Rating : Tous publics.
Disclaimer : L'univers du Seigneur des Anneaux appartient à J. R. R. Tolkien.
Dagorlad la Balafrée
Froid, sans relief, morne, gris, visqueux, le Marais des Morts n'a pas une once d'attrait. Il étend sa cape sinistre à l'est de l'Emyn Muil, au nord de la Porte Noire de l'Orodruin.
L'ancienne Dagorlad porte les profondes balafres de l'épouvantable guerre de l'année 3434 du Deuxième Âge où tomba Malgalad-Amdír, le roi des Elfes de Lothlórien, où la Dernière Alliance des Elfes et des Hommes battit les armées du Mordor et où Isildur prit l'Anneau
De la guerre de l'an 1899 du Troisième Âge où le roi Calimenhtar de Gondor vainquit les Orientaux et de la guerre de l'année 1944 du même âge où mourut le roi Ondoher.
Que de morts et de massacres. Ces cadavres vieux de milliers d'années reposent face vers le ciel comme ils sont tombés, gris et froids comme le marais qui leur sert de linceul.
Un lieu traître comme la guerre où les feux follets allumés par les morts causent la perte des voyageurs imprudents, les menant à l'eau stagnante et empoisonnée dans laquelle ils sombrent pour allumer à leur tour de petites chandelles.
Même les Orques évitent cet endroit. Ils le contournent sur des milles et des milles, mais il en est un qui le connaît comme il se connaît. Il en est un qui le hait comme il se hait, qui est froid, visqueux, gris et putride, comme lui. Ses gargouillis gutturaux résonnent dans les rocs aiguisés tout proches : gollum ! Gollum !
Gollum haïssait cet endroit de tout son petit être. Une mer visqueuse gorgée de cadavres. Des Elfes, des Orques et des Hommes, tous morts, tous pourris. Il le haïssait autant qu'il se haïssait lui-même.
L'ancien être Sméagol n'était plus. Il était mort. La bête réveillée par l'Anneau avait remporté la guerre et régnait sans pitié sur cette âme corrompue. Viciée comme l'air du marais, froide comme la mort, grise comme la pierre.
Il le haïssait et aimait y venir. Il y vient et erre sans fin sur les sentiers sûrs connus de lui seul, ignorant les lumières traîtresses, lorgnant les morts de ses yeux pâles, se parlant à lui-même.
« Gollum ! Gollum ! Tous morts, tous pourris, Elfes, Hommes, Orques, susurre-t-il de sa voix sifflante. Ça sent mauvais mon présssieux oui ! Ça sent mauvais. Les chandelles veulent nous avoir mon présssieux, elles veulent nous avoir, mais elles ne nous auront pas, non ! Nous sommes malins, nous savons. Oui, nous savons. Nous connaissons les sentiers sûrs à travers la brume. Gollum ! Gollum ! Il faut se taire oui ! se taire mon trésor et aller comme une ombre parmi les ombres. »
La silhouette squelettique de Gollum se dissout dans la brume et s'évanouit dans l'obscurité. Il est comme le marais et s'y fond sans jamais y sombrer. Ils sont faits du même mal, un mal qui les ronge si profondément que les stigmates en sont indélébiles.
J'ai bien aimé écrire cet OS. J'adore l'univers de Tolkien et la complexité du personnage de Gollum. J'ai profité de ma participation à l'une des Nuits du FoF (un thème par heure et donc une fic par heure suivant l'inspiration) pour écrire sur ce fandom que j'adore et, accessoirement, sur un personnage que j'adore. Je trouve que le thème donné (marécage) lui convenait très bien.
Merci d'avoir lu, j'espère que ce court texte vous a plu.
Maeglin