Cette fic est maintenant terminée ! Elle a été écrite comme une enquête, aussi pour préserver la surprise et éviter tout spoiler, je vous déconseille de jeter un coup d'oeil aux reviews :) !


Note : Hello ! Comme promis, me voici de retour avec ma première fic à chapitre sur le fandom Sherlock BBC. C'est une totale réinterprétation de l'après-chute ; une aventure qui a germé dans mon petit esprit il y a quelques temps de ça, dans laquelle j'aimerai beaucoup vous emmener. Vous pouvez donc oublier la saison 3 (et pour ceux qui ont lu les livres, ça n'aura rien à voir non plus). Le titre est inspiré de l'expression latine Intus et in cute.

Beta : la seule, l'unique, le rayon de soleil de ma semaine lorsque je lui envoie un texte à corriger et qu'elle me le renvoie 3h après, Nathdawn. Bref, elle mérite tous les arc-en-ciel du monde.

Rating : T, parce je pensais avoir déversé une dose suffisante d'angst et de hurt/comfort avec Au plus près des choses, mais apparemment non.

Reviews : avec grand, giga, méga plaisir, parce que ça me booste à écrire comme un bon triple meurtre pousse Sherlock à traverser Londres.


John ouvre les yeux, et ce n'est pas un jour comme les autres. Le soleil est levé, il distingue sans mal les meubles de sa chambre, on s'affaire déjà en bas, il peut l'entendre ; c'est aujourd'hui. Il se lève et son sommier grince. Ce n'est plus le genre de chose qui aura de l'importance maintenant. C'est presque par automatisme qu'il enfile son costume gris qu'il a sorti la veille au soir. Peut-être aurait-il dû prévoir le noir. Peut-être le bleu marine ? Il s'en fout de toute façon.

Il descend les marches et croise Lestrade sur le palier. Il ne se rappelait pas que le flic avait autant de cheveux blancs, mais c'est déjà un jour assez difficile comme ça pour le lui signaler. Il accepte sans dire mot la main qui se pose sur son épaule et serre, serre encore, comme si elle pouvait le retenir de sombrer. Ses yeux d'Anglais se posent automatiquement sur la théière fumante ; le réconfort liquide de toute une nation. Il s'assoit, salue d'un geste de la main Mrs. Hudson qui se penche pour embrasser son front.

« Gregory, n'oubliez pas d'aller chercher Molly à onze heure. »

« Pas de problème Mrs. Hudson. Qui vous amènera à la cérémonie ? »

« Je crois que John avait prévu de conduire... »

Ils se retournent d'un même souffle discret et inspectent par-delà leurs épaules le médecin assis à la table de la cuisine, les bras croisés, les yeux fixant la fumée qui s'échappe du bec de la théière. La plus âgée soupire et sourit, désolée, au policier qu'elle laisse là, avant de hâter le pas jusqu'au placard au-dessus de l'évier.

« Eh bien mon garçon, vous n'irez pas bien loin sans tasse ! Laissez-moi vous en trouver une... », tente-t-elle dans un petit rire guilleret qu'elle force au-delà du supportable.

Ses doigts se posent sur la porcelaine blanche de la première qu'elle trouve, et c'est toute l'âme de John qui se déchire.

« Non ! », hurle-t-il, à les en faire tous trembler.

Il inspire, desserre le poing qui a cogné la table, pince sa bouche juste assez pour la détendre et relève les yeux vers sa logeuse.

« Pas celle là. »

Ce n'est pas plus une voix qu'un grognement, et la vieille dame comprend. Elle repose la tasse endeuillée et ses yeux hésitent. C'est John finalement qui met fin à son calvaire en quittant la pièce.


Il n'y avait plus de place sur le parking et John est persuadé qu'ils ne peuvent pas tous venir pour Lui. De son bras droit, il soutient Mrs. Hudson, dont le corps peine à se mouvoir sur les gravier du petit chemin. Ils y croisent toutes les nuances de noir, celui porté, celui dans les yeux en deuil, celui dans les condoléances murmurées. Le crématorium est face à eux et John repense à toutes les fois où ils sont passés devant en taxi, lancés à la découverte d'un autre corps, d'une autre mort.

Celle-ci est plus difficile, bien sûr, c'est incomparable, mais personne ne lui avait dit que ça serait si dur. On vous apprend à l'école à compter, à lire, la reproduction et la révolution française, mais on ne vous apprend pas à dire au revoir à votre meilleur ami. On vous apprend à conjurer le passé et on oublie le futur qui vous nargue. Mais ayant fait la guerre, ça fait longtemps qu'il sait qu'on n'apprend pas la vie dans les livres.

Ils croisent à l'entrée Gregory enveloppé dans un manteau noir très solennel qui fait automatiquement regretter au soldat de n'avoir pas opté pour son autre costume. Tant pis, c'était le genre de détail dont il se fichait complètement.

« Où est Molly ? », demande la logeuse, dont la main droite s'est déjà posée sur l'avant-bras de Lestrade ; elle manque de tomber à chaque instant, et ils le savent tous les trois.

« Elle a murmuré quelque chose à propos de son mascara qui ne tenait pas et a disparu aux toilettes. »

« Je lui avais dit de mettre du waterproof, c'est quand même évident non ? »

« Évident, oui. », répète le policier dans un sourire, à l'intention de son unique complice masculin, qui n'esquisse pas l'ombre d'un rictus.

Ils croisent quelques collègues discrets de Gregory, les seuls qui soutenaient vraiment le détective, qui viennent les saluer du bout de leurs lèvres séchées par le froid de la capitale. La foule discrète se fait plus rare et ils le savent, la cérémonie va commencer. Ils guident Mrs. Hudson jusqu'à la salle Lilas (le plus vieux a essayé de faire une remarque sur le fait que leur ami aurait levé les yeux au ciel en lisant les noms de fleurs donnés aux salles, mais le soldat n'a pas réagi), et s'installent sur les petites chaises en bois placées face au cercueil. C'est le spectacle le plus pourri qui lui ait été donné de voir, et pourtant, John a déjà vu un spectacle allemand, avec des marionnettes faites de bouchons de bouteilles.

Il sent une main sur son épaule et se retourne. Molly Hooper les yeux rouges et les joues encore teintées d'un noir mal effacé, lui sourit. Il tapote sa main, hoche sa tête pour répondre silencieusement à son empathie et retire sa veste pour qu'elle puisse s'asseoir à côté de lui. Il la sent ouvrir plusieurs fois les lèvres et les refermer, mais il préférerait qu'ils ne parlent pas. Alors il pose sa main sur la sienne, et serre.

« Où est Mycroft ?! », s'indigne soudain Mrs. Hudson en se retournant pour scruter la salle qui se referme.

Cette fois, face à la curiosité de sa logeuse, John inspire à s'en faire mal, à en serrer les poings pour les loger dans la gueule de ce salopard s'il ose mettre les pieds ici, mais Gregory répond par un mouvement de tête négatif, qui calme ses ardeurs.

« ... C'était quand même son frère... », murmure-t-elle, avant de se rasseoir dans le fond du siège qui blesse déjà ses articulations.

Ils partageaient le même sang, de ça, John en est persuadé, mais de là à dire qu'ils sont frères, c'est inacceptable. Un frère vous apprend à faire du vélo, vous pique la place sur le meilleur fauteuil du salon, vous demande de le couvrir quand vous allez retrouver votre petite amie ; il ne vous apprend pas à exécrer les QI inférieurs à 180, à connaître le temps de coagulation d'une langue coupée en deux, et surtout, en aucun cas (à moins que vous ne sortiez tout d'un droit d'un foutu livre de Shakespeare) votre frère ne vous donne à manger au Loup au costume Westwood.

Mais il n'est pas là aujourd'hui, et c'est tout ce qui compte. L'autre Holmes est là pourtant, allongé, dans une boîte en bois, mais Il est là. John la regarde et l'inspecte, parce que qu'importe que demain ses pas le ramènent à Baker Street, sur la pire des scènes de crime ou devant le plus beau des paysages, Lui ne bougera pas. Quelque part, John n'est pas sûr de ne pas avoir une partie de lui-même enfermée dans cette boîte bien trop grande. Une partie de lui qui prenait la forme de la sueur dans son cou lorsqu'il courait, de son souffle qu'il perdait, de son cœur qui battait sa poitrine lorsque le danger n'était plus seulement un mot chimérique, mais qui jamais ne faisait trembler ses mains. Une partie de lui qu'Il avait réveillé avec une simplicité aussi grande que demain serait difficile.

Le soldat n'a pas souhaité s'exprimer face à l'audience réduite. La cérémonie est discrète, rapide. Difficile de parler de la vie de quelqu'un qui a consacré la sienne à la mort. Alors c'est Mrs. Hudson qui se lève la première, pour aller sur le pupitre, lire le texte qu'elle a choisi. Elle tousse un peu, lisse du plat de sa main les plis de sa jupe noire et glisse sur son nez ses lunettes, attachées autour de son cou par une chaîne fine.

« Bien... Je sais qu'il ne croyait pas en Dieu. Je veux dire, toutes ces choses qu'il gardait dans son frigidaire le prouvent bien... »

Le rire qui ronronne dans la pièce froide est suffisant pour réchauffer les cœurs les plus meurtris. John sourit lui aussi, mais devant la mine interrogatrice de Gregory, il lui fait un petit non de la tête. Il préfère ne pas lui avouer que la moitié des pièces à convictions de ces dernières années ont fini dans leur frigo entre la margarine et un pack de bière.

« Mais pour l'accompagner jusqu'au Seigneur, j'ai choisi ce texte de Martin Gray, qui l'aurait fait lever les yeux au ciel en l'entendant. Tant mieux, j'ai toujours aimé l'embêter. », confie-t-elle dans un petit sourire mélancolique.

Elle s'éclaircit la voix, serre le papier déjà froissé par ses mains tremblantes plus tôt dans la journée, et lit :

« Être fidèle à ceux qui sont morts, ce n'est pas s'enfermer dans la douleur. Il faut continuer de creuser son sillon, droit et profond. Comme ils l'auraient fait eux-mêmes. Comme on l'aurait fait avec eux, pour eux. Être fidèle à ceux qui sont morts, c'est vivre comme ils auraient vécu, les faire vivre avec nous, transmettre leur visage, leur voix, et leur message, aux autres. À un fils, à un frère, ou à des inconnus, aux autres, quels qu'ils soient. Et la vie tronquée des disparus, alors, germera sans fin. »

John soupire, mais sourit ; Il aurait levé les yeux au ciel pour sûr.


Les mains dans les poches, la veste boutonnée jusqu'au col, John regarde les voitures repartir une à une, dans un ballet triste. Sans un mot, Lestrade s'appuie à ses côtés, et lui tend un paquet de cigarette bien entamé.

« Je te fais le discours habituel sur je croyais que tu avais arrêté ou ce n'est pas la peine ? »

« Pas la peine, mais merci de t'en soucier. »

Ils se sourient poliment, pas bien sûrs de vouloir parler de leurs santés si proches d'un cimetière, et le policier range le paquet dans sa poche.

« Tu as remarqué la voiture noire pendant la mise en terre ? »

« Inratable. La Reine est tellement peu discret. »

« J'ai cru que t'allais arrêter la cérémonie pour descendre lui casser la gueule. »

« Si Mrs. Hudson n'était pas accrochée à mon bras, c'est probablement ce que j'aurais fais. »

Cette fois, c'est un rire franc qui s'échappe de la gorge nouée du plus vieux. Il souffle la fumée du coin de sa bouche pincée et tourne la tête vers son ami.

« Ça devait être vraiment un grand frère bizarre. »

« Finalement, grandir avec une sœur alcoolique me parait bien plus agréable. »

« Je suis sûr qu'il a pleuré au cinéma quand Palpatine est mort. »

« Ils n'ont jamais vu Star Wars. », avoue John dans le premier sourire non-forcé de la journée.

« Quel enfoiré : c'était vraiment le pire des grands frères. »

Ils se regardent du coin des yeux et explosent de rire. C'est les nerfs, bien sûr, ce n'est pas drôle, mais comme se laisser aller pour quelques secondes leur fait un bien fou. Alors ils se laissent glisser dans les méandres insoupçonnés de l'hystérie passagère, les larmes qui perlent au bout de leurs yeux ont milles raisons d'être mais ils s'en fichent, ils rient à s'en faire mal à la gorge et c'est très bien ainsi. Ils se calment lorsque Mrs. Hudson revient, accompagnée par Molly dont le tendre sourire est le meilleur des baumes.

Ils rentrent tous les quatre à Baker Street, pour un dernier thé, quelques souvenirs évoqués sont encore meilleurs que les petits gâteaux servis par la logeuse. Tout est très calme, leurs murmures sont aussi précieux qu'une berceuse, et John ne leur en demandera pas plus. Il se sent couler, doucement, très doucement, depuis quelques jours déjà, et même le soldat qui dort en lui ne semble pas vouloir se débattre. Cela passera, un jour, peut-être, en attendant, le silence est le meilleur des boucliers. Alors, assis sur la chaise en formica de la cuisine du rez-de-chaussée, il regarde la vie ; les remontrances de Mrs. Hudson envers Lestrade et sa sale manie de se griller les poumons, les bâillements discrets d'une Molly Hooper que le sommeil a abandonné depuis trois jours déjà, et la théière vide qu'on ne remplit plus au bout de la deuxième fois. La vie continue, il la rattrapera lorsqu'il s'en sentira capable.


John ouvre les yeux et ça fait deux mois qu'Il est parti. Il ne travaille pas aujourd'hui, mais il ira quand même à la clinique du quartier voir s'ils n'ont pas besoin d'aide.

Ce job, il l'a eu grâce à Sarah. Bien sûr, elle n'avait pas les moyens de le réembaucher, elle l'a donc conseillé à un cousin éloigné, dont la clinique peinait à trouver des médecins. Hackney, ce n'est pas le Bronx non plus, mais avec son meurtre hebdomadaire, les londoniens ne sont pas particulièrement friands de ce quartier. Lorsque Molly a su que John avait trouvé du travail, son sourire valut tout l'or du monde. Lorsqu'il lui apprit où était située la clinique, elle se sentit obligée de lui montrer tous les corps qu'elle avait en stock, qui avait été poignardés, étranglés ou brûlés, à Hackney.

John avait souri pourtant. Lorsqu'il L'accompagnait à l'autre bout de la capitale sur les affaires les plus sordides, elle leur souhaitait toujours une bonne soirée. Depuis qu'Il n'est plus là, Molly a réellement peur pour lui.

Mais bien sûr, il ne lui arrive jamais rien. Les patients sont un peu plus agités qu'ailleurs et les blessures au couteau plus fréquentes, mais il rencontre toujours autant de gamin polis, de mères pressées et d'homme fatigués. C'est comme partout, et recoudre une plaie sur une peau bronzée par le soleil des Maldives ou blanchie par les carences, est de toute façon la même chose.

Alors il y va, chaque jour, pour quelques heures ou pour une nuit, et il écoute, soigne, panse, nettoie et rentre à pied au milieu de la nuit. Il n'a rien dit lorsque Molly lui a demandé s'il le faisait exprès car « On dirait que tu attends que quelque chose t'arrive John ».


John ouvre les yeux et ça fait cinq mois qu'ils L'ont enterré. Il n'a pas bu de bière avec Greg depuis que Manchester est passé en quart de finale, et le policier ne semble pas lui pardonner. C'est tous les deux jours maintenant que le plus vieux lui envoie un message. Parfois, c'est juste des points d'interrogation, et quand ça arrive, le docteur comprend qu'il n'a pas répondu au précédent sms. Lorsqu'il remonte le fil de conversation, il ne voit que des petites bulles grises, il n'y en a pas eu de vertes depuis tellement longtemps qu'il n'en retrouve plus. Ils se sont vus, au début, parce que John arrivait encore à parler et qu'il avait de toute façon eu besoin de sa voix pour lui dire que oui tout allait bien et que oui Greg pouvait faire quelque chose pour lui. C'était juste une façon de ne pas dire adieu au passé tout de suite, au début il voulait juste que le flic lui parle des affaires en cours, qu'il le contacte si aucun autre médecin n'était disponible, qu'il l'appelle même s'il avait besoin de lui sur une scène de crime.

Lestrade avait dit oui, la pitié noyant ses pupilles marrons et c'était tout ce dont avait besoin le soldat. Alors, quelques jours par-ci par-là, un appel lui prenait un peu de son temps, comme au bon vieux temps. Il y eut même l'affaire du meurtre de Linda Palmer en juin, où Greg, surmené et sans médecin légiste sous le coude avait appelé son ami. Mais quand Scotland Yard avait appris qu'un de ses inspecteur avait fait appel à un particulier, sa tête avait failli sauter. Ils avaient accepté le détective consultant de justesse ; son subordonné ne valait rien.

Depuis, Greg a beaucoup moins d'intérêt, et John n'a plus la force, depuis longtemps déjà, de serrer ses doigts autour d'une pinte et d'insulter la mère de l'arbitre. Alors il ne répond pas, ne supprime pas non plus les messages indésirables, puisqu'il les oublie à peine reçus. Il n'a pas répondu non plus au message disant « Tu te coupes de tout John. »


John inspire, expire et ouvre les yeux. Ça fait huit mois qu'Il est mort. Il n'ira pas travailler aujourd'hui. Il n'y est pas allé hier. Ni la semaine dernière ; faut dire que ça fait un mois qu'il a été viré. Il a promis de manger avec Mrs. Hudson aujourd'hui, c'est la seule chose qui le pousse à sortir du lit. Pour toutes les fois où elle lui a déposé un plat tout fait sur la plus haute marche de l'escalier, il veut bien faire ça pour elle. Il est midi de toute façon, il ferait mieux d'enfiler un jean.

Assis dans la cuisine, plus très sûr si jeudi était hier ou avant-hier, il entend le bourdonnement de la voix de sa logeuse. Elle doit parler de Mrs. Jenssen à tous les coups, comme à chaque fois. À moins qu'elle ne parle de ce nouveau coiffeur. Il tend la main par réflexe lorsqu'elle lui donne son assiette et la pose sur le côté. Il n'a pas faim de toute façon. Elle chantonne qu'elle va se laver les mains, et cette fois, il grimace. Il a réussi à développer cette technique pour ne plus écouter mais juste entendre les mots qu'elle prononce, mais si elle chantonne, la magie disparaît et ses phrases sont claires. Il ne veut pas entendre.

« Je vais demander à ma femme de ménage de venir faire un tour ici John. Si votre salle de bain n'est pas nettoyée très vite, je garde le chèque de caution ! », lance-t-elle de l'autre bout du couloir. « Vous avez des serviettes propres ? »

Comment pourrait-il le savoir ?

« J'ai pris le savon qu'il y avait dans la douche puisqu'il n'y en avait plus d'autre. »

Qu'en a-t-il à foutre ?

« John, où est passé le miroir ? »

Il rouvre les yeux et sa respiration se bloque. Il ne veut pas avoir à répondre à ça.

« Il reste des serviettes propres sur le meuble de droite et ce n'est pas grave pour le savon, il faut que j'en rachète de toute façon. », sa voix est grave comme le tonnerre mais il veut juste ne pas devoir répondre à ça.

Il entend les petits pas feutrés par les chaussons de sa logeuse découvrir l'appartement, pièce par pièce, avant qu'elle ne revienne. Ses yeux à lui fixent le sol. Il veut les y clouer et qu'on ne le force plus jamais à affronter le regard des autres.

« Il n'y a plus aucun miroir ici. », la constatation fait aussi mal à dire qu'à entendre. « Depuis combien de temps ne vous vous êtes pas regardé ? »

Il rit, amèrement ; Il est mort depuis huit mois, et Mrs. Hudson lui demande depuis combien de temps il ne s'est pas regardé ? À quoi bon ? Pour se voir maigre comme un chien, cerné à s'en faire peur, pâle à en crever ? Rien ne va depuis huit mois, et voir la preuve tangible sur son corps fatigué ne l'aidera pas pour autant, alors oui, tous les miroirs ont fini à la cave. Il n'a pas besoin d'un reflet pour lui prouver qu'il n'y a plus personne à ses côtés.

Sa logeuse s'assoit à son tour, prend sa main et sans savoir pourquoi, cette fois, il la regarde.

« Arrêtez d'essayer de le rejoindre. »


John ouvre les yeux et se lève. Il y a pensé toute la nuit, depuis cette phrase que Mrs. Hudson a prononcé la veille. Cinq mots, elle n'a employé que cinq mots, et son cerveau a tourné et tourné en boucle. Aujourd'hui, il a faim. Il a soif. Il a mal aux genoux à force de ne pas les avoir utilisé. Et il est déterminé.

Il choisit le pull rouge que sa sœur lui a offert à Noël dernier, parce qu'il aime ce pull et se sent bien dedans. Il fait froid, il le sait, et il ne veut pas chopper un rhume. Il descend les marches d'un pied ferme et retrouve avec un plaisir inédit le bruit des pas qui cognent le bois creux. Il ira à St. Barth une fois un bon petit déjeuner englouti, et s'il ne trouve pas quelque chose de suffisant dans ses placards, il ira au café du coin. Il y ira et prendra le plus gros donut, le café le plus serré. Aujourd'hui il le sait.

Sherlock Holmes est vivant et John Watson le prouvera, quoi qu'il en coûte.