Seulement pour Moi

Kuroko regarda autour de lui et soupira en constatant qu'il était seul. Enfin, il avait bien cette peluche qu'il avait gagné précédemment, mais il manquait quelqu'un. Et dire qu'il était venu ici pour passer d'agréables moments avec Kise. Il repensa irréductiblement à la journée d'hier, lorsqu'il avait accepter de l'accompagner au parc d'attraction. Il l'avait vu le demander à chacun des membres de l'équipe, espérant sûrement faire une sortie tous ensemble.

Ça ne lui avait pas plu.


Il ne savait pas trop pourquoi, mais à chaque fois que Kise sautait au cou de quelqu'un d'autre, une sensation désagréable lui tordait l'estomac, lui crispait le cœur. Cela ne lui plaisait pas. Même si Kise était extrêmement proche de lui et était plus tactile envers lui, il n'empêchait qu'il était un peu proche de tout le monde. Parfois trop, et ça l'agaçait. Il aurait voulu lui dire, mais comment justifier cette pensée ? Il ne savait pas lui-même pourquoi il pensait à cela, pourquoi il voulait tant être quelqu'un d'important pour Ryouta. Peut-être un désir de reconnaissance fraternel. C'était possible, après tout, il était fils unique, il passait presque inaperçu auprès de ses camarades de classes et de ses parents.

Il pinça ses lèvres en regardant le blond suspendu aux épaules de Daiki, le suppliant d'une manière qu'il jugeait trop mignonne de l'accompagner jusqu'à Tokyô pour aller à un parc d'attraction – chose qui avait fait apparaître des étoiles dans les yeux de Kuroko. Murasakibara avait directement refusé, il devait aller déjeuner tout de même ! Et Midorima ne s'intéressait nullement à ce genre de futilité. Ce n'était même pas la peine de demander à Akashi, ce dernier était partit immédiatement après l'entraînement pour assister, sous la demande de son père, à un dîner important. De toute façon, il aurait refusé. Kuroko soupira doucement et regarda à nouveau la route, mais sentit rapidement un poids s'appuyer sur son côté droit et il reconnu parfaitement le parfum subtil du mannequin.

― Kurokocchi~ ! Et toi tu veux bien venir avec moi ?

― Kise-kun, commença-t-il en poussant un peu sa tête, tu es lourd.

Ryouta se contenta de prendre d'autant plus appui sur ses épaules, appuyant son menton sur sa tête et souriant bêtement en avançant. Kuroko pensa au parc, et les étoiles de ses yeux brillèrent de nouveau. Il avait envie d'y aller, ce serait parfait puisqu'il voulait vraiment passer du temps avec le blond. Mais le week-end, il avait prévu de passer du temps avec ses parents, ils avaient invité de la famille… Parc, famille, parc, famille… Kise…

― Regarde, il a déjà l'air tout excité, constata Midorima en remontant ses lunettes.

― Je ne sais pas, murmura Tetsuya en prenant une moue hésitante.

Ryouta le serra d'autant plus contre lui en souriant dès qu'il vit son expression. Ce qu'il pouvait être mignon ! Il voulait absolument qu'il vienne, il pourrait le câliner autant qu'il le souhaitait, et l'idée l'enchantait au plus haut point.

― D'accord.

Ouais, il n'avait pas hésité longtemps. Ses parents ne lui en avaient pas tenu rigueur, sa mère l'avait même regardé malicieusement et il était sûr, à ce moment-là, qu'elle savait quelque chose que lui-même ignorait.

Il repensa à Ryouta. Aller à un parc d'attraction en étant un mannequin connu des adolescentes – et pourquoi pas des adolescents – n'était pas la meilleure idée qui soit. Kise avait dû acheter des accessoires, tels des lunettes, chapeau ou foulard. Chose qui avait failli le faire rire tant il semblait suspect ainsi vêtu, mais cela n'avait pas suffit à le masquer et des personnes l'avaient reconnu. La dense foule l'avait violemment écarté et voilà où il en était, seul sur un chemin d'où des centaines d'attractions étaient visibles. Et il voulait tellement les faire, mais il avait l'intime conviction qu'il ne devait pas y aller seul.

Il marchait encore en zigzaguant parmi le débordement de personnes et se demanda un instant s'il avait le temps de s'acheter un milk-shake à la vanille. Mais il voulait retrouver Kise, qui sait ce qui lui était arrivé. Il lui avait avoué une fois qu'il aimerait, durant ses instants personnels et en compagnie de ses amis, passer inaperçu, il devait être en train de se cacher quelque part.

Un autre soupir traversa la barrière de ses lèvres mais il se figea lorsqu'il déboucha sur un espace vert beaucoup moins côtoyé mais où quelques personnes pique-niquaient tranquillement où passaient simplement sans s'attarder. Mais au milieu de tout cela, debout mais pas seul, assez loin pour ne pas qu'il remarque Tetsuya, mais pas assez pour que lui ne le reconnaisse pas. Et sur le moment, il ne put s'empêcher de penser qu'il aurait préféré ne pas le reconnaître.

Ryouta avait son bras passé autour des épaules d'une personne qu'il ne connaissait pas, mais qu'il trouva très belle, trop belle, et elle semblait apprécier cette promiscuité. Il avait enlevé son foulard et un sourire éclatant répondait aux paroles qu'il devinait douces de la jeune fille. Ils formaient un si beau, si doux, si gracieux tableau, et pourtant cette constatation lui dévorait le cœur. Ses lèvres tremblèrent, à l'image de ses lèvres serrées, ses yeux brumeux ne quittaient en aucune façon la vision horrifiante devant lui, ses jambes menaçaient de céder sous lui et son cœur lui faisait si mal que l'envie de l'arracher violemment de sa poitrine se faisait vivement ressentir.

Il ne pouvait plus en supporter davantage.

Kuroko se retourna en titubant et s'éloigna difficilement des lieux. Il n'arrivait pas à penser à autre chose qu'à cette scène atroce, si douloureuse et poignante. Il se mordit violemment la lèvre inférieure en serrant son tee-shirt au niveau de son cœur. Il avait mal, trop mal, mais pourquoi ?! C'était un ami proche certes, un coéquipier puissant, un camarade reconnu, mais pourquoi avoir si mal uniquement car il était accompagné ?

Il s'arrêta derrière des cabines de toilettes et s'adossa brutalement contre le mur avant de se laisser glisser pitoyablement au sol, remontant ses jambes contre lui pour enfouir son visage entre ses genoux. Ses larmes avaient cédées depuis longtemps, et des soubresauts secouaient son corps. Ses bras se replièrent contre la peluche dont il avait oublié l'existence et malgré tout l'effort du monde, il ne parvint pas à taire ses faibles gémissements plaintifs.

― Je… je suis stupide… non ? Suffoqua-t-il en s'adressant au chien aux longs poils blonds et au grands yeux bleus entre ses bras.

Il enfouit son visage dans sa fausse fourrure, le mouillant sans s'en soucier. Il tenta de penser à autre chose : au prochain match qu'ils allaient disputer, au devoir de maths qui n'allait pas tarder à tomber, à Midorima dans un costume de canard prestidigitateur… Et cette dernière pensée lui fit d'autant plus froncer les sourcils.

Mais ses larmes, ses spasmes, sa douleur ne se tarissaient pas et sa main se resserra plus encore sur sa poitrine. Tout ce qu'il voulait, c'était être proche de Ryouta, mais évidemment, il n'était pas né fille. Il aurait aimé être à la place de cette fille, capter toute l'attention de Ryouta, être physiquement proche de lui, se sentir "spécial" pour lui.

Et alors qu'il s'étonna de sa pensée, il se tourna vers sa droite lorsqu'il entendit son nom être hurlé par une voix familière qu'il aurait préféré ne pas entendre sur le moment.

― Kurokocchi !

La vision du jeune passeur accroupi piteusement derrière les cabines de toilettes, en larme et serrant convulsivement la peluche qu'il lui avait offerte quelques instants auparavant serra sa poitrine et le figea sur place. Ils n'avaient été séparés que quelques instants, et il s'était empressé de rechercher Kuroko par la suite mais les retrouvailles étaient pour le moins… blessants.

Ses yeux s'écarquillèrent encore plus lorsqu'il vit Tetsuya se relever en vitesse et partir en courant dans la direction opposé. Il n'eut pas le temps de réfléchir qu'il coura à sa suite en l'apostrophant. Pourquoi avait-il eut une telle réaction ? S'était-il passé quelque chose le temps de leur séparation ? Il ne voulait pas, plus jamais, voir Tetsuya dans cet état. Cette vision de lui l'avait choqué, étant donné qu'il ne lui avait jamais vu une telle expression. Et il voulait, il allait faire en sorte que ce soit la dernière fois qu'il ait un tel visage.

Kuroko se fondit dans la foule, passant entre les gens sans se faire remarquer, la peluche toujours serrée contre son cœur qui cognait dur sa cage thoracique. Pourquoi Kise était-il apparu à ce moment là ? Il avait du le trouver si pathétique, le visage meurtri de larmes et le corps secoué de soubresauts… Lui-même se trouvait pitoyable !

Il ne voyait pas grand-chose, sa vision était embrumée et ses faibles jambes risquaient de céder à tout instant, mais il n'eut pas besoin de s'inquiéter pour ces détails qu'il se sentit tirer en arrière par son pull. La force le retourna brutalement et le plaqua contre un torse qui dégageait des effluves qui l'enivrèrent rapidement, un parfum qu'il ne connaissait que trop bien. Rassurant et exotique.

Ses mains s'étaient relevées et la peluche se retrouvait entre leur torse, son visage était sensiblement plus détendu.

― Kurokocchi, murmura Kise d'une voix douce mais inquiète, qu'est-ce que… Enfin, qu'ets-ce qu'il y a ?

Leur cœur battait la chamade, et Kise se délectait du parfum discret de Tetsuya et appréciait la sensation de son corps contre le sien. C'était doux, agréable, tendre, chaleureux et vraiment plaisant. Il sentit le passeur se détendre progressivement dans ses bras jusqu'à se laisser aller, il pouvait même l'imaginer fermer les yeux.

― Euh… R-rien. Ce n'était rien… d'important. Tenta-t-il pour ne pas se justifier.

C'était gênant après tout !

Le corps du blond se recula un peu du sien e la main droite de Kise s'empara délicatement de son menton pour l'obliger à relever son visage leurs regards buttèrent l'un dans l'autre et le blond ne pu s'empêcher de penser que Tetsuya restait mignon. Il avait l'air si fragile, si délicat, qu'il ne voulait pas le lâcher.

― Tu es en larmes.

Kuroko frémit en entendant sa voix sérieuse et en sentant son souffle balayer son visage. Il ne savait plus où il était, il n'entendait plus rien que la voix de Kise et les battements frénétiques de son cœur.

― Pardon, souffla Kuroko en baissant les yeux, son menton toujours emprisonné par la poigne du blond.

Il ne savait pas quoi dire, son état parlait pour lui. Sa main droite se crispa sur le tee-shirt de Ryouta et il se mordit la lèvre inférieure.

― Tu crois que je t'en veux ? Demanda Kise, surpris par sa réplique.

― N-non… Mais je n'ai rien, c'est juste…

― Quoi ?

Kuroko releva sa main et tenta de sécher ses larmes tout en reniflant, et il cligna des yeux pour se calmer un peu. Il voulut rassurer le blond pour ne pas répondre mais Kise le fit taire en posant son front contre le sien et la respiration de Tetsu se bloqua. Il respira profondément, pour calmer ses hoquets, et releva ses mains pour sécher ses joues et ses yeux, mais ses larmes s'écoulaient encore doucement.

― J-je… Non, c'est juste… Je p-pensais qu-que… Enfin, toi, tu aurais, peut-être…

Ses reniflements rendaient sa réplique compliquée et ses mains couvraient ses yeux, l'empêchant de voir le visage de Ryouta qui, lui, ne le lâchait pas des yeux.

― Peut-être qu-que… tu aurais dû venir avec quelqu'un d'autre… parce que, parce que… Parce que toi tu es… populaire, beau, fort… Alors que moi, j-je…

Il n'arrivait pas à parler, mais Kise trouvait cela absolument adorable. Il avait l'étrange envie de lui mordre ses pommettes carmines et d'écarter ses mains pour plonger dans ses yeux qu'il devinait brillants. Sa prise se raffermit sur le corps de Kuroko.

― C-comme cette fille… de tout à l'heure… Vous formiez un… un beau couple… Sa voix se cassa sur la fin de sa phrase et ses mains se figèrent sur ses yeux alors que ses larmes redoublaient.

Là, il ne trouvait plus du tout cela adorable. Comment Kuroko avait pu penser cela ? Il avait juste remercié cette fille – dont il ne se souvenait même plus du nom – car elle l'avait aidé à distancer ses fans. Il s'était immédiatement mis à la recherche de Tetsuya, non pas parce qu'il s'inquiétait – Tetsu était assez grand pour s'occuper seul de lui-même – mais par nécessité. Il en avait eut besoin, il voulait être avec lui.

N'y tenant plus, il écarta doucement les mains du passeur en tenant ses poignets, et s'approcher de lui jusqu'à positionner ses lèvres à quelques centimètres des siennes. Et l'envie de s'y fondre faillit lui faire perdre la tête.

― Mais c'est avec toi que je veux être…

Il déforma en une moue boudeuse avec un léger sourire dans l'espoir de tarir ses pleurs. Il se mordit la lèvre inférieure en fixant ses lèvres rougies par ses mordillements, encore humides.

Tentant.

― Alors… Tu t'es mis dans cet état parce que tu m'as vu avec cette fille ?

Tetsuya écarquilla un peu les yeux en rougissant et ouvrit la bouche sans piper mot. Il baissa ses yeux en tentant de s'extraire de ses bras mais Kise lui tenait fermement les poignets.

― Tu étais jaloux ?

L'air taquin et satisfait du blond ne lui plu guère, et il était sûr que de la fumée s'échappait des pores de sa peau tant il rougissait.

― Tu aurais voulu… être à sa place ? Lui souffla-t-il d'une voix rauque qui fit frémir Kuroko.

Ses lèvres s'entrouvrirent, comme une invitation muette à la tentation qu'elles représentaient.

― Tu voudrais… peut-être… commença-t-il en effleura délicieusement ses lèvres, qu'on soit plus proche ?

Kuroko faillit gémir en sentant le (léger) contact sur ses lèvres.

― Que tu ne sois qu'à moi… Supplia-t-il du bout des lèvres sans s'en rendre compte.

Mais avant qu'il ne puisse y penser, la bouche du copieur s'écrasa sur la sienne et leur corps se colla l'un à l'autre. Il oublia instantanément sa peine et se laissa aller aux bras de Kise. Le baiser était tendre, affectueux… Non, amoureux. Heureusement pour Tetsuya, le baiser n'alla pas plus loin que le contact de leurs lèvres, il était sûr qu'il se serait évanouit. Ça n'avait duré que quelques secondes, mais c'était déjà suffisant pour transporter Kuroko dans un autre monde.

Lorsqu'ils se retirèrent avec soin, le cerveau de Kuroko se reconnecta lentement malgré leur proximité, et il écarquilla les yeux en mettant ses mains devant sa bouche pour ne pas gémir piteusement.

― Tu es gêné ?

― Non… Enfin oui, mais je veux dire… Je n'arrive pas à croire que j'ai vraiment dit cela ! Geint-il en se rappelant sa dernière réplique.

Kise sourit largement comme un bienheureux, les pommettes rosies. Oh oui, il avait vraiment dit cela, et il voulait même qu'il le répète. Il se baissa pour mordiller les lèvres de Tetsuya qui avait replacé ses mains sur ses yeux en rougissant.

― Tu ne voudrais pas le redire ?

Tetsuya ne répondit pas mais secoua vivement la tête de gauche à droite, sans le regarder. Les lèvres du blond revinrent sur les siennes, pour les mordiller, les lécher, sans pourtant les embrasser véritablement.

Vil torture…

― Je te promets que si tu le redis, j'exaucerais ton souhait…

Mais Kuroko restait silencieux. Il ne pouvait simplement pas ! La première fois, il avait été sous l'influence du blond et n'avait même pas remarqué qu'il pensait à voix haute ! Rien qu'en y repensant, il sentait la fumée s'échapper de ses oreilles et son cœur le lâcher définitivement.

Voyant qu'il n'allait pas céder, Kise soupira silencieusement, dépité, sans se départir de son sourire. Il se dirigea vers on oreille en desserrant son étreinte pour lui murmurer quelques mots, avant de le relâcher et d'esquiver souplement le poing de Kuroko.

C'était pas passé loin !

Le visage de Tetsu ne pouvait pas être plus rouge à présent ! Les paroles licencieuses du blond tournaient dans sa tête et le gênaient vraiment. Même s'il devait avouer que c'était un peu, un tout petit peu… excitant.

Le nounours était tombé au sol depuis un bon moment, mais aucun ne semblait l'avoir remarqué avant que Kuroko ne s'empare de la peluche et dépasse Ryouta. Il se retourna tout de même à demi vers lui après avoir reprit un visage impassible et dit de sa voix habituel :

― Je crois que je vais rester avec Nounours.

― Hein ? Kurokocchi ! Tu ne peux pas me remplacer par cette chose !

Il s'élança et se plaça à ses côtés en foudroyant le jouet de son regard – et dire qu'il lui avait offert lui-même !

Ils décidèrent de faire un tour dans la grande roue mais l'humeur du blond n'y était pas tellement. Il n'arrêtait pas de penser à cette déclaration embrasée énoncée si sensuellement de la douce et chevrotante voix de Kuroko…

Et Dieu qu'il voulait l'entendre à nouveau !

Il sursauta en sentant le corps du plus petit être pratiquement collé au sien, ses fines lèvres tremblantes près de son oreille, et son souffle saccadé qui se répercutait contre sa peau chaude.

― Kise-kun…

Il frémit. Oui, cette voix, luxuriante et pleine de désir mal contenu. Délicieuse.

― Je veux…

Il mourrait d'envie de tourner son visage pour plonger dans ses yeux qu'il savait troublés et dévaster sa bouche rosée pour la rendre aussi ardente que ses paroles.

― Que tu ne sois qu'à moi…

Là, c'en était trop. Et Tetsuya ne vit rien venir.

D'un geste sûr il saisit sa nuque opaline et fondit sur ses lèvres qu'il dévora sans retenu aucune. Il se délecta des gémissements étouffés et faisait de son mieux pour le plaquer autant qu'il pu contre son corps.

Ils allaient peut-être effectuer un deuxième tour de manège, savait-on jamais…

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Karrow.