All is black (and nothing is right)
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Chapitre 1
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La mer était calme, le temps ensoleillé et tiède d'un début de printemps. Les flots étaient tranquilles, pourtant, le murmure des vagues était couvert par des cris et le fracas des armes s'entrechoquant violemment.
Le navire pirate Thousand Sunny subissait l'abordage d'un bâtiment de la Marine, rompant le répit momentané que connaissait la traversée de l'équipage au Chapeau de Paille.
Le pont du Sunny avait été déserté, le combat s'étant reporté sur celui de l'agresseur. Agresseur qui s'était rapidement retrouvé agressé. Les marins commençaient à flancher devant la force des neuf pirates et la débandade n'aurait pas été loin si ce n'avait été sans les exhortations des officiers à pousser leurs hommes à continuer à se battre. Nombreux étaient ceux à terre, pourtant il en restait encore suffisamment pour être une menace.
Le Capitaine au Chapeau de Paille s'amusait à assommer ses adversaires, certains passant par-dessus bord dans le feu de l'action, grâce à ses capacités élastiques. L'ennemi n'était pas suffisamment dangereux pour qu'il prenne ce combat au sérieux et un sourire insouciant ne quittait pas son visage.
Un peu plus loin, la foudre de leur navigatrice tombait allègrement sur les marins, touchant au passage un sniper mécontent, qui ne perdit pas une seconde pour lui lancer quelques mots acerbes. Un sourire faussement penaud de la part de la jeune femme et le combat reprenait.
Un squelette survolté passa en trombe devant le petit médecin de bord, pourchassant trois marins épouvantés, tandis que le renne grandissait subitement pour estourbir un adversaire d'un gros coup de poing.
A quelques distances, des explosions signalaient la présence du cyborg tandis que des bras bourgeonnaient d'un peu partout et que des craquements sinistres les accompagnaient.
Tout allait pour le mieux du côté des pirates, et ce n'était pas le sabreur qui allait s'en plaindre. Ses adversaires étaient ridiculement faibles et il n'avait même pas à transpirer pour s'en débarrasser. Une légère accalmie dans les attaques lui permit même de se retourner et d'échanger un sourire carnassier avec le cuisinier. Celui-ci distribuait avec entrain des coups de pieds, semblant lui aussi s'amuser plus qu'autre chose.
Rassuré sur le sort de ses nakama, Zoro se reconcentra sur la nouvelle vague de marins qui croyait pouvoir l'emporter si facilement. Ils déchanteraient vite cependant, car trois coups d'épées plus tard et il n'en restait plus un seul debout.
Après quelques minutes supplémentaires, plus aucun ennemi ne se présenta et Zoro pu apprécier le calme retrouvé. Il apercevait certains de ses amis eux aussi à court d'adversaires, tandis qu'un peu plus loin Luffy finissait le dernier officier.
Satisfait, le sabreur rengaina ses katana et se retourna, prêt à lancer au cuistot le nombre hallucinant d'hommes qu'il avait mis à terre. Si cette fois-ci il ne gagnait pas, il voulait bien arrêter la boisson pendant une semaine.
Cependant, son sourire supérieur se figea sur ses lèvres quand il remarqua qu'aucun blondinet ne se trouvait là où il aurait dû y en avoir un. Il scanna la scène de son unique œil et ne tarda pas à découvrir un corps habillé d'un costume noir au milieu des uniformes blancs des marins.
Une sueur froide monta en lui tandis qu'il avançait rapidement vers son nakama, priant pour que cet abruti ne se soit pas fait tuer. Luffy en serait bouleversé, et il devait bien avouer que sa grande gueule et ses coups de pieds vengeurs lui manqueraient.
Il dégagea quelques bras et quelques jambes qui cachaient une bonne partie du corps du cuistot puis s'agenouilla près de lui. Doucement, il approcha sa main de son poignet et tenta de percevoir si la vie coulait encore dans ses veines. Après quelques instants angoissants, il discerna enfin un poult, faible mais régulier. Il soupira et reporta son regard sur la tête du cuisinier. Il ne voyait pas son visage, mais une coulée rouge dans son cou attira son attention.
Délicatement, il écarta les mèches blondes qui couvraient la nuque et ses mâchoires se serrèrent instinctivement. Une plaie sanguinolente, de taille assez conséquente, ornait l'arrière de son crâne, juste au-dessus de la nuque. Le sang commençait à coaguler sur les contours de la plaie et ce n'était pas vraiment beau à voir. Il releva la tête rapidement pour chercher du regard leur médecin, sachant pertinemment qu'il serait dangereux de bouger le cuistot sans un examen médical préliminaire.
— Chopper ! cria-t-il pour se faire entendre malgré la distance.
Le petit renne tourna la tête vers lui et accourut aussi vite que ses petites pattes le lui permettaient.
— Qu'est-ce qu'il y a Zoro, tu es blessé ?
— Moi non, mais lui oui, répondit-il d'une voix un peu plus grave que d'ordinaire en montrant du regard le cuistot.
La situation aurait été moins grave, il aurait souri en voyant les grands yeux du renne s'écarquiller encore plus, avant que l'habituel "Appelez un médecin !" ne retentisse.
Heureusement, le petit docteur retrouva en un instant son sérieux et son professionnalisme. Zoro se releva pour le laisser examiner le cuistot et s'éloigna de quelques pas. Il se demandait ce qui avait pu se passer. Connaissant la force du blondinet, il était étonnant qu'il se soit fait prendre par un équipage aussi faible. Certes il avait apparemment été attaqué par derrière, mais ne l'avait-il pas senti ? Ou peut-être l'avait-il senti mais n'avait pas eu le temps de parer le coup… De toute façon, il allait devoir attendre qu'il reprenne conscience pour le lui demander, et encore fallait-il en trouver l'occasion. Il ne se voyait pas aller le voir et lui poser la question directement. Pas que la réponse ne l'intéressait pas, mais ils n'avaient jamais vraiment parlé tous les deux, et il n'était pas sûr de vouloir que ça change.
Bien sûr parfois l'envie se faisait sentir. Car malgré tout, le cuistot était celui avec lequel il était le plus proche. Il ne se voyait pas avoir une conversation sérieuse avec un autre que lui. La plupart des autres hommes de l'équipage étaient bien trop immatures, et en ce qui concernait les femmes, la sorcière se servirait certainement de ce qu'il dirait pour le faire chanter et l'ensevelir encore plus sous les dettes, quant à Robin, elle était bien trop effrayante. Son regard incroyablement perçant lui faisait froid dans le dos. C'était comme si elle arrivait à lire les pensées et parfois même, à comprendre des choses bien avant que ne serait-ce l'idée se forme dans votre esprit. Un frisson lui descendit l'échine rien que d'y penser. Non, il n'y avait vraiment que le cuistot à qui parler. Ça leur arrivait parfois, cas exceptionnels lors de situations exceptionnelles, ou alors quand le poids plume buvait un peu trop.
Repoussant dans un coin de son esprit cette vision d'un Cook ivre, les cheveux en bataille et le rose aux joues, Zoro reporta son attention sur Chopper. Petit à petit les membres de l'équipage se rassemblaient autour du blessé, des expressions inquiètes au visage qui devaient refléter la sienne.
Après quelques minutes, Chopper se redressa enfin et avant même qu'il ne prononce un mot, Zoro se sentit soulagé.
— Ça va aller, déclara le médecin, le visage calme. Il a reçu un sacré coup sur la tête, mais sa vie n'est pas en danger.
Un soupir collectif de soulagement se fit entendre avant que le petit renne ne reprenne la parole.
— Zoro, est-ce que tu peux le ramener sur le Sunny s'il te plaît ? En faisant attention à sa tête.
Zoro acquiesça en silence et avec l'aide de Chopper, installa le cuistot dans ses bras. Dans un sens, il était heureux qu'il soit inconscient, il n'était pas sûr que le blondinet apprécie de se faire porter en mode princesse par son "pire ennemi".
Sans perdre un instant, il prit la direction du Sunny, essayant de réduire au maximum les secousses provoquées par chacun de ses pas. Une fois arrivé à destination, il déposa Sanji sur le lit de l'infirmerie puis quitta la pièce pour laisser travailler Chopper.
Le navire de la Marine était déjà hors de vue lorsque Chopper sortit enfin de son infirmerie. L'équipage au complet s'était rassemblé dans la salle à manger, inquiets pour leur cuisinier. Luffy n'avait même pas songé à chercher de quoi se mettre sous la dent, qu'il avait pourtant toujours creuse.
Finalement, lorsque leur médecin leur appris que tout semblait en ordre et qu'il ne fallait plus qu'attendre le réveil de Sanji, chacun respira plus librement. Après quelques minutes, ils se dispersèrent, chacun retournant à sa tâche le sourire aux lèvres.
Zoro ne bougea pas cependant, et il se retrouva bientôt seul avec Chopper. Il avait profité de l'absence du Cook pour prendre une bouteille de sake dans la réserve et la sirotait tranquillement. L'alcool était toujours meilleur après une bataille. Après une longue gorgée, il reposa la bouteille sur la table et tourna son attention vers son nakama.
— Tout va bien ? demanda-t-il d'une voix douce.
Il avait toujours eu un faible pour le petit renne et le considérait comme un petit frère. Et il n'avait pas manqué l'expression soucieuse collée à sa frimousse depuis que les autres étaient partis.
— Hm hm, je suis juste inquiet pour Sanji.
— Tu as fait tout ce que tu pouvais, maintenant c'est à lui de faire le travail. Mais ne t'inquiète pas, il a la tête dure, s'amusa-t-il pour tenter de détendre l'atmosphère.
— Je sais qu'il est résistant, mais un coup à la tête est toujours inquiétant… il pourrait y avoir des séquelles.
Zoro retrouva immédiatement son sérieux et reposa la bouteille sur la table.
— Des séquelles ?
— Oui, il y en a tellement d'envisageables que je ne pourrais même pas toutes te les citer.
La première chose qui vint à l'esprit de Zoro fut la mémoire. Que se passerait-il si leur Cook avait soudainement tout oublié ? Est-ce qu'il les reconnaitrait ? Est-ce qu'il saurait encore cuisiner ? Se battre ?
— Ça peut être grave ?
— Hm. Perte de mémoire, apathie, aphasie, trouble du déplacement… tout ça peut être temporaire, mais aussi permanent.
Zoro n'avait pas tout compris, mais son esprit optimiste s'était arrêté sur le "temporaire".
— Je suis sûr que tout ira bien.
— Je l'espère Zoro. Je l'espère vraiment. En tout cas, on en saura plus quand il sera réveillé, soupira Chopper, fataliste.
— Dans combien de temps ?
— Peu de temps à mon avis. Quelques heures tout au plus.
— Alors tu devrais en profiter pour te reposer un peu, d'accord ? proposa gentiment Zoro.
— Je voudrais bien, mais je dois garder un œil sur lui, au cas où.
— Va te reposer, je m'en occupe.
Chopper le fixa suspicieusement.
— Je viendrais te chercher s'il se passe quelque chose.
— Bien, dans ce cas j'accepte. J'aurais besoin de toute mon attention quand il sera réveillé. Merci Zoro.
Après un sourire échangé, le petit renne descendit de sa chaise et sortit de la pièce d'un pas trainant.
Sans perdre un instant, le bretteur se dirigea vers l'infirmerie, sa bouteille encore à moitié pleine à la main. Il s'installa confortablement sur la chaise de Chopper et commença son attente, son regard fixé sur le corps assoupi de Sanji.
Un mal de crâne atroce le réveilla. Il avait déjà eu à supporter la douleur, mais là il connaissait probablement le pire. Il sentait des larmes lui monter aux yeux. Il devait être proche de sa limite. Il n'avait pas la force de bouger, même pas la force d'ouvrir les yeux. Il se contenta de rester là, immobile, peu importait où il se trouvait ou ce qu'il se passait autour de lui. Il n'avait aucune énergie.
Il tenta de se rappeler ce qu'il s'était passé. Il se souvenait de l'attaque. Il revoyait le sourire carnassier de Zoro lancé dans sa direction. Il se rappelait de ces merdes qui ne savaient même pas se battre. Puis une intense douleur à l'arrière de la tête. Une aveuglante lumière blanche avant le noir complet. Sa jambe droite tressaillit légèrement lorsqu'il réalisa qu'il s'était fait avoir par derrière. Il espérait sincèrement que l'un de ses nakama s'était occupé de cet enfoiré.
Avec effort, il bougea légèrement ses doigts et sentit la douceur de draps. Il devait probablement se trouver à l'infirmerie. Soulagé, son esprit céda soudain à la fatigue. Il se sentit replonger dans les limbes du sommeil sans pouvoir lutter.
Un léger bruit sur sa droite le réveilla doucement. L'esprit encore embrumé, il mit quelques minutes à se rappeler où il était et comment il était arrivé là. Il se sentait bien, mieux que la dernière fois où il s'était réveillé. Il percevait une présence à côté de lui et supposa qu'il s'agissait de Chopper. Alors lorsqu'une voix grave s'éleva soudain tout près de lui, il sursauta de surprise.
— Sanji ? Tu m'entends ?
— Marimo ? demanda-t-il d'une voix qu'il reconnut à peine.
Un léger grognement affirmatif lui répondit.
— Content que tu n'aies pas perdu la mémoire, reprit la voix de Zoro d'un ton bourru.
Sanji esquissa un faible sourire.
— Tu t'inquiétais pour moi Marimo-kun ?
L'absence de réponse sarcastique lui fit oublier son ton joueur.
— C'est grave ? s'inquiéta-t-il.
— Ça aurait pu l'être. Chopper était préoccupé.
Sanji sentit son cœur accélérer dans sa poitrine. Bien sûr qu'un coup à la tête pouvait être dangereux. Il avait soudain hâte que le petit médecin l'ausculte afin de s'assurer que tout allait bien. Il sentit la peur monter en lui petit à petit. Instinctivement, il tenta de bouger ses bras, puis ses jambes. Tout semblait fonctionner correctement et répondre à ses commandes, et il se détendit un peu.
Il tourna légèrement la tête vers la droite et ouvrit les yeux. Il voulait voir le visage de Zoro, parce que ce qu'il lisait dans sa voix ne lui ressemblait pas. Il semblait inquiet, et Sanji n'avait jamais été témoin de cela chez le bretteur, du moins pas quand il était concerné.
Pourtant il ne distingua rien. Il faisait totalement noir et il ne pouvait pas discerner ses traits. Il avait dû être inconscient pendant plusieurs heures.
— Il est quelle heure ? demanda-t-il, réalisant que l'heure du déjeuner, et peut-être même du dîner devaient être passées.
— Dans les 17h. Pourquoi ? s'étonna Zoro de la question soudaine.
— Quoi ?!... Mais pourquoi il fait noir ?
— Qu'est-ce que tu racontes, il fait encore jour.
Zoro fronça les sourcils alors qu'un poids sembla lui tomber dans l'estomac. Que se passait-il ? Il observa Sanji ouvrir et fermer les yeux à plusieurs reprises, puis poser ses doigts sur ses paupières comme s'il s'attendait à y trouver quelque chose.
— Sanji, parle-moi, qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il en se relevant pour se rapprocher de lui.
Quelque chose ne tournait pas rond et il n'aimait pas ça du tout.
Le cuistot commençait à s'agiter dans son lit, et Zoro lut de la peur sur son visage.
— Zoro, pourquoi je ne vois rien ? Qu'est-ce qu'il se passe ?
Il se redressa soudainement en position assise et le bretteur remarqua que ses mains fines s'étaient mises à trembler. Inquiet, il posa une main qu'il voulait rassurante sur son épaule. Le Cook était sur le point de paniquer, et si ce qu'il devinait était juste, alors le blondinet en avait parfaitement le droit.
Il savait qu'il devrait aller chercher Chopper, mais il n'arrivait pas à se décider à le laisser seul. Pas dans cet état. Les tremblements avaient amplifiés et bientôt tout son corps fut parcouru de convulsions.
— Zoro, dis-moi que ce n'est pas vrai… dis-moi que ce n'est pas vrai…
Sa voix était cassée et faible et la gorge du bretteur se serra. Il n'avait jamais vu Sanji ainsi, et il ne savait pas quoi faire pour l'apaiser. Il se sentit encore plus désemparé quand des larmes commencèrent à couler le long de ses joues. C'était la première fois qu'il le voyait pleurer.
— Sanji, s'il te plaît calme-toi…
— Mais comment tu veux que je me calme ! s'exclama le blondinet. Ce n'est pas possible, je ne peux pas perdre la vue. Tu m'entends Zoro, je ne peux pas !
— Je sais, je sais…
— Comment je peux cuisiner si je ne vois rien ? Comment je peux me battre ?
Les larmes redoublèrent et Zoro n'y tint plus. Il posa sa large main sur la nuque de son nakama et l'attira à lui. Sanji se laissa faire et enfouit son visage contre son cou. Le bretteur sentait les larmes tièdes couler sur sa peau. Le blond semblait complètement brisé et sa propre gorge se serra lorsque deux mots sanglotés montèrent jusqu'à ses oreilles. All Blue.
Zoro comprenait. Il comprenait que le rêve de Sanji venait de mourir devant ses yeux. Comment pourrait-il trouver et contempler cette mer légendaire s'il avait perdu l'usage de ses yeux. Et puis soudain il se rappela les paroles de Chopper et l'espoir revint. Temporaire. Il avait dit que les séquelles pouvaient n'être que temporaires.
— Ça va aller, murmura-t-il alors. Tout ira bien.
Il sentit les longs doigts du Cook agripper son lourd manteau vert alors que ses sanglots redoublèrent. Il se doutait bien qu'il ne croyait pas un mot de ce qu'il disait. Il ne les croirait pas non plus s'il avait été à sa place. Il souhaita soudain que Chopper arrive rapidement, lui saurait quoi faire pour calmer son patient.
Il resta un temps qui lui parut infiniment long avec le Cook dans les bras. Celui-ci ne semblait pas vouloir se calmer et la prise sur son manteau se faisait de plus en plus forte. Zoro ne savait pas quoi faire ou dire pour l'apaiser. Il se contentait de passer une main rassurante dans son dos, tout en glissant parfois quelques mots qu'il espérait réconfortants dans l'oreille du blondinet.
Les larmes du cuistot semblaient s'être taries, mais les tremblements n'avaient pas cessés. Et plus les minutes s'écoulaient, plus le cerveau de Zoro s'agitait. Devant la détresse de son nakama, il ne pouvait s'empêcher de s'en vouloir. Il aurait dû sentir qu'il se passait quelque chose. Il aurait dû percevoir le danger. C'était son rôle de veiller sur l'équipage et il avait lamentablement échoué. Il était rare qu'il se préoccupe du cuistot et c'était là son erreur. Même les hommes les plus forts avaient parfois besoin d'aide. Luffy en était la preuve lorsqu'il tombait à l'eau. Alors il aurait dû faire plus attention. Un seul coup d'œil, à peine une seconde de son temps, et il aurait pu éviter cela. Il aurait pu éviter à Sanji de perdre son rêve, peut-être à tout jamais.
La colère commençait à l'envahir lorsque Chopper arriva enfin. Il entendit le bruit de ses petits sabots sur le sol en bois du Sunny lorsqu'il traversa la cuisine. Le petit docteur marqua un temps d'arrêt à la porte de l'infirmerie et Zoro se demanda s'il allait se faire réprimander. Il lui avait après tout presque promis de venir le chercher s'il se passait quoi que ce soit. Chose qu'il n'avait pas faite. Mais il avait estimé que le réconfort du blond était plus important et il était prêt à expliquer son point de vue à la boule de poils si nécessaire. Mais la petite voix qui s'éleva fut aussi douce que d'ordinaire.
— Sanji, tu es réveillé !
A cet appel, Zoro sentit le cuistot sursauter avant de resserrer une nouvelle fois son étreinte. Il avait probablement peur d'entendre le diagnostic de Chopper et le bretteur aurait eu la même réaction à sa place.
Tandis que le renne entrait dans la pièce, il tenta d'attirer son attention et de lui faire comprendre que tout n'allait pas au mieux.
Chopper comprit immédiatement, mais au lieu de paniquer, il réagit le plus normalement possible et Zoro lui en fut reconnaissant. Il annonça à Sanji qu'il désirait s'assurer que tout allait bien, et après quelques efforts, ils parvinrent à faire lâcher prise au cuistot. Le bretteur s'éloigna alors pour laisser son ami travailler, mais la main de Sanji l'arrêta. Concilient, il s'assit à côté de lui et regarda en silence Chopper examiner son patient.
Le Cook lui expliqua en quelques mots son problème et l'inquiétude se forma immédiatement sur la frimousse du renne. En premier, il vérifia la plaie sur sa tête et Zoro découvrit qu'une partie des mèches blondes avaient été coupées pour faciliter à la fois le travail de Chopper et la cicatrisation. Mais il n'en dit rien, se doutant bien que le Cook n'en serait pas content. Finalement, un nouveau pansement fut appliqué, maintenu par une longue bande enroulée autour du crâne de Sanji.
Chopper passa ensuite de longues minutes à observer les yeux bleus, passant une lumière devant pour tester les réactions des pupilles. Du moins c'est ce que Zoro supposa.
Le Cook resta silencieux tout au long de l'examen et il aurait paru calme si ce n'avait été sans sa lèvre inférieure mordillée sans merci.
Le petit renne prit ensuite quelques minutes pour feuilleter dans ses livres à son bureau, puis fit pivoter sa chaise pour faire face aux deux hommes. Son visage était fermé et soucieux, ce qui fit présager le pire à Zoro.
— Sanji, je veux que tu m'écoutes calmement, commença-t-il.
Malgré toute l'affection qu'il lui portait, Zoro n'était pas sûr que ce soit la meilleure façon de commencer. Mais il s'abstint de l'interrompre et attendit la suite, conscient que Sanji s'était crispé à côté de lui.
— J'ai fait une vérification complète et la bonne nouvelle est que tes yeux ne sont pas endommagés. Le coup a touché l'aire visuelle de ton cerveau et il semble qu'il y ait eu quelques dommages parce que les informations que tes yeux reçoivent ne se transmettent plus à l'encéphale. Ou du moins l'aire visuelle n'arrive plus à les traiter correctement. Je pense donc pouvoir affirmer que ta cécité n'est que temporaire.
Zoro sentit un poids quitter sa poitrine et le blondinet se détendit un peu.
— La mauvaise nouvelle ? demanda Sanji.
— Quoi ?
— S'il y a une bonne nouvelle il y en a forcément une mauvaise, déduisit le cuistot.
— Eh bien… techniquement c'est temporaire, le temps que ton cerveau se régénère… mais il est impossible de savoir combien de temps ça va prendre. Ça peut être quelques jours, quelques semaines, ou même quelques mois… voire quelques années, répondit prudemment Chopper.
Il semblait évident qu'il avait peur de la réaction de Sanji, mais au lieu de s'énerver, celui-ci resta calme et composé.
Zoro pouvait presque entendre les engrenages tourner dans la tête de son voisin. Il devait penser à tout ce qui allait changer, tout ce qu'il ne pourrait plus faire, à mesure que l'implication des mots de Chopper prenait forme dans son esprit.
— Tu vas rester ici quelques jours, le temps que tu t'habitues et que ta plaie commence à cicatriser, continua Chopper. Ensuite tu pourras sortir en restant prudent.
Le cuistot ne protesta pas, à l'étonnement de ses deux amis. Il resta silencieux quelques instants, les sourcils froncés, puis demanda à Chopper quelque chose pour calmer la douleur de sa tête. Le docteur et le bretteur échangèrent un regard inquiet. Il n'était pas dans l'habitude de Sanji d'avouer qu'il avait mal, mais peut-être que tout allait être différent maintenant.
Après avoir bu son calmant, Chopper demanda à Zoro d'aider Sanji à se rallonger, ce qu'il fit docilement. L'état du cuistot le préoccupait et il se sentait triste pour lui.
Il resta à ses côtés le temps qu'il s'endorme, ce qu'il fit rapidement, puis le confia aux bons soins de Chopper et quitta l'infirmerie. Il était l'heure pour un aspect peu agréable de son rôle de Second, prévenir Luffy de l'état de son cuisinier.