Note : Bonjour à tous ! Me revoici avec mon actuel petit bébé, une autre SBOC, je suis irrécupérable. J'ai eu beaucoup de mal à la commencer car pour moi Sirius ne pouvait aller qu'avec Emily. Mais l'idée étant tenace, j'ai décidé de passer outre et de présenter un Sirius légèrement différent, comme s'il devenait "le Sirius de Mélisande" et non celui d'Emily. Le trouverez-vous à votre goût ? Bonne lecture et j'espère que ce premier chapitre vous plaira !


CHAPITRE 1 : I should have known better


C'était un de ces moments fort dans la salle commune des Serdaigle : les résultats des BUSES. Dans la maison des érudits, être au sommet de la hiérarchie des notes était une institution. Si Mélisande n'était pas concernée, ayant entamé son ultime année au sein du château, elle se montra cependant curieuse. Le glorieux vainqueur se verrait certainement remettre des prix alléchants, comme un accès privilégié à la salle de bain le matin, et autant se tenir au courant de cela afin de ne pas passer pour une élève indigne. Cela dit, investie qu'elle était dans l'équipe de Quidditch bleue et bronze, elle doutait qu'on lui fasse la moindre critique à ce sujet.

- Mel, entraînement !

Comme s'il avait lu dans ses pensées, Orest, son capitaine, lui fit un signe de la main l'enjoignant à sortir de ses pensées. Depuis que les Gryffondor avaient - une nouvelle fois - remporté la Coupe l'année précédente, l'équipe mettait tout en œuvre pour les battre, continuant à s'entraîner alors que la température extérieure devait avoisiner les cinq degrés. Mélisande grogna à peine d'être dérangée tant la perspective de monter sur un balai l'enchantait. Elle vivait pour le Quidditch, mangeait en rêvant que ses carottes étaient une version améliorée du Nimbus 1977, et manquait de s'étouffer quand quelqu'un osait supporter une équipe opposée à la sienne en Championnat.

A la mort de son père, sa mère avait naïvement pensé que l'éducation spartiate que celui-ci avait octroyé à leur fille cadette serait promptement effacée au profit d'une féminisation de son attitude. Au contraire, cela n'avait fait que renforcer le désir de la fillette d'obéir aux dernières volontés de son père : entrer dans la prestigieuse équipe des Pies de Montrose, la plus titrée de l'Histoire du Quidditch. Que lui importait les rubans dans ses cheveux alors qu'ils ne lui étaient d'aucun intérêt pour récupérer un Vif d'or ou marquer un but ?

- Mel ?

Un claquement de doigts devant son visage la réveilla tout à fait. Depuis quelques temps, elle avait tendance à plonger rapidement et de manière profonde dans ses pensées. Elle mettait ça sur le compte de la fatigue : des heures d'entraînement quotidien, dans le froid et le vent, associées aux pressions extérieures d'une maison à la soif de revanche, auraient été difficiles à supporter pour n'importe qui.

- J'arrive.

Orest la regarda en soupirant. Ils avaient été au coude à coude pour leur titularisation en tant que capitaine et il l'avait emporté de peu. Aujourd'hui, quand sa coéquipière montrait autant d'insouciance, il se félicitait d'être celui sur qui l'équipe devait compter. En voyant son amie accélérer le pas à la sortie de leur salle commune afin de rester à sa hauteur, il se reprocha son jugement. Mélisande était une excellente poursuiveuse qui ne se laissait pas facilement distraire sur le terrain et qui jouait comme si le match qu'elle disputait devait être le dernier. Mais depuis quelques temps, elle était étrange. Il ralentit le pas, faisant reprendre à la jeune fille une marche normale.

- Tout va bien chez toi ? Tu ne m'as pas raconté comme s'était passé ton été.

Si la question était banale, le sous-entendu était perceptible. A vrai dire, Mélisande n'était pas seulement son amie : durant deux ans, elle avait été sa petite amie, et il connaissait sa vie tout autant qu'il connaissait la sienne propre. Il était capable de discerner sur son visage le moindre signe de contrariété, et il était clair que son humeur actuelle n'était pas au beau fixe.

- Tu connais ma mère. Pendant que je passais mes vacances à m'entraîner, elle passait les siennes à prier Merlin de lui envoyer un signe lui apprenant qu'en réalité je ne suis pas sa fille mais son double maléfique.

Comme à chaque fois qu'elle parlait de sa mère, le profil fin de la jeune fille s'orna d'un sourire à la fois sardonique et tendre. Si elles étaient souvent en conflit, Mélisande l'aimait énormément, regrettant simplement qu'on tente de la transformer en la fille modèle qu'elle n'était pas. Elle n'était pas spécialement agitée, ne s'énervait que très rarement, et pouvait rester des heures immobiles pour faire bonne impression lors d'un dîner mondain. En revanche, elle aimait courir sous la pluie, jouer au Quidditch, porter des vêtements déchirés et répondre aux provocations lorsqu'elle l'estimait indispensable.

En somme, elle était telle que son père l'avait élevée. Le sourire se figea quelque peu à l'évocation de ce souvenir mais elle réussit à conserver un masque impassible. Que ce soit ou non la bonne solution, elle avait l'habitude de mettre ses problèmes de côté, les reléguant loin dans son esprit afin de les oublier et éviter de penser qu'elle n'avait rien résolu, qu'elle n'avait pas encore fait le deuil de cet homme au large sourire qui lui répétait chaque jour à quel point il l'aimait.

- Aïe !

Se frottant le nez, Mélisande s'apprêtait à faire une remarque acide à Orest dont le brusque arrêt l'avait forcée à lui rentrer dedans de plein fouet. Mais celui-ci était comme figé, le regard en direction du stade de Quidditch. Une équipe s'entraînait déjà joyeusement, criant du haut de leurs balais et se lançant des boules de la neige qui commençait à arriver en ce début de mois de novembre.

- L'équipe de Gryffondor, marmonna-t-il.

- Tu n'avais pas réservé le terrain pour cet après-midi ?

- Si, c'est pour ça que je vais aller leur parler.

Se dirigeant d'un pas décidé vers le terrain, il n'attendit pas que Mélisande le suive, et celle-ci mit d'ailleurs quelques secondes à comprendre qu'elle devait se mettre en mouvement. Pressant le pas, elle arriva aux côté du capitaine devant les membres de l'équipe rouge et or qui leur avait tant de fois volé la victoire.

- Où est Ferguson ? lança Orest d'un ton calme à l'un des batteurs.

- Il arrive, répondit une voix nonchalante. Pourquoi, vous voulez lui demander de vous prêter la Coupe un week-end sur deux ?

Un éclat de rire accompagna cette réplique venant d'un des membres du groupe bien connu des Maraudeurs, Sirius Black. Adossé contre un arbre, il ne faisait pas partie de l'équipe mais tenait à supporter, même durant les entraînements, son ami James qui était poursuiveur.

- C'est ça, grinça Orest entre ses dents, ne voulant pas donner suite à cette conversation qu'il pressentait houleuse.

- Nous avons réservé le terrain pour notre entraînement, vous n'avez rien à faire ici, s'indigna Mélisande en faisant un pas en avant, quittant la protection de la carrure d'Orest qui l'avait tenue à l'écart des regards.

Le rire de Sirius s'arrêta et il la détailla d'un œil expert, de bas en haut. L'examen la mit mal à l'aise et elle se trouva honteuse de rougir, même s'il était clair que le froid en était responsable.

- Remise du dernier match, Green ?

- A merveille, Black. Ce n'est pas un banal Cognard qui aura raison de moi.

- Ta jambe suffit, j'imagine.

Elle fut calmé d'un geste par Orest. Le Gryffondor faisait référence à l'accident qui l'avait empêchée de jouer le dernier match de l'année, avant les vacances d'été. Elle s'était reçu un Cognard en plein tibia et avait chuté de plusieurs dizaines de mètres, transférée à l'infirmerie et remplacée au pied levé par un joueur de réserve. Ils avaient perdu, bien sûr, et Mélisande ne pouvait s'empêcher de se rendre responsable de cela : avant qu'elle ne se fasse distraire par un poursuiveur adverse et blesser par la balle noire, Serdaigle menait le jeu. Mais l'autre attrapeur s'était emparé du Vif d'or et le match s'était arrêté, offrant la victoire à leurs adversaires.

- Elle va suffisamment mieux pour te botter les fesses, dit-elle en dardant un regard noir sur le jeune homme.

Plus amusé qu'effrayé, il se contenta de mimer un geste de défense avant d'être rejoint par James.

- Tenez, Nathaniel arrive.

Grand et élancé, au corps musculeux, Nathaniel Ferguson n'était pas quelqu'un de très diplomate. A la vue des Serdaigle, sa question fut donc :

- On peut savoir ce qu'ils fichent ici ?

- Manifestement, ils ont réservé le terrain.

- Impossible, répliqua le capitaine d'un ton sec. McGonagall nous a avoué à demi-mot qu'elle accepterait notre retard pour les cours de demain matin si nous devons nous entraîner tard aujourd'hui. Je crois qu'elle veut conserver la Coupe autant que nous.

- Nous avons l'autorisation de notre directeur de maison, rétorqua Orest en sortant un morceau de parchemin de sa poche.

Nathaniel s'en saisit et le parcourut rapidement en fronçant les sourcils.

- J'ai l'impression que tout est en règle. On pourrait peut-être parvenir à un arrangement ? Nous jouons le premier match de la saison contre Serpentard et nous avons vraiment besoin de nous entraîner. Vous seriez d'accord pour partager le terrain ?

Le reste de l'équipe de Serdaigle arrivait en bavardant joyeusement, balai sur l'épaule. Orest soupira. Si Mélisande respectait en temps normal sa droiture et son sens de l'équité, elle fut véritablement outrée par sa décision.

- Après tout, pourquoi pas. Vous n'avez qu'à prendre cette moitié, nous resterons dans les limites de l'autre côté.

- Tu n'es pas sérieux, murmura-t-elle avant d'être réduite au silence par un regard.

- C'est la solution la plus juste et la plus simple pour s'entraîner aujourd'hui, répliqua-t-il sur le même ton.

Après un signe de tête en réponse aux remerciements de son homologue, le jeune homme entraîna son équipe afin de leur expliquer le programme de l'entraînement d'aujourd'hui. Après les échauffements d'usage, Mélisande, en s'entraînant à une passe difficile, risqua un coup d'œil vers l'équipe adverse. James s'amusait à distraire ses amis en faisant le cochon pendu à quelques mètres au-dessus du sol et elle vit Sirius lancer discrètement un sortilège dans sa direction, le faisant tomber lourdement au sol. Tous les joueurs éclatèrent de rire, même le concerné qui se frotta les vêtements avec bonne humeur.

Elle soupira face à tant d'enfantillage, se demandant une fois de plus comment le ciel pouvait être si injuste en permettant à cette équipe insouciante de remporter, haut la main et chaque année, le trophée pour lequel son équipe se battait nuit et jour. Était-ce simplement le talent ? Elle refusait de croire qu'elle était moins bonne que - elle renifla de dédain - un Maraudeur décérébré.

- Mel !

Le cri de sa coéquipière poursuiveuse la sortit de ses pensées et elle se pencha juste à temps pour éviter le Cognard que les Gryffondor avaient laissé échapper sans pouvoir le récupérer. Orest, se saisissant d'une batte tombée au sol, envoya l'objet agressif en direction de l'autre équipe, d'un coup puissant et précis qui justifiait encore, si cela était nécessaire, qu'il était non seulement un excellent capitaine mais aussi un très bon batteur.

- Tout va bien ? lança-t-il à l'attention de la jeune fille.

- Ça va, dit-elle, un peu sonnée.

Elle se tourna juste assez vite pour voir l'un des rouge et or se saisir de la balle à pleins bras pour la remettre avec difficulté dans la boîte prévue à cet effet. Il mima un geste d'excuse auquel Orest répondit par un signe laissant entendre que ce n'était pas grave. Mais la suite de l'entraînement fut, pour Mélisande, une véritable torture. Elle entendait encore la balle siffler à ses oreilles et, à chaque fois qu'elle percevait un rire venant de l'autre côté du terrain, elle se tendait, comme si elle se préparait à recevoir un coup. Cela allait à l'encontre de tous ses réflexes de joueuse mais elle ne pouvait pas s'en empêcher.

- Tu n'étais pas vraiment dans le jeu aujourd'hui, déplora Orest en rangeant la boîte à balles au vestiaire, accompagné de Mélisande qui aimait à le suivre dans la petite pièce réservée aux capitaines.

- Je sais, désolée.

- Tu repensais au match de l'année dernière ? N'écoute pas ce que dit ce crétin de Black, nous n'aurions pas pu empêcher leur attrapeur de s'emparer du Vif d'or même si tu n'avais pas été blessée.

Mélisande ne put s'empêcher de sourire devant la seule insulte que s'était permise Orest depuis le début de la journée : traiter Black de "crétin" était bien au-dessous de la vérité mais c'était tout ce que pouvait faire le gentil capitaine. C'était ce qui lui avait plu, la première fois qu'elle l'avait vu. Cette façon de se désintéresser des préoccupations des adolescents de son âge, à savoir se taper dessus pour un rien, sa maturité, son calme, étaient tout autant d'attributs qu'elle avait placé, petite, sur le visage de son homme idéal. Mais était-ce elle, était-ce lui ? La situation s'était embourbée dans une routine qui les avait consumés : tous deux étaient relativement passifs et avaient besoin d'être stimulés par un moteur qu'ils ne pouvaient être l'un pour l'autre. Pourtant Mélisande, plus vive, aurait pu essayer, mais il était déjà trop tard. Ils s'étaient séparés d'un commun accord et avaient réussi à conserver une amitié profonde et sincère.

- Je sais. Mais si j'avais pu seulement...

Il la prit dans ses bras, lui tapotant la tête comme à une enfant.

- Je ne veux pas que mes joueurs s'embourbent dans les regrets passés. Nous avons une Coupe à remporter, pas l'année dernière, pas dans un an, mais cette année. Considère que ce serait mon cadeau pour les cinq prochains Noël.

- Dix, renchérit-elle avec malice.

- Trois, et c'est mon dernier mot.

Il la libéra et prit son sac pour sortir.

- Allez, le dîner va bientôt être servi et nous devons nous changer.

Ils retrouvèrent leurs amis autour de la grande table réservée à leur maison, au milieu du brouhaha des autres étudiants. Les cheveux encore humides de la douche rapide qu'elle avait prise, Mélisande fut la cible de plusieurs remarques gentiment moqueuses d'autres élèves qui la comparaient à un épouvantail. Ce n'était pas spécialement le terme pouvant décrire la jeune fille mais elle l'acceptait avec bonne humeur, désireuse surtout de reprendre les forces qu'elle avait perdues à l'entraînement. Prenant une pomme dans le saladier tout en remettant ses longs cheveux châtains derrière son oreille, elle n'entendit pas le groupe des Maraudeurs arriver derrière elle.

- Remise de tes émotions, Green ? Deux Cognards en l'espace de quelques mois, tu es sûr de pouvoir tenir le coup ?

- Va voir ailleurs si j'y suis, Potter, répliqua-t-elle tranquillement en croquant sa pomme d'un air suprêmement indifférent.

Sans doute peu habitué à ce qu'on ne réponde pas à ses piques, le dit James poussa un autre Maraudeur du coude.

- La prochaine fois j'essayerai de viser la tête, renchérit Sirius avec un grand sourire.

- La prochaine fois tu commenceras par réussir les sélections pour entrer dans l'équipe.

Elle avait repris le sourire de son interlocuteur pour asséner cette rumeur qui courait, comme quoi le grand Sirius Black avait tenté de rejoindre l'équipe en deuxième année et n'aurait pas réussi, contrairement à son meilleur ami. Personnellement elle n'en croyait pas un mot, persuadée qu'il préférait de loin jouer au séducteur plutôt que de se fatiguer à courir après une balle. Mais elle savait qu'il réagirait à cette remarque sur son inaptitude à réussir quelque chose.

Comme prévu, les yeux du jeune homme s'assombrirent, signe qu'elle avait fait mouche. Mais il ne perdit pas son sourire et elle crut même voir une lueur d'intérêt s'y allumer par la suite. Il reprit sa marche en direction de la table des Lions et les autres le suivirent.

- Tu es folle de lui avoir parlé comme ça, murmura sa voisine, une douce et charmante petite rousse au nez piqueté de tâches de rousseur.

La joueuse haussa les épaules, tendant la main pour récupérer le plat de pommes de terre qu'Orest lui donna avec un mélange d'amusement et de réprobation. Mélisande lui tira la langue et se servit abondamment, ne faisant plus attention à ce qui s'était passé. Elle parvint même à éviter leurs regards en quittant la Grande Salle, prenant la direction des dortoirs où elle espérait passer une bonne et longue nuit nécessaire à l'assimilation des nombreux rouleaux de parchemins liés aux non moins nombreuses matières des septième année. Les ASPIC approchaient et étaient source de beaucoup de pression pour les élèves soucieux d'obtenir de bons résultats. Mélisande faisait partie de ceux-là.

Dans un an, elle quitterait Poudlard, songea-t-elle en se glissant sous les draps tièdes avec un brin de mélancolie. Elle avait hâte d'entrer dans la vie active mais savait qu'elle regretterait un peu l'ambiance du château, les cours, les amis et tout ce qui avait fait sa vie durant ces sept dernières années. En fermant les paupières et en visualisant le visage de Sirius Black, elle se dit qu'au moins, elle ne regretterait jamais ce crétin de Maraudeur.

En songeant avec effroi qu'elle commençait à parler comme Orest, elle souffla la bougie et sombra dans le sommeil.

- Comment, le match est annulé ?

Devant le panneau d'affichage des prochaines rencontres, Mélisande vit le capitaine et son équipe engager un débat animé. Curieuse, elle profita de leur distraction pour observer ce qui les rendait dans cet état : en effet, le match qui devait normalement se dérouler à la fin de la semaine entre les Gryffondor et les Serpentard venait d'être annulé. Le message n'expliquait ni les raisons, ni quelle serait la solution de remplacement, mais cela semblait fortement dérouter les rouge et or. Tous renchérissaient de théories farfelues, la plupart en rapport avec la réputation de tricheurs des Serpentard.

- Je suis sûre qu'ils ont réussi à faire annuler le match parce que leur gardien est encore cloué au lit et qu'ils ne veulent pas le faire remplacer, fulminait l'une des poursuiveuses, une grande brune dont les yeux noisettes lançaient des éclairs.

- A moins qu'ils n'aient voulu changer l'ordre des équipes pour récupérer un maximum de points pour le décompte final, lança Marc Jenkins, l'un des batteurs.

Le ton était monté très vite mais Minerva McGonagall, qui portait comme à son ordinaire un chapeau pointu et son air sévère, était arrivée. Elle était suivie de la jeune Rolanda Bibine, le professeur de vol.

- Un peu de silence, intima-t-elle d'un ton sans appel, qui calma aussitôt les élèves de sa maison.

- Mais professeur, le match...

- Je sais, le coupa-t-elle avec raideur. Mon confrère de Serpentard a jugé... judicieux, est-ce le mot qu'il a utilisé ?, de reporter le match opposant l'équipe de sa maison à la mienne pour des raisons logistiques. Leur gardien est manifestement hospitalisé à Sainte-Mangouste à cause d'un virus dont on ignore l'origine et aucun remplaçant n'est à ce jour assez formé pour le remplacer.

- Je le savais ! cria la poursuiveuse avant de mettre la main devant sa bouche, freinée dans son élan par le regard de sa directrice.

- Bien, je disais donc que Gryffondor affrontera Serpentard à la fin de la saison. Le match de cette semaine est donc annulé, je suis désolée.

Elle s'apprêtait à partir quand le capitaine de Gryffondor prit la parole.

- C'est-à-dire que nous jouerons deux fois d'affilée, contre Serdaigle et Serpentard ?

Le professeur soupira, remontant ses lunettes sur son nez.

- C'est en effet ce qui est prévu, Monsieur Ferguson.

- Mais ce n'est pas juste, lança un joueur jusqu'à présent muet. Nous nous sommes entraînés très dur pour disputer ce match, on ne peut pas ne pas jouer avant février !

- Il n'est pas question de ce que vous voulez, Monsieur Kent, intervint le professeur Bibine, mais de ce qui est possible dans la mesure de nos moyens. Nous ne pouvons pas demander à la maison Serdaigle de disputer un match à si peu de jours d'intervalle.

- Nous acceptons, fusa une voix grave que Mélisance reconnut comme étant celle d'Orest.

Le capitaine s'était avancé jusqu'à la directrice de Gryffondor, calme.

- Je pense parler au nom de mon équipe pour dire que nous ne voyons pas d'inconvénient à échanger notre rencontre avec les Serpentard, qui pourront jouer le dernier match de la saison au mois de mai.

Les murmures s'épaissirent jusqu'à former un véritable boucan que la femme s'empressa d'interrompre d'un geste de la main. Elle observa un instant le visage déterminé d'Orest.

- Vous êtes sûr, Monsieur Miller ? Vous n'aurez que cinq jours pour entraîner votre équipe, et je ne sais pas si le règlement m'autorise à accepter votre proposition.

- Orest, qu'est-ce que tu fais ?

Mélisande avait tiré la manche de son ami dans l'espoir d'attirer son attention mais il s'était dégagé sans la regarder.

- Je suis sûr, professeur. Si le règlement l'autorise, nous nous engageons à disputer le premier match de la saison contre les Gryffondor.

Désespérée, Mélisande resta silencieuse, écoutant le capitaine de leur équipe se jeter littéralement dans la gueule du loup. Alors qu'ils s'étaient entraînés pour faire face à Poufsouffle, voilà qu'ils devaient maintenant assimiler une stratégie pour s'opposer à la brillante équipe gagnante de l'année passée. Tout ça en moins d'une semaine.

- Orest, dis-moi tu que tu sais ce que tu fais, soupira-t-elle devant la scène dont elle n'était que l'impuissante spectatrice.

- Je sais que ce n'était pas prévu, mais...

- Mais qu'est-ce qui t'as pris, Orest !

L'une des poursuiveuses, le nez rougi par le froid, regardait son capitaine avec un mélange d'horreur et de stupéfaction. Depuis que la demande du jeune homme avait été acceptée, les Serdaigle s'entraînaient d'arrache-pied pour leur premier match contre Gryffondor, samedi prochain.

- Nous faire affronter les Gryffondor si tôt après le début d'année alors que nous ne sommes pas préparés, qu'est-ce que tu avais en tête ?

- Surtout que nous avons un match contre Poufsouffle quelques semaines après, tu crois vraiment qu'on est capable de gérer autant de pression et d'entraînement ?

Orest écouta leurs récriminations de longues minutes, le visage impassible, avant de prendre la parole une fois que tous se furent tus.

- Je n'ai pas fait ça pour nous pénaliser, mais au contraire dans votre intérêt.

Devant ses joueurs qui l'écoutaient, attentifs mais pas convaincus, il continua.

- Affronter les Gryffondor juste avant les examens de fin d'année est un pari risqué : la majorité de notre équipe est composée de joueurs de dernière année et nous ne pouvons pas nous permettre de privilégier le Quidditch à nos études.

- Mais nous..., commença l'un des joueurs.

- Nous pouvons gagner le match de samedi, le coupa Orest. Parce que nous avons une technique de jeu que n'ont pas préparée les Gryffondor. Je les ai observés, au dernier entraînement : ils ont tout misé sur les passes rapides en sachant que les Serpentard sont plutôt lents dans la défense et agressifs en attaque. Nous avons au contraire des poursuiveurs agiles et une nouvelle stratégie qu'ils ne connaissent pas, à laquelle ils vont eux aussi devoir s'habituer en peu de jours. Affronter l'équipe favorite dès le début nous permettra également de rattraper notre retard durant les autres matchs, plutôt que de tout miser sur la dernière rencontre comme nous le faisons habituellement. Perdre un premier match est moins important que de perdre le dernier, en revanche le gagner est un excellent signe pour la suite.

La calme assurance avec laquelle il s'exprimait sembla porter ses fruits. Après tout, pourquoi pas ? De toute façon les dés étaient jetés. Courageusement, les Serdaigle se préparèrent pour le match qui allait débuter la saison de l'année.

Le vendredi, Mélisande tomba à plat ventre sur son lit et ne bougea plus. Inquiète, la blonde Diane, sa voisine de lit et de cours, s'approcha et lui toucha l'épaule.

- Melly ? Tout va bien ?

Aucune réponse.

- Mélisande ? répéta-t-elle.

- Je ne sens plus mes jambes, gémit la concernée en tournant la tête afin de pouvoir parler. J'ai passé plus de quatre heures sur ce fichu balai, tout ça pour apprendre une feinte que je ne maîtrise même pas.

Elle désespérait non pas de s'entraîner autant mais de le faire sans résultat, comme si elle avait voulu exceller dès la première heure. Pourtant ce n'était pas le cas, surtout dans cette situation où tous devaient apprendre une tactique en quelques jours à peine. Ils étaient épuisés et la détermination commençait peu à peu à les quitter. Mais il fallait se ressaisir, le match était le lendemain.

Se traînant jusqu'à la douche avec difficulté, Mélisande laissa couler l'eau chaude sur son corps meurtri. Ses cheveux mouillés lui collaient dans le dos et elle ferma les yeux pour éviter à l'eau d'y entrer. Elle resta ainsi de longues minutes, sentant peu à peu la tension disparaître. Elle ne pouvait pas se permettre de partir pessimiste, ils avaient toutes leurs chances. Et ce vaniteux de Potter pouvait toujours parader avec son vif d'or et son insigne de préfet-en-chef - Merlin, comment Dumbledore avait-il pu ? -, il ne parviendrait pas à lui saper le moral.

- Ne t'inquiète pas, vous êtes une équipe merveilleuse et vous allez les battre haut la main, la rassura Diane en se couchant dans son lit tandis que Mélisande rabattait la couverture du sien.

- J'espère, répondit la jeune fille en prenant l'ouvrage de Potions qu'elle avait laissé sur sa table de chevet.

Ce "j'espère" perdura jusqu'au lendemain, lorsque la foule en délire accueillit le commentateur du match qui prenait place dans les gradins. Inspirant profondément, Mélisande tira sur sa robe d'un bleu azur, symbole de sa maison. Il fallait qu'elle reste positive. Elle ne savait pas pourquoi elle était sortie des vestiaires alors que le reste de son équipe était encore en train de se préparer, et elle songea qu'elle avait besoin de se ressaisir, seule, durant quelques minutes.

- Hé, Green.

Manifestement, c'était perdu pour la solitude. D'un pas souple, Sirius Black s'était avancé vers elle.

- Prête pour le match de ta vie ? Essaye de rester accrochée, cette fois.

- C'est gentil de venir m'encourager, Black, mais je peux savoir ce que tu fais dans les vestiaires réservés aux joueurs ?

Il haussa les épaules.

- J'ai mes entrées. Je venais vous souhaiter bonne chance, même si je reste fidèle à ma maison. C'était courageux de votre part de vous proposer en remplacement.

Mélisande ouvrit de grands yeux, peu certaine de ce qu'elle avait entendu. Est-ce qu'il venait de lui faire une sorte de... compliment ? Voyant son air choqué, il reprit :

- Mais toi comme moi nous savons que ça ne servira pas à grand-chose.

Tout l'instinct combattif de la jeune fille se mit en marche.

- Pardon ? Tu ne peux pas savoir l'issue de ce match avant la fin, et tu pourrais être surpris du résultat.

Il sourit, l'air peu convaincu.

- Si tu le dis.

- Tu essayes de me distraire mais ça ne marchera pas, asséna-t-elle en tournant les talons.

- Je n'essaye rien du tout, je te prépare simplement à la triste vérité. Mais peut-être voudrais-tu parier ?

- Parier ? répéta-t-elle, surprise. Sur quoi ?

- Sur la victoire de ce match, répondit-il tranquillement.

- Hors de question, je ne suis pas stupide.

Elle reprit sa marche en direction de la porte des vestiaires, prête à s'y enfermer pour échapper définitivement à ce Gryffondor trop collant. S'il croyait pouvoir l'avoir aussi facilement, il se trompait. Parier ! Comme si elle ne savait pas qu'il ne fallait jamais, jamais parier avec un Maraudeur. Avec qui que ce soit, d'ailleurs. Elle préférait rester le plus loin possible des embrouilles de couloirs, qui finissaient immanquablement par se retourner contre leurs participants.

- Je comprends. Vu le peu de temps que vous avez eu pour vous entraîner, c'est normal d'avoir peur.

Piquée au vif, elle se retourna.

- Il y a une différence entre la peur et avoir suffisamment de jugeote pour ne pas parier avec un Maraudeur.

- Si tu le dis, répéta-t-il. Mais réfléchis à ça : si Gryffondor gagne, ce qui selon toi n'arrivera pas, je me réserve le droit de te demander n'importe quoi selon mon bon plaisir. Si Serdaigle est vainqueur, ce qui te semble une évidence, eh bien... Disons que tu pourras pavaner à ton aise jusqu'à la fin de l'année.

- C'est toujours non.

- Je retire ce que j'ai dit. Ton capitaine a pu montrer une petite once de courage, mais tu en es clairement dépourvue.

- Les insultes ne marcheront pas non plus. Franchement, Black, tu ne peux pas tout simplement lâcher l'affaire ?

- J'ai un faible pour les cas désespérés. Toi aussi, d'ailleurs, étant donné que tu crois toujours que les ratés qui composent ton équipe ont la moindre chance d'effleurer la victoire.

Il accompagna cette remarque fielleuse d'un sourire suffisant. C'en était trop. Fonçant vers lui, elle brandit le manche de son balai qu'elle enfonça dans son torse. Elle ne se faisait pas d'illusion quant à l'issue du combat s'il devait avoir lieu, mais le Gryffondor semblait plus curieux que vindicatif. Quant à elle, il était hors de question qu'elle risque l'exclusion en assommant la coqueluche de l'école, même si l'envie était tenace.

- Je crois que tu as besoin qu'on te rappelle que tu n'es rien de plus qu'un petit prince trop gâté, lança-t-elle. J'ai mieux à faire que de jouer à tes jeux stupides mais s'il faut que je gagne ce pari pour te clouer le bec, soit, je vais le faire.

- Pari tenu ?

Il planta ses yeux dans les siens, attendant qu'elle formule solennellement le pacte qui allait l'enchaîner à lui pour les prochaines heures et peut-être, si Merlin était contre elle, pour les prochains jours. Oubliant les recommandations d'Orest, Mélisande releva fièrement le menton.

- Pari tenu.

- Alors que le meilleur gagne, Green, déclara-t-il tandis que résonnait dans le stade le discours tant attendu.

« Mesdames et messieurs, supporters et professeurs, je déclare ouverte la première rencontre sportive de l'année ! »