J'ai eu le hoquet pendant une bonne partie de la rédaction de ce chapitre, gah. Mais j'ai trouvé une chanson absolument magnifique que j'ai écoutée tout du long. C'est le cover de « Unthinkable » d'Alicia Keys, par City and Colour. Elle est vraiment… brrr. Bref. Ce sera du fluff/du blah blah, rien de bien important. Les deux vont se calmer un peu et se taquiner. Love ya.

Il ne se passa pas grand-chose. Pendant il ne savait trop combien de temps, Jean caressa les cheveux d'Eren sans dire un mot, son bras toujours passé autour de sa taille pour le garder près de lui. Une partie de lui avait peur que le gamin ne s'en aille et la chaleur contre son corps à laquelle il s'était accoutumé depuis le début de la nuit ne pouvait disparaître ainsi. Pas aussi facilement. Eren ne bougeait, sa joue toujours collée contre son ventre et s'élevant en rythme avec sa respiration, qu'il avait rarement constatée d'aussi calme en sa présence.

"Tu dors ?" fit une voix. C'était Jean.

Comme pour lui répondre, Eren serra doucement entre ses doigts le tissu du t-shirt à l'endroit où il avait posé sa main, près de son visage. Jean promena sa main jusqu'en haut de son crâne et joua avec les mèches rebelles qui s'élevaient toujours dans tous les sens. Sa chevelure était hirsute, mais elle était douce et agréable. On s'y perdait.

Jean voulut lui dire quelque chose, n'importe quoi, mais rien ne sortit. Il n'avait absolument plus rien à dire. Alors, comme pour lui rendre la pareille, il décida de s'ouvrir à son tour. Il n'avait pas beaucoup de secrets, en tout cas, certainement pas autant qu'Eren n'en avait – et c'était on ne peut plus surprenant, étant donné l'image banale que ce gamin laissait paraître.

"Mon père est parti il y a quelques années."

Eren ne répondait pas mais il sentait, sans trop pouvoir se l'expliquer, qu'Eren l'écoutait avec attention. Celui-là ne bougea pas d'un pouce, et il ne put que sentir sa poitrine se gonfler contre son flanc, seule preuve qu'il respirait encore. Jean ferma les yeux avant de les rouvrir sur son plafond, couvert de posters rock et de groupes en vogue, ou de dessins format géant.

"Je n'ai absolument aucune nouvelle de lui. Je ne sais même pas s'il est encore en vie. Mais je sais que ma mère a des réponses et qu'elle refuserait de me les donner. En fait, pour être honnête, je ne sais même pas si j'ai envie de le rencontrer."

Finalement, il sentit le visage d'Eren bouger légèrement sur son ventre, comme pour s'installer plus confortablement. Après quelques secondes de silence durant lesquelles Jean en profita pour plonger dans ses pensées, la voix anormalement basse d'Eren lui parvint.

"Tu devrais essayer de reprendre contact. Au moins, tu n'auras pas de regrets."

Eren savait de quoi il parlait ; lui avait eu sa dose de conflits familiaux. Son père et lui étaient en constante guerre et sa mère lui manquait horriblement. Comme si ça ne suffisait pas, il y avait Mikasa, forte et silencieuse, qui se cachait derrière une carapace durement forgée. Inutile d'essayer de se glisser derrière celle-là. C'était souvent ce qui faisait d'elle une personne un peu trop distante, et même si elle était protectrice envers Eren, celui-là ne la voyait pas comme la première personne à voir en cas de chagrin. Avec son manque de tact et sa pudeur sentimentale, il ne valait mieux pas s'attendre à grand chose. Oui, Eren aurait aimé découvrir l'existence d'un père, quelque part, n'attendant que le destin pour les réunir. Mais son père était là, bien réel, et il était trop tard pour réparer les morceaux.

Jean en avait encore l'occasion.

Quelque part, Jean devina qu'Eren ne se montrait pas juste respectueux, mais qu'il était sincère. C'était à peine s'il s'ouvrait à Marco, et ce dernier semblait parfois trop bon pour réellement s'intéresser à ces affaires-là, mais Eren avait cette authenticité presque innocente qui lui donnait une confiance aveugle en ce gamin. Il le tenait dans ses bras, contre lui, et les pires des scénarios, les pires visions, semblaient s'effacer au fil des secondes. Inexistantes.

"Peut-être."

Il soupira doucement, assez pour qu'Eren ne soit pas gêné par le geste. Il y avait quelque chose d'étrangement embarrassant dans leur relation, même si au-delà de ça, ils se sentaient chez eux l'un avec l'autre. C'était presque de la timidité naturelle, mais le genre de timidité qu'on réserve pour les sujets intimes, ceux qui sont trop sensibles pour être exposés. Eren avait, de toute manière, toujours suscité des émotions étranges chez Jean. Agacement, fascination mêlés, jalousie ou possessivité, en passant par le manque et la béatitude. Il était un véritable feu et chaque flamme qui naissait était une expérience nouvelle – mais il devait prendre soin de ne pas s'y brûler. Oui, mais au-delà de tout ça, il subsistait quelque chose de… puéril. Comme deux enfants qui tombent amoureux.

Jusqu'ici, Jean avait toujours eu un semblant de contrôle. Mais il se trouvait chez Eren, et c'était dans sa chambre qu'il le tenait contre lui, protecteur et inconscient à la fois. Quelque part dans son brouillard de pensées, Jean se demanda comment il pourrait bien se défaire de l'étreinte d'Eren – non qu'il en eut envie, mais il se posa simplement la question. Il ne savait plus trop ce qui l'embarrassait en présence d'Eren, mais les choses les plus stupides semblaient prendre de l'importance face aux problèmes réels.

"Hey, gamin," appela Jean. C'était devenu un surnom affectueux et ennuyé à la fois, comme une vieille routine.

Eren ne répondit pas, mais il perçut un bref son, entre le grognement et le 'oui' sonore, signe qu'il avait retenu son attention. Jean fixa le plafond, toujours, profondément concentré sur un dessin qui avait attiré son regard.

"Ces ailes," commença-t-il. "C'est toi qui les a dessinées, je me trompe ?"

Instantanément, il sentit Eren relever légèrement la tête pour regarder dans la direction que Jean semblait donner. De toute évidence, il savait exactement où poser les yeux.

"Ouais."

Jean sourit.

C'était "les ailes de la liberté", celles que Keith avait tatouées dans son dos. Depuis tout ce temps, il portait la trace d'Eren sur sa peau et l'ignorait. C'était à la fois stupide et agréable, comme idée. Eren n'avait pas dessiné ces ailes pour lui, mais le destin l'avait tout de même poussé à les choisir, et elles se déployaient dans son dos et sur ses épaules comme de véritables ailes. Jean ne pouvait jamais les voir, à cause de leur emplacement, mais il les sentait en permanence, là, ici, prêtes à s'ouvrir et l'emmener où il voulait si les choses se désagrégeaient. Plusieurs fois hélas elles étaient restées inanimées, mais cette fois, il avait la sensation qu'elles étaient vraies.

Eren leur avait donné vie. Pour la seconde fois.

"Et celui de ton carnet, alors ?" demanda Jean, prenant soin de camoufler son impartience en prenant une voix plus ennuyée qu'autre chose.

Eren, néanmoins, n'était pas idiot. Il le sentit sourire contre lui.

"T'es vraiment qu'un gosse impatient," répondit Eren.

"Alors, ça nous fait un point commun."

"Peut-être bien," avoua le plus jeune.

L'amusement était perceptible dans leurs voix, mais Jean tenait vraiment à obtenir une réponse. Eren dut le sentir, d'une manière ou d'une autre, puisqu'il décida de répondre à sa question.

"Juste un croquis pour un futur tatouage."

"Un tatouage ? Lequel ?"

"Le tien."

Jean ne répondit pas, aucun mot ne voulut venir. Alors, Eren avait dessiné quelque chose juste pour lui, et ce, avant même qu'ils ne deviennent amis ? Ce jour-là, en retenue, ils n'étaient pourtant pas que de simples connaissances, qui cherchaient à s'agacer autant que possible. Mais Eren avait déjà commencé à dessiner pour lui. Et l'idée même de porter sur sa peau l'indélébile passage d'Eren dans sa vie lui donna presque un long frisson. Au lieu de ça, son estomac se noua et il chercha ses mots.

"Jean ?"

"Oui ?" fit-il soudainement, soulagé d'au moins pouvoir dire ça.

"Je peux te dessiner ?"

Un silence, encore. Le blond n'aurait pas pensé qu'il lui demanderait la permission, encore moins qu'il poserait cette question dans un moment pareil. Il se faisait très tard et ils étaient tous deux fatigués, même si sentir le corps chaud et éveillé de l'autre les tenait profondément alertes et sémillants. Tout se figea jusqu'à ce que, finalement, Jean lui réponde.

"Si tu veux."

Il n'était pas sûr de ce qui allait se passer. On ne l'avait jamais dessiné, du moins, pas à sa connaissance. Eren était plutôt du genre à capturer les expressions à l'insu des proies de sa mine, et le fait qu'il ait conscience de ce qui allait frôler son papier le mettait mal à l'aise. Il s'imaginait déjà ses défauts, les traits crispés de son visage et son regard mi-ennuyé mi-mal à l'aise, celui qu'il arborait en permanence, et qu'il avait revêti en cet instant même. Eren avait le don de le bousculer d'une manière incroyablement singulière, et là, dans la seconde, il était incapable de penser correctement.

Eren se détacha de lui et il serra les lèvres en constatant que l'absence de son visage contre son ventre laissait un froid désagréable. Un manque, amer. Il se mit à quatre pattes pour parvenir au bout du lit et Jean, sans bouger d'un pouce, le regarda faire. Quand Eren posa ses pieds sur le sol, son premier réflexe fut inattendu : il croisa ses bras et attrapa les extrémités de son t-shirt pour s'en débarrasser. Une fois passé par-dessus sa tête, le vêtement finit sa course à même le sol, par terre, parmi d'autres. Jean se mordit l'intérieur des joues tandis que ses yeux faussement ennuyés couraient sur la peau d'Eren, dénuée de tatouages ou de cicatrices. Contrairement à la sienne, elle était pure.

Quand Eren se retourna, il remarqua un penditif à son cou, qui lui arrivait en bas du sternum. C'était une clé. Il fronça les sourcils avant d'accrocher le regard d'Eren.

"Qu'est-ce que c'est ?"

Sans trop comprendre, il suivit les yeux de Jean et baissa la tête jusqu'à son collier, uniquement retenu par une chaîne fine et légère. Il n'avait jamais remarqué qu'Eren la portait. Et la clé, dorée sombre, avait pourtant la taille d'une vraie clé. Était-ce une vraie, d'ailleurs ?

Eren haussa les épaules.

"C'est rien."

Jean, cependant, n'en crut pas un mot. Eren avait l'air trop détaché pour que ce ne soit rien. Il avait même l'air légèrement agacé, comme si la question qu'il n'avait de toute évidence pas prévue était dérangeante. Jean se redressa sur le lit et se mit en tailleur, observant Eren chercher, torse-nu, un carnet parmi ses affaires éparpillées. Il avait un crayon entre ses dents, et lorsqu'il trouva finalement l'objet de ses désirs, fit volte face vers Marco, qui s'empressa de détourner les yeux.

"Et tu avais besoin de te déshabiller pour ça ?" taquina Jean, faussement moqueur.

En réalité, ça ne le dérangeait pas tant que ça. C'était même outrageusement plaisant.

"Tu fais chier," répliqua l'autre.

Il rit.

Eren monta sur le lit comme un petit enfant dans celui de sa mère, et rampa jusqu'à être suffisamment loin du bord. Il s'assit comme un peu plus tôt, en tailleur, et ouvrit son carnet trop loin pour que Jean ne puisse deviner les formes présentes sur les pages. Il allait devoir attendre.

"Ne bouge pas, d'accord ?"

Jean fit mine d'hocher la tête, mais agité comme il était, rester immobile s'avérait être un véritable défi. Tant pis. De toute manière, c'était Eren qui avait voulu le dessiner, par le contraire – même si la perspective de laisser Eren l'observer en silence (et par la même occasion d'en profiter pour faire de même) n'était pas tout à fait déplaisante. De plus, l'absence de son t-shirt lui laissait une vue imprenable sur sa poitrine, qui se gonflait et se dégonflait au rythme de sa respiration, étonnamment calme, face à celle de Jean, qui avait subitement pris une vitesse folle quand Eren avait commencé à le dessiner.

Eren alternait les coups d'oeil entre son carnet et son modèle, et chacun d'eux ne manqua pas de faire rougir Jean, si bien qu'il se demanda si Eren pouvait le voir. Ils n'avaient allumé qu'une légère lumière, derrière Jean, une lampe de chevet qui éclairait leur coin de la pièce avec chaleur et familiarité ; mais le reste était plongé dans l'obscurité et il pouvait à peine distinguer nettement les traits du visage d'Eren.

Le bout de son crayon semblait tracer des lignes expertes, dessinant les courbes et les formes qu'il ne pouvait qu'imaginer. Au bout d'un moment, il sentit le silence trop pesant pour rester muet une seconde de plus.

"Eren."

Celui-là ne bougea pas, se contentant de lever vers lui des yeux neutres, et reporta son attention sur son carnet en attendant que Jean ne poursuive.

"Pourquoi moi ?"

C'est vrai, il était un peu tôt pour parler de "lui", ou d'"eux". Mais c'était un fait, ils étaient là, tous les deux, au beau milieu d'une nuit oubliée. Eren le dessinait et lui tuait le temps en examinant chaque parcelle de sa peau, priant silencieusement pour parvenir à s'en souvenir avec exactitude quand il s'en irait, et reconstituer l'image nette et délicieuse de sa peau, seul dans son lit. Mais malgré ça, c'était peut-être quelque chose qui n'avait pas d'explication. De la même manière, Jean était incapable de dire pourquoi il appréciait ce gamin.

Eren posa son crayon sur son carnet et se redressa légèrement, inclinant sa tête pour mieux regarder Jean. La maison était encore silencieuse, Mikasa dormait, et il n'avait aucune envie de savoir si son père était à la maison ou non. Ils avaient la nuit pour eux. Le silence à leurs côtés.

"Pourquoi pas ?" fit-il, mais il savait qu'il n'était pas complètement sérieux.

Tout comme il aimait détourner l'attention par d'autres questions, ou simplement faire mine de s'indigner et balayer celle-là d'un geste, Eren aimait bien troubler Jean, de manière à lui faire oublier les mots qu'il voulait. Ça marchait, souvent. Mais dans la nuit muette, les paroles d'Eren étaient trop vides pour que Jean ne tombe dans le panneau. Elles auraient pu être banales. Elles auraient pu, oui. Mais Eren était aussi fier que lui et de toute évidence, c'était une question, une fois de plus, à laquelle il ne voulait pas répondre.

"Pour de vrai," insista Jean. "Pourquoi est-ce qu'il a fallu que tu me suives jusqu'à la salle de retenue ? Que tu te glisses dans ma voiture ?"

Eren le regardait maintenant avec deux grands yeux verts, brillant de vivacité. Jean vacillait à chaque fois qu'il les croisait, mais cette fois, il les retint consciemment. Les mots qu'il venait de prononcer avaient fait leur effet. Eren soupira.

"Tu étais différent des autres."

Jean fronça un sourcil. "Je ne le suis plus ?"

Eren haussa les épaules et plissa le nez. Il hésita.

"Je n'avais pas prévu tout ça. Après ce qui est arrivé avec Armin, j'ai toujours mis un point d'honneur à ne pas laisser les gens rentrer dans ma vie. Tu dois être la première personne à visiter cette chambre depuis de longues années."

Il fit une pause et Jean en profita pour suivre des yeux sa main maladroite qui, nerveusement, se logea dans ses cheveux avant de retomber.

"Quand je t'ai vu pour la première fois, je ne pensais pas que j'allais te revoir. Pour être honnête, tu ne m'avais pas fait une bonne première impression." Jean éclata de rire et Eren ne put réprimer un vague sourire avant de reprendre. "Puis tu es venu à la boutique, et tout est devenu bizarre. Tout d'un coup, je n'avais plus seulement envie de t'emmerder, j'avais envie de te voir tout simplement. Ma vie était d'un ennui profond et tu étais assez réel pour faire la différence."

Jean nota qu'il parlait au passé, et que par conséquent, les choses avaient évolué depuis. Sa vie était d'un ennui profond… et subtilement, il venait d'avouer que ce n'était plus le cas. Grâce à Jean.

Il sourit imperceptiblement, pour lui-même surtout, et prit une inspiration.

"Si de nous deux, quelqu'un est vivant, c'est bien toi."

Eren releva les yeux et croisa ceux de Jean.

"Chaque fois que je regarde dans tes yeux, j'y vois la même lueur. Le premier soir, j'y ai vu de la provocation, l'envie de jouer. Tu brûlais comme une flamme." Un long silence suivit et aucun d'eux ne brisa le contact visuel. Alors qu'Eren se demandait si Jean allait répondre, il continua. "Puis j'y ai vu des choses différentes. De l'amusement. De la tristesse, de la joie. De la colère, de l'envie, de l'irritation à l'état pur." Il lâcha un petit rire, mais ne s'en rendit pas compte. "Tous les gens autour de moi semblaient tellement similaires et dénués de vrai ; et toi, tu es arrivé comme une putain de tornade, dans un moment on ne pouvait plus banal. Tu es arrivé sans que je m'en doute et peu à peu j'ai eu envie de ressentir d'autres de ces choses en plongeant mes yeux dans les tiens." Silence. "Tu comprends ce que je veux dire ? Je suis pas le genre de gars très à l'aise avec les mots. Mais c'est-"

Il ne put pas finir sa phrase car un bruit presque discret avait troublé leur quiétude mutuelle et quelque chose se pressait contre ses lèvres. Sans qu'il ne s'en soit rendu compte, il avait été jeté contre les oreillers derrière lui, et Eren s'était jeté sur lui en posant une main de part et d'autre de son visage, à même le matelas. Leurs lèvres s'étaient retrouvées comme si c'était la chose la plus normale qui soit, et ça l'était peut-être, après tout.

Jean le laissa faire et après deux secondes, attrapa sa taille pour l'amener contre lui. Les genoux d'Eren cédèrent et il se laissa tomber mollement contre le corps de Jean, assez fort pour tenir le coup – de toute manière, Eren pesait si peu que ça ne faisait pas une grande différence.

Quelque chose vint jusqu'à lui et son coeur se serra. La manière qu'avait Eren de le toucher, dans l'instant, avait quelque chose d'indescriptible qui l'empêchait de respirer. C'était comme si ses mots avaient débloqué un mécanisme chez lui, libérant une chose dont il ignorait la nature, ou simplement, lui apportant la lumière sur ce dont il avait besoin. Toujours était-il qu'Eren réclamait ses lèvres avec possessivité, un sentiment dont Jean ne voulait jamais se séparer.

Ses propres mains voyagèrent jusqu'à son cou, qu'il agrippa délicatement comme s'il tenait un oiseau blessé entre ses mains. Il ne put s'empêcher de faire le rapprochement entre l'oiseau qu'était Eren et les ailes qui les liaient. Les avait-il dessinées pour s'envoler, lui aussi ? Cette pensée n'eut que l'effet de les ramener plus près encore l'un l'autre, et il finit par se séparer de ses lèvres pour reprendre son souffle.

"Putain, c'était quoi ça ?"

Eren haussa un sourcil amusé.

"Il fallait que je t'empêche d'aller plus loin, ou tu allais me faire pleurer."

Il éclata de rire et Jean fut partagé entre le rouge qui envahissait ses joues et l'envie violente de se défendre face à l'Eren moqueur qui lui faisait face. Et dire que ce gamin était plus jeune que lui… parfois même il oubliait ce détail, insignifiant, certes, mais il semblait tellement mature à certains instants, et lui, si vulnérable…

"Ferme-la," mordit Jean.

Eren rit de plus belle en constatant la couleur de ses joues, et y posa une main enfantine. Jean cessa immédiatement de sourire et leva ses yeux vers Eren qui, en revanche, n'avait pas l'intention d'être sérieux. La malice brillait dans ses yeux comme une bougie dans la nuit.

"Hey, tête de cheval," l'appela le brun.

Il décida, cette fois, de ne pas relever.

"T'embrasses comme une fille !" finit-il par lâcher, laissant un énième rire naître dans sa gorge et rebondir contre les murs pour revenir jusqu'à eux.

Jean ne mit pas longtemps à réagir. D'abord, il ouvrit de grands yeux, avant de se redresser et d'empoigner les épaules du plus jeune pour le plaquer sur le dos. Ils inversèrent les rôles avec une aisance incroyable et Jean enserra ses cuisses entre ses genoux. Un air mi-fier, mi-menaçant, mi-joueur, étirait ses traits.

"Sale petit merdeux," fit Jean en retenant un rire.

Eren, lui, ne se retint pas. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire amusé et un rire naquit sur ses lèvres ; alors que son visage tout entier éclairait la pièce.

Jean hésita entre l'embrasser et le laisser s'en aller, et opta pour l'entre-deux. Il se pencha doucement, déposa un baiser (étonnamment doux) sur le bout de son nez, puis sur son front, avant de se relever, et de se laisser tomber à ses côtés. Le carnet d'Eren s'était fermé quand il s'était jeté sur lui, et le crayon avait roulé jusqu'à tomber du lit. Tant pis.

Puis il se passa quelque chose. Leurs respirations respectives étaient saccadées, rapides ; et leurs corps étalés sur le matelas ne bougeaient même pas un peu. Ils regardaient tous deux le plafond, silencieux, Eren laissant de temps à autre un rire léger et imperceptible s'élever dans la pièce. Et dans la pénombre rassurante de la pièce, les doigts d'Eren coururent sur les draps jusqu'à trouver ceux de Jean, et une fois la chose faite, il posa sa paume sur le dos de sa main.

Comme une réponse silencieuse, Jean retourna sa propre main et attrapa ses doigts, les entrelaçant aux siens, et comme deux enfants à l'abri du monde, ils se tinrent la main sans rien dire.

Ils souriaient comme deux idiots, bercés par le bruit de leurs deux coeurs. Et sans trop s'en rendre compte, ils fermèrent les yeux.