La douleur n'existait plus, je ne sentais plus aucune partie de mon corps. Je devais être en train de rêver car j'étais de retour à Bree, au Poney Fringuant. Mais la salle était vide. Pas même l'ombre du bon vieux Prosper, personne, mise à part moi, seule à une table. Cela ne me dérangeait pas vraiment, c'était la première fois que la salle principale était silencieuse. Mais tout à coup, des voix se mirent à résonner dans ma tête, des voix familières, mais c'était insupportable. La vision du Poney Fringuant devenait de plus en plus floue tandis que le bourdonnement des voix s'accentuait. Je gémis en me tenant la tête, j'avais un mal de crâne horrible. Les voix se turent un instant lorsque je me mis à gémir, mais elles reprirent de suite, elles semblaient agitées. Je voulus ouvrir un œil, je ne m'étais pas rendue compte que je les avis fermés, mais avec ma vision floue, je ne voyais que des formes bouger tout autour de moi. J'ouvris mon deuxième œil, rendant de ce fait ma vision claire : j'étais dans une sorte d'écurie, allongée sur un matelas de fortune, et les formes bruyantes étaient simplement mes amis nains. J'aurais dû me douter, il n'y a que pour être autant bruyants. Oin était de dos en train de préparer une mixture, alors que Dwalin, Oin et Bifur me souriaient. Je voulu me frotter les tempes, mais une vive douleur à l'épaule droite m'empêcha de bouger, et je lâchai une plainte de douleur.

-Doucement jeune fille ! Gandalf a fait ce qu'il a pu, mais tout n'est pas encore en parfait état.

-Oin, parles doucement, par pitié ! J'ai l'impression d'avoir une armée de nains ivres qui se balade dans ma tête. Gandalf ? Qu'est-ce qu'il a fait ?

-Mais il t'a soignée par bleu ! Ta blessure était infectée, tu te souviens ? Ton épaule.

Tout redevint clair dans mon esprit, l'aventure, l'attaque des wargs, Azog et mon épaule… Et merde, j'avais menti à Thorin en disant que tout allait bien.

« Par pitié, faites-en sorte qu'il ne soit pas au courant »

-Oin, est-ce que tout le monde est au courant de ma blessure ? Ou je peux faire passer ça pour un petit malaise à cause de la fatigue de la course poursuite ?

-Gamine, arrête de rêver. Bien sûr que tout le monde est au courant de ta blessure, tu t'es effondrée comme un pantin alors que nous étions tous en train de manger, me répondit Dwalin avec un sale regard.

« L'es pas content… C'était le seul au courant pourtant »

-Mince, je me souviens, dis-je en me frottant le visage à l'aide de ma main gauche, j'en déduis qu'on est toujours chez Beorn alors. Où sont les autres, il n'y a que vous quatre ? Ils sont déjà partis ?

-Personne n'est parti, détends-toi Gamine. Ils doivent être en train de s'entraîner, manger ou dormir, on n'allait pas tous rester autour de toi pendant deux jours !

-Deux jours ?

-Oui, deux jours. Il t'a fallu deux jours pour revenir parmi nous… On a vraiment eu peur, on n'arrivait pas à faire baisser ta fièvre, ta blessure était vraiment pas belle. Tu as beaucoup de chance que la pointe de flèche n'ait pas été empoisonnée.

Deux jours… J'étais restée inconsciente deux jours. J'avais failli mourir. Cela me faisait un choc dit comme ça. Mais je me demandai comment Gandalf avait fait pour me soigner, vu l'état dans lequel j'avais laissé ma blessure. Il n'avait pas pu se contenter des remèdes d'Oin, c'était impossible…

-Gandalf a utilisé sa magie pour me soigner, c'est ça ?

-Il a bien fallu, tu étais en train de mourir. Et Thorin n'aurait pas accepter de voir Gandalf ne rien faire.

Je me frottai les yeux, me demandant presque si j'étais encore dans un rêve étrange. Ma décision de cacher ma blessure au groupe avait failli m'emmener à la mort. Mais malgré tout, je restai persuadée que cela avait été la seule solution envisageable, nous serions tous morts si nous avions dû nous arrêter pour me soigner, les wargs nous auraient rattrapés et exterminés.

« C'est étonnant que Thorin ne soit pas encore venu pour me donner l'engueulade du siècle »

-Il y'en a un qui doit être plus que furieux, dis-je en soupirant mais avec un sourire résigné au visage.

-Oh, ça, pour être furieux, il l'est, ricana Dwalin, heureusement que tu as encore une sale tête et que Gandalf ait ordonné qu'on te laisse te reposer, parce que sinon, il serait déjà là ! Tu m'en dois une Gamine, je me suis fait incendié à cause de toi.

-Pourquoi ? Tu n'as rien à voir avec ma bless… Ah oui, tu étais au courant donc partenaire de crime…

-Hm, hm. Pour reprendre les mots exacts, j'ai été plus stupide qu'un troll d'avoir écouté la tête de pioche que tu es.

-Tête de pioche ? Je m'attendais à pire me concernant.

-Rêves pas, il a dit d'autres choses. Mais je préfère te laisser découvrir, dit Dwalin avec un sourire peu rassurant sur les lèvres.

-Tu sais, tu n'es pas obligée de lui dire que je suis réveillée, on peut attendre encore un peu…

-T-t-t ! Il est déjà au courant, il est parti quand Oin a vu que tu te réveillais. Il ne voulait pas te brusquer dès ton réveil.

-Trop gentil. Bon, tu m'aides à m'asseoir s'il te plaît ?

Dwalin s'avança, et me releva très gentiment étonnamment, il ne voulait visiblement pas me faire plus de mal que ma blessure provoquait déjà. Ma tête allait mieux, malgré un léger vertige en bougeant, mais ce fut mon ventre qui se manifesta le plus fort : lorsque je fus assise sur le lit, un bruit affreux résonna dans la pièce.

« Puterelle pas fraiche, c'est mon ventre qui a fait ça ?! »

-Ne me regarder pas comme ça, j'ai pas mangé depuis deux jours !

-Par ma barbe, même Bombur ne fait pas autant de bruit…

-Oh ça va hein ! Oin, est-ce que j'ai le droit de me lever ?

-Si tu en as la force, je ne vois pas de problème. Bois juste ça avant.

« Yerk, encore une immondice inventée par Oin… Et c'est censé être un remède. »

Je pris le verre contenant la mixture qui sentait vraiment mauvais, et je me forçai à tout boire le plus rapidement possible. Je manquai de m'étouffer et de tout recracher, mais finalement, tout fut avalé.

-Oin, pourquoi ça a toujours un goût si affreux ?

-Un remède sans mauvais goût donne l'impression d'être moins efficace.

-Attends, tu veux dire que c'est toi qui choisit de donner un mauvais goût à tes mixtures ?

-Bien sûr, j'ai mes petits ingrédients secrets.

« Plus jamais les mixtures d'Oin, plus jamais… »

Après avoir avalé la potion, je me levai doucement, avec Dwalin à mes côtés, prêt à me soutenir. Les nains m'avaient visiblement changée pendant mon sommeil, car je ne portais que mon pantalon de cuir et ma chemise blanche large. C'était un bon choix, la chemise trop large permettait de ne pas appuyer sur le bandage de ma plaie. Je sentais que mes jambes étaient un peu faibles, mais dans un même temps, je me sentais vraiment reposée, ce qui n'avait pas été le cas depuis le début de cet aventure.

-C'est bizarre si je vous dis que là maintenant tout de suite, je me sens parfaitement prête pour une course poursuite avec les wargs ?

-T'emballes pas gamine, tu as fait à peine sept pas en dehors de ton lit… Gardes ton énergie pour Thorin, me dit Dwalin avec un rire moqueur.

« Ah tiens, j'ai mal aux jambes d'un coup, faudrait peut-être que je reste au lit finalement… »

-Il est vraiment fâché ?

-Gamine, je l'ai déjà vu assez souvent en colère… Mais là…

Dwalin ricane à nouveau, je commence à croire qu'il aime particulièrement me voir terrifiée, mais dommage pour lui, je ne regrette pas ce que j'ai fait.

-C'est un comble. Il aurait fait exactement la même chose si il avait été dans la même situation que moi.

-Bien sûr, me répond Dwalin, redevenant un peu sérieux, mais ça, bonne chance pour lui faire avouer !

Je soupire, et me dirige doucement vers la salle à manger où j'entends vaguement les nains en pleine discussion. Comme je le pensais, ils sont en train de manger et de se chamailler à propos de qui a le droit à la plus grosse part de tarte.

-Si c'est de la tarte à la myrtille, c'est définitivement moi qui dit avoir la plus grosse part !

Tous les nains se retournent d'un même mouvement, me regardent deux trois secondes comme s'ils faisaient face à un fantôme, puis se mettent à brailler avant de commencer à se lever pour venir me prendre dans les bras. Heureusement pour mon pauvre petit corps, Dwalin s'interpose avant que je me fasse écraser par ce troupeau de nains :

-Doucement, doucement, vous allez me la tuer encore une fois ! Un par un, calmement, et on fait attention à l'épaule, par ma barbe !

Je ricane en les voyant se mettre en ligne, mais ça me fait plaisir de voir que je leur avais un petit peu manqué quand même ! Chaque nain me fait un gros câlin, certains me faisant la morale sur ma capacité à prendre des décisions, d'autres se réjouissant de me voir en un seul morceau, et certains, Fili, Kili, Dori et Bofur pour ne pas les nommer, se retiennent à grande peine de me pleurer dans les bras, m'affirmant d'une voix tremblotante à quel point je leur ai manqué et qu'ils ont eu peur pour moi !

« Ils vont réussir à me faire pleurer ces guimauves… »

J'avais presque la larme à l'œil, c'est sensible les nains en réalité, mais au bout milieu de cette effusion d'amour, je sens d'un coup un regard sur moi. Je lève la tête, et je croise le regard bleu tempête de Thorin, qui reste à l'écart, les bras croisés, appuyé contre une poutre. Et c'est à ce moment-là que je sais au fond de moi que je vais passer un sale quart d'heure…