était déclaré comme « mort », les langues-de-plomb avaient trouvé la parfaite recrue. Il pouvait travailler sur les sujets sensibles sans risquer la vie de ses proches (les détracteurs étant nombreux sur leurs recherches sur le temps et la mort). Qui aurait pu penser que le ministère employait un homme déjà mort ?
« Il avait l'air heureux, dit-il avec un air absent.
- Hannah grandit bien ?
- Oh oui ! Elle est ronde ! Un vrai petit ballon, c'est étonnant quand tu vois les parents qu'elle a !
- Harry aussi a tendance à être rond ! Pourtant ça sera une vraie brindille ! »
Car sa famille d'accueil allait l'enfermer dans un cagibi et l'affamé.
« Il ira bien, Anne, murmura mon homme en me caressant gentiment la main.
- Je n'ai jamais dit le contraire ! me défendis-je.
- Alors pourquoi est-ce que tu pleures ? dit-il avec un tendre sourire en me tendant un mouchoir.
- Je déteste parler d'enfants, n'en parlons pas, d'accord ?
- Promis ! »
2 février 1982
Un froid étonnant s'était insinué dans mes veines lorsque j'avais posé le pied sur la terre ferme. Au beau milieu d'un océan déchaîné, l'île qui soutenait Azkaban ne semblait être qu'un tas de gravier sombre au-dessus duquel des nuages s'accumulaient assombrissant le ciel comme en pleine nuit. Il n'y avait plus que pour seul bruit celui du vent qui s'engouffrait entre les roches et sifflait contre les immenses murs de la prison. Mouettes et autres animaux qui auraient été sceptique de se trouver sur cette île semblait avoir déserté, sûrement à cause de cette étonnante atmosphère pesante.
« Tout va bien ? demanda Regulus en me prenant la main.
- Oui ! Bien sûr ! mentis-je en me forçant à sourire.
- Suivez-moi, nous avertis l'homme qui nous avait menés jusqu'ici. Il ne vaudrait mieux pas vous perdre ici… A moins que vous ne vouliez rester avec les détraqueurs.
- Une alternative charmante, il me semble, me permis-je de dire en glissant mon bras contre celui de Regulus.
- Bien entendu, ricana-t-il en se serrant un peu plus contre moi. Maison de plus de 15000 mètre carré, vue sur la mer ! Sur le papier ça fait rêver ! On notera tout de même en point négatif qu'elle est assez mal desservie et que le personnel à tendance à se montrer légèrement agressif.
- Dépêchez-vous ! s'impatienta l'homme en remontant le col de sa veste. Je déteste me trouver ici ! Surtout que nous devons monter au cinquième étage… »
Il se nommait Edwar, sans d, comme il nous l'avait expliqué à de nombreuses reprises. Il s'occupait des visites pour la prison, habituellement celles-ci se faisaient avec plusieurs gardiens mais la situation étant plus que délicate durant cette période de fin de trouble, il avait été le seul disponible. D'autant plus que nous possédions tous les deux une autorisation du ministère (de la part de Shielderhood et du chef de Regulus) en plus d'une lettre de recommandation de Dumbledore, rassurant ainsi le pauvre bougre qui avait accepté de nous emmener.
L'idée qu'il soit seul face à nous m'avait donnée envie de faire s'échapper Sirius. Mais comme le disait Dumbledore les risques étaient trop grands.
Je me contenterai donc pour l'instant d'une simple visite.
Une fois dans le lieu, toute tentative d'humour semblait futile. L'aura glaciale des détraqueurs était si présente qu'elle semblait épaisse. Elle nous engourdissait, et nous affaiblissait. Mais nous tenions bon, après tout nous nous étions préparés. Cette visite avait été la parfaite occasion pour tester l'un des produits confectionné par un des collègues de Regulus. Même si il ne nous empêchait pas de ressentir peur et tristesse véhiculées par les Détraqueurs, il devait (d'après les dires de son confectionneur) les empêcher de voler la joie.
« C'est incroyable, me murmura-t-il.
- Je n'ai jamais côtoyé ces bestioles, pour l'instant je n'ai pas vraiment l'impression que ça fonctionne… »
Derrière le bruit de nos pas résonnait à mes oreilles celui d'une bataille. Celle que j'avais vécue dans la maison des Potters et dont je ne cessais jamais de rêver régulièrement. Les cris d'Elisabeth, ceux de Georges, jusqu'à ce qu'ils ne meurent tous les deux.
« Anne ! intervint Regulus en me secouant brutalement pour me sortir de mes pensées. Reste concentrée, d'accord ?
- Oui, pardon.
- Tu penses qu'on devrait mettre un tapis devant la cheminée à la maison ?
- Tu penses vraiment que c'est le moment de discuter de déco ? grinçai-je.
- C'est bien le meilleur moment, affirma le gardien en ralentissant un peu pour se joindre à la conversation. Mais pour le tapis je crois que c'est une très mauvaise idée, après ça dépend si vous utilisez beaucoup de poudre de cheminette !
- Nous n'avons pas beaucoup de visite, peu de personne utilise notre cheminée, murmurai-je.
- Ça changera ! Promis Regulus. Mais c'est vrai que pour les traces de pieds ça risque de poser problème. Nous trouverons autre chose.
- Nous y voilà ! » intervint l'autre en s'arrêtant devant une porte de deux fois notre taille.
Glissant la clé dans la serrure, la porte s'ouvrit dans un grincement après une étonnante mélodie de cliquetis des différents mécanismes qui la composaient. Derrière celle-ci, un détraqueur nous attendait. Tandis que notre gardien se replia sur lui-même, comme frapper de désespoir, nous restâmes un moment sans ne ressentir plus de tristesse que lors de notre montée.
Les pastilles fonctionnaient donc réellement.
Nous prîmes une inspiration et nous avançâmes dans le couloir, derrière le gardien qui tenait sa baguette tendue devant lui, éloignant sur son passage les créatures qui semblaient avides de nos sentiments.
Quand il s'arrêta devant une porte, il nous confia : « c'est ici qu'il se trouve, je vous laisse vous approcher et je tiendrais les détraqueurs à distance, mais je vous en prie faite au plus vite ! C'est vraiment insupportable ! »
Nous nous glissâmes derrière lui, jusqu'aux barrières d'une cellule. Dans la pénombre, il était difficile de distinguer quoi que ce se soit mais il me semblait qu'au niveau d'un des coins du sordide cachot j'apercevais une masse volumineuse et plus sombre qui se détachait des briques.
« Sirius, soufflai-je en rapprochant un peu plus. Sirius ? »
Je n'eus pas le temps de m'écarter des barreaux que des mains m'attrapèrent par le cou, me brisant le nez contre les tiges de métal froid. Les yeux clos je tentais d'oublier la douleur qui irradiait à présent mon visage alors que j'essayais de distinguer si le goût de ferraille qui envahissait mon palais provenait des barreaux ou de mon sang qui s'était décidé à imbiber le bas de mon visage.
« Laissez-moi tranquille ! Laissez-moi tranquille » cracha Sirius d'une voix tremblotante sans desserré son étreinte sur ma gorge.
Ouvrant péniblement les yeux, j'observais le visage pâle qui me faisait face. Je reconnaissais vaguement ses traits derrière cette barbe sombre qui lui mangeait le bas du visage, mais son regard était méconnaissable. Les iris grises qui me fixaient, tremblotantes, étaient envahie de folie me donnant la sensation qu'il me voyait sans me voir.
Quelles sortes de démons voyaient-ils lorsqu'il me contemplait ?
« Sirius ! Lâche-la ! supplia Regulus en tentant de lui faire desserrer les doigts.
- J'en ai assez, je ne suis innocent. Je vous en supplie, larmoya le prisonnier alors que la pression dans ses mains se relâchait peu à peu, me permettant de prendre une légère goulée d'air. Laissez-moi ! Tu n'es pas réelle ! Tu n'es pas réelle ! Dégage ! Dégage ! Disparait !
- Sirius, suppliai-je. Je suis vraiment là !
- Lâche-la ! ordonna Regulus qui s'acharnait toujours pour lui faire lâcher prise.
- Tu es réelle ? Ce n'est pas une illusion ? Tu es réelle ? demanda le griffondor d'une voix enfantine, brisée.
- Oui, oui ! Sirius, je suis réelle ! » hoquetai-je.
Cette fois il recula, tentant de chercher ses mots.
« Sirius, appela Regulus en lui prenant une main. Prends ça, je t'en prie essaye de prendre ça ! »
Il avait déposé dans la paume de son frère deux pastilles dont la blancheur pure jurait étrangement avec la saleté ambiante.
« Il faut que tu les manges, chuchota-t-il. Essaye je t'en prie. »
Une fois les médicaments en bouche, ses sourcils se défroncèrent doucement, la tension dans son corps sembla s'apaiser peu à peu alors qu'il se laissa glisser par terre. Lentement ses yeux se fermèrent et lorsque ses paupières se rouvrirent, il semblait avoir totalement repris conscience.
« C'est impossible, chuchota-t-il. Tu ne peux pas être là.
- Je suis revenue, dis-je simplement en m'agenouillant pour me rapprocher de lui. Nous allons trouver un moyen de te faire sortir d'ici.
- Tu es en vie, lança-t-il comme apaisé. J'ai cru que je t'avais tué.
- Tu entends Sirius, nous allons réussir à te faire sortir de là.
- J'étais si sûr que tu étais morte, continua-t-il dans ses divagations. Il y avait tellement de sang, comme le jour où l'on t'avait trouvé dans la neige, la toute première fois que l'on t'avait vu.
- Regulus, implorai-je en me tournant vers lui. Il divague.
- C'est cette prison de malheur, soupira le jeune homme aussi déçu que moi.
- Vous avez terminé ? lança le gardien derrière nous. J'aimerai pouvoir foutre le camp ! »
Se penchant de nouveau, Regulus déposa une pochette de pilules aux pieds de Sirus, accompagné du miroir.
« SI jamais il reprend ses esprits, il saura qu'il peut nous contacter, murmura-t-il.
- Anne, tu pars ? lança mon ami en se redressant, l'air triste. Déjà ?
- Oui, je pars déjà Sirius, dis-je en prenant la main qu'il me tendait. Je t'ai laissé des cadeaux, essaye de les utiliser raisonnablement. Tu voudrais bien faire quelque chose pour moi ?
- Que veux-tu ?
- Transformes-toi en chien, s'il te plait ?
- C'est fatiguant, je n'y arrive pas, souffla-t-il la mine abattu.
- Essaye, s'il te plait !
- On y va ! ordonna le gardien en se rapprochant de nous, presque énervé.
- Essaye Sirius ! D'accord ? Essaye ! »
Alors que Regulus me tira vers la sortie du couloir, j'aperçu dans cette petite cellule, la forme sombre de mon ami se ratatinée sur elle-même. Peut-être y parviendrait-il ? Il y parviendrait forcément puisque c'est sous cette forme qu'il effectuerait son évasion…
16 févriers 1982
Je contemplais fière de moi la table dressée. J'avais nettoyé la nappe blanche, sortis les grands plats, l'argenterie et le joli service à verre que j'avais trouvé dans une brocante moldue lors d'une sortie à Londres. Une fois les grandes bougies allumés et le gratin mis au four, je me sentais comme une réelle maîtresse de maison. Ce qui d'un certain côté avait le don de me mettre hors de moi. J'étais une femme d'aventure, une guerrière qui affrontait de terribles ennemis, risquais sa vie à chaque instant et durant les derniers mois les seuls monstres que j'avais affronté se trouvaient être de les moutons de poussières qui se regroupaient sous mon canapé…
De gros moutons !
Presque inquiétants.
Peut-être que cela faisait de moi une super chasseuse de mouton de poussières ?
Il faudrait que j'en parle à Regulus quand il rentrerait, il serait sûrement de mon avis…
Poussant un soupir de désespoir, face à ma propre stupidité, je rejoignis la cuisine. Attrapant un muffin que je parai d'une bougie que j'allumai. Fixant un moment la flamme qui vacillait je chantonnai : « Joyeux pas encore anniversaire, joyeux pas encore anniversaire, joyeux anniversaire, Christelle. »
Reprenant mon souffle, à travers mes larmes, je soufflai la bougie et la retirai, mordant à pleines dents dans le petit gâteau.
J'étais vraiment rentrée dans ce monde pour m'occuper de la lessive et du repas ? Pour passer ma journée à attendre que mon homme rentre ?
Reposant le muffin à moitié entamé, je tentais de déglutir la bouchée que j'avais prise malgré ma gorge nouée par cet instant de désespoir.
Essuyant mes larmes, j'attrapai le miroir qui attendait sagement sur le bord de plan de travail. Sirius était parvenu à nous contacter deux ou trois fois depuis notre venue. Nous avions passé de longues heures à discuter, jusqu'à ce que sa lucidité ne lui échappe, dévoré par les créatures gardiennes de sa prison. Lorsqu'il se sentait partir, il devait reprendre sa forme d'animagus et attendre quelques jours voir des semaines avant de se sentir de nouveau capable de discuter.
C'était apaisant de pouvoir parler avec lui. Et en même temps désespérant de voir que nous ne pouvions rien faire. Mais d'après ses dires, il se sentait bien mieux, attendre d'aller mieux pour pouvoir discuter avec nous.
Les pilules confiées n'étaient pas suffisamment fortes, elles ne lui permettaient qu'une courte protection et il préférait les garder de côté. Pour une fois où il en aurait vraiment besoin, disait-il. Peut-être les engloutirait-il toutes lorsqu'il voudrait s'échapper.
Le ferait-il le jour prévu ? Ou avant ?
Seul le futur pourrait nous le dire.
« Anne ! appela Regulus dans l'entrée, me sortant de mes pensées. J'ai ramené des collègues, ça ne te dérange pas ? »
Attrapant le miroir, je vérifiai discrètement que mes yeux n'étaient pas rouges et le rejoins dans le salon. Il souriait de toutes ses dents alors qu'il s'écartait du pas de la porte pour laisser passer quatre invités.
« Bon sang, c'est vraiment la journée du retour à la vie ! lança l'une des silhouettes en retirant un chapeau haut de forme. Vous n'auriez pas Lily ou Marlène cachées dans votre cuisine ? »
Je reconnaissais entre milles cette chevelure blonde et brillante, et cette manière de parler.
« Allan ?! Mais qu'est-ce que tu fais dans cette maison ?! grinçai-je en me rapprochant, incrédule.
- En fait nous sommes là pour affaire, murmura la jeune femme qui se trouvait à ses côtés, Aimée sa femme.
- Ils travaillent tous les deux pour le département des mystères, m'expliqua Regulus alors qu'il hottait ses chaussures boueuses.
- Plus précisément au département SMT, compléta Aimée avec un petit sourire.
- Département Secret du Maintien Temporel, me chuchota un homme un peu plus âgé qui les accompagnait.
- Anne, je te présente Childerbert. Childerbert voici ma femme, Anne ! présenta Regulus. Il est celui qui a fonctionné les pilules du bonheur.
- Enchantée, lançai-je encore un peu sous le choc alors que je serrais la main qu'il me tendait.
- Et moi tu me connais déjà ! souffla la dernière personne en faisant tomber sa capuche. M
- Emy ! m'exclamai-je en m'écartant cette fois-ci. Bon, je crois que je vais avoir le droit à des explications. Enfin j'ai besoin des explications tout de suite ! Et… Et installez-vous confortablement, je vais aller me chercher un verre de quelque chose de fort. Très fort… »
Une fois tout le monde installé, des verres servis et le feu allumé. J'écoutais attentivement Emy : « Nous avons tenté de commercialisé le souffle du dragon mais il s'est avéré que certains des composants provoquaient des ruptures aortiques et autres petits troubles, nous avons donc dû tout arrêter. Et avec les histoires de guerre ce n'était pas vraiment le moment de se lancer dans quoi que ce soit. Nous nous sommes donc contenter de résister comme les autres. Jusqu'au décès de…
- J'y étais, je me souviens de ça, murmurai-je en détournant le regard.
- Après ça, Shielderhood nous a contactés. Nous expliquant qu'elle comptait mettre en œuvre la SMT.
- En quoi cela consiste-t-il ?
- Nous essayons d'analyser toutes les lois magiques qui permettraient d'éviter une rupture temporelle, dit Aimée. Ca consiste à beaucoup de recherches, surtout basées sur les premiers écrits en Araméen sur lesquels vous avez travaillé avec Black Jr.
- Nous ne sommes pour l'instant qu'une petite équipe, continua Childerbert. Avec des profils assez différents.
- Je m'occupe du classement de tous les phénomènes temporels, dit Aimée.
- Avec Childerbert nous accompagnons Shielderhood dans ses recherches puisqu'elle est toujours… dépourvue de sa magie, expliqua Allan.
- Et lorsqu'il n'est pas en voyage, Child nous aide Regulus et moi dans nos recherches des différents moyens de modifications du temps, termina Emy.
- Je me suis spécialisé dans les objets, expliqua Regulus. Alors qu'ils s'occupent des moyens plus chimiques.
- Mais vous ne devriez pas me dire tout ça, non ? Je veux dire, dans SMT le S est pour Secret, non ? Et là vous venez de briser le secret.
- En fait nous avons besoin de toi ! confia Aimée.
- Oui, l'aventure n'est pas terminée ! lança Allan.
- Dommage, me voilà de nouveau plongée dans mes histoires de temps.
- Tu peux refuser ! se précipita Regulus.
- Et quoi ? Devenir chasseuse de mouton de poussière ?! Hors de question ! Alors dites-moi très chers camarades, quelle est la mission ? »