Pour une équipe

Il avait réussi à la corrompre. Avant, elle n'aurait jamais accepté de petit-déjeuner dans le lit. Maintenant, elle le lui réclamait. Levy bailla, elle s'étira. Elle avait des horribles cernes sous les yeux.

— Je peux savoir ce qui t'arrive ?

— J'ai juste faim, et je dors pas super bien. Rien d'inquiétant.

« Rien d'inquiétant » Levy aimait dire cela dès qu'elle-même se faisait du soucis. À croire que ces petits mots étaient magiques. Il suffisait de les prononcer et plus besoin de s'inquiéter, ils éloignaient le mauvaise œil.

— Bon tu as envie de faire quoi aujourd'hui ?

Sa femme le regarda sans comprendre, elle clignait des yeux comme si sa voix ne parvenait pas jusqu'à elle.

— Tu n'as pas envie qu'on passe la journée ensemble ?

— Ah ! Si, si, bien sûr que j'en ai envie, je ne m'y attendais pas tout simplement.

Elle n'en avait pas du tout envie, c'était clair et net. Elle était contente qu'il soit là, qu'il dorme à ses côtés, qu'il soit au petit soin pour elle mais elle ne souhaitait pas passer la journée seule avec lui. Elle aurait largement préféré passer la journée seule. Elle se sentait tellement fatiguée, et des centaines d'idées noires tourbillonner dans son esprit. Si en plus elle devait faire semblant d'aller bien, elle finirait dans une boîte en bois.

Gajeel après avoir fini sa douche rejoignit sa compagne dans leur petit salon. Elle était encore en train de lire. D'habitude il n'avait pas peur qu'elle fasse une overdose de livres mais aujourd'hui c'était le cas. Levy ne semblait pas bien du tout.

Il avait l'impression que son esprit était à des kilomètres en train d'assister à un enterrement. Elle lisait sans aucun empressement, ce qui était complètement inhabituel pour elle, elle était d'un sérieux à tout épreuve et il lui arrivait de fermer les yeux ou de grimacer comme si quelque chose la dégoûtait.

Il lui arracha le bouquin des mains.

— Maintenant parle sinon je vais me bourrer la gueule au bar du coin.

— Et qu'est-ce que cela t'apporterait ? De toute façon, si tu faisais ça, je te laisserais t'étouffer dans ton vomis.

— Je suppose que je dois être heureux de cette preuve de vitalité.

Levy fronça les sourcils.

— Ça veut dire quoi ça ?

— Que j'ai l'impression de sortir avec un cadavre Mrs. Adams.

— Faut réfléchir avant de passer la bague au doigts de quelqu'un, se contenta de répondre Levy en s'enroulant un peu plus dans sa couverture.

Gajeel soupira. Il ne comprenait pas son comportement soudainement secret. Et formuler des hypothèses lui donnait mal au crâne.

— Levy, qu'est-ce qui te fait peur ?

Elle ne répondit pas, elle garda les yeux fixés sur la table basse.

— Crevette, regarde ça (il lui prit sa main gauche et la leva à hauteur de ses yeux – la jeune femme redécouvrit sa bague plus lumineuse que jamais), je suis ton partenaire, je suis là pour t'aider. Mais si tu te tais, je sers à rien.

Gajeel la vit se mordre la lèvre. Il savait qu'il devait être patient, la brusquer n'était jamais la bonne solution. Alors il attendait, il entendait son cœur battre par à coup et il avait peur qu'elle fasse une sorte de crise.

— Je pense... Je crois qu'on n'aurait pas du annoncer la nouvelle aussi tôt.

— Pourquoi tu penses ça ?

— Parce que les risques de fausse couche sont encore élevés.

Le chasseur de dragon mit quelque temps à comprendre.

— Me dis pas que t'as lu des livres sur ce sujet ?

— Ce n'est pas un drame quand même.

— Pas un drame ? T'es complètement parano maintenant. Alors tu oublies tout ce que tu as lu et tu prends les choses comme elle vienne. S'il y avait des mauvais signes, le docteur t'en aurais parlé à l'échographie.

Levy eut un fin sourire.

— Comment tu fais pour être aussi terre à terre ?

— J'essaie de pas être comme toi, rit son mari.

Levy rigola avec lui tout en jouant avec sa main qui était énorme même quand elle la prenait entre ses deux mains.

— Je vais essayé d'arrêter d'y penser, promit la future mère.

— Essayer, c'est pas assez crevette. C'est ce qui cause tes cauchemars ?

Sa femme hocha doucement la tête.

— Si tu acquiesces pour éviter de mentir consciemment, je te rappelle que cela ne sert à rien.

— Gajeel, il y a un truc qui m'obsède bien plus, depuis plus longtemps, je doute d'être une bonne mère. Je sais pas si j'en suis capable. Si ça se trouve je vais gâcher la vie de quelqu'un.

— Pourquoi tu penses ça ?

— Être mère, je sais pas faire, je sais pas ce qu'il faut ou...

La jeune mère sentait sa voix dérailler, elle préféra arrêter de parler. Elle se sentait horriblement ridicule. En puis Gajeel ne disait rien, il l'écoutait simplement.

— Tu voudrais pas dire quelque chose ? soupira Levy. Je me suis jamais sentie aussi conne.

— Je ressens pareil. (Elle fronça les sourcils sans comprendre.) J'ai été élevé par un dragon avant que celui-ci ne disparaisse. C'est pas comme si j'avais de vrais point de repère question paternel. Par contre j'étais sûr que tu avais des souvenirs de ta mère.

— Des souvenirs j'en ai, mais ma mère n'a rien d'un modèle.

— Explicite ça. Ce n'est pas ce que tu m'as raconté.

— J'ai juste dit que mes parents étaient morts, j'ai rien dit sur comment ils étaient.

— Putain ! Toi et tes mensonges par omission, vous allez me tuer.

— Tu n'exagères pas un peu ?

— Un mensonge est un mensonge c'est pas parce que tu mets des paillettes dessus ou que tu le caches sous une cape que ce n'est plus un mensonge.

Levy rougit, elle ne pouvait pas s'en empêcher car son mari ne faisait que réutiliser des mots qu'elle lui avait dit il y avait plusieurs mois. Et il savait qu'elle ne pouvait pas protester contre ses propres mots.

— Bon, tu te décides à me dire la vérité sur tes parents ?

— Je croyais qu'on parlait de nos inquiétudes.

Il leva les yeux au ciel.

— J'ai envie de connaître ton passé, Levy alors arrête de fuir.

Avec une moue boudeuse, la jeune femme se réfugia dans les bras de son homme.

— Quand ils étaient mages, ils faisaient partis d'une guilde noir et ils arnaquaient les criminels que dénonçaient leur client. Okami a fait partie des arnaqués.

— Mais avec toi, ils étaient comment ?

— Je leur étais utile de temps en temps, le reste du temps ils m'ignoraient tout en me maintenant en vie.

— Utile, c'est-à-dire ?

— Tu te souviens de la loi Langzu ?

La mémoire mit un peu de temps à lui revenir. Il arrivait que Levy lui offre des micro-cours sur la législation, les sciences sociales, l'histoire de la magie, l'ethnologie... enfin tout ce qu'elle trouvait intéressant et ça faisait un paquet de sujets.

Langzu, un grand amoureux de la cause des enfants, avait fait passer une loi permettant aux criminels d'être blanchis temporairement quand ils avaient des enfants, surtout en bas âge. L'idée de départ était gentille mais il y avait du coup eu la création des « enfants de poudre » ces enfants conçus uniquement pour que leurs parents évitent la prison.

— Quelqu'un le sait ? Je veux dire tu en as déjà parlé à quelqu'un ?

— Seulement à Jett et Droy.

Gajeel essayait de faire le tri dans toutes les informations qu'il venait d'acquérir. Levy était une enfant de poudre, ses meilleurs amis seuls étaient au courant – c'était tellement rageant que ceux-là soient au courant d'un secret si intime concernant sa femme – et elle avait gardé ce secret. C'était ça le plus irritant, elle considérait que c'était un secret, même pour lui.

— Pourquoi ?

— Pourquoi quoi ?

— Pourquoi tu m'as rien dit avant ?

Levy haussa les épaules, sans voir où il voulait en venir. Elle ne considérait vraisemblablement pas que c'était quelque chose d'important.

— Levy t'a attendu que je te tire les vers du nez, me dis pas que c'était quelque chose de dérisoire.

Sa femme se décala pour pouvoir le regard bien en face.

— Excuse moi. Je me souviens pas que tu m'ais conté ta biographie Gajeel.

— Tu sais très bien tout ce qu'il s'est passé, peu importe que tu n'ais pas chaque détail, alors que ça c'est énorme. Pourquoi t'as pas pensé à me le dire ?

— Je voulais pas que tu me vois comme... appartenant aux pauvres petits enfants de poudre. Je voulais être spéciale en bien pour une fois, en plus d'être utile.

À chaque mot elle s'écartait de lui, comme s'il l'agressait. Lui ne savait pas comment réagir, elle semblait tellement dégoûtée qu'il avait besoin de réfléchir avant de parler.

— Levy je t'aime, j'ai mis longtemps à réussir à te le dire. Je comprends pas pourquoi tu leur as fait confiance à eux et pas à moi ?

— Tu vas pas transformer ça en jalousie ?

— J'ai des raisons de me questionner.

— Quand je suis arrivée à Fairy Tail je me sentais perdue et déboussolée, certes la plupart était gentil avec moi mais ça ne faisait qu'attiser ma méfiance. Je n'étais pas vraiment habituée à la gentillesse gratuite. Alors j'ai cherché à être utile Jett et Droy m'ont donnée cette idée pour me rassurer. Quelqu'un d'utile, on ne s'en débarrasse jamais.

— Alors l'important c'est d'être utile ?

— Oui, c'est la seule manière d'être sûre de rester. Je suis désolée que ça te blesse que je ne t'en ai jamais parlé. Et, pour être honnête, je comptais pas le faire. J'aime pas parler de cela et c'est vraiment pas parce que je ne te fais pas confiance. C'est faux, tu es celui a qui je fais le plus confiance. Mais tu es aussi celui à qui j'ai le plus envie de plaire, et pas d'inspirer pitié.

Gajeel s'affala sur le canapé en se frottant le visage. Tout cela n'avait plus de sens. Levy était toujours tellement compliquée. Il s'était déjà dit, parfois, que son sourire était mystérieux. Il avait toujours été persuadé que Levy cachait un secret. Mais quand il avait effeuillé la belle femme, il s'était naïvement dit que son secret, c'était qu'elle était un être extraordinaire.

Il avait besoin que ce soit cela. Certes elle avait vécu à l'orphelinat, élevée par des gens qu'elle ne connaissait pas vraiment, mais sa vie devait être rose et lumineuse. Exactement comme ses lèvres quand elle souriait, roses et lumineuses. C'était nécessaire.

Si ce sourire cachait quelque chose de plus sombre, ce serait la pire désillusion de sa vie. Parce que il s'agissait quand même de Levy. La fille qu'il connaissait depuis plusieurs années maintenant, qui avait toujours un joli sourire et une bonne humeur contagieuse si même elle était fausse et déchirée, le reste du monde devait être sombre et chimérique. Incurable

Il entendait son souffle et son cœur, ils étaient tous les deux réguliers. Mais Levy était charcutée d'ecchymose sa Levy.

Il entrouvrit les paupières pour l'observer. Elle avait les jambes croisées et sa main soutenait son menton. Elle avait le regard fixé sur la fenêtre – pas besoin d'être devin pour voir qu'elle n'admirait pas le paysage. Elle était dans ses pensées. Gajeel se demandait activement si elle se remémorait d'atroces souvenirs ou si elle réfléchissait à leur situation. Il était tellement heureux de ne pas connaître la réponse.

Il aurait pu ne pas être là que la scène aurait été la même. Levy se serait assise et se serait laisser porter par ses pensées. Il ne doutait pas qu'elle lui était utile, c'était clair que sa vie sans elle aurait été beaucoup plus morne et lui même se serait peut-être plus souvent laisser atteindre par la bêtise.

Par contre, la réciproque n'était pas vraie. Levy avait une sorte d'indépendance qui le faisait grandement douter de son rôle dans sa vie. Il essayait de l'aider et il la laissait seule dans un marécage d'idées et de souvenirs croupis.

Lui ne s'était jamais soucié d'être utile ou non quelle importance ? La femme qu'il aimait lui accordait une place dans sa vie – il était vrai que parfois, il s'en voulait. Il lui était déjà venu à l'idée qu'elle perdait son temps avec lui, qu'il serait facile pour elle de trouver mieux. Mais il essayait de ne pas trop y penser.

Elle devait être exactement ainsi quand il était en mission, ou quand elle était en mission. Dans ses pensées, en train de voguer loin de tout, aussi inaccessible que belle. C'était pourtant bien lui qui avait dit qu'il était son partenaire, non ? C'étaient ses propres mots qu'il n'était pas capable d'assumer. Mais quelles couilles molles !

Il était son mari, c'était ce qu'il avait voulu. Il n'était pas quelqu'un qui changeait d'objectif quand celui-ci paraissait hors d'atteinte. Au contraire la saveur du succès était encore meilleure dans ce cas.

Et aujourd'hui, son but était d'être aux côtés de Levy. Oui, il adorait cette idée. Il ne voulait plus qu'il y ait un livre ou un écran entre eux désormais il allait tout faire pour qu'ils soient ensemble. Jusqu'à ce que la mort nous sépare.

Sa première résolution en ce sens serait de ne pas attendre qu'elle crie à l'aide. Elle ne le ferrait jamais, elle était bien trop fière pour cela. Lui aussi était fier mais chez lui, c'était de l'orgueil. Chez elle, c'était la peur de ne pas avoir de réponse. Elle ne se sentait pas d'exiger quelque chose de quelqu'un. Lui avait appris à s'ouvrir, alors elle aussi pouvait. Et elle avait toujours été meilleure étudiante que lui.

Gajeel se rapprocha de sa femme et passa un bras autour de ses hanches. Il voyait son regard surpris et il ne put s'empêcher de sourire de la façon la plus idiote possible. Elle aussi se laissa porter par ce bon sentiment, si doux au vu de la situation.

Quand il la sentit se laisser aller contre lui, bien plus détendue que quand elle l'observait un peu plus tôt, il se dit qu'il avait peut-être pas complètement merdé.

— Tu sais je me fous de qui t'as mis au monde ou pourquoi. Tout ce qui compte c'est que tu sois là, assez géniale pour supporter de m'avoir comme mari. (Il entendit son petit gloussement discret.) Mais si tu veux un jour en parler, je t'écouterai avec attention.

— Et sans t'endormir ? rit-elle.

— Juré, craché.

— Ce n'est pas bien de cracher.

Gajeel rigola pleinement à cette remarque – dont pour ne rien cacher, il était habitué.

— Tu vois, tu as déjà les réflexes d'une mère.

— Sauf que toi je m'en fiche si tu m'écoutes pas, t'es pas mon enfant.

— Alors... ça veut dire que je peux ignorer ton interdiction à propos des putes, n'est-ce pas ?

— Le médecin te le déconseille fortement et cela afin de préserver ton intégrité physique.

— Mais quelle rabat-joie tu fais, soupira le chasseur de dragon, heureux de retrouver une atmosphère aussi plaisante, celle qu'il savourait d'ordinaire avec sa femme.

— Tu sais, tu peux me dire si tu as peur ou si tu as besoin de moi. Un peu comme moi je fais avec toi.

— Je ne pouvais pas rêver d'un meilleur mari que toi, murmura la femme en le regardant droit dans les yeux.

Elle s'assit sur ses genoux pour ne pas avoir à arquer sa nuque pour l'embrasser. Elle passa ses bras autour de son cou et ses mains dans ses cheveux.

— Je suis heureuse que tu sois là.

— Ce bonheur est partagé.

Gajeel n'aimait pas tourner autour du pot aussi il n'hésita pas à l'embrasser pleinement. Après leur baiser, Levy s'allongea sur lui. Elle ferma les yeux, comme si elle allait s'endormir.


Bonjour, je tiens à remercier tout ceux qui ont déposé un petit mot ; soyez certains que cela m'a motivé et m'a poussé à m'améliorer (surtout quand vous laissez une petite note critique sur ce qui va pas). Je vous remercie du soutien ! Maneeya.