Traduction, avec son aimable autorisation, de To Light Another's Path par Beautifulfiction.
Avertissement : Du sang et une légère vulgarité pour ce chapitre.
Note de l'Auteur : C'est ma première tentative dans la fanfiction Sherlock, et j'espère que c'est aussi fun à lire que ça l'est à écrire :) Merci à fritz72 pour les encouragements sans fin.A tous ceux concernés par mes pièces dans d'autres fandoms, ne craignez rien, elles continuerons normalement.
B xxx
Note de la Traductrice : Je tiens tout particulièrement à remercier Beautifulfiction pour son aimable permission pour la présente traduction, sa gentillesse sans fin et ses réponses aux questions quand je m'interrogeais sur le sens de ses magnifiques phrases. Que tous ceux qui peuvent lire cette fic dans sa langue d'origine n'hésitent pas à le faire, car malgré tous mes efforts, je sais que je ne pourrai jamais transmettre tout le charme, la beauté et le style évocateur de l'original. Merci d'écrire de si belles fics.
J'ai prévu d'aller jusqu'au bout de cette fic, mais je suis assez lente, alors j'espère que vous attendrez avec patience chaque chapitre. Pour vous tenir au courant de l'avancée des traductions, le meilleur endroit est à LunaticFrenchFangirl POINT tumblr POINT com
LFF xx
To Light Another's Path : Chapitre Un
Des flashs de lumière bleue ricochaient le long des murs de la ruelle, teintant les déchets et la saleté de nuances violettes. Le cadavre reposait sur le dos, ses yeux marrons vides fixant la bande étroite du ciel couvert de Londres. Ses lèvres blêmes étaient relâchées et légèrement espacées, révélant la morne lueur ivoire des dents, droites sauf une incisive inférieure de travers. Les vêtements de la victime étaient encore enroulés autour de ses formes, les pans du manteau bleu marine pris sous ses épaules : une toile de fond sombre pour la blessure sanglante qui gravait son sourire dans son cou.
Sherlock pressa un doigt sur la blessure, la pellicule fine des gants en latex ne faisant rien pour protéger sa peau du tranchant brumal de l'air hivernal. Elle était profonde, sans doute la cause de la mort. Il voyait une flaque de sang superficielle prise dans la fente de l'entaille, coagulée alors que son corps refroidissait. La peau sur le bord de la blessure était cireuse, les cellules mortes avant que quoi que ce soit comme la guérison ne puisse commencer. Pas qu'elle aurait pu se remettre du coup fatal, bien sûr.
"Dis-moi ce que tu vois."
Il n'avait aucun besoin de tourner la tête et de diriger la question; John saurait qu'elle lui était destinée. Le bruit sec et staccato de ses genoux alors qu'il s'accroupissait aux côtés de Sherlock sembla bruyant dans la ruelle étroite, et ces mains gentilles et guérisseuses glissèrent sur les restes rebondis de ce qui avait été, un peu plus d'un jour avant, une personne bien vivante.
Par le passé, Sherlock ne se serait pas donné la peine de reconnaître l'humanité enfuie du cadavre – en tout cas pas au-delà de ce que l'affaire requérait. Un corps n'était rien d'autre qu'une pile d'indices pour lui, et à cet égard il n'avait pas changé, mais il savait que John voyait les choses différemment : leurs vues dichotomiques de l'empathie et de l'information.
John verrait encore la femme comme une patiente, même si elle était au-delà de la portée de ses soins, et il la traiterait comme telle. Sherlock se perdrait dans la fugue des données que ses restes avaient à offrir, et à leur propre façon ils verraient tous deux la personne qu'elle avait été.
"Une blessure au couteau sur le cou, tranchant à travers sa trachée et l'artère carotide." John grimaça, ses yeux sombres de pitié alors que ses doigts couverts sondaient la blessure avant de descendre vers son sternum, et ensuite vérifiaient ses mains. "Aucune vraie blessure défensive; un ongle cassé, mais c'est tout. Elle a dû mourir en quelques minutes."
Sherlock jeta un coup d'œil oblique, regardant John avec soin. Ce visage tanné était pale à cause du froid : la vasoconstriction emmenant son sang vers son noyau chaud, gardant sa température stable tout en permettant à ses extrémités de souffrir. Sa mâchoire puissante se serra fortement, les molaires écrasées les unes contre les autres alors que la détresse floue trouvait un exutoire vain. Ce devait être aveuglant, pensa Sherlock, parce qu'autrement comment l'évidence pouvait-elle aussi facilement négligée ? John n'était pas stupide, mais il n'observait toujours rien d'important.
"Quoi d'autre ?" l'invita-t-il à continuer, ignorant le déplacement des bottes de Lestrade sur le sol sale et le soupir saccadé d'impatience de Anderson. Ils pouvaient attendre. Ils avaient, après tout, demandé son aide.
John secoua un peu la tête, jetant un coup d'œil de son côté et rencontrant les yeux de Sherlock avec un regard légèrement entendu. C'était un schéma dans lequel ils étaient entrés à chaque scène de crime. Sherlock observait, consumait et déduisait la connaissance en quelques instant, prenant seulement du temps supplémentaire pour cimenter les détails dans son esprit. Il savait que ses capacités étaient bien au-delà de ce que la plupart des gens considérait comme normal, mais John les trouvait fascinantes. Il avait montré un intérêt, et Sherlock se retrouvait à rendre l'effort. Peut-être qu'il ne pourrait jamais ajuster l'esprit de John au niveau du sien, mais il voulait en donner à John un avant-goût : cette satisfaction frémissante de prendre la somme des menus détails disponibles et de peindre un chef d'œuvre de vérité à partir de ses fragments.
Et donc il demandait que John se donne à fond et améliore son point de vue superficiel. Le succès était plutôt limité.
Il regarda les yeux de John balayer le corps, et finalement, il vit le moment où cette concentration se déplaça, quand John cessa de voir une personne – vingt-sept ans, accro au travail, lui tardait de voyager mais n'avait jamais le temps – et observa les faits à la place.
"Où est tout le sang ?"
Sherlock sourit, se permettant la plus légère exhalation de quelque chose comme du soulagement. Que ça ait pris plusieurs minutes à John pour remarquer ce qu'il avait identifié en un battement de cœur n'était peut-être pas des plus encourageant, mais ni Lestrade (distrait par le divorce, fonctionnant en dessous de son efficacité habituelle) ni Anderson (simplement incompétent) n'en étaient arrivés à saisir cette question essentielle.
Un poids dans la poche du manteau guida les doigts de Sherlock, et il en retira le téléphone, enlevant un gant avec un bruit sec alors qu'il permettait aux informations sur la vie de cette femme de se dérouler sous son toucher.
"Sophie Lattimer. Elle n'a pas été tuée ici," dit-il finalement, en se relevant puis faisant face à Lestrade. La main du Détective Inspecteur était pincée sur l'arête de son nez, et il réussit un hochement de tête brusque : un simple geste d'encouragement. Pas que Sherlock en eut besoin. "Si c'était le cas, la ruelle serait couverte de sang, tout comme ses vêtements."
"Le tueur l'a rhabillée ?" John plissa les yeux d'un air sceptique vers la femme. "Ils lui vont bien, ce qui dit que c'était planifié, mais la blessure au couteau est maladroite..."
"Et avec une lame étroite inadaptée à la tâche. La plaie est irrégulière là où elle a été forcée. Les vêtements lui vont parce que ce sont les siens : une marque d'enseigne bon marché retirés précipitamment de son armoire, mais –" Sherlock plissa les yeux, assimilant la situation dans son ensemble. "Elle ne s'est pas habillée."
"Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?" Lestrade laissa tomber sa main, son regard parcourut aveuglément le corps à leurs pieds.
Sherlock laissa échapper un dur soupir de tout-le-monde-est-idiot et sentit John se crisper à ses côtés avant de s'avancer très légèrement plus près. Ce n'était pas une réprimande ou un avertissement, mais une allusion de mouvement qui était la plus légère présence d'une laisse sur l'impatience de Sherlock. Il y avait une compréhension muette du fait qu'avec la brillance venait l'arrogance, et une demande silencieuse de John d'épargner le Yard de sa morsure.
"Toute femme prête à dépenser presque un mois de salaire sur une paire de chaussures Manolo Blahnik," il fit un geste vers les talons aiguilles élégants, tellement détonants qu'ils semblaient obscènes au milieu des saletés du caniveau, "ne les assortirait pas avec une jupe standard, un chemisier en polyester et un manteau de franchement mauvaise qualité. Aucun doute qu'elle gardait ses meilleurs vêtements pour le travail; directrice financière, à en juger par la pléiade d'applications de bourse sur son téléphone, et portait les autres chez elle dans ses rares heures hors du bureau."
Il fit une pause, rassemblant les détails autour de lui-même, bien trop conscient des regards de perdus-en-mer qu'il recevait de tout le monde à portée de voix. "Elle était nue quand elle a tuée, comme prouvé par la sang séché." Il s'accroupit, souleva d'un petit coup le bas de son chemisier pour révéler une patine sépia sur sa peau. "Le tueur l'a essuyé sur ses mains et sa poitrine pour qu'il n'apparaisse pas sur les bords de ses vêtements, mais a oublié ses pieds. Elle ne portait pas de chaussures ou de bas, et des gouttelettes sont restées entre ses doigts de pied, suggérant qu'elle se tenait debout au moment de l'attaque. Le coup a été porté depuis l'arrière par quelqu'un en qui elle avait confiance. Un amant."
"Parce qu'elle ne portait pas de vêtements ?" demanda John, et Sherlock fit un bref hochement de tête, ses lèvres s'inclinant en un soupçon de sourire alors qu'il levait les yeux vers John depuis là où il était à nouveau accroupi aux côtés de la femme.
"A qui d'autre exposerait-on son dos nu ? Qui que c'était, elle ne s'attendait pas à une quelconque attaque. A en juger par les fils de haute qualité coincés dans le talon de la chaussure, un mélange de laine, au velours double torsion, elle a été assassinée dans un appartement haut de gamme. Chez elle. C'est là que vous trouverez le sang et," il jeta un coup d'œil à sa montre, vit les aiguilles planant sur trois heures de l'après-midi, "probablement l'identité de l'amant meurtrier, si vous vous dépêchez."
Il bougea pour se lever, déplaçant son poids sans pensée directe de son esprit, pourtant quelque chose – un sens indéfinissable de quelque chose de mal – fit se contracter et s'affaiblir ses muscles. Devant lui, le cadavre se brouilla, ses contours nets devenant troubles alors que sa tête tournait. Ça passa en une question de secondes, le laissant cligner des yeux de confusion avec le poids chaud de la main de quelqu'un sur son coude.
"Ça va ?" La question de John était abrupte; affûté par la bataille, et Sherlock frissonna sous le fardeau de ce regard pénétrant. "Quand as-tu mangé pour la dernière fois ?"
La seule réponse de Sherlock fut un faible reniflement, et il se faufila hors de la prise de John alors qu'il ajustait son manteau et qu'il enlevait le latex collant de sa main gauche. "Je vais bien," répondit-il sèchement, en se reculant du corps et se libérant de la prise fétide de l'espace aérien de la ruelle étroite. "L'adresse est dans le téléphone." Il le passa à Lestrade.
Lestrade hocha la tête, son regard tombant avec pitié sur la femme une fois de plus avant qu'il ne fasse un geste vers Anderson et son équipe. "Commencez la procédure. Nous allons examiner l'appartement et voir ce que nous pouvons trouver." Il leva une main, son expression sombre alors que Sherlock marchait presque dans l'éventail chaud de sa paume. "Je vous enverrai un texto si nous avons encore besoin de vous."
"Une perte de temps," dit Sherlock d'un ton sec, se renfrognant alors qu'un autre frisson se frayait un chemin le long de sa colonne vertébrale. La journée s'éteignait, entraînée par la prise sombre de l'hiver, et l'air froid et humide semblait s'infiltrer par les bords de son manteau et faire des nids près de sa peau. "John et moi vous y retrouverons."
Il évita la masse de Lestrade avant qu'il ne puisse protester, se dirigeant vers la rue principale. Il savait sans regarder que John le suivrait, sans doute avec un regard d'excuse et un sourire. Il semblait avoir fait sa mission dans la vie d'aplanir les poils hérissés que Sherlock laissait où qu'il aille. Il ne savait honnêtement pas pourquoi John se dérangeait. Les opinions des autres n'avait aucune influence sur sa vie, ça ne faisait aucune différence sur le Travail, après tout...
Un autre frisson traversa son corps, réveillant une cacophonie gémissante de douleurs dans son sillage. Ses genoux semblaient fait de béton qui s'écroulait, et les muscles dans ses cuisses tremblaient sous l'effort de chaque pas. Peut-être que John avait raison après tout. Le dernier repas avait été il y avait longtemps. Dès que l'affaire le permettrait, il mangerait quelque chose : un geste symbolique pour le corps qui transportait la lueur de son esprit.
Il prit une profonde inspiration par le nez, prenant un moment pour apprécier l'odeur de Londres – gaz d'échappement de voitures, diesel et sans plomb, la menace toujours présente de la pluie, la décomposition et la légère fragrance liquide de la Tamise – avant de lever la main pour héler un taxi qui passait. Le taxi londonien ralentit au trottoir, un volume noir familier, et Sherlock réprima un soupir de soulagement alors qu'il se glissait dans le berceau inconfortable du siège.
"Admiral Walk," donna-t-il comme instruction au chauffeur, regardant l'essaim de perles et autre assortiment se balancer du rétroviseur alors que le véhicule entrait dans le trafic. C'était vaguement hypnotique, un métronome involontaire au roulis élégant du taxi, et Sherlock se retrouva à le fixer d'un air absent à travers le voile éraflé de la cloison.
"Tu ne vas pas bien."
Il ferma les yeux, essayant d'ignorer le fait qu'ils brûlaient le long des plis de ses paupières alors qu'il les ouvrait de nouveau en les traînant. Bien sûr, John choisirait ce moment-là pour être observateur. Peut-être qu'il était naturellement plus attentif aux détails des vivants, plutôt que des morts. Il était docteur, après tout, un détective du malaise biologique du peuple, et un qui semblait sensible d'une manière exaspérante aux douces fluctuations à la fois de l'humeur et de la santé de Sherlock.
"Qu'est-ce qui te fait dire ça ?" demanda-t-il, sincèrement curieux. Il n'avait pas été malade durant l'année où John l'avait connu, en tout cas, rien qui ne soit auto-infligé. Blessé, oui, et légèrement empoisonné par une expérience prenant une tournure inattendue, mais rien de plus sérieux. John n'avait même pas été sollicité pour utiliser le kit d'overdose de qualité hospitalière que Sherlock savait qu'il avait rassemblé après la soit-disant descente de drogues de Lestrade. Il n'y en avait simplement eu aucun besoin. Même durant ses crises les plus profondes d'ennui, Sherlock n'était pas retourné à sa substance récréative préférée. Pourtant là se trouvait John, sans doute voyant bien plus dans la trahison persistante du corps de Sherlock que lui-même n'était disposé à en afficher.
"Tu es toujours pale, Sherlock," signala John, "mais maintenant tu es presque gris. Plus évidente est la manière dont tu bouges – raide et sensible – comme si c'était toi qui avait une jambe douteuse." Un léger sourire s'incurva sur la bouche de John, moqueur à la mention de sa claudication psychosomatique, partie depuis longtemps à ce moment-là à moins qu'il ne soit émotionnellement épuisé.
Sherlock essaya de le lui rendre, mais son visage semblait rigide et anormal, ses muscles ne répondant pas, donc il interrompit la tentative avant de lui donner une chance. Il referma les yeux, exaspéré par la douleur basse et crissante qui avait commencé à palpiter à ses tempes. Probablement causée par la fluorescence nauséeuse et cireuse de la lumière intérieure du taxi, pensa-t-il.
L'effleurement frais des doigts de John sur son front le fit reculer, se cognant presque la tête contre la fenêtre alors que l'instinct faisait entrer brusquement des muscles endoloris en action. La main de John hésita, toujours levée, et Sherlock vit le moment où la décision fut prise d'avancer, plutôt que de battre en retraite. Les lèvres minces de John se serrèrent davantage, ses épaules se tendant légèrement alors qu'il répétait le geste, sachant très bien que Sherlock n'avait nulle part où aller. Il était efficacement cloué dans le coin, incapable d'éviter le léger examen.
C'était le plus simple des contacts, banal dans son innocence, mais Sherlock se retrouva quand même à regarder fixement, ses yeux lançant un regard furtif sur le visage de John dans une quête affamée pour des indices. Les émotions n'avaient jamais été son domaine, mais des mois de familiarité avaient rendu les expressions de John moins opaques que la plupart, et il connaissait bien trop l'inquiétude qu'il pouvait lire des lignes autour des yeux de John.
"Peut-être que j'ai ramené quelque chose du cabinet," songea-t-il doucement, se rapprochant le long du siège et pressant sa paume sur le front de Sherlock. "Il y en a plein qui se promènent. Période de grippes et tout ça."
"Non." Le mot claqua dans l'air entre eux, et John souleva un sourcil sceptique. "Je ne suis pas malade, John. Je n'en ai pas le temps."
"Laisse-moi deviner, pas pendant que tu es sur une affaire. Comme manger et dormir." John soupira, retira sa main vers la périphérie plus sûre et moins intime du poignet de Sherlock. Il ne demanda pas la permission. Il pensait probablement que c'était inutile dans la recherche d'un diagnostique, pourtant Sherlock réalisa faiblement qu'il ne lui refuserait jamais de toute façon. "Tomber malade n'est pas quelque chose que tu peux contrôler, tu sais."
"Le pouvoir de l'esprit; il y a eu plusieurs études..." La voix de Sherlock s'affaiblit lorsque John leva les yeux vers lui sous un froncement de sourcils, les lignes encadrant ses lèvres s'approfondissant sous le doute. Clairement ce n'était pas le moment pour plus d'éclaircissements.
"Je ne peux pas dire si tu as de la fièvre ou non, pas quand tu es resté dans le froid pendant plus d'une heure, mais nous devrions rentrer à Baker Street."
"Non !" Sherlock saisit le poignet de John, retirant sa main de là où des doigts frais et secs pressaient contre son pouls radial. "Ma santé est satisfaisante pour examiner l'appartement. Ça pourrait signifier la différence entre un meurtrier dans une cellule ou se promenant dans les rues."
C'était un bon argument, un qu'il brandissait devant lui comme une carotte sur un bâton parfois. Cela échouait rarement par se solder par un abandon final. Peu de personnes normales pouvaient permettre à l'équilibre de leur code moral de pencher en faveur de garder le lit par rapport à la capture d'un dangereux criminel, mais il semblait que peut-être cette fois John avait trouvé son point critique.
"Lestrade n'est pas idiot, Sherlock, quoi que tu puisses penser. Il est plus que capable de fouiller l'appartement lui-même. Il nous enverra un texto s'il trouve quoi que ce soit d'intéressant. De plus, tu as dit toi-même avant même que nous quittions Baker Street que l'affaire était sans intérêt."
"Elle l'est." Il soupira, souhaitant qu'il y ait un panthéon d'immoralité plus intrigant disponible pour lui. Nombre de criminels de Londres semblaient manquer terriblement de créativité depuis que Moriarty se terrait. "Pas de chambre close, pas de tueur en série... pas de nuance unique pour capturer mon intérêt. Une affaire telle un livre ouvert. Lestrade m'a seulement demandé parce que sa charge de travail a atteint un pic intolérable. Il a besoin d'affaires résolues rapidement et sans finesse." Il sourit. "Cela correspond au meurtre, en fait."
"Alors pourquoi es-tu si désireux de voir son appartement ?" défia John, s'enfonçant dans son siège et croisant les bras, son menton levé en défi pugnace. "Tu veux t'assurer que tu as raison ?"
"Je sais que j'ai raison," répondit-il, courbant les épaules et essayant de ne pas trembler. Le chauffage du taxi faisait un travail parfaitement correct pour transformer l'air en velours chaud autour d'eux, mais ça ne ferait que refermer le piège d'acier de l'hiver d'autant plus fort autour d'eux quand ils atteindraient leur destination. "Je vis dans l'espoir éternel que peut-être il y a quelque chose de plus intéressant à découvrir qu'un cadavre dans une ruelle; quelque chose qui élèvera ce crime du banal et lui permettra de monter dans le royaume de l'intrigant."
Il entendit le son réprimé du soupir de John. Pas celui qu'il faisait quand il essayait de ne pas sourire, mais l'autre : la contrariété. Le timbre était plus faible, et il y avait une minuscule intonation vers le bas. Sherlock avait entendu ce son fréquemment durant le dernier mois depuis la confrontation avec Moriarty à la piscine. John devenait de plus en plus frustré avec les humeurs sombres de l'ennui et le comportement imprudent qu'elles inspiraient souvent. Il se lassait de la manière dont l'esprit de Sherlock se tournait vers l'intérieur, destructeur et mordant, quand il n'y avait rien d'autre pour occuper la tempête d'intellect et de déduction.
C'était la vraie raison pour laquelle Sherlock voulait voir l'appartement, pas parce l'affaire avait un quelconque réel intérêt, mais simplement parce qu'il s'ennuyait. Retourner à Baker Street serait la même chose que sombrer à nouveau dans ces ombres oppressantes – permettant à la concentration de son esprit de se disperser, tranchant et douloureux envers toutes les cibles sans méfiance de sa frustration : Mme Hudson, John, des étrangers prétendument innocents et, bien sûr, lui-même.
Non, une affaire – n'importe quelle affaire – était mieux que ça. Son esprit avait besoin de nourriture, d'exercice, de défi, ou il commençait à marcher dans les avenues crépusculaires de "un peu pas bien". S'il ne pouvait pas déduire l'écoulement du sang et le mystère de particulaires alors il se retrouvait piégé dans une boucle de connaissance dénuée de sens s'écoulant toujours vers l'intérieur – le schéma des feux de signalisation, la vie du facteur, les secrets intimes de tous ceux autour de lui – tout prenant de la place sur le disque dur de son esprit et pesant sur lui dans la mer de la non-pertinence.
Il valait mieux éplucher le banal que le Yard pouvait offrir que de se soumettre encore à ça. Avant John, il ne serait pas gêné – il aurait survécu à la tempête du mieux qu'il pouvait par n'importe quel moyen nécessaire et garder ses critères élevés d'intrigue – mais maintenant il se retrouvait étrangement peu disposé à laisser John être témoin des vraies profondeurs dans lesquelles il pouvait sombrer. Après tout, il y avait toutes les chances que ce soit assez pour finalement briser la force de John et le faire partir.
Non, ce serait intolérable.
Le taxi s'arrêta au bord du trottoir, interrompant ses pensées, et il contraignit ses membres à l'activité. John fut laissé à payer le conducteur alors que Sherlock se faufilait hors de son siège et trottait le long des marches vers l'immeuble immaculé. C'était cher, mais pas assez bien pour garder un portier dans le personnel. Clairement Mlle Lattimer avait la satisfaction d'un travail bien payé dans la City et le bénéfice de quelques investissements intelligents pour se permettre l'endroit, bien qu'il l'estimerait au-delà de portée de son salaire. Elle avait une autre source de liquide, bien que la pertinence de ce fait était sujette à discussion.
Un système à carte magnétique protégeait la porte, et il soupira d'irritation avant de regarder le système d'interphone sur la droite. Un appartement était parfaitement sans nom, et il eut un sourire suffisant alors qu'il appuyait sur le bouton au-dessus, attendant qu'une voix grésille par l'interphone.
"Oui ?"
Fumeur dans la quarantaine, éducation dans une école privée, probablement haut placé dans le conseil des directeurs dans une des corporations sans nom jonchant les rues de Londres. "Oh, génial !" dit Sherlock, permettant qu'un sourire et une touche d'essoufflement entrent dans sa voix. "Je viens juste pour voir l'appartement vide au troisième étage, mais le foutu agent immobilier est en retard. Pourriez-vous me laisser entrer pour que je puisse au moins regarder le bâtiment en attendant ?"
Près de lui, John roula des yeux, une expression qui ne fit rien pour cacher la grimace. Il détestait clairement quand Sherlock faisait semblant d'être normal, se glissant avec une aisance douloureuse sous une apparence comme celle-ci. Malheureusement, de telles choses étaient souvent plus simples que de dire la vérité. Ça ne devrait pas marcher, les mensonges et la tromperie, les gens devraient poser plus de questions, avancer plus de mises en doute, mais d'une manière ou d'une autre ils ne le faisaient jamais. Des étrangers étaient bien trop contents de prendre ce qu'ils sentaient être la vérité et tant pis pour les conséquences. Ils voulaient voir le bon chez les gens. Comme si la position par défaut de l'humanité n'était pas naturellement un genre pas très net de méchanceté, mais quelque chose de plus louable.
"Bien sûr," répondit la voix rocailleuse. "J'espère qu'il vous plaira. La satané endroit est vide depuis des mois." Un instant plus tard la LED sur la porte devint verte, permettant à Sherlock de faire irruption dans le vestibule avec John sur ses talons.
"Pas de voisin à l'étage du dessous," marmonna Sherlock alors qu'il se rendait à l'ascenseur.
"Personne pour entendre des bruits nocturnes," conclut John. "Peut-être que les gens d'un côté ou de l'autre de chez elle auront entendu quelque chose ?"
Sherlock secouait déjà la tête, assimilant le numéro de série de l'ascenseur avec un petit mouvement rapide des yeux. "Des appartements dans le Centre Londres de Première Qualité construits pour la joie des drones dans le district financier en 2007 à l'apogée du marché immobilier. Les appartements sont larges et spacieux, pour mieux confirmer l'étiquette de prix exorbitante. Elle avait un voisin de l'autre côté du couloir qui n'est pas chez lui depuis plus d'une semaine."
"Comment...?"
"Les boîtes aux lettres dans le hall. Mlle Lattimer occupe la suite numéro huit. La boîte du numéro sept n'a pas été vidée depuis un moment."
John émit un faible souffle de rire, et Sherlock eut un sourire satisfait, en entendant le tacite "Incroyable !". John le disait moins tout haut ces temps-ci, peut-être parce qu'il avait peur que Sherlock le sermonne sur la répétition inutile, mais le sentiment était encore détectable. Les épaules de John, tendues depuis la sortie du taxi, s'étaient détendues, et ses yeux bleu sombre s'adoucirent alors qu'il disait, "Si tu as attrapé quelque chose, ça ne te ralentit pas beaucoup."
"Comme je l'ai dit, le pouvoir de l'esprit."
L'expression suffisante sur le visage de John était entièrement trop nette – trop entendue – au goût de Sherlock, et il souleva un sourcil interrogateur alors John se penchait en arrière. "Donc tu admets que quelque chose ne va pas ?"
"Je n'ai rien fait de la sorte," répondit Sherlock avec un reniflement alors que le carillon monotone des portes de l'ascenseur annonçait leur arrivée à l'étage pertinent. Il sortit vivement, impatient d'échapper à l'attention déconcertante du regard de John alors qu'il marchait sur le sol d'un couloir bien éclairé. De larges fenêtres donnaient une vue de l'affairement de Londres au dehors, pas suffisamment haut pour se permettre une vue sur les toits, mais plutôt sur le panorama plus claustrophobe de la rue en bas.
La porte du numéro sept était fermée solidement sur leur droite, et l'espace intermédiaire du sol en marbre blanc était vierge d'empreintes de pas révélatrices. Pourtant ce fut l'odeur qui attira l'attention de Sherlock : astringente et aiguë. "De l'eau de Javel. Quelqu'un a nettoyé."
"La porte n'est pas fermée," murmura John, bougeant sa tête d'un coup sec vers le numéro huit, et Sherlock suivit son geste. Sans surprise, le loquet était sorti trop tôt, empêchant le mécanisme de verrouillage de glisser à sa place dans la cavité. Tout aussi bien, parce que ses crochets seraient inutiles contre le système de cartes magnétiques en place.
Silencieusement, il se rapprocha, glissant ses mains dans des gants en cuir alors qu'il évitait avec soin la poignée; ça ne lui rendrait pas service avec la police londonienne s'il étalait toute empreinte disponible. Ouvrant la porte en faisant levier sur quelques centimètres, il scruta l'intérieur, assimilant l'obscurité qui était tombée au coucher du soleil. Il n'y avait aucun signe évident de mouvement, ni de sons venant de l'intérieur. Qui qu'ait été là avant, pas plus d'il y avait quelques heures à en juger par l'odeur de l'eau de javel, s'était clairement déjà envolé.
Le doux vrombissement de l'ascenseur fit faire une pause à Sherlock, soulevant un sourcil de surprise alors que John se pressait contre le mur près de l'ascenseur. Sa main était sur la forme grossière du Browning dans sa poche. C'était rare que le pistolet soit laissé à Baker Street ces temps-ci, le risque d'être attrapé avec était moins important que la probabilité de devoir tirer sur quelqu'un. C'était réconfortant de voir John comme ça, son comportement se déformant pour révéler une facette différente de sa personnalité : pas juste colocataire, docteur, ami – mais soldat et protecteur.
Seulement quand les portes de l'ascenseur s'écartèrent pour révéler Lestrade et Donovan se détendirent-ils tous les deux, la main de John retombant à ses côtés alors que ses traits irradiaient une innocence modeste.
"Qu'est-ce que le taré fait là ?" demanda Donovan, manquant d'originalité comme toujours.
Sherlock remarqua le faible serrement de la mâchoire de Lestrade. Les moqueries du sergent passaient souvent avec tout juste une réprimande. Cette fois était très légèrement différente. "Il a découvert où la victime vivait, quelque chose que ni vous ni Anderson n'avez pu obtenir." Il se retourna vers Sherlock avec un froncement de sourcils. "Si vous êtes déjà entré là-dedans..."
"La scène est en l'état, et la porte n'était pas verrouillée quand nous sommes arrivés. Sans doute laissée ouverte par quiconque a jugé nécessaire de balayer tout le sol à l'eau de javel." Sherlock agita une main autour de lui. "Quelqu'un a essayé de couvrir ses traces."
"Qui a dû regarder trop d'épisodes des Experts," marmonna Lestrade, en reniflant avant d'approcher de l'embrasure de la porte, ignorant l'expression perplexe de Sherlock.
"Télé," y répondit John, souriant à la grimace d'incrédulité de Sherlock. "Il s'avère que ce n'est pas entièrement inutile après tout."
"Sans intérêt." Sherlock regarda Lestrade et Donovan entrer dans la suite, marchant prudemment le long des bords de la pièce plutôt que de marcher à grands pas au milieu. Clairement ils faisaient un effort pour épargner les preuves pour les efforts incompétents de Anderson, bien que Sherlock aurait pu leur dire qu'ils perdaient leur temps. Le velours du tapis était peigné, l'aspirateur récemment passé, et la puanteur de l'eau de javel ne faisait que s'intensifier alors qu'ils quittaient la petite entrée et entraient dans les pièces sans cloisons au-delà.
Sherlock plissa les yeux, fronçant les sourcils à la disparité. Le corps avait été jeté dans une ruelle, ni particulièrement bien caché ni nettoyé, bien que des efforts maladroits aient été faits. Pourtant l'appartement était immaculé. Les quelques objets à valeur sentimentale étaient disposés avec soin, pourtant il n'y avait pas de poussière autour – rendant impossible de dire s'ils avaient été dérangés. Le tapis était sans défaut – pas de trace d'empreintes, pas même de tache de café ou de vin, et la chambre était étrangement similaire.
Il aurait dû y avoir du sang partout. Une carotide tranchée donnait lieu à une projection artérielle, pourtant le lit était fait avec du linge blanc, complètement propre, et les murs étaient sans tache. Sans la fragrance chimique de l'eau de javel, Sherlock pourrait presque croire qu'il s'était trompé. Non, quelqu'un avait détaillé cet appartement, essuyant méticuleusement les preuves.
"Intéressant," murmura-t-il, un frisson de curiosité se propageant dans son esprit. "Il y avait un complice. Soit il ou elle était chargé de se débarrasser du corps, ou de nettoyer la pièce." Il écarta les doigts vers l'extérieur, les pointant vers le sol pour insister. "Quiconque a rangé cet appartement était attentif aux détails et minutieux – impartial. Celui ou celle qui s'est occupé du corps était maladroit et effrayé."
"Vous êtes sûr qu'elle a été tuée ici ?" demanda Lestrade, les sourcils levés. "Si vous avez tort, vous pourriez nous faire gagner beaucoup de temps et simplement l'admettre."
Sherlock eut un sourire suffisant, et pointa muettement un doigt vers le plafond au-dessus de leurs têtes. Ce n'était pas beaucoup, facilement raté, mais quelques taches sombres persistaient sur la peinture blanche près de l'applique luminaire. "Le pic de la projection artérielle sur la première coupure," murmura-t-il. "Je n'ai pas tort. C'est votre scène de meurtre. Faites vérifier le châlit à Anderson, s'il en est capable. La peinture noire pourrait cacher d'autres taches. Clairement on s'est débarrassé de sa literie, mais il y aura des emplacements vides dans l'armoire, et –"
Sa voix mourut dans sa gorge, étouffée par un élancement vif et soudain à travers sa tête. Il pouvait sentir les poils sur ses bras être incités à se redresser par un autre frisson, et cette fois il n'y eut aucun soulagement. Ça ne passa pas comme une vague, mais à la place s'attarda, faisant tressaillir et se contracter les muscles. L'envie de se reposer fut abrupte et passionnée – détestable alors qu'elle transperçait sa concentration et éparpillait ses déductions au vent, le laissant tâtonner désespérément pour ce qu'il avait été sur le point de dire.
"Et –?" invita Donovan, ses lèvres tremblant autour d'un sourire de dédain.
"Trouvez l'amant et vous trouverez vos réponses. A moins que cette simple tâche ne vous dépasse ?" sortit Sherlock d'un ton mordant, essayant de cacher le déraillement abrupt du fil de sa pensée. Peut-être que John avait raison après tout : Baker Street appelait.
Il s'engouffra dans la pièce principale avec autant de dignité qu'il put en rassembler, essayant de ne pas s'affaler manifestement contre le mur alors qu'il repérait John qui passait soigneusement en revue le peu de photos décorant l'endroit. La pièce était comme une coquille vide : une maison plutôt qu'un foyer, mais bien que cette pensée le travaillait au bord de son esprit, Sherlock ne pouvait rien en faire.
Détestable. Détestable ! Comment cela pouvait-il arriver ? Comment son esprit pouvait-il être tiré vers le bas avec autant de facilité : une victime des caprices de sa chaire insignifiante ? Cela lui donnait envie de se griffer pour écarter en l'arrachant le voile étouffant de faiblesse qui l'avait saisi si rapidement dans son étreinte, mais il découvrit qu'il avait à peine la force de soulever les bras. Quand il appela le nom de John cela ne fit qu'empirer, comme si le simple exercice de pousser de l'air au-delà de ses cordes vocales était une tâche herculéenne.
"John ?"
Il leva la tête au faible appel, le brouillard distant de réflexion dans ses yeux se dissipant en un regard attentif de sympathie que Sherlock trouva à la fois misérable et gratifiant. Clairement il avait maintenant l'air aussi mal qu'il se sentait, et l'attention de John était absolue. Il intégra tout d'un œil exercé, se déplaça avec une prompte efficacité aux côtés de Sherlock avant de secouer la tête.
"Bougre d'idiot." L'affection s'infiltra dans sa voix, chaude et réconfortante, comme si Sherlock avait fait quelque chose de stupide mais pas du tout inattendu. "Allons, on te ramène à la maison."
Et, pour une fois, Sherlock était heureux de se livrer à l'aide d'un autre, faible et confiant alors que John l'emmenait.