Cette fois-ci, je m'attaque à un gros morceau : Aomine ! Ce personnage n'est pas du tout facile à cerner, alors j'espère que vous ne le trouverez pas OOC. Le texte est plutôt long, et j'ai souvent eu l'impression de me répéter sans pouvoir me résoudre à supprimer certains passages... Qu'en pensez-vous ? Sur ce, bonne lecture !

Ennui, quand tu nous tiens...

L'ennui est une force lente, insidieuse, mais qui n'en reste pas moins dangereuse. L'ennui est capable de saper notre motivation, nos forces, il désagrège toute joie de vivre. En bref, l'ennui pouvait être mortel, et cela, Aomine Daiki l'expérimentait sans cesse. En effet, il se sentait mourir chaque jour davantage. Il n'avait plus envie de rien, tout l'ennuyait et/ou l'agaçait. Plus rien ne le motivait, même pas le basket. Surtout pas le basket. Au contraire, ce qui avait autrefois été au centre de sa vie, le soleil de ses journées, était devenu à ses yeux un trou noir insondable qui aspirait toute sa fougue, toutes ses envies.

Il s'était tellement investi dans ce sport, y avait trouvé tellement de plaisir ! Et au final il avait finit pas être tellement déçu, tellement lassé de ces victoires faciles et si fades, que tout autour de lui paraissait terne. Il ne souhaitait plus s'engager à nouveau dans une activité, quelle qu'elle soit, de peur de finir encore plus aigri, plus dégoûté encore.

Sa vie était vide à présent : Les études ne l'avaient jamais intéressé, et il en séchait d'ailleurs la majorité pour aller faire la sieste sur le toit. Ses parents étaient peu présents, et il s'était volontairement éloigné de ses amis, notamment de Tetsu. Il n'avait plus de centre d'intérêt, puisque son unique passion, le basket, l'avait écœuré de lui-même et des autres.

Jusqu'au collège, Aomine avait toujours été très fier de sa force, de son habileté dans ce sport qu'il adorait. Il était capable de vaincre n'importe quel adversaire, mais au fur et à mesure, cette capacité avait démotivé les équipes adverses, et Aomine avait sentit son plaisir de la victoire décroître jusqu'à disparaître. Au final, Aomine en était arrivé à haïr cette force qui le différenciait des autres, et qui créait un tel fossé entre eux. Il se forçait à ne pas devenir trop bon pour ne pas en venir à détester encore plus le basket, mais cette frustration le rongeait et l'aigrissait. Ce triste constat ''je suis le seul à pouvoir me battre'' le hantait et il rêvait sans plus y croire du rival qui lui démontrerait le contraire.

Toute cette amertume l'avait éloigné des autres, surtout de Tetsu, selon lui le moins à même de comprendre son désarroi. Au fond, il enviait la faiblesse du plus petit, les efforts colossaux qu'ils devait accomplir pour progresser. Il jalousait à son camarade sa possibilité de se donner à fond, de chercher à atteindre ses limites, de les dépasser pour battre un adversaire infiniment plus fort que lui. En bref, tout ce dont lui-même était privé depuis si longtemps. Finalement, il en vint même à ressentir de la colère pour son entourage, spécialement envers le joueur fantôme, conscient toutefois que celui-ci n'y était pour rien. Il n'y avait pas de responsable, hormis lui-même et sa puissance écrasante, et cette absence de défouloir le dévorait.

Mais ce qui l'exaspérait le plus, le mettait le plus en rage, c'était ses adversaires, ceux qui abandonnaient, perdaient toute volonté de se battre à cause de lui, parce qu'ils lui rappelait sans cesse ce qui arrivait dès qu'il se permettait de se dépenser un peu.

Alors il se restreignait, même si c'était frustrant. Le basket n'avait, en l'état actuel des choses, plus aucun intérêt pour lui, mais il s'y accrochait tout de même car, sans lui, il n'était plus rien. Il tenait bon malgré l'écœurement qui le saisissait de plus en plus lors des matchs, malgré la déception, malgré la lassitude. Il s'y cramponnait pour ne pas se perdre lui-même, car il n'avait plus rien d'autre. Et cette pensée était un véritable crève-cœur.

Il avait réellement aimé le basket, de tout son être. Quiconque le connaissait ne pouvait le nier. C'était une passion de longue date, et qui provenait du plus profond de son cœur. Il aimait le contact rugueux de la balle dans sa paume, le bruit qu'il produisait en rebondissant contre l'asphalte ou le sol des gymnases. Il adorait entendre les chaussures de sport couiner lors d'un mouvement brusque, le doux bruissement du filet lorsque la balle franchissait le panier. Il aimait l'effort que ce sport demandait à ses muscles, la saine sueur qui en découlait, le halètement qui parcourait son corps lorsqu'il s'était suffisamment dépensé. Il avait adoré devoir se surpasser pour battre des adversaires plus forts que lui, car il appréciait de sentir qu'il progressait, avançait toujours plus loin sur la voie du basket. Il se rappelait sa fierté d'antan quand il parvenait à maîtriser un nouveau mouvement particulièrement ardu. Et puis il y avait eu la prise de conscience.

Elle n'avait pas été soudaine, Aomine avait petit à petit vu ce sport qu'il idolâtrait devenir fade, mais la rupture, elle, avait été brutale. D'une certaine manière, Aomine pensait parfois que la faute en revenait à Tetsu, tout en sachant que ce n'était pas vraiment la vérité : En effet, c'était Tetsu qui, alors qu'il commençait à se désintéresser du basket, lui avait redonné l'espoir de trouver un jour un rival à sa hauteur. Et puis il y avait eu ce match décisif, où Aomine avait remarqué que l'équipe adversaire cessait de se battre dès qu'il avait le ballon. Cela avait eu l'effet d'une gifle sur le garçon, qui avait pour la première fois mesuré à quel point sa force était devenue un fardeau.

A partir de là, tout n'avait été que dégringolade : Aomine était tombé de déceptions en déceptions, et il avait sentit la contrariété monter chaque jour davantage en lui, jusqu'à prendre toute la place. Il était démoralisé, accablé par sa propre puissance. Démotivé aussi, affligé de comprendre qu'il ne trouverait jamais ce qu'il avait pourtant cherché si intensément : Un rival pouvant lui tenir tête.

Dès lors, sa vie avait été une succession de jours maussades, inintéressants. Au départ chagriné de voir sa passion perdre son sens à ses yeux, ce sentiment s'était terni au fil du temps, ne laissant derrière lui que du vide. Morose, il vivait dans la mélancolie, tourmenté par un rêve qu'il savait sans issue mais qu'il était incapable d'abandonner.

Et il était fatigué de tout cela, il n'en pouvait plus. Il voulait baisser les bras, tout lâcher, mais en était incapable, retenu par la nostalgie des jours heureux. Le basket faisait parti de son être, tout simplement, et cela ne changerai jamais, peut importe à quel point il le souhaiterait. Il ne pouvait nier ce qu'il était, et il était un joueur de basket, l'as de Teiko puis de Tôhô, une légende parmi ses pairs. Un joueur comme on en voyait peu, en un mot, un prodige.

Et ce titre était bien lourd à porter. Que n'aurait-il pas donné pour être un joueur ordinaire, ou au moins comme Kise, avec un objectif à atteindre, un modèle à surpasser ! Mais il n'en était rien.

Sa vie avait continué à s'enfoncer dans une monotonie insupportable, et lui avait sombré dans une torpeur maussade, blasé de tout. Tout lui semblait fastidieux, même les matchs, chaque éléments de sa vie si insipide était source d'ennui.

Ennui. Un si petit mot, qui désignait tant de choses pour lui ! C'était l'essence même de l'existence qu'il menait, un boulet qu'il traînait derrière lui quoi qu'il fasse. Il était blasé car tout, y compris la victoire, était synonyme de lassitude. Il savait que la victoire leur était le plus souvent acquise, qu'il participe ou non au match, la seule différence étant l'écart de points à la fin. Il savait que son équipe ne l'appréciait pas et il s'en fichait. Il ne ressentait ni l'envie ni le besoin de créer des liens avec eux, avait dressé un mur infranchissable entre lui et les autres, même Satsuki qui, il le voyait, regrettait son isolement sans savoir comment l'aider. Il voyait bien qu'il lui faisait de la peine à agir ainsi, mais ça ne lui faisait ni chaud ni froid, à peine un petit pincement de culpabilité de temps à autre. Il fuyait la compagnie des gens autour de lui, et ce depuis qu'il avait rejeté Tetsu. Lui aussi, il l'avait blessé par son attitude, il en était conscient, mais il ne parvenait pas à s'en vouloir, trop enfoncé dans sa propre affliction.

Sa vie était creuse, il vivait étouffé par l'ennui. Chaque jour ressemblait au précédent, rien ne l'excitait, il n'était jamais impatient de rien. C'était ainsi qu'on pouvait résumer sa vie.

Et puis, enfin, une minuscule lueur dans les ténèbres, vacillante comme la flamme d'une bougie. Il avait entendu parler de la nouvelle lumière de Tetsu. Tout d'abord, il avait ressenti une vague curiosité envers l'individu que son ex-partenaire avait trouvé, mais elle avait très vite disparue. Qu'importait, après tout ? Qui que ce soit, il ne lui arriverait pas à la cheville. Aomine avait re-sombré dans l'indifférence totale.

Ensuite, nouvelle surprise : Il avait entendu dire par Imayoshi qu'un duo de première année du lycée Seirin avait battu Kise Ryota. A nouveau, le bronzé avait sentit une pointe d'intérêt naître en lui avant qu'il ne se rappelle que, sympathique ou non, Kise restait le membre le moins performant de la Génération des Miracles, et il se re-laissa glisser dans un désintérêt complet.

Mais après, Midorima aussi avait été battu, et Aomine avait été forcé de reconnaître que l'exploit était déjà plus remarquable : Même s'il ne l'appréciait pas plus que ça, il reconnaissait les capacités exceptionnelles du tireur et était surpris qu'il ait été battu, même si Tetsu était impliqué. Alors, avec l'espoir que cet Américain fraîchement revenu au Japon pourrait le sortir de son ennui quotidien, Aomine avait été à sa rencontre... et avait vite déchanté. C'était certainement un bon joueur, mais trop faible. Pourquoi Tetsu s'était-il attaché à une lumière insuffisante pour faire ressortir tout son potentiel ? N'avait-il pas trouvé mieux ? Déçu, et peut-être inconsciemment jaloux du titre de ''nouvelle lumière de Kuroko Tetsuya'', Aomine avait exprimé du mépris envers Kagami, et cela s'était étendu à son ancienne ombre.

Il était le seul à pouvoir faire ressortir le potentiel de Tetsu, mais sans lui, ce dernier n'était rien. Ses belles idées et son style si unique s'étaient écrasés devant sa force, comme tous les autres. Les maigres espoirs qu'il avait nourri envers la force de son ancien camarade et son nouveau coéquipier avaient une nouvelle fois été déçus. Au moins, il devait bien reconnaître que, contrairement à ses adversaires habituels, ils s'étaient battus jusqu'au bout et de toutes leurs forces. C'était déjà plus qu'il n'osait en espérer quand il entrait sur le terrain, mais ce n'était pas suffisant. Évidemment. Après tout, il était le seul à pouvoir se battre. Enfin, ce match avait au moins eu l'avantage de le tirer, ne serait-ce qu'un peu, de son ennui quotidien. Son âme avait frémi de plaisir devant leur ténacité, leur inébranlable détermination même devant une défaite inévitable.

Plus tard, son match contre Kaijou avait provoqué le même sursaut d'espoir en lui : Le faible Kise s'était-il épanoui au point de devenir un adversaire intéressant ? C'était indéniable, mais toujours insuffisant. Ce match avait été un défi acceptable. Se mesurer à un double de lui-même ! Quel challenge ! Mais un double qui s'était révélé incomplet et qui, même s'il l'avait un peu stimulé, l'avait finalement déçu. Encore. Comment aurait-il pu en être autrement ? Tout finissait invariablement par le décevoir. Personne ne pourrait jamais le battre, même pas le forcer à approcher de ses limites. Triste constat, mais si réaliste ! Il venait encore d'en avoir la preuve.

Mais il s'était trompé, pour son plus grand bonheur. Jamais il n'avait été aussi heureux d'avoir eu tort. Il avait eu tort sur tous les tableaux : Il existait quelqu'un capable de le stimuler pour de bon, de le sortir de ce gouffre d'ennui dans lequel il mourrait à petit feu depuis si longtemps. Il y avait quelqu'un capable de le pousser dans ses derniers retranchements et, plus incroyable encore, quelqu'un capable de le battre !

Il avait commis une erreur monumentale en décidant que la lumière de Kagami était trop faible : Elle ne s'était tout simplement pas encore épanouie, et il prévoyait qu'elle continuerai de croître à l'avenir. Tetsu avait vraiment le chic pour dégotter et s'accrocher à des joueurs formidables.

D'ailleurs, finalement, c'était Tetsu qui avait eu raison : Son style de basket, basé sur la solidarité et la coopération entre joueurs avait gagné, au dépends du sien, basé sur le talent brut et individuel.

Il y avait là matière à réfléchir, et il se promit de s'y pencher dès qu'il aurait repris l'entraînement. Car il allait s'entraîner ! Il fallait qu'à leur prochaine rencontre, il soit capable d'écrabouiller Kagami ! Ce type représentait le challenge qui lui manquait pour continuer à avancer.

Aomine pensait à tout ça en accompagnant Satsuki faire les boutiques, ce qui ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Et avec le temps que mettait la jeune fille à choisir puis essayer ses tenues, il avait le temps de cogiter.

Faire les magasins avait toujours eu le don de lui taper sur les nerfs mais, après sa défaite, il s'était décidé à renouer avec son amie d'enfance, et elle avait parue tellement ravie qu'il cède à sa demande qu'il n'avait pas eu le cœur de se défiler au dernier moment. Ce qu'il commençait à regretter. Alors, pour éviter de laisser trop de place à l'agacement qu'il sentait monter en lui, il se mit à repenser au changement qui s'était produit en lui depuis qu'il avait perdu face à Seirin.

Sa vie avait retrouvé des couleurs qu'il croyait disparues à jamais, le basket avait recommencé à présenter un intérêt pour lui au point qu'il songe à s'entraîner à nouveau. Il savait d'avance que la plupart de ses adversaires continueraient de le décevoir, mais puisqu'il n'arborait plus le titre de ''joueur invaincu'', cela rendrait du courage à certains et il s'en réjouissait d'avance.

Surtout, il avait enfin trouvé ce qu'il avait tant cherché, quelqu'un à sa hauteur, quelqu'un contre qui il pourrait se donner à fond, sans aucune retenue. Il était impatient de se mesurer de nouveau à Kagami et, dans une moindre mesure, à Kuroko, dont il respectait toujours la pugnacité. Et puis il aimait bien le caractère de son ancienne ombre, toujours posé, mais qui savait ce qu'il voulait, et n'hésitait pas à défendre ses idées. Ils savaient tous deux qu'ils ne pourraient jamais retrouver leur complicité passée, ni leur ancienne relation, mais peut-être n'était-il pas trop tard pour recommencer quelque chose entre eux, une amitié saine, dépourvue de colère et de frustration.

Aomine avait conservé son arrogance, mais elle s'était amoindrie, et son aigreur avait disparue, emportant avec elle sa lassitude permanente. Il était à prévoir que toutes deux reviendrai le saluer de temps à autre, mais il s'en sortirait. Car il savait à présent que rien n'était immuable, et qu'il trouverait toujours quelqu'un de plus fort que lui. C'était tout ce qu'il avait besoin de savoir pour pouvoir repartir sur de bonnes bases, pour recommencer à avancer dans le bon sens.

Sa longue lutte contre lui-même était terminée, et il en était soulagé.

Il n'était plus prisonnier de son ennui, et il ne le laisserait plus jamais l'enchaîner. Tout irait bien désormais.