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Quatrième type de meurtre : Un crime culinaire

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L'odeur de leurs ébats embaumait encore la pièce. La jolie brune était allongée sur son partenaire, sa jambe droite placée sur l'entrejambe de l'homme et sa tête dans le creux de son cou. L'homme, lui, s'amusait à enrouler les mèches noires de la catin autour de son doigt.

« — J'avais oublié combien baiser avec une fille de joie était si bon. »

La jeune fille étira ses jambes et releva la tête. Ses yeux de biche faisaient fondre n'importe quel homme. Elle laissa un de ses doigts caresser les lèvres râpeuses du chef-cuisinier du palais de Port- Real.

« — Tu ne dois pas en parler, susurra la jeune femme.

— De ?

— De ça, de nous. C'est notre secret.

— Ce 'est pas comme si j'étais le seul, mademoiselle, souffla l'homme en insistant sur le dernier mot.

— J'aime quand tu m'appelles ainsi, la mademoiselle.

— Et moi, j'aime ton accent. »

Les deux amants se mirent à rire ensemble. La jeune fille se plaça à califourchon sur le ventre bedonnant de l'homme, ce dernier balada ses mains sur la peau laiteuse et douce. Il avait peine à croire qu'il avait fait certaines choses avec cette magnifique créature.

« — Tu n'as pas oublié de me payer ?, chuchota-t-elle en se mordillant la lèvre inférieure.

— Non, bien sûr. J'ai même rajouté quelques pièces pour tes excellents services. Je ne peux pas tarder, je dois retourner aux cuisines.

— Quel gentil garçon tu es, murmura la prostituée en glissant son corps peu à peu sous les draps. Je me demande jusqu'où tu irais rien que pour moi.

— Je ferai beaucoup de choses.

— Par exemple ? »

Sa petite bouche pulpeuse baisait avec douceur la peau chaude en descendant vers ses parties intimes.

« — Je serai prêt à tout. »

Mais la jeune fille ne l'entendait plus, elle avait déjà disparu sous les draps. L'homme émit soudain un gémissement de plaisir :

« — Oh, Shae... »

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Fatiguée, coucher avec deux hommes dans la même nuit ne lui facilitait pas la tâche, Shae ne s'était pas attardée dans l'appartement du cuisinier. Elle filait rejoindre sa maîtresse, Lollys Castelfoyer, pour préparer son lever. Celle-ci était déjà réveillée quand la jeune fille entra, elle avisa sa domestique.

"Dans son lit comme d'habitude", pensa Shae.

Sa bouche presque inexistante entourée de graisses s'étira et laissa découvrir de petites dents.

« — Tu te lèves tôt ? », fit-elle remarquer, amère.

Shae effectua une révérence devant la noble qui se mit à rire faisant trembler son double-menton.

« — Il ne faut plus faire de telles choses.

— Vous êtes ma maîtresse, Dame de Castelfoyer.

— Je le sais mais je ne veux plus de ces choses.

— Ce sont des signes de respect. »

Lollys fit une moue. Elle se redressa en s'appuyant au montant de son lit puis leva non sans difficulté sa jambe droite et la posa au sol. Cet acte minime, pour n'importe qui, l'avait déjà essoufflé.

« — S tu veux me respecter, viens m'aider. »

Shae frémit à l'idée de devoir soulever la jeune fille obèse. Chaque jour, elle avait l'impression que ses os allaient se briser. Puis son regard croisa celui de Lollys qui la suppliait.

Non sans un dégoût dissimulé, elle s'avança et se saisit de la jambe gauche poilue et gélatineuse pour la déplacer. Ensuite , elle tira sur les bras de sa maîtresse pour l'asseoir sur le bord du lit. Lollys Castelfoyer soufflait comme un bœuf.

« — Il faut m'habiller. Maman veut que je la retrouve dans les jardins. »

A contre-cœur, la catin s'affaira à la tâche. Au bout deux bonnes heures, sa maîtresse était fin prête. Un autre domestique fut envoyé à la mère de Lolly, Tanda Castelfoyer, pour la prévenir de l'arrivée de sa fille dans les jardins. Elles devaient se retrouver à une petite fontaine située au milieu du parc. D'aucuns disaient qu'il s'agissait d'une fontaine magique : si l'on y jetait une pièce et que l'on prononçait un vœu, ce dernier se réalisait dans la semaine qui suivait. Shae doutait fortement de la véracité de ce ragot d'autant plus qu'elle avait souvent vu des personnes y jeter de la monnaie et se retrouver la tête au bout d'une pique quelques jours plus tard. Mais elle était sûre d'une chose: cette fontaine recelait de secrets, les plus Grands s'y rencontraient pour discuter des affaires douteuses. Cachée par le bruit de l'écoulement de l'eau, ils étaient libres exprimer leurs opinions et cela même si elles allaient à l'encontre du royaume. Aussi est-ce pour cela que Shae se demandait que pouvaient bien faire Dame Castelfoyer et sa fille à cet endroit.

« — C'est beau. », s'émerveilla bêtement Lollys, une main au-dessus des yeux par pour se protéger du soleil ardent.

Shae sourit. Elle était toujours amusée par par la gaieté extrême de sa maîtresse devant des choses simples. Certains disaient d'elle qu'elle était simple d'esprit d'esprit et se moquer d'elle. La putain devait bien l'avouer ; Lollys n'était pas gâtée par la nature et avait récolté des tares très contraignantes : une obésité quasi burlesque et une intelligence assez limitée.

« — Oui. »

Pendue à son coude, Lollys commençait déjà à suer à grosses gouttes. Sa robe, bien que légère, était déjà trempée par la transpiration.

« — Il fait chaud. », se plaignit Lollys en gémissant.

Mais sa servante ne répondit pas ; devant elles, s'avançait dans leur direction la prétentieuse Cersei Lannister.

Le visage de la femme s'égaya lorsqu'elle vit les femmes. Shae pencha la tête et baissa les yeux tandis que Lollys, avec toutes les peines du monde, effectua une révérence en s'agrippant à une sculpture. Cersei émit un rire léger, voir la grosse Lollys la faisait toujours rire. Elle se demandait comment un être aussi hideux pouvait avoir été mis au monde. Mais cette laideur la rassurait aussi en quelque sorte, elle la confortait dans l'idée qu'e , elle, Cersei Lannister, était tout de même une beauté non négligeable. Même si on lui répétait souvent, la reine préférait qu'on la rassure régulièrement.

« — Madame, salutations à vous ! »

La reine, amusée par cette formule maladroite, rit à nouveau. Énervée par tant de moqueries, Shae garda les yeux rivés ers le sol pour ne pas répondre.

« — Je vois que vous avez réussi à sortir de votre chambre, se railla Cersei.

— Le soleil..., souffla l'obèse.

— Oui, il fait particulièrement chaud aujourd'hui.

— C'est pour cela que je me promène dans les jardins. », répondit simplement la fille.

Shae pinça sa lèvre inférieure, reconnaissant que sa maîtresse avait parfois des réponses très idiotes.

Le visage de la reine resta impassible, gênant plus encore Lollys qui rougit.

« — Je ne peux plus rester à converser, déclara la reine.

— Oui ma reine.

— Saluez votre mère de ma part, peut-être nous recroiserons-nous... »

Puis elle poursuivit à voix basse en passant à côté de Lolly pour rejoindre le palais :

« — ...enfin si vous réussissez à passer la porte comme dirait Joffrey. »

"Quelle salope !, pensa Shae, le roi a véritablement hérité de la cruauté de sa mère. D'un autre coté , elle n'a pas tort..."

Elle lança un regard empli de haine envers la reine qui s'éloignait d'un pas gracieux. Les sanglots de sa maîtresse la ramenèrent vite à la réalité. Elle l'entoura d'un bras.

« — Ne pleurez pas, asseyez-vous sur ce banc. », réconforta Shae en désignant un banc.

Quand Lollys s'assit, ses pleurs redoublèrent d'intensité et sa graisse gigotait au rythme de ceux-ci. Les paroles de la reine régente, bien qu'elle y était habituée, la blessait toujours.

« — Il faut vous calmer. Elle est partie. », tenta de réconforter Shae.

Cependant, elle était plus douée pour calmer les hommes et leur faire plaisir, rassurer une femme n'était pas dans es cordes. Embarrassée, elle resta immobile devant sa maîtresse ne sachant quoi faire. Au bout de quelques minutes, Lollys se calma, elle prit un mouchoir et se moucha bruyamment sas prêter attention à l'entourage.

« — Quelle est cette bonne odeur ? », fit-elle en se relevant la tête.

Shae n'eût qu'à se tourner pour trouver la réponse : Sansa Stark. La jeune fille ne savait qu'éprouver envers la petite beauté rouquine qui dégageait toujours un parfum florale; cette princesse était à la fois une victime et son bourreau.

Sansa observa de ses grands yeux noisette les deux femmes, adressant un léger sourire de Lolly Castelfoyer. La petite Stark appartenait également à ses Précieuses ne se vouant qu'à la beauté et l'apparence. Elle ne fit cependant aucunes remarques, se contenta de les saluer et passa son chemin.

Derrière elle, se trouvait la mère de Lollys.

« — Laissez-moi avec ma mère. », ordonna celle-ci à Shae. La brunette ne se fit pas attendre et s'exécuta sans roncher. Après tout, elle aussi, avait ses propres affaires. Dans la matinée, un domestique lui avait glissé un message dans sa poche :

" Je t'attends ma Colombe."

La jeune fille avait aussitôt reconnu l'écriture de son géant Lannister. Mais, contrairement à d'habitude, elle ne se pressa pas pour le rejoindre. La gifle qu'il lui avait infligée quelques semaines auparavant l'avait légèrement refroidie.

« — Je vous pensais plus vive d'esprit. », geignit une voix.

Shae s'arrêta derrière un arbre et se rapprocha de l'endroit d'où provenait la voix, elle aimait espionner, connaitre les petites secrets, non pour en parler mais plutôt pour en avoir connaissance. Elle reconnut Joffrey Baratheon, debout, et Sansa, accroupie, des fleurs à la main.

« — Oui, votre Majesté.

— Si vous les aviez coupé, vous ne vous seriez pas blessé, rétorqua le blondinet, l'air agacé.

— J'ai été surprise. Quand je vous ai vu, ma main a glissé. », gémit la rouquine.

Joffrey roula des yeux et remit son écharpe correctement sur son épaule.

« — Et bien, je ferai couper toutes ses roses pour que vous ne vous blessiez plus...

— Mais je m'occupe de mes fleurs, votre Majesté.

— Je le fais pour votre bien. Comme votre père, c'était pour votre bien. », siffla le roi en la regardant de haut.

Sansa afficha une mine choquée. Au moment où elle allait lui répondre, Shae fit son apparition.

« — Votre Majesté, salua-t-elle.

— Que faites-vous ici ?, rugit Joffrey.

— Je ...je me suis perdue.

— Vous êtes donc aussi intelligente que votre maîtresse. », ironisa le jeune homme en la toisant.

La jeune fille fut piquée au vif mais elle ne le montra pas. Le roi cherchait toujours la moindre faille, la plus petite faiblesse et s'en servait pour vous condamner. Mais contrairement à Sansa, elle ne baissa pas la tête.

Furieuse, elle plongea son regard dans le sien en signe de défiance et sans attendre une réponse, elle le salua et rejoignit Tyrion dans ses appartements. Elle y resta que le temps de quelques mots doux et d'une petite gâterie avant de retourner aux appartements de Lollys. En entrant, elle découvrit cette dernière, allongée sur le ventre, en pleurs.

« — Ma Dame ?

— C'est...c'est ...c'est de sa ...sa faute. »

Elle perdit la respiration et fut prise d'une toux violente.

Shae haussa un sourcil, intriguée.

« — La faute de ? »

Lollys se retourna avec peine et lui fit face. Son visage était rouge, ses lèvres craquelées et les yeux mi« — clos, fatigués par les pleurs. Un spectacle assez hideux. Les larmes dégoulinaient et se perdaient dans le trop« — plein de graisses. Elle renifla bruyamment avant de murmurer d'une voix cassée :

« — de...de Joffrey... »

Elle s'assit sur le rebords du lit et regarda en droite à gauche comme si elle craignait qu'on l'espionne. Shae lui prit les mains et baissa :

« — Que vous est-il arrivé ?

— Nous sommes allés voir avec mère, un guérisseur... »

Elle laissa sa phrase en suspens quelques minutes.

« — Est-ce-que vous vous souvenez que le peuple s'est soulevé contre le roi ?

— Oui.

— J'ai échappé à la vigilance des gardes, je me suis retrouvée prise danse l'émeute. »

Sa voix n'était désormais à peine audible et Shae dut tendre l'oreille.

« — Ils m'ont...des hommes m'ont... (sanglots) maintenant, je suis... »

Ses pleurs reprirent de plus belle mais la maîtresse n'avait pas besoin d 'achever sa phrase, sa camériste avait tout compris.

Ce Joffrey était à l'origine de tous les maux, même des siens.

ll fallait en finir.

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Lollys Castelfoyer était restée dans son lit depuis deux jours ; elle pleurait ; elle ruminait ; elle déprimait. Bien qu'elle n'avait aucune amitié envers cette femme, qui était sa maîtresse, Shae éprouvait de la peine envers elle. Un peu de peine, c'est tout. La situation l'arrangeait aussi car elle n'avait pas à soulever le tas de graisse flasque et transpirant qu'était la demoiselle.

Au lieu de ça, la jolie brune restait à son chevet apportant de temps à autre du linge ou un repas qu'une autre domestique, assignée aux cuisines, lui apportait.

« — Ah si quelqu'un pouvait le tuer. », ne cessait de répéter Lolly, tout en pleurnichant.

Jusqu'à ce jour, Shae avait scellé ses lèvres mais un soir, elle craqua.

« — Vous avez raison, ma Dame. Il faut que quelqu'un le tue. »

La jeune obèse eut un sursaut, le bois de son lit craqua.

« — Mais c'est le roi ! », s'offusqua-t-elle.

Shae essaya de lui sourire.

« — Je le sais, Ma Dame, mais quel est votre désir le plus ardent en cet instant ? »

Lollys, soudainement muette, la bouche légèrement entrouverte, plongea ses yeux larmoyants dans ceux de sa camériste comme si elle voulait y trouver la réponse. Sa respiration était sifflante, entrecoupée.

« — Je veux que Joffrey meurt.

— Comme tout le monde. Et il mourra. »

La jeune Castelfoyer acquiesça sans conviction, puis retourna à son silence déprimant. Elle réfléchissait. Rêveuse, elle se mit à penser à une vie sans le roi Baratheon, une vie sans les moqueries des Cerfs, une vie sans...cette chose non voulue qui grandissait à l'intérieur d'elle. Sa mère, Tanda Castelfoyer, l'avait confirmé. Elle, Lollys Castelfoyer, était enceinte. Enceinte d'un monstre, né de la semence d'un homme, ou plus exactement de plusieurs hommes. Rien ne pourrait jamais établir la parenté, le père resterait un inconnu et son enfant, même mâle, naîtrait dans la honte et le rejet. Un bâtard. Elle allait donner naissance à un bâtard.

L'esprit de Shae avait bien d'autres pensées. La jolie femme n'en avait cure de la grossesse de sa maîtresse. Au contraire, un marmot occuperait bien cette dernière et elle pourrait en profiter pour fidéliser plus de clients à son véritable métier afin de gagner plus d'argent. A présent qu'elle vivait à Port« — Réal, il fallait qu'elle profite de cette ville et sa décadence. Ici, les meilleurs putains étaient recherchées par les Grands. Et qui dit Grand dit argent.

"Avec tout cet argent, je pourrais retourner dans ma ville natale", pensa amèrement Shae.

Mais si Joffrey mourrait, sa vie serait plus agréable encore, plus aisée. Elle n'aurait plus à supporter les pleurs de sa maîtresse, les plaintes de Tyrion, et les moqueries des seigneurs.

« — Oui, une vie sans Joffrey, ce serait parfait ! » , souffla Shae.

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Comme tous les soirs, quand Shae venait lui rendre visite, son Géant Lannister se plaignait et lui racontait tous ses déboires. Feignant de l'écouter d'une oreille attentive, Shae, assise sur le lit à ses côtés, en tenue d'Ève, lui caressait les cheveux, enroulant et déroulant les mèches autour de son doigts, grattant le cuir chevelu, coiffant les quelques cheveux rebelles sur son front. Mais rien n'y faisait.

« — ...et Joffrey a enfermé un échanson pour le motif le plus pertinent : ce dernier avait versé une goutte à côté du verre. Si j'avais enfermé tous les échansons maladroits, on... »

Shae déposa un doux baiser sur sa joue.

« — Comme tu as raison. Tu as toujours raison, lui susurra-t-elle à l'oreille. Montre-moi que tu as raison, mon Lion. »

Le nain Lannister, comme impassible, les yeux rivés vers le sol, baissa les épaules.

« — Ma sœur ne va jamais à l'encontre de mon neveu. Comment veux-tu qu'il soit un bon...oh ! »

La main de Shae était descendue à un point sensible, une grosseur assez proéminente ; il sourit.

« — Ma colombe.

— Ne pense plus, ne parle plus, mon géant, ne réfléchis plus. », murmura la jolie brune tout en le déshabillant.

Tyrion émit un rire léger.

« — Ma douce... tu es surprenante. »

Tout en l'embrassant, Shae sourit. Lui, il la regardait, se demandant comment une femme aussi jolie que Shae pouvait être tous les jours dans son lit. C'était une catin, mais il n'avait pas l'habitude de baiser la même tous les jours.

« — Tu réfléchis encore !, s'enquit la prostituée, qui était au-dessus de lui, une main s'amusant avec son membre.

— Non, je suis tout à toi, ma Colombe. »

Sans plus attendre, il la renversa sur son dos et se glissa en elle, doucement.

Assurément, une vie sans Joffrey, ce serait également une vie avec plus de jouissances et moins de tracas.

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Au petit matin, Shae se hâta de se préparer ; elle avait passé trop de temps à s'amuser avec Tyrion cette nuit« — là et sa maîtresse devait sûrement l'attendre. Et, justement, Lollys apparut dans l'encadrement de la porte de sa chambre au moment où elle arrivait. Elle portait une robe très riche ; des manches longues à froufrou, un décolleté et une longue jupe à traîne joliment cousue. La taille n'était pas resserrée par une ceinture, la faisant paraître moins large de hanches. Shae la trouva jolie ; elle« — même avait connu des prostituées replètes qui prenaient soin d'elles. Celles« — ci étaient tout aussi convoitées par les hommes. Leurs courbes faisaient fantasmer. Parfois, Bien que les hommes l'avaient toujours complimentée, Shae se surprenait à jalouser ces formes somptueuses, bien remplies.

« — Accompagnez-moi à la salle du trône Shae, ordonna Lollys, l'air fier. Mère veut que je m'y montre. »

Shae salua sa maîtresse et se posta à quelques centimètres d'elle pour dévaler un dédale d'escaliers et un nombre incroyable de couloirs. Devant les portes de la salle du trône, Lollys repassa soigneusement les plis de sa robe avant de faire signe aux gardes qu'elle souhaitait entrer à l'intérieur. Quand la porte s'ouvrit, la salle était déjà bondée. Au fond, tout en haut des escaliers, assis sur le Trône de Fer, Joffrey Baratheon, le visage calé sur sa paume de main, regardait les individus comme s'il observait un troupeau de moutons.

Jouant du coude-à-coude, Lollys et Shae se frayèrent un chemin dans la foule. Bien qu'elles n'atteignirent pas les premiers rangs, les jeunes femmes réussirent à se placer sur le côté de la salle près des pierres fraîches. Peu de temps après, une rouquine fut amenée devant le trône. Shae reconnut Sansa Stark, la fille du traître de Ned Stark. Tout se passa si vite ensuite que l'assemblée ne comprit pas ce qui se déroulait sous leurs yeux : le roi se saisit d'une arbalète, posée près du trône, et visa la jeune Louve tout en clamant de graves accusations et, bien qu'un chevalier la défendit, Joffrey Baratheon ne baissa pas les armes ; Sansa Stark fut frappée par un garde, Ser Meryn, puis mise à nu. Shae sentit sa maîtresse se rapprocher d'elle, effrayée. Hormis quelques rires et sourires, toute la salle était pétrifiée face l'humiliation publique de la Stark.

Soudain, les portes de la salle s'ouvrirent et quelqu'un cria. Au travers de la foule, Shae vit son Nain, le Gnome, avancer dans la salle. Arrivé devant le trône, Tyrion défendit Sansa et rabroua son neveu qui se tut aussitôt.

"Il est bien le seul à le faire taire.", songea Shae.

Puis elle vit Tyrion s'approcher de Sansa et lui tendre la main. Une pointe de jalousie piqua son cœur. Le nain Lannister était un peu comme un trophée à son tableau de chasse. Le voir toucher une autre fille l'agaçait légèrement. Et ce regard, un regard compatissant et aimant.

A cause de ce roi fou, la Louve et le Lion s'étaient rapprochés.

Décidément, Joffrey Baratheon lui pourrissait la vie.

Pour le punir, Shae refusa de voir son géant Lannister le soir« — même, prétextant d'être occupée. Elle rejoignit à la place son chef« — cuisinier dans les cuisines du palais. Ce dernier l'accueillit, un grand sourire affiché. La jeune catin s'amusait à glisser son doigt dans les sauces et le suçait avec sensualité. L'homme se mordit la lèvre.

« — J'aimerais t'avoir dans les cuisines tous les jours, avoua l'homme en se léchant les lèvres.

— Tu pourrais me baiser tous les jours, mon cuisinier. »

Shae posa son doigt sur les lèvres de l'homme puis passa la langue dessus. Mais il ne fit aucun mouvement, son visage restait figé. La jeune femme lui demanda ce qui n'allait pas tout en caressant les joues flasque du cuisinier.

« — Le roi était mécontent du repas ce soir. », confia-t-il.

Stupéfaite par la nouvelle, Shae n'eut le temps de réagir qu'il enchaîna :

« — Je crains que ma vie ne soit comptée, ma belle. Nous ne pourrons plus passer des nuits comme nous l'avons fait. Ta peau si douce, tes lèvres pulpeuses, et tes hanches me manqueront. »

La main de la brunette se retira du visage de l'homme et descendit, les ongles griffant le tissu de ses vêtements.

« — Tuons le roi, il faut le tuer. », murmura-t-elle à son oreille.

Le cuisinier rit.

« — J'y pense parfois.

— Tuons-le. »

Durant quelques minutes, ils restèrent figés à se regarder l'un l'autre.

« — Un jour, tu m'as dit que tu pourrais tout faire pour moi, lui rappela Shae. As-tu la mémoire aussi courte que ta queue ? Je veux que tu le tues. Pour moi. Et tu le feras. »

L'homme inspira à fond ; il savait que la catin avait toujours été la dominatrice entre eux deux et il ne pouvait lui répondre. Aussi, éliminer le roi était ce qu'il désirait le plus. Surtout par les temps qui courraient.

« — En échange ? »

Un sourire malicieux sur les lèvres, Shae se plaqua à lui.

« — Tu m'auras. Autant que tu veux et gratuitement. »

Le cuisinier acquiesça.

« — Comment allons-nous le supprimer ?

— J'ai un plan. »

Elle approcha son visage de son oreille et lui expliqua sa stratégie.

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Depuis quelques heures, Cersei cherchait son fils Joffrey. Elle avait envoyé des soldats de tous côtés mais le roi était introuvable. Il n'était venu ni se sustenter, ni à la réunion du Conseil.

C'est le cœur plein d'appréhensions qu'elle vint dîner en compagnie de Myrcella et Tommen. Tyrion lui avait assuré que son fils était sûrement parti s'entraîner à chasser ; mais, au fond d'elle, son âme lui criait de se méfier. Son cœur était comme brisé, elle devait retrouver Joffrey. C'était comme s'il lui était arrivé malheur.

Le jeune Tommen, avant de s'asseoir à la table, ressentit les angoisses de sa mère. Cersei avait les traits tirés par les soucis, amenuisant ainsi son exceptionnelle beauté.

« — Mère, vous paraissez soucieuse ? », fit remarquer la première Myrcella.

Inquiète, elle fixa sa mère de ses deux yeux vert émeraude.

« — Non, tout va bien ma chérie. », la rassura Cersei tout en caressant la petit main de la princesse.

Les domestiques entrèrent dans la pièce, portant à bout de bras plusieurs plats aux différentes saveurs. Un plateau de viandes fut placé devant la Reine. L'odeur de la chair était agréable et Cersei, qui aimait la viande, en avait l'eau à la bouche.

« — Mère, suis-je obligée d'en manger ? , demanda Myrcella, une moue boudeuse affichée, un doigt sur la bouche pour faire mine qu'elle réfléchissait à ce qu'elle mangerait.

— Non, bien sûr. »

Tommen, à la droite de sa mère, avait déjà commencé à découper la viande qui suintait.

« — Joffrey mangera avec nous, ce soir, mère ? », questionna-t-il avant d'avaler un morceau.

Il vit sa mère frissonner et regretta aussitôt sa question. Il y avait quelque chose d'inhabituel...

« — Je crains qu'il ne soit trop occupé, répondit simplement la reine puis elle se tourna vers un domestique : "Félicitez le cuisinier de ma part. La viande est particulièrement succulente ce soir."

— Je vous remercie, ma Dame, fit le cuisinier qui venait d'entrer pour voir si le repas se déroulait bien. Cette viande est pour vous en particulier. C'est de la chair royale. »

Cersei lui sourit brièvement et porta un nouveau morceau à sa bouche.

Soudain, dans son assiette, elle remarqua un objet brillant : une bague en or, avec un Lion gravé dessus. Sous les regards curieux de son fils et de sa fille, elle prit la bague et regarda à l'intérieur : Joffrey. Mais que faisait la bague de son fils dans son plateau ?

« — Mère ! », cria Tommen en tirant sur une chaînette poisseuse de sauce.

Cersei arqua un sourcil et plissa les yeux : le collier de Joffrey !

Tout s'enchaîna très vite ensuite lorsqu'elle vit les yeux criminels et le sourire sadique du cuisinier. Brusquement nauséeuse, elle poussa un cri à réveiller les morts.

Avait-elle vraiment...