CHAPITRE 12 : Tempête1

- Vous me devez des explications, jeune fille.

Edlothia hocha la tête, docile. Elle était trop épuisée pour opposer la moindre résistance. Tandis que le cheval de Gandalf marchait lentement au pas, la disciple devait avancer à grandes enjambées afin de pouvoir tenir la cadence. Longo était obéissant mais cheminait à son rythme, sans se presser.

La jeune femme lui exposa sa chute de cheval dans les moindres détails, lui énonçant en particulier la raison de cet accident : son coude qui ne s'était toujours pas rétabli de sa blessure par flèche.

Le Magicien Gris se contenta d'hocher la tête sans laisser entrevoir ce qu'il pensait réellement. Un long silence s'écoula, durant lequel seuls les craquements de branches, se brisant sous les sabots des poneys, et les conversations des Nains à l'avant brisaient le silence. Il finit néanmoins par dire :

- Avoir imposé une dette à Thorïn n'est pas donné à tout le monde… vous avez été trop audacieuse.

Edlothia fronça les sourcils.

- Pourquoi donc ? [Elle se reprit vite en chuchotant]. Sachez que je n'ai pas fait cela par plaisir. Le contexte m'a contrainte, voilà tout.

- Ce n'est pas aussi évident que cela, jeune insouciante !

Entendre se faire réprimander par la personne qu'elle respectait le plus était fort pénible. Sa disciple devait bien admettre qu'elle s'en trouvait fortement vexée.

- Une dette se doit d'être respectée à partir du moment où elle est entonnée. Un contrat immatériel vous lie désormais à Ecu-de-Chêne.

La jeune femme regarda la pointe de ses pieds, ne saisissant pas totalement les paroles de son mentor officieux.

- Autrement dit, si vous n'êtes pas en parfaite forme et si vous n'avez pas montré quelques-unes de vos compétences avant le lieu où je souhaite vous emmener… vos pas n'accompagneront plus les nôtres.

Edlothia se pinça les lèvres. Elle ne s'attendait pas à ce genre de nouvelles. Elle ne pensait pas que la dette avait une signification aussi poussée dans le cœur des Nains. Ce n'était pas une simple dette mais un véritable ultimatum qu'elle s'était imposée elle-même. La situation ne pouvait pas être pire.

- Quel est ce lieu que vous ne cessez de mentionner ? s'interrogea Edlothia.

- Cela, vous le découvrirez en temps voulu.

Il marqua une courte de pause, avant de reprendre, amusé cette fois-ci.

- Je ne puis vous cacher ma surprise, néanmoins, quant à votre discernement. Vous avez su habilement manier votre discours. Être doué de la bonne parole n'est pas donné à tout le monde.

- A mon humble avis, je n'aurai pu m'en sortir sans votre aide, maître Gandalf, répondit-elle dans un mince sourire.

- Je vous retourne le compliment, rétorqua le vieil homme, les yeux pétillant de malice. Sachez une chose, ma chère : celui qui détient la parole contrôle la situation. C'est d'autant plus important lorsque celui qui possède l'art de bien discourir est une femme, car trop peu sont écoutées de nos jours.

Edlothia médita ces sages paroles en silence. Au même titre que se faire admonester par Gandalf était contrariant, recevoir des compliments de sa part procurait une joie immense. Elle se sentait presque honorée de telles congratulations provenant d'un Magicien Gris réputé.

Au bout de plusieurs minutes, la jeune femme commença par se faire distancer. Le cheval blanc du vieil homme avançait d'un pas gracieux, si bien qu'il dépassa progressivement tous les autres poneys de la Compagnie. Edlothia se retrouva ainsi seule, avec pour unique compagnie Longo. La douleur de son coude, si elle était surmontable, n'en restait pas moins persistante et épuisante. La jeune femme essaya alors tant bien que mal de se concentrer sur autre chose, le moindre détail qui pouvait lui permettre d'oublier ce mal latent.

Après de multiples efforts, elle finit par se laisser bercer par les pas sourds de son cheval. Elle se concentrait sur ce son répétitif, lorsque les sabots s'enfonçaient dans l'herbe et remuaient la terre. Elle s'attardait sur la respiration rauque et paisible de Longo, car contrairement aux autres membres de son espèce, il n'avait pas de poids à supporter sur son dos et la marche était donc plus aisée pour ce jeune cheval.

Mais si seulement cela avait été aussi simple ! Car les heures s'égrenaient, et les jours se succédaient dans la monotonie la plus fade qu'Edlothia ait éprouvé jusqu'à présent. Comme elle regrettait amèrement la charrette de Gandalf ! Les marches étaient longues, exténuantes et sans fin. La jeune femme ne pensait pas en souffrir autant. Les Nains étaient en selle et ne pouvaient donc ressentir la douleur qui traversait le corps d'Edlothia à chaque pas qu'elle franchissait. Son os brisé s'habituait peu à peu à l'activité pédestre de sa propriétaire, mais le mal était toujours présent dans ses veines. Toute sa douleur était concentrée en une boule à l'extrémité de son coude meurtri, que même des changements de position ne parvenaient à soulager. Elle avait l'impression que quelqu'un tirait perpétuellement sur son bras : à côté de cette invalidité, Longo pesait plus léger ! La jeune femme aurait presque aimé que la douleur soit nette, tranchante, incisive, mais courte au lieu de cela, elle était lourde, constante, presque indélébile. Harcelante.

Et s'il n'y avait que ça ! Le troisième jour s'écoulait à peine que des ampoules s'étaient formées à ses pieds. Au début, ce n'était que de simples cloques fleurissant au coin de ses orteils et derrière son talon. Mais au bout de plusieurs heures, les petits boutons s'étaient ouverts en de véritables plaies sanguinolentes. Chaque pas en avant s'avérait être une véritable torture pour la jeune femme qui tentait tous les stratagèmes possibles pour atténuer les dégâts : marcher sur la pointe des pieds, sur les talons ou encore même en canard. Rien n'y faisait, mais elle avait au moins le mérite de souffrir en silence, des larmes perlant au coin de ses yeux.

L'heure du déjeuner avait été accueillie avec un soulagement parfaitement dissimulé de la part de la rousse. Mangeant à peine, elle s'était positionnée à l'écart et, se déchaussant, en avait profité pour soulager ses blessures. Les boursoufflures saignaient légèrement et suintaient de pus. Edlothia grimaça à la vue de ces méchantes plaies, mais au moins concentraient-elles la douleur de son corps autre part que dans son coude. Elle ramassa quelques feuilles vertes tombées des arbres et les appliqua doucement sur ses plaies afin de s'en servir comme pansement. Puis, avec toute la minutie dont elle fut capable, elle enfila ses bottes de cuir en prenant garde à ne pas déplacer les feuilles. Elle préférait ce contenter de ce faible remède plutôt que d'en parler à Óin qui avait déjà assez à faire avec son coude.

Ce jour-là, quelques Nains s'étaient interrogés quant à cette exclusion volontaire, car Edlothia ne s'était pas contentée de s'écarter de quelques mètres : elle s'était réfugiée derrière des bosquets assez feuillus pour la dissimuler dans la nature. Cette absence était quelque peu suspecte car la jeune femme ne manquait d'ordinaire aucun des repas. En effet, les heures destinées aux collations étaient les instants privilégiés par la jeune femme. Elle en profitait pour récupérer des forces en dévorant de bon appétit la nourriture qui était servie. Par le fait, les repas n'étaient, certes, pas aussi riches que le dîner gargantuesque pris à Cul-de-Sac, mais les Nains s'arrangeaient toujours pour se réserver des repas solides. A l'heure où le soleil était en son zénith, ils faisaient une courte halte afin de se nourrir. Les pauses étaient rapides car le plus important était de récupérer rapidement des forces afin de reprendre au plus vite la route.

Contrairement à ce que leurs apparences laissaient présager, les Nains étaient de très bons chasseurs : ils se procuraient de la bonne viande, et en quantité respectable pour une Compagnie composée de seize individus. La chair animale était alors garnie de légumes et de miches de pain que Gandalf avait soigneusement stocké dans des sacs de toile avant leur départ. Les plus jeunes, et en particulier Kili qui démontrait des compétences particulières pour le tir à l'arc, se chargeaient de chasser tandis que leurs aînés, Bombur en tête, cuisinaient avec passion la viande fraiche. C'était sans doute ce qui impressionnait le plus Edlothia : malgré le peu d'ustensiles et de matériels adéquats pour la bonne cuisine, Bombur – aidé parfois de Balïn ou Glóin – s'arrangeait toujours pour produire de bons feux de camp, faire cuire délicatement la viande et même préparer – lorsque le climat le permettait – des sauces savoureuses concoctées dans le jus viande et agrémentées d'herbes sauvages que seul un œil expert pouvait repérer. Entendre la chair crépiter sous les flammes, respirer des effluves alléchants et sentir le jus couler avec délice dans la gorge asséché par des heures de marche : il n'y avait rien de plus délectable aux yeux de la jeune femme.

Elle oserait même dire que la nourriture cuisinée par les Nains était meilleure que celle qu'ils mangeaient le soir venu. En effet, ils marchaient à une très bonne allure et parcouraient assez de kilomètres pour rencontrer systématiquement une auberge une fois que l'astre solaire se coucher derrière la cime des pins. Afin de passer inaperçus aux yeux des villageois, ils entraient dans l'auberge par plusieurs groupes, mais Edlothia doutait que ce stratagème fonctionne : si elle, Gandalf et Bilbon pouvaient facilement se mouvoir dans la masse, ce n'était pas le cas d'une troupe de treize Nains bon vivants qui ne refusaient jamais une pinte de bière ! La moitié d'entre eux parlaient fort dans l'auberge, mais cela n'empêchait pas Edlothia de savourer le confort d'une paillasse dans un abri chaud. Elle n'était pas dupe : plus les jours passeraient, plus la chance les quitterait, elle en était certaine. Les bons repas du midi et les auberges le soir n'étaient que temporaires, malheureusement.

Si Edlothia pouvait noter un deuxième problème majeur en ce début de randonnée extrême était certainement le refus de la part des Nains de s'adresser à la disciple de Gandalf. La quasi-totalité de la Compagnie s'entêtait à ne pas s'approcher d'elle : l'épisode de la dette imposée à Thorïn était encore dans tous les esprits, et les petits hommes ne toléraient pas cet affront fait à leur souverain. Seuls Kili, Nori et Ori échangeaient quelque fois des paroles avec elle, s'enquérant de son état de santé et toujours inquiets de constater que la pellicule de sueur qui recouvrait le front de la jeune femme ainsi que les cernes noires qui grossissaient ses yeux ne disparaissait jamais, signe évident de son épuisement. Ils lui avaient même proposé de l'aider à monter à cheval, mais elle déclinait obstinément l'offre à chaque fois : ne serait-ce qu'imaginer être sur la selle déclenchait en elle une crainte sans nom. Óin la consultait tous les soirs, mais pas par gaieté de cœur : il désinfectait la plaie et resserrait le bandage de la jeune femme dans l'indifférence la plus totale, se contentant d'accomplir sa tâche de guérisseur de la Compagnie. Il n'y avait plus que Gandalf et Bilbon pour lui tenir compagnie. Le Hobbit en particulier se complaisait à lui conter la vie dorée qu'il menait autrefois dans son chez-soi et se plaindre avec grande amertume de ses multiples déboires depuis son départ de Cul-de-Sac. Durant ces moments-là, elle s'imaginait être confortablement allongée dans un lit douillet ses yeux s'assombrissaient alors, car elle savait qu'elle ne retrouverait pas de sol commode avant de longs mois.

Si seulement elle pouvait rire aux éclats comme Fili et Kili ! Si seulement elle pouvait participer aux discussions sages de Balin et Gandalf ! Si seulement elle pouvait jouer d'un instrument de musique en compagnie de Bofur, Ori et Nori ! Si seulement elle pouvait écouter les conversations enflammées de Thorin et Dwalin sur le passé glorieux d'Erebor ! Si seulement… ! Elle poussa un soupir à fendre l'âme. Son cœur saignait à l'idée qu'elle ne puisse partager aucune des activités des Nains. Sa fracture entravait tous ses gestes, et de toute manière, s'occuper de Longo l'isolait irrémédiablement des autres. Elle était la dernière de la file, seule, et le resterait tant qu'aucune solution viable ne se présenterait à elle. Après tout, que s'imaginait-elle ? Passer des moments agréables et sympathiques en compagnie d'une bande de Nains tout aussi joyeux ? Marcher des heures sans ressentir la moindre fatigue ? C'était sans compter la malchance qui suivait Edlothia comme la peste. Son seul réconfort était d'espérer que les choses s'améliorent. Un jour.

Deux semaines longues et pénibles s'étaient écoulées sans qu'aucun événement particulier n'interfère au sein de la Compagnie. Les rayons du soleil étaient perpétuellement chauds et écrasaient la Compagnie une fois la matinée passée. Les paysages s'enchaînaient et changeaient au gré des heures passées. On passait des villages de Hobbits à des maisons d'Hommes, d'une multitude de collines verdoyantes à de vastes plaines, de terres désertiques à des bois sombres. Alors qu'ils avaient fait de nombreuses haltes dès qu'un village se présentait à eux afin de remplir les provisions, désormais, on calculait précieusement les parts que l'on distribuait à chacun lors des repas, car on savait que l'on n'était pas prêt de rencontrer âme qui vive dans la région perdue qu'ils écumaient.

Mais rien n'aurait pu être pire que la pluie qui s'abattit au quatorzième jour de l'expédition. D'abord, il ne s'agissait que d'une pluie fine et douce, pareille à la brume grise du matin, soulageant les muscles brûlant sous l'effort. Toutefois, au fil des heures, les gouttes d'eau étaient devenues pesantes et insistantes, tombant avec de plus en plus de force. Enfin, alors que s'approchait la nuit, un véritable torrent s'écrasa sur la Compagnie d'Ecu-de-Chêne. Chacun se précipita afin de protéger les sacs de toile et la nourriture de la pluie, construisant des abris de fortune à l'aide de branchages divers. Edlothia tentait de participer à cette effervescence nouvelle en s'occupant de son propre cheval, refusant que Kili ou Ori ne viennent l'aider. Ils passèrent la nuit sous une température devenue presque glaciale pour une fin de mois de mai.

Le lendemain, la pluie, éternelle, n'avait pas cessé et s'était même renforcée si cela était encore possible : elle s'engouffrait à travers les habits, mordait la peau, encombrait les pas, épuisait les poneys, fatiguait les corps et tendait l'atmosphère. La respiration s'en trouvait même difficile car l'air était imprégné d'une lourdeur humide. Plus personne n'échangeait de mot, comme si les conversations n'avaient plus de sens sous ce temps misérable. Les visages étaient marqués par la fatigue et l'énervement plus aucun n'avait le cœur à parler des richesses d'Erebor ou de la beauté de la Montagne Solitaire.

La blessure de la jeune femme, quant à elle, supportait de moins en moins ce changement de climat, car son bandage absorbait l'eau de pluie et alourdissait son bras infirme. Elle commençait à désespérer sur le véritable but de son existence dans la Compagnie…

- Je crois que je n'ai jamais vu pareille mine sur votre frimousse, ma chère.

Edlothia sortit brusquement de ses pensées : Gandalf venait de ralentir son cheval pour revenir à la hauteur de sa disciple.

- Et je crois que vous ne comprendrez jamais ce que c'est, que de mener un cheval avec un os cassé, répondit-elle, amère.

Elle était lasse, harassée, et n'avait le cœur à recevoir la pitié des autres. Mais elle s'adoucit en voyant le visage sévère et inquiet du vieil homme. Après tout, il entamait la discussion avec elle afin de s'enquérir de son état de santé, alors la moindre des choses était de se montrer agréable.

- Je suis désolée, Gandalf, souffla-t-elle en baissant la tête. Je me sens si lourde… et si lente par rapport aux autres !

- Ce qui est normal au regard de votre état actuel, non ?

Un sourire compatissant naquit alors sur ses lèvres, mais Edlothia n'eut pas la force de lui répondre.

- Óin dit que la blessure ne guérira jamais, et que j'en souffrirai toujours. Alors, dites-moi Gandalf : qu'est-ce que je fais dans cette Compagnie ?

Le visage ridé du Magicien se ferma tout à coup.

- Que se passera-t-il lorsqu'un danger surviendra ? continua-t-elle. Je ne pourrai rien faire ! Je ne suis même pas capable de soulever une épée. Pouvez-vous me dire si je serai d'une quelconque utilité ?

Gandalf fit soudain arrêter sa monture, et Edlothia dut en faire de même. Elle fronça les sourcils. N'avait-elle pas raison, après tout ?

- Chaque être a sa place sur cette Terre et vous n'y faites pas exception…

- Je n'ai pas ma place dans cette Compagnie en tout cas ! le coupa-t-elle.

- Laissez-moi parler, nom d'un Hobbit !

Elle se tut aussitôt et baissa la tête, honteuse de son propre emportement.

- Sachez, très chère Edlothia, qu'on ne croise pas la route d'un Magicien par un pur hasard.

La concernée releva la tête, ne comprenant pas ce sous-entendu. Mentionnait-il leur première rencontre au bois de Chet ? Insinuait-il que cela relevait… du miracle ? Elle se dit à elle-même qu'elle avait encore beaucoup à apprendre au sujet de Gandalf le Gris.

- Le destin a voulu que nous nous rencontrions et c'est ce qu'il s'est produit. J'ai accepté de vous aider car votre apparition n'est pas le fruit d'une coïncidence.

Il se pencha alors davantage sur elle. Sa figure n'avait jamais exprimé autant d'austérité.

- Vous êtes porteuse d'un grand mystère que vous seule pourrez éclairer. J'ai profondément foi dans le rôle que vous jouerez dans cette Quête.

- Si vous me le permettez, osa la jeune femme, vous semblez beaucoup me connaître alors que vous et moi ne savons même pas qui je suis.

Au loin, les Nains s'étaient arrêtés, ayant remarqué l'absence des deux mages de la Compagnie. A leurs yeux, ils discutaient d'affaires secrètes et sombres car leurs regards étaient animés par la dureté. Ils étaient figés comme des statues, comme s'ils se guettaient du regard.

- A moins que… vous ne me cachiez certaines choses, asséna-t-elle de but en blanc.

Elle était persuadée que la sagesse du Magicien Gris abritait quelque chose de plus profond.

- Je ne vous cache rien, Edlothia. Après tout, je ne peux me baser que sur ce que je vois, n'est-ce pas ?

Avant qu'elle n'ait pu répliquer quoi que ce fut, Gandalf talonna son destrier et partit rejoindre la Compagnie. Edlothia resta ébahie quelques secondes avant de reprendre lentement la route, des interrogations nouvelles peuplant son esprit déjà tourmenté.

Le quinzième soir arriva, mais pourtant, la posture de la Compagnie n'avait jamais semblé être aussi délicate. Elle s'était aventurée au cœur d'un immense bois dans l'espoir de se protéger des intempéries. Néanmoins, son chef n'avait pas prévu que la forte pluie s'aggraverait. Elle était tellement forte que personne ne songea à ce que le pire n'arrivât.

Une tempête. Une véritable tempête.

Les cimes des arbres pliaient sous le vent, les capes de voyage claquaient violemment et les bottes s'enfonçaient dans la terre boueuse. Un sifflement aigue vrillait leurs tympans, et Dori parla même un instant de : « l'appel des morts » car le bruit était semblable à des cris mystiques venus d'au-delà des cieux. Les montures piétinaient dans le sol devenu marécageux. Les quinze compagnons s'enfonçaient dans la nuit la plus obscure qu'ils aient connue depuis le début de l'expédition, comme si un voile au tissu sombre et opaque s'était dressé sur leurs yeux. Ils n'y voyaient pas à plus de deux mètres, car des nuages épais couvraient la blancheur de la lune, et impossible d'utiliser un bout de bois enflammé pour se guider à cause l'eau qui se déversait du ciel par litres.

Thorïn ordonna soudain qu'on s'arrêta, et ce fut avec soulagement que la Compagnie accueillit cette nouvelle. Faire un pas devant l'autre relevait en effet de l'exploit dans la terre devenue glissante et boueuse : les sabots des poneys s'y enfonçaient profondément tandis que les jambes des Nains s'y étaient embourbés jusqu'aux mollets.

La Compagnie se répartit les tâches spontanément dans le but de créer un abri au plus vite. Edlothia n'avait jamais vu les Nains s'ébranler aussi rapidement sous l'urgence de la situation. Gloin et Óin s'acharnaient vainement à faire du feu tandis que les plus jeunes couraient en tous sens afin de récupérer le plus de bois possible. Bilbon, malgré sa petite taille, s'efforçait de protéger les bagages contenant les vêtements de rechange. Edlothia, comme à chaque fois, tenait à s'occuper de Longo par ses propres moyens, serrant les dents et contenant difficilement la douleur que lui causait sa fracture.

Un éclair illumina soudain le ciel. Quelques secondes plus tard, un grondement terrible, pareil à un rugissement, ne tarda pas à surplomber la forêt. La jeune femme leva le nez vers le ciel, et cligna des yeux plusieurs fois alors que d'autres foudroiements crépitaient bruyamment dans la voûte céleste.

- Dépêchons-nous, allons ! Nous n'avons pas le luxe de nous priver d'une nuit de repos !

Edlothia se tourna vers la source du bruit, qui venait de nul autre que Thorïn : il hurlait, tentant tant bien que mal de se faire entendre par-dessus l'orage et les rafales de vent. Mais, au-delà de cet ordre, la rousse avait très bien perçu le tremblement dans le timbre de sa voix. Elle réalisa alors que le chef des Nains craignait pour la santé de ses compagnons. Pourtant, la Compagnie venait à peine d'entamer une semaine de marche intensive. Ce n'était pas grand-chose par rapport à la distance qu'ils devraient parcourir pour atteindre Erebor. Malgré tout, chaque seconde de cette journée marquée par la pluie puisait dans les forces physiques : Edlothia ne se rendait compte que maintenant que le temps était une notion devenue précieuse. Chaque nuit se devait donc d'être soigneusement conservée afin que chacun puisse récupérer. Or, cette tempête qui durait maintenant depuis deux jours avait considérablement épuisé les membres de la Compagnie. Ils devaient à tout prix maitriser la situation s'ils ne voulaient pas devenir aussi faibles qu'un animal sans défense !

Le cœur de la jeune femme fit plusieurs bonds dans sa poitrine. Comprenant la véritable urgence du moment présent, elle s'activa davantage et essaya d'oublier les éléments que subissait son cops frêle. En effet, les sifflements sinistres du vent heurtaient son ouïe et l'empêchèrent bientôt d'entendre ses compagnons de voyage. La pluie s'insinuait sous ses vêtements malgré l'épaisseur du tissu : sa peau s'en trouvait gelée et trempée jusqu'à l'épiderme. Ses cheveux courts et trempés lui semblaient lourds à porter et gênaient ses yeux qu'elle ne pouvait que garder entrouverts. Elle pariait sans même les voir que ses mains étaient devenues rouges à force de se refroidir au contact de l'eau glaciale : le simple fait de tirer sur les rennes de son cheval provoquait des douleurs insupportables le long de ses doigts rêches et tremblants. Ses pieds s'enfonçaient dangereusement dans le sol boueux et instable, et elle manqua plusieurs fois de perdre l'équilibre, sans compter que chacun se bousculait involontairement dans l'affolement général.

Un bruit aigue, puissant et effrayé à la fois, surgit soudain. La jeune femme n'eut même pas le temps de réagir tant les éléments autour d'elle obstruaient ses sens.

- Edlothia, attention !

La concernée tourna alors la tête dans toutes les directions, aveugle dans la nuit noire et incapable de savoir d'où venait ce son paniqué. Confuse et apeurée, respirant difficilement, elle ne vit pas foncer sur elle une ombre énorme. Seulement, elle reconnut au dernier moment ce tumulte particulier que produisaient les sabots d'un cheval, même s'ils s'enfonçaient dans la boue.

Un corps dur et lourd la frappa tout à coup, plaquant la jeune femme dans le sol marécageux. Le choc fut tellement violent qu'elle ne put émettre le moindre cri. Broyée, allongée sur le dos, elle ne savait plus où donner de la tête entre sa blessure au coude, la masse pesante qui l'écrasait et son corps figé par le froid. Son souffle se bloqua alors dans sa poitrine : la jeune femme ouvrit la bouche dans l'espoir de happer la moindre bouffée d'air, mais au lieu de cela, elle commença à se noyer sous la pluie qui s'introduit vicieusement dans sa gorge.

Ses muscles se réveillèrent dans un ultime effort et le bras valide d'Edlothia vint frapper plusieurs fois le corps toujours aplati sur son ventre. Ce dernier s'anima immédiatement et s'écarta de la jeune femme. Ses poumons opprimés se dégagèrent enfin et aspirèrent goulument une bouffée d'air. Mais cette gorgée fut trop glaciale et se glissa le long de sa gorge comme une dague que l'on enfoncerait entre ses cordes vocales. Elle se redressa d'un seul mouvement, gémissant sous la douleur et toussant bruyamment.

- M'entendez-vous ? Vous portez-vous bien ?

La voix hurlait à plein poumons afin de se faire entendre de la jeune femme. Cette dernière dut faire un effort considérable pour reconnaitre quel était son propriétaire, mais elle n'en fut certaine que lorsqu'un éclair traversa le ciel, éclairant l'espace d'un instant le visage de son sauveur.

Thorïn.

Le temps d'une fraction de seconde, Edlothia put imprimer ses traits dans sa mémoire, et en particulier son regard. Ses yeux clairs et glacials la dardaient, quémandant silencieusement une réponse à la question auparavant posée. Ils n'auraient pas été plus différents que d'habitude si une lueur d'inquiétude n'y avait pas brillé au fond de ses iris. Edlothia en resta figée d'émotions.

Sonnée, elle secoua vaguement la tête et s'apprêta à rassurer le roi sur son état lorsque d'autres éclats de voix leur parvinrent. Des personnes s'étaient rapprochées d'eux.

- Thorïn, Nira a pris la fuite mais s'est enfoncée dans le cours d'un fleuve !

Là encore, plusieurs secondes d'attention furent nécessaires à la jeune femme pour reconnaître Nori.

Nira ? Il lui semblait, d'après ses souvenirs, que c'était la monture de Bofur.

- Un fleuve ? répéta Thorïn en se relevant d'un bond.

- Oui, il n'est qu'à quelques mètres de nous à peine, c'est une chance qu'aucun ne s'y soit noyé par mégarde !

- Il faut absolument récupérer la ponette, nous ne pouvons nous permettre de perdre un seul cheval !

- Thorïn, je… je suis navré, mais je n'ai pas pu les en empêcher. Avec toute l'eau qui tombe, le fleuve est sûrement en crue et donc très profond….

La voix de Nori était soudain chevrotante, ce qui alarma aussi Thorïn. Grâce aux éclairs qui se livraient une bataille acharnée, Edlothia put suivre les mouvements de chacun. De qui Nori parlait-il ?

- De quoi ? cria le noble Nain en le prenant par les épaules. Que s'est-il passé, par tous les diables ?

Thorïn était partagé entre la colère et l'affolement. Le ton sur lequel il s'adressait à Nori ne laissa à ce dernier aucune chance de fuite.

- Vos neveux, mon roi, répondit précipitamment Nori d'une voix dramatique. L'audace a saisi leurs cœurs et ils se sont jetés dans l'eau… en oubliant qu'ils n'étaient dotés que d'une taille de Nain !

Il n'en fallut pas plus au roi de la Montagne pour filer à toute vitesse vers les lieux de l'incident, Nori sur ses pas. Edlothia se remit sur ses jambes tant bien que mal. Tous ces événements qui se déclenchaient d'un seul coup étaient-ils dus au hasard ou était-ce la colère divine qui s'était abattue sur eux ?

Inquiète de savoir les deux jeunes Nains en danger, elle voulut rejoindre le fleuve mais n'avait pas la moindre idée de la direction qu'il fallait emprunter. Il ne semblait y avoir plus personne autour d'elle !

- Edlothia, vous n'avez rien ?

Cette fois-ci, elle avait suffisamment retrouvé ses esprits pour identifier sans mal la voix de Bilbon. La petite main du Hobbit enserra dans une sollicitude touchante le bras droit de la jeune femme.

- Je vais bien, mon ami, grâce au chef de cette Compagnie, dit-elle assez fort pour être entendue.

- Vous m'en voyez soulagé ! J'ai bien cru que Nira allait vous écraser vivante !

- Nira ? c'est la ponette qui m'a foncée dessus ?

Edlothia n'y comprenait plus rien.

- Oui, elle était sous ma garde lorsque ses rênes m'ont soudain échappées, expliqua Bilbon très vite en faisant de grands gestes avec ses mains. Elle a pris peur d'un coup, sans doute le mauvais temps a-t-il eu un impact négatif sur elle ! Elle s'en est allée au galop sans regarder où elle allait !

- C'est donc vous qui m'aviez appelée ? demanda-t-elle, reconnaissante.

- Oui, mais je n'ai pas été aussi rapide que Thorïn qui se trouvait auprès de vous à ce moment-là, dit-il d'un air tout penaud, comme s'il en était gêné.

- Thorïn ! s'exclama-t-elle soudain. Kili et Fili, ils sont en danger, en train de se noyer !

- Quoi ? Mais où ça ?

Elle expliqua brièvement la situation au Hobbit qui n'était visiblement pas au courant, occupé qu'il devait être à retrouver la jeune femme. Tous deux, alarmés, se guidèrent mutuellement grâce aux éclairs qui les dotaient d'une lumière somme toute passagère, mais suffisante pour rejoindre l'amas de Nains qui s'était formé à une dizaine de mètres de là. Ils s'approchèrent prudemment, regardant constamment leurs pieds pour ne pas être surpris par l'écoulement du sol.

Tous les Nains parlaient en même temps, hurlaient, s'époumonaient dans une cacophonie indescriptible. Les éclairs qui foudroyaient le ciel offraient à Edlothia des images confuses : les Nains semblaient se contorsionner dans tous les sens car leurs corps se tordaient sans arrêt, sans cesse en mouvement. On voyait très clairement le fleuve à leurs pieds, dont le niveau paraissait enfler à vue d'œil à cause de la pluie battante.

Alors, Edlothia dirigea son regard vers le cours d'eau à la recherche des neveux de Thorïn. Un éclair frappa, et elle ne tarda pas à les trouver. Tous ses membres se tendirent de peur tandis qu'à ses côtés, Bilbon pointait du doigt les deux Nains en marmonnant des paroles incompréhensibles.

Kili et Fili. Dans l'eau. En train de se noyer.

Ils ne formaient que deux points dans le fleuve tant ils étaient éloignés de leur position. Mais la jeune femme resta choquée par l'image bouleversante qu'ils gravèrent dans son esprit. Les deux jeunes Nains étaient côte à côte, mais seule leur tête et leurs bras demeuraient encore hors de l'eau. Ils faisaient de grands gestes avec leurs mains, frappant et claquant sans cesse la surface de l'eau afin d'y rester en-dehors, avec une rage que seule pouvait animer la peur. Leurs bouches s'ouvraient désespérément dans l'espoir d'aspirer de l'air frais, mais l'eau y pénétrait inlassablement. Puisant dans leurs dernières ressources, ils poussaient des cris de secours en direction de leurs compagnons dans l'espoir que l'un d'eux ne leur vienne en aide. Mais comment ?

Non loin, Nira poussait des hennissements effroyables et tentait courageusement de lutter contre le courant. Mais avec les bagages qu'elle portait, nul doute qu'elle ne survivrait pas longtemps.

Edlothia plaqua une main sur son front mouillé lorsqu'elle comprit que dans quelques minutes à peine, Kili et Fili couleraient comme une pierre. Bilbon parut lire dans ses pensées :

- Ils ne vont pas tenir, à cette vitesse !

- Qu'est-ce qu'on peut faire ? dit Edlothia, affligée. Je suppose que si quelqu'un savait bien nager, il l'aurait fait depuis longtemps !

Edlothia paniqua littéralement. Son cœur s'emballa à une allure folle dans sa poitrine. Mourir. Ils allaient mourir Là, tout de suite, sous ses yeux, sans qu'elle ne puisse rien faire ! Car il était évident qu'avec un bras en moins, elle se noierait encore plus vite qu'eux, d'autant plus que le flux qui animait le cours d'eau était beaucoup trop puissant pour qu'un Nain ou un Hobbit ne puisse s'y risquer. Elle qui était la plus grande de la Compagnie, voilà qu'elle se révélait promptement inutile ! A part Gandalf bien sûr…

Gandalf ! Où était-il ? Edlothia tourna la tête dans toutes les directions possibles, mais elle n'aperçut aucunement sa présence. Depuis quand les avait-il quittés ?

Elle n'eut guère le temps de se poser davantage de questions et se précipita vers les Nains sur la berge, tentant de comprendre ce qu'ils fabriquaient. Edlothia bénissait les éclairs qui lui permettaient d'observer la scène.

- Dépêchez-vous de nouer plus de liens ! beuglait Thorïn.

Il serrait dans ses mains un cordage lourd et solide. Les yeux d'Edlothia suivirent la ligne que formait le lien et constata que les Nains y avaient également noué des vêtements et des lierres provenant de la forêt. Malheureusement, la corde de fortune ne semblait pas assez longue pour atteindre les deux frères.

- Thorïn, nous n'avons plus de temps à perdre, jette la corde ! lui ordonna Balin.

Apparemment, le roi était réticent à lancer la corde sans être certain de sa longueur. Toutefois, sous le conseil alarmé de son ami, il acquiesça. Il fit quelques pas en arrière, prit tout l'élan dont il fut capable et lança avec une force surprenante la corde vers les deux jeunes Nains.

- Allez, pourvu que ça marche ! s'exclama Dwalin dans la masse.

Ils virent tous la corde traverser près de la moitié du fleuve…

… mais elle s'échoua à plusieurs mètres des Nains. La corde flotta à la surface du torrent, que la Compagnie se hâta de repêcher. Fili, audacieux, tenta de rejoindre le bout du cordage, mais le courant commença à l'emporter.

- FILI ! hurla Thorïn en se précipitant en avant, manquant de justesse de plonger dans le fleuve.

Des exclamations s'élevèrent des Nains. Heureusement, le Nain aux cheveux blonds eut le réflexe de s'accrocher à Nira. Thorïn jura alors dans une langue inconnue et frappa d'un poing rageur le sol. Edlothia comprit la raison de sa haine : combien de temps la ponette tiendrait-elle avec un poids supplémentaire sur son dos ?

- Plus de liens ! beugla le roi Nain.

Les autres s'exécutèrent sans broncher et détachèrent capes de voyage et tunique en laine. Bilbon fit rapidement de même en retirant sa veste.

Et elle, Edlothia disciple de Gandalf, que pouvait-elle faire à part les regarder s'agiter, les bras ballants, l'esprit perturbé et l'âme en peine ? Rien. Absolument rien. Sa blessure était encore trop vive pour qu'elle puisse se déshabiller seule et ainsi pouvoir leur donner sa tunique. C'était d'ordinaire Óin qui, d'un œil indifférent, l'aidait à retirer sa cape de voyage le soir venu. Ensuite, elle mettait un temps incroyable avant de finir de se décharger de ses vêtements de voyage. Alors, comment pouvait-elle prétendre les aider ? Aurait-elle dû écouter Dwalin et Thorïn en ne participant jamais à cette quête ? Elle était inutile, désespérément inutile… Se résumait-elle à ce seul mot, infirme ?

Elle reporta son regard vers le fleuve. Ses yeux s'embuèrent et un sanglot se bloqua dans sa gorge. La colère lui monta rapidement à la tête. Ne pouvait-elle décidément rien faire pour les sauver ? Kili, qui avait été si prévenant à son égard ? Et Fili, qui s'était intéressé à elle sans préjugés ? Allait-elle vraiment les laisser mourir sans rien faire ?

- Attachez les liens autour de moi, je vais nager jusqu'à eux ! ordonna Thorïn sur un ton péremptoire.

- Mais enfin, Thorïn, tenta de le raisonner Balin, si tu fais ça, tu n'as aucune chance de…

- Faites ce que je dis ! fulmina-t-il de colère.

La pluie continuait de battre la boue avec la fougue d'un guerrier. La jeune femme tendit son bras valide vers le cours d'eau. Elle ferma un œil : sa main visa l'emplacement des trois corps engloutis pas l'eau, et ses doigts s'enserrèrent sur ces formes humaines, comme s'ils auraient pu les faire revenir par la seule force de l'imaginaire.

- Si seulement… si seulement elle avait assez de force pour nager jusqu'à la terre ferme !

Sa voix n'était qu'un faible soupir que le vent emporta au loin. Oui, si seulement Nira pouvait faire un dernier effort et guider les Nains jusqu'à la berge ! La monture avait un corps robuste et des pattes épaisses, elle n'aurait aucune difficulté à emporter les Nains avec elle ! Mais ce n'était qu'un animal, que pouvait-il comprendre à la solidarité et à l'intelligence ? Edlothia essaya de faire fonctionner sa tête dans l'espoir de dénicher un plan quelconque.

Une chaleur étrange se répandit soudainement dans le bras droit de la jeune femme. Bien que son corps fût glacé par la pluie, le membre se réchauffa instantanément. De sa main engourdie, la chaleur s'insinua jusqu'à son coude. Le contact fut intensément douloureux : son sang bouillonna dans son coude tandis que la plaie paraissait brûler de l'intérieur.

- Aïe ! ne put-elle s'empêcher de gémir.

- On peut savoir ce que vous fabriquez ?

Edlothia tourna vivement la tête : Dwalïn fonçait sur elle, le visage grimaçant de colère. Elle cacha son bras droit derrière son dos malgré la souffrance que ce mouvement déclencha immédiatement.

- Aucune magie n'est capable d'un tel miracle, continua-t-il en l'assassinant de ses yeux noirs alors qu'il faisait le lien entre son bras levé et le fleuve. Alors au lieu de rester plantée comme une lance, venez nous aider… si seulement vous en êtes capable !

Les mots étaient tranchants et sans appel. Dwalin avait dû l'observer et ne supportait certainement pas de la voir immobile à contempler la mort de ses amis.

- Et que voulez-vous que je fasse ? répliqua-t-elle, énervée.

- …Disparaissez, feula-t-il.

Ses sourcils roux se froncèrent tellement qu'ils ne formèrent plus qu'un seul trait. Comment osait-il seulement… ?

- Ils reviennent ! s'exclama soudain Bifur.

Dwalïn et Edlothia pivotèrent sur leurs pieds dans un même mouvement, regardant le fleuve, inquiets.

C'était un miracle. Agrippés à la selle de Nira, Kili et Fili revenaient vers la berge. La ponette semblait produire des efforts incommensurables pour nager : on devinait les coups secs et fermes que portaient ses pattes sous l'eau. Elle avançait par à-coups, lentement, mais avait la force suffisante pour contrer le torrent.

Edlothia était… tétanisée. La ponette venait de faire exactement ce qu'elle avait… juste imaginé. C'était une sensation à la fois de satisfaction mais aussi de confusion. Nira parvenait presque sur la terre ferme. Thorïn et ses compères étaient déjà à genoux dans la boue, bras tendus, prêts à les récupérer.

Seul Dwalïn n'avait toujours pas bougé parmi les Nains. Lentement, ses yeux noirs comme l'ébène glissèrent sur sa gauche, où la jeune femme se tenait. Elle put lire dans ses prunelles d'encre toute la surprise, tout l'ahurissement, toute la consternation que lui avait inspirée ce retournement de situation.

Car il l'avait vue. Il avait été témoin de la scène. Mais ce n'était qu'une simple coïncidence !

Les paroles de Gandalf surgirent à cet instant dans sa tête. Le hasard et les coïncidences n'existeraient pas. Selon sa philosophie, chacun avait son rôle à jouer et était utile aux autres. Même elle, l'Ignorante, l'Etrangère.

Non, elle n'y croyait pas. Nira avait tout simplement décidé d'agir pour sa propre survie. Rien de plus.

Elle secoua légèrement la tête et se hâta de rejoindre les autres membres de la Compagnie, frôlant au passage le Nain au crâne chauve qui ne réagissait toujours pas. La priorité était de savoir Kili et Fili en bonne santé.

Le reste importait peu, n'est-ce pas ?


Bonjour à tous et à toutes

Je suis ravie de vous retrouver après tout ce temps ! Paradoxalement, c'est pendant les vacances que j'ai le moins publié… Veuillez me pardonner !

J'espère que ce chapitre vous a plu ! Etant donné la seule review que j'ai eu au chapitre précédent, j'en ai déduit qu'il avait manqué d'action… J'ai donc essayé de créer une évolution avec ce chapitre (ce qui était déjà prévu de toute manière), en introduisant un nouvel élément dans l'intrigue. Vous a-t-il plu ? N'hésitez pas à me donner votre avis !

Je remercie tous les lecteurs d'avoir eu la patience de me lire jusque-là. En particulier, je remercie CookieGrannyOnePiece, FaenaFiliana et Miss Virginie pour m'avoir mise dans leurs suivis, ainsi qu'à CookieGrannyOnePiece et FaenaFiliana (encore une fois ! ), Cristalyn, Aya Black Potter et Lenaa-chan pour m'avoir mise dans leurs favoris ! (en espérant n'avoir oublié personne, et si c'est le cas, veuillez m'en excuser par avance !).

Et enfin, je remercie infiniment PaulinaDragona pour sa review : vraiment, merci d'avoir pris le temps de laisser un commentaire, ça m'a fait énormément plaisir. Pour répondre à ton commentaire, en effet, c'est une très bonne explication potterienne pour analyser son comportement (et j'adore Harry Potter !... ok, c'est sans importance.). J'espère que ce chapitre t'a plu et avoir bien rendu l'aspect éprouvant de la quête. J'y tenais tout particulièrement. A bientôt, j'espère, et encore merci à toi !

A bientôt,

Mlle Colza

1 Je tiens à préciser que la scène principale de ce chapitre est inspirée du livre, je n'ai fait que l'étoffer un peu plus selon ma propre vision.