Bonjour bonjour !

Me revoici et je vous accueille chers lecteurs avec le premier OS de Ain't no Sunshine when she's gone. Il y en aura trois au total.

J'ai terminé cette semaine le DLC Left Behind de The Last of US et ça m'a donné l'envie d'écrire un petit quelque chose dans ce contexte sur le couple FLight.

Ce n'est pas une comparaison où on a la même situation avec la morsure qui change de personne, non non. Dans chaque OS, Lightning et Fang n'en sont pas forcément à la même "étape" dans leur relation, le déroulement est différent. L'interprétation est assez libre, aussi il n'y a pas de dénouement à proprement parler, du genre "Elle mourut dans ses bras en lâchant un dernier soupir.". En ce point c'est le même contexte que Left Behind héhé. Allez je ne vous ennuie plus, j'espère que vous apprécierez.

Bonne lecture !

PS: juste pour dire que le titre vient de la chanson Ain't No Sunshine de Bill Withers.


Pourquoi tu t'arrêtes ?

Plus que trois kilomètres.

Nous serons bientôt rendues. Bien sûr, c'est trois kilomètres de parcours d'obstacles et de slalom entre les buildings décrépits, pas une autoroute s'étendant à perte de vue. C'est pour le mieux, ils sont toujours plus faciles à semer dans les décombres. Et cela nous rappelle qu'il faut être alerte, en permanence. Plus que trois kilomètres, et nous serons de retour, avec tout le monde.

Cette fois nous nous sommes aventurées loin. Ça ne se passe jamais comme prévu quand on s'aventure loin, ça ne se passe jamais bien, malgré toute la bonne foi que veut y mettre Fang. Certes nous avons de quoi renflouer les stocks alimentaires et matériels, cette excursion aura servi à quelque chose, au moins. C'est déjà ça.

Fang s'arrête. Elle se retourne et me demande si je vais bien, ou plus précisément si j'arrive à tenir son « rythme d'enfer ». J'acquiesce et nous nous remettons en route. Ou plutôt je la suis, je la laisse me guider. Je n'arrive pas à me concentrer sur l'instant présent, il m'a définitivement échappé. Et elle, son allure n'a plus rien de nonchalant.

Une course contre le temps. Une danse avec la mort. Un seul souffle de vie. Chaque jour je me demande quand tout sera fini.

Je ne suis pas la seule, je peux le lire sur le visage des autres qui vagabondent dans le camp sans but réel. Nous pensons avoir la réponse, nous savons que ça peut être le lendemain, voire dans les heures suivantes. En vérité, personne n'est préparé à l'avoir cette réponse. Et nous sommes toujours là, jour après jour. Nous survivons. Mais nous ne vivons pas. Ce ne sera jamais fini.

Alors c'est peut-être mieux ainsi.

Je sais que Fang n'est pas de mon avis. Son optimisme me réchauffe le cœur, mais je ne sais toujours pas si je l'admire ou le réprouve. Quoiqu'il en soit, il ne lui faut pas grand-chose pour raviver cette étincelle de vie et c'est très bien ainsi. Je suis contente pour elle. C'est pour ça qu'elle est une inspiration pour tant de gens. Et c'est une des raisons pour lesquelles je l'admire. Ça a toujours été le cas, depuis le début. J'ai mis beaucoup de temps à le comprendre, trop sans doute. On ne se refait pas. Ma méfiance exacerbée m'a sauvé la mise un nombre incalculable de fois. Quant à mon manque d'attachement, et bien… Je ne veux toujours pas connaître cette réponse non plus.

« Alors Light, tu rêvasses ? »

Je cesse de l'observer distraitement et lève mon regard vers son visage poisseux mais toujours aussi radieux. Elle me sourit gentiment. C'est un peu forcé mais, je ne relève pas. Je n'ai pas la force de l'imiter. Elle n'insiste pas. Pas après l'attaque que nous avons subi il y a presque deux heures.

Mon regard dérive sur le paysage un moment puis revient s'échouer sur le sol. Je retiens un soupir. Mes pensées se posent sur l'étui qui enserre le haut de ma cuisse droite et particulièrement le Beretta qui y repose. C'est la première fois depuis très longtemps qu'il me met mal à l'aise. Moi qui ne jure que par les armes, c'est plutôt risible.

J'aimerais pouvoir dégainer, affermir ma prise sur la crosse, avoir cette sensation de maîtrise et de puissance. Mais le contrôle n'est qu'une illusion maintenant. J'ai toujours eu l'habitude de m'y raccrocher. Chacun la sienne.

Tch.

Le ciel est de plus en plus terne. Le soleil nous a abandonné depuis plusieurs heures à présent. Je pense qu'il va pleuvoir. J'espère que nous arriverons au bout du chemin avant.

.

Nous ne sommes plus qu'à un kilomètre du camp, il doit rester une demi-heure de marche si nous continuons sur cette foulée. Je serais ravie de voir leur visage victorieux devant tout ce qu'on a ramené, peut-être moins que de prendre une douche tout de même.

Serah et Vanille vont être enchantées avec la tonne de trucs inutiles que nous avons pu emporter. Je les vois déjà se chamailler sur le jeu de cartes. Je pense que ce sera amusant.

Nous avons aussi récupéré une nouvelle clé plate, j'espère que c'est la bonne taille pour que Snow puisse réparer sa stupide moto avec, comme ça il arrêtera de tirer la gueule à chaque fois qu'il pose les yeux dessus. Ça fera plus d'un heureux de voir disparaître son air de chien battu. Quelle victime celui-là.

« Light ? »

Je relève la tête. Fang me fait face et m'observe, un sourcil levé en guise d'interrogation.

« Pourquoi tu t'arrêtes ? »

Dois-je vraiment répondre ? C'est ridicule. Les mots se heurtent sur ma langue et retombent douloureusement le long de ma gorge.

« J'étais juste en train de réfléchir. Continuons. »

Elle me suit du regard alors que je la dépasse. Je stoppe mon avancée et lui jette un coup d'œil. Elle hausse les épaules.

« Un problème ? »

« Nope. »

Elle soupire et escalade le bloc de béton suivant.

.

Fang presse l'allure malgré les maigres forces qu'il nous reste. Son pas s'allège. Nous y sommes.

« Allez, dernière ligne droite ! »

Métaphore peu appropriée, comme toujours. Je m'arrête, les yeux rivés au sol, et souris sincèrement à cette pensée. Fang s'immobilise également.

« Bon, qu'est-ce qu'il y a ? Je vois bien que ça te tracasse depuis un moment. »

Je ne lui réponds pas mais lui offre un regard lourd. Elle se redresse, sa voix se fait plus pesante, plus douloureuse.

« Ecoute… Je sais que c'est vraiment pas passé loin cette fois. Je sais qu'il faut qu'on en parle mais… est-ce qu'on peut rentrer d'abord ? S'il te plaît. »

Je lève le menton, lentement. Je laisse un long souffle pénible s'évader de sa prison de chair. Ses lèvres s'étirent sensiblement mais ce n'est pas un sourire. Devant mon silence, elle se remet en marche.

Pas moi.

« Je ne peux pas aller plus loin. »

Elle se fige.

« Pourquoi ? »

Parce que nous ne sommes plus qu'à quelques minutes du camp.

Parce que j'ai besoin de m'arrêter.

Parce que je ne peux pas aller plus loin.

« Je ne peux pas. »

Elle fait délicatement glisser son sac à dos le long de son bras et laisse la bretelle pendre au creux de sa main. L'inquiétude se lit sur son visage. D'ordinaire ce serait masqué par l'amusement, mais elle est encore en alerte.

« Qu'est-ce qui ne va pas ? Tu veux faire une pause ? »

Oui. Je n'ai pas le choix. Je n'en peux plus. Ça ne sert à rien de continuer.

« Allez, on est bientôt rendu, tu es sûre que… »

« Fang. »

Je tranche. C'est sans appel. Elle s'interrompt et me fixe, les lèvres entrouvertes, signe de son incompréhension.

Je pose mon propre sac par terre. Je m'autorise un soupir cette fois. Je prends mon temps. C'est difficile. Mon visage est toujours crispé par l'impassibilité et le désir de ne rien laisser filtrer, je sais que ça l'énerve, je ne peux pas m'en empêcher. Enfin je la contemple, immobile. Seule ma poitrine se soulève péniblement face au poids qui écrase mon être. Il faut que ça sorte, il faut que ce soit dit. C'est maintenant ou jamais.

« Je ne peux pas aller plus loin. »

Silence.

Elle comprend. Je sais qu'au fond, elle comprend. Je le vois dans ses orbes de jade qui me percent et se brisent l'espace d'une seconde. Elle sait où je veux en venir. Elle déglutit, presque imperceptiblement. Puis, elle fronce les sourcils. Je soutiens son regard. J'y lis de la panique. Je sais très bien ce qui va suivre.

« Quoi ? Pourquoi ? De quoi tu parles ? »

Elle se voile la face, elle repousse l'idée dans un coin de son esprit, l'efface de son champ de vision et d'action. Elle bloque sur l'incompréhension. Je ne lui en veux pas. Ça fait deux stupides heures que j'essaie de me faire à cette réponse, comment pourrait-elle seulement la considérer en quelques minutes ?

Elle lâche brutalement son sac.

« Tu te fous de moi ? Qu'est-ce qui se passe ? »

Elle se rapproche de cette démarche féline, dangereuse, caractéristique. Ça l'agace de ne pas comprendre. Je vois les muscles de sa mâchoire et de ses bras se tendre. Elle se poste à une vingtaine de centimètres et son souffle saccadé m'atteint avec une force me faisant reculer derrière mes barrières. Je baisse les yeux, incapable de soutenir plus longtemps sa rage que je sens naître, tout au fond.

« Hé ! Regarde-moi. Light, qu'est-ce que tu me racontes ? »

« Tu te souviens de la promesse que je t'ai demandé de me faire ? »

Il n'y en a qu'une, elle ne peut plus fuir. Elle s'en souvient, évidemment. Elle doit protéger Serah. Elle me l'a promis.

« Quoi…? »

Au prix d'un immense effort je parviens à planter mon regard dans le sien. Lentement, j'ouvre la fermeture de mon pull jusqu'à découvrir la naissance de ma poitrine. Je me focalise sur un point au delà de son épaule, pas par pudeur. Je retire le pansement. Elle suit le mouvement et inévitablement, elle découvre les marques de dents au dessus de mon sein gauche.

Ses orbes de jade cherchent mes perles céruléennes et reviennent sans arrêt sur la morsure qui suinte encore légèrement. Elle recule et secoue la tête.

« Non… »

Je sais. C'est difficile à croire. Moi-même je n'y arrive pas.

Je veux relever la fermeture mais elle m'en empêche d'une main fébrile, puis, elle effleure du bout des doigts chaque petit trou qui creuse ma peau de lune. Un frisson me glace l'échine et m'enserre le cœur. J'ai envie de lui dire de ne pas toucher mais je n'y arrive pas, tout comme elle n'arrive pas à se détourner de cette vision funeste.

« C'est pas possible. »

Si Fang. Tu en as la preuve sous les yeux. Que te faut-il de plus ? Que puis-je t'offrir de plus que ça et mon mutisme révélateur ?

Elle vacille, ses lèvres s'animent sensiblement, mais rien n'est audible si ce n'est son affliction qui transparaît avec une clarté insoutenable.

« Fang… »

Je veux dire quelque chose. Je veux lui annoncer que tout ira bien, mais ce serait pire que mentir. Ça fait deux heures que je cherche quoi lui dire. J'ai vite compris que c'était peine perdue.

Mais elle attend. Quand mes lèvres se referment, laissant mourir ce suspens, un rictus crispe ses traits sensuels. Elle grogne et s'éloigne brusquement, refoulant probablement une violente pulsion. Il n'y a rien aux alentours qu'elle puisse casser. Si les rôles avaient été inversés je crois que je l'aurais frappée.

Il n'y a rien à dire et il n'y a rien à faire. Je n'ai jamais été aussi impuissante.

Elle s'agite sans parvenir à articuler un mot et enfin s'accroupit, les poings serrés contre son front. Elle me tourne le dos. Son corps relâche et accroit la tension alternativement. Elle se relève, fait quelque pas et se remet dans la même position. Je l'ai rarement vue ainsi, ça ne me laisse pas indifférente, évidemment, mais…

Au bout de longues minutes, toujours sans me regarder, elle demande :

« Tout à l'heure, là-bas ? »

Je remarque que ses indomptables mèches d'ébène sont toutes emmêlées.

« Oui. »

Elle ravale son souffle.

« Bordel… »

C'était évident. Ça devait bien arriver un jour ou l'autre.

Elle se redresse. J'ai envie qu'elle se retourne, je veux voir son visage. Je veux savoir.

« Fang… »

« Pourquoi ? »

Sa voix déborde de tant d'émotions que j'en perds la mienne. Haine, tristesse, détresse, je n'arrive pas à l'encaisser.

« Pourquoi tu ne me l'as pas dit plutôt ? »

Elle est sèche, rauque, je la prends comme une gifle, en pire. Ça me blesse toujours plus quand ça vient d'elle et pourtant je me laisse avoir à chaque fois.

Bien sûr qu'elle m'en veut. Pourquoi je ne l'ai pas dit ? Pour qu'elle ait le temps de se faire à l'idée ? Non. Pour qu'elle puisse passer ce temps avec moi en toute connaissance de cause ? Pas question.

« Pourquoi tu ne me l'as pas dit plutôt Light ? »

Elle se tourne de profil et je baisse encore le regard. Parce que je ne suis qu'une lâche, finalement ? Parce que je ne peux pas supporter ta réaction ? Que c'est trop dur à avaler, parce qu'elle embrasse la réalité ?

« Ça fait deux putains d'heures, qu'est-ce que tu attendais !? »

« Parce que c'est plus facile maintenant. »

Elle reporte toute son attention sur mon visage. Ma gorge se serre. Elle veut me tenir responsable. En fin de compte elle me l'accorde, mais difficilement.

« Tu n'es qu'une idiote. »

Je lutte contre cette vague d'indignation qu'elle déverse sur moi.

« Et maintenant hein ? »

Et bien… je ne sais pas.

« C'est tout ? »

Je la fixe, les sourcils qui se froncent peu à peu tandis qu'elle se rapproche lentement. Qu'est-ce qu'elle veut de plus ?

« Pas de réaction ? Tu vas juste rester plantée là, à attendre que ça se passe ? Tu te résignes si facilement ? »

Je croise les bras et lui réponds :

« Il n'y a rien à faire. »

Elle me pousse brutalement. Je manque de m'entraver dans mon sac. Je reste silencieuse et docile si ce n'est le hoquet de surprise qui m'échappe. Fang me toise.

« Très bien. »

Elle fait demi-tour, ramasse son sac qu'elle replace sur ses épaules et se remet en route. Elle va… ? Elle va s'en aller. Si je ne dis rien, elle va m'aband…

« Allez ! Le camp n'est plus très loin. »

Quoi ?

« Bouge-toi, j'ai la dalle. »

Mais qu'est-ce qui ne tourne pas rond chez elle ?

« Arrête de me regarder comme ça et ramasse tes affaires, on rentre. »

Elle est débile ou quoi ?

« Je me suis fait mordre ! »

Elle se fige. J'ai l'impression qu'une étrangère a dit ça. Lentement, son visage pivote vers moi et me porte un coup fatal.

« On dirait pas. »

Elle reprend la marche. Je sens mon corps chauffer.

« Je ne veux pas y aller ! Je ne peux pas ! »

Elle lâche un long râle.

« Alors fais quelque chose ! »

Mais bordel…

« Il n'y a rien à faire ! »

Elle se jette sur moi et empoigne le col de ma veste.

« Bats-toi merde ! »

Me battre ? Je la repousse.

« Pour quoi ? »

Elle secoue la tête, comme devant un enfant qui ne parvient pas à saisir ce qu'on essaie de lui faire comprendre. Ça me met hors de moi.

« Qu'est-ce que tu crois ? Que j'ai envie de passer mes dernières heures à les regarder se morfondre sur mon cas ? Tu crois que je veux imposer ça à ma sœur ? »

« Alors quoi !? Qu'est-ce que tu veux ? Tu veux que je t'achève ici et maintenant ? Tu as jugé que c'était le bon moment et c'est pour ça que tu me l'as dit ? Tu veux que je te laisse tomber c'est ça ? »

Je ne peux pas. C'est trop. Sa douleur me frappe avec plus de force que la mienne. Je sens ma vision se brouiller. Je continue à la pousser mais elle résiste et poursuit son assaut.

« C'est ça que tu veux ? Dis-moi ! Qu'est-ce que tu attends de moi !? »

Je ne sais pas !

« Dis-moi bon sang ! Dis quelque chose ! Ne fais pas ça ! »

Mais je ne peux rien faire…

« Ne me fais pas ça Light ! »

Je…

« Qu'est-ce que tu attends de moi ? »

« Je ne veux pas être seule… »

Mes mots et mon souffle s'épuisent en tremblant. Quand elle m'attire dans ses bras, j'enfouis mon visage dans son cou.

Et soudain je réalise.

« Je vais mourir Fang… »

Elle resserre son étreinte. Sa main droite vient couvrir ma nuque et elle dépose un baiser sur ma tempe. Les bras repliés contre sa poitrine, l'espace d'un instant je me sens désespérément à l'abri.