Après plus d'une éternité, voici la suite! L'histoire prend de l'ampleur et, en toute objectivité, j'ai aucune espèce d'idée d'où je m'en vais. C'est loin de progresser aussi vite que je le voudrais et il y a plein de détails qui s'ajoutent sans mon consentement... Ce qui est certain, en tout cas, c'est qu'il y aura plus que trois chapitres. Après, je sais pas encore tout à fait combien... on se garde la surprise?

Sinon, ce chapitre m'a donné plus de mal que le premier, et d'ailleurs je suis pas mal certaine qu'il est moins bien réussi. Il s'agit plus d'une transition qu'autre chose, mais j'espère que c'est un minimum intéressant.

Ah oui, pendant que j'y pense, même si le nom de Midorima va changer, je vais continuer de l'appeler comme ça parce que je trouve que c'est plus simple pour la narration. Désolé si ça vous dérange.

Bon, allez, je vous laisse vous faire une idée! Bonne lecture!


Midorima ne savait pas s'il devait être surpris ou pas.

En tout cas, ce qui n'était pas surprenant, c'était qu'il avait réussi l'examen d'admission de Rakuzan, de même qu'Akashi. Ce qu'il ne savait juger, pour l'instant, c'était que ses parents, qui pourtant jusqu'à présent ne s'étaient jamais souciés de lui, venaient de refuser qu'il quitte leur domicile.

Il tenta bien de les convaincre qu'il allait loger chez un ami, que ça ne leur couterait pas plus cher, mais ils refusaient toujours. Midorima ne pouvait pas leur avouer la vérité, alors il décida plutôt de faire part du problème à Akashi le lendemain même.

Ils étaient seuls dans une classe vide, après l'école, et Akashi avait sorti son plateau de shogi. Avant même qu'il ne puisse installer les pièces, Midorima lui expliqua :

- Mes parents refusent de me laisser aller à Rakuzan.

Akashi fit une pause dans ses mouvements, et son visage, pendant une seconde, montra presque de l'agacement. Cela dit, il se reprit bien vite et commenta :

- C'est problématique.

Puis, il commença à installer les pièces. Par habitude, Midorima le suivit et installa ses propres pièces. Quand tout fut bien placé, le futur chef continua :

- Je vais régler le problème.

Midorima insista :

- Akashi, qu'est-ce que tu comptes faire au juste?

Son sourire malsain sur le visage, il se fit évasif :

- Je vais simplement les convaincre du bienfondé de ma requête.

Midorima ne les aimait pas beaucoup, mais c'était quand même ses parents; comme il avait peur qu'Akashi ne fasse quelque chose d'inconsidéré, il lui demanda, en replaçant ses lunettes :

- S'il te plait, ne les tue pas, Akashi.

Le rouquin posa ses coudes sur la table et, en le fixant de ses yeux rouge et doré, il lui fit savoir :

- Tu sais, Shintarou, dans ce milieu, on se salit toujours les mains. Tu es encore jeune, mais il viendra un jour où toi aussi tu seras obligé de tuer. Même s'il s'agit de tes parents.

Midorima déglutit et ne sut que répondre. Décidément, il avait encore du mal à imaginer l'ampleur de la décision qu'il avait prise. Au moins, il savait que jamais il n'aurait à tuer Akashi : à ce stade, c'était le plus important.

Le futur chef soudain se laissa aller sur sa chaise et lui fit savoir :

- Cela dit, rassure-toi, je n'aurais aucun avantage à les tuer dans ces circonstances.

Le plus grand laissa échapper un souffle qu'il ne savait pas qu'il retenait. Au moins, il n'aurait pas le meurtre de ses parents sur la conscience.

Finalement, la famille Akashi offrit un montant non négligeable à ses parents pour qu'ils lâchent prise. Midorima était plus que jamais prisonnier, maintenant : il devait rembourser la dette qu'il venait de contracter.

Vraiment, des parents qui vendent leur enfant à des yakuzas : on aurait dit des méthodes de l'ancien temps ou tout droit tirées d'un film. Midorima cela dit était soulagé que les conséquences soient de cet ordre uniquement. Dette ou non, il était de toute façon lié à Akashi jusqu'à la mort, alors ça ne changeait pas grand-chose.

Il passa le reste de l'année scolaire sans même entrevoir ses parents. Sa petite sœur était plus souvent présente, mais elle n'insista pas pour le retenir – elle ne connaissait pas la vraie raison de son départ, il faut dire, ses parents lui avaient menti à ce sujet. Ils allaient déménager dans une meilleure maison, elle était donc occupée à faire des boites et à planifier tout ce qu'elle pourrait s'acheter avec son nouvel argent de poche.

Avant de se rendre enfin à Kyoto, il dut remplir quelques formulaires et lire quelques documentations sur la vie des yakuzas. Il allait devoir suivre une formation équivalente à celle d'Akashi, question de pouvoir l'assister. Évidemment, c'était en dehors de l'école et des tâches qui l'attendraient au conseil des élèves – parce qu'il serait encore vice-président –, mais Midorima n'était pas inquiet : il était habitué à travailler beaucoup.

On lui fournit aussi de nouveaux vêtements, dont des kimonos pour porter durant les occasions spéciales ou pendant qu'il était à la maison. Autrement, on lui avait aussi fourni des vestons-cravate, comme les yakuzas habituels. Son premier costume était vert, comme pour aller avec ses cheveux et ses yeux.

Il avait aussi amené des vêtements plus simples de chez lui, mais il n'aurait pas l'occasion de les porter souvent. En plus de l'uniforme scolaire, on pouvait dire qu'il n'avait jamais possédé une aussi grande collection de vêtements.

Le jour où il déménagea était un samedi – il commençait le lycée le lundi suivant. Il n'avait que deux jours pour se faire à la grandeur impossible de cette maison-là – elle était deux fois plus grande que celle à Tokyo – et à la vie complètement différente de celle qu'il avait vécue jusqu'à présent.

Il avait toujours été plutôt indépendant. Il n'avait aucun talent en cuisine, mais il faisait quand même la plupart de ses repas. Il s'occupait aussi de nettoyer, de faire le lavage, bref, il effectuait déjà toutes les tâches. Cela dit, il arrivait dans un environnement dans lequel il n'aurait plus rien de tout cela à faire : c'était le travail des autres employés. Au moins, il mangerait mieux et aurait plus de temps pour le reste, mais il devait s'habituer au fait qu'il ne serait plus jamais indépendant – il devrait suivre Akashi toute sa vie, après tout, sans espoir de s'en sortir.

Ce samedi-là, Midorima était encore trop excité à l'idée de vivre avec celui qu'il admirait pour vraiment s'en soucier, mais il y avait une part de lui qui se doutait bien que ce ne serait pas si facile, peu importe la force de ses sentiments. Au moins, il avait un but dans la vie maintenant, mais il avait tant perdu pour l'obtenir qu'il savait qu'il finirait sans doute par le regretter.

Cela dit, ce n'était pas encore dans ses soucis les plus importants. En l'occurrence, Akashi était assis à son bureau, dans sa propre chambre – la porte séparant leurs deux pièces était grande ouverte –, et il lui mentionna, en leva le regard du livre qu'il lisait :

- Ce soir, tu vas enfin rencontrer mon père.

Son père, c'était le chef du clan. Si Midorima savait au moins son nom – Akashi Shouzou –, il n'avait pas vraiment idée de ce à quoi il ressemblait. C'était le seul qui avait le moindre contrôle sur Akashi Seijuro, le seul en vérité qui avait vraiment autorisé la présence de Midorima dans cette maison.

Il ne pouvait absolument pas le décevoir.

Akashi bien évidemment perçut son trouble et délaissa son livre. Il portait un kimono magnifique, d'un blanc immaculé avec des motifs rouges, et ça lui donnait un air si princier que Midorima ne put s'empêcher de le comparer encore une fois à une poupée.

Le futur chef du clan passa dans la chambre de son ombre et vint s'agenouiller devant Midorima, qui était assis en seiza à même le sol – lui aussi portait un kimono, beaucoup plus sobre cela dit. De cette façon, il était plus grand que Midorima – Akashi avait vraiment un complexe par rapport à sa grandeur. Il empoigna doucement son visage d'une main et lui fit savoir :

- Je suis sûr que mon père va t'apprécier.

Il affichait encore une fois ce sourire qui n'en était presque pas un, qui n'étirait même pas vraiment ses lèvres et qui ne se reflétait pas dans ses yeux. Midorima ne put s'empêcher de mentionner son doute :

- Je ne sais pas, Akashi. Et s'il ne voulait pas que je reste?

Sa main descendit sur son cou, le caressant à peine du bout des doigts, et il lui expliqua ce qu'il aurait dû lui dire beaucoup plus tôt :

- À partir de maintenant, Shintarou, tu dois m'appeler par mon prénom. N'oublie pas que tu es devenu un Akashi.

Midorima acquiesça et sentit le prénom rouler sur sa langue comme un fruit qui lui était interdit – ça lui prendrait du temps à se faire à l'idée qu'il avait le droit d'être aussi peu formel avec lui, alors qu'il avait passé trois ans de sa vie à l'appeler «Akashi» :

- Seijuro.

Une lueur d'approbation scintilla dans ses yeux hétérogènes. Il les cligna avant de continuer dans ses explications :

- Qui plus est, je suis le seul qui ait le droit de décider si tu restes ou non. Même mon père n'a pas son mot à dire sur le sujet.

Sur ces mots, il s'approcha de son visage et le caressa à deux mains. D'un ton doux et menaçant, il lui dit :

- De toute façon, tu ne lui donneras pas de raisons de ne pas t'apprécier.

Midorima déglutit, maintenant certain qu'il n'avait pas droit à l'erreur. Akashi ne le lui pardonnerait pas s'il laissait au chef du clan une mauvaise opinion de lui. Aussi, il lui répondit :

- Évidemment, Seijuro.

Encore une fois, il y eut de l'approbation sur son visage, puis, soudainement, il le poussa. Midorima n'eut pas le temps de se retenir qu'il se sentit tomber sur le dos; il dut se tordre un peu sur le côté pour laisser passer ses longues jambes et les étendre, question de ne pas les briser.

Akashi se laissa quant à lui tomber sur sa droite. Il réquisitionna aussitôt son épaule et laissa son visage s'enfouir dans le creux de son cou. Décidément, Akashi ne savait pas se montrer affectueux d'une manière plus normale.

Sa main, d'un blanc presque aussi pur que l'ivoire, sortit de la manche de son kimono pour se poser sur son torse, dans une position plus confortable. Ils étaient à même le sol, mais il s'agissait tout de même de tatami, alors c'était plus confortable qu'on aurait pu le croire. Midorima de toute façon n'aurait rien fait pour le repousser, surtout quand des marques d'affection telle que celle-ci n'étaient pas très fréquentes.

On était encore en plein milieu de l'après-midi, et comme tout était rangé dans sa chambre, ils n'avaient rien à faire d'ici le repas du soir. Akashi laissa un petit soupir, sans doute d'aise, lui échapper, et Midorima ne put s'empêcher de fixer son visage. Le plus petit avait fermé les yeux et comptait profiter de sa chaleur un petit moment.

Pour ne pas le bousculer, Midorima ne bougea pas d'un pouce. Le silence se fit pendant un long moment, avant que le rouquin enfin ne dise :

- Au fait, Shintarou, tu vas aussi rencontrer l'ombre de mon père ce soir. Il s'appelle Kurogane-san et sera ton mentor pour les prochaines années.

Midorima se demanda à quoi il ressemblait. Il devait avoir à peu près le même âge que Shouzou, soit autour de quarante ans. Vraiment, ce soir-là, il allait rencontrer tant de gens impressionnants; lui qui ne s'était jamais soucié de son apparence devait maintenant y porter plus d'importance que jamais.

Par curiosité, il lui demanda :

- Est-ce que Kurogane-san a été choisi par ton père de la même façon que moi?

Akashi se lova un peu plus contre lui et répondit, étonnamment docile :

- Oui. C'est une tradition qui existe depuis la naissance du clan.

Il marqua une pause avant de se décider à tout lui expliquer :

- Officiellement, le clan Akashi n'existe que depuis trois générations – quatre, si on compte la mienne. Cela dit, il existait avant ce moment-là sous un autre nom. Il y a eu un coup d'État au sein du clan et le chef, à l'époque, s'est fait détrôner par mon arrière-grand-père. C'est lui qui a inventé cette tradition, dans le but d'éviter de nouvelles trahisons.

Midorima nota dans sa tête toutes ces informations. Akashi, depuis qu'il lui avait dit la vérité sur sa famille, ne l'avait pas beaucoup renseigné, et lui-même était tellement occupé à s'y adapter qu'il n'avait pas trouvé le temps de tout lui demander. Maintenant qu'ils étaient seuls tous les deux, qu'ils n'avaient rien d'autre à faire et qu'Akashi lui semblait plus réceptif que jamais, il songea que c'était le moment ou jamais d'avoir ses réponses.

Midorima osa lever sa main gauche et la déposa sur les cheveux rouges de son frère adoptif. Akashi ne fit rien pour le repousser; jugeant que c'était une approbation, il entreprit de les caresser, tout doucement. Sans s'en rendre compte, sa voix baissa d'un ton lorsqu'il demanda :

- Quelle est exactement la tradition, Seijuro? À bien y penser, tu ne me l'as jamais expliqué.

Un air de contentement sur le visage – il aimait la caresse de Midorima, de toute évidence –, Akashi convint :

- C'est vrai, Shintarou, je ne t'ai pas encore tout expliqué. Normalement, je laisserais Kurogane-san s'en charger, mais je peux bien t'informer moi-même.

Il marqua une pause, surement pour organiser ses réflexions, et Midorima attendit patiemment tout en continuant de lui flatter les cheveux. Enfin, le plus petit lui expliqua :

- Avant ses dix-huit ans, tous les futurs chefs de clan doivent choisir ce qu'on appelle une «ombre». Il doit s'agir d'un homme en dehors du clan, quelqu'un qui n'a pas déjà de lien avec la mafia. Le but de cette pratique est de se trouver une personne qui, au lieu d'être fidèle au «clan», ne serait fidèle qu'au «chef».

Midorima n'était pas certain de saisir, c'est pourquoi il demanda :

- Quelle est la différence exactement?

Akashi lui expliqua :

- Quand on nait dans la famille, on pense d'abord à ce qui serait le mieux pour le clan – et parfois, on en vient à penser, comme mon arrière-grand-père, que le mieux est de tuer le présent chef pour prendre sa place. Dans ce cas, on est fidèle au clan et à ce qu'on pense être le mieux pour celui-ci, quitte à aller contre le chef.

«Quand, au contraire, on y a été entrainé par quelqu'un, on ne songe pas de la même façon. Shintarou, avant de donner ta loyauté au clan, tu me l'as d'abord donné. Autrement dit, tu ne penseras jamais à aller contre moi, même si c'était mieux pour la famille. On peut donc dire que, dans tout le clan, tu es la personne à laquelle je peux le plus me fier, parce que jamais tu ne me trahiras.»

Midorima devait avouer qu'il marquait un point. Jamais, au grand jamais il n'irait contre Akashi; tandis que le clan, il n'en avait pas encore une très bonne idée. C'était plutôt ingénieux comme tradition, mais encore fallait-il se fier au jugement du futur chef pour être certain qu'il choisirait la bonne personne.

- Il s'agit en même temps d'un test, continua Akashi comme s'il avait lu dans ses pensées. En permettant à quelqu'un de l'extérieur d'être si près du futur chef, on s'assure en même temps de la qualité de son jugement. S'il se fait tuer ou trahir par celui-ci, on saura qu'il s'était trompé. Alors, on dira qu'il ne méritait pas cette place de toute façon.

On mettait autant de pression sur un adolescent alors? Akashi pouvait bien être comme il était, si depuis tout jeune on lui avait dit qu'il ne méritait pas de vivre s'il n'excellait pas.

Akashi émit alors un petit soupir de fatigue et lui dit :

- Pour le reste, tu verras avec Kurogane-san.

Midorima hocha la tête. Il avait de toute façon obtenu plus d'informations qu'il n'en avait envisagé. Cela dit, ce n'était pas pour le calmer. Si Midorima n'était pas à la hauteur, il ne serait pas le seul à en faire les frais : Akashi aussi en verrait les conséquences, peut-être même se ferait-il refuser l'ascension à la tête de la famille.

Si Akashi sentait en permanence au moins autant de pression que Midorima en sentait sur l'instant, c'était qu'il était vraiment inhumain ou qu'il avait enfoui la plupart de ses sentiments à l'intérieur de lui, pour ne pas trop souffrir. L'une comme l'autre des possibilités ne plaisaient pas tellement à Midorima, mais, en même temps, il n'y pouvait strictement rien.

Si c'était la seule façon pour Akashi de survivre dans ce milieu, il n'allait pas lui nuire. Il était son ombre après tout.

~xxx~

Le soir vint bien trop rapidement au gout de Midorima.

Akashi avait fini par s'endormir contre lui et son ombre avait passé ce temps à observer son visage, écouter son souffle, sentir son cœur battre. Akashi, jusque dans son sommeil, était un être absolument passionnant, et il aurait facilement passé des heures à l'examiner de la sorte.

N'empêche, il devait s'être surmené ces derniers jours pour s'endormir si facilement. Midorima ne put s'empêcher de se demander si c'était en lien avec son adoption.

Vers dix-sept heures, le plus petit bougea et finit par s'éveiller. Sans un regard pour l'autre, il se leva et s'étira un moment pour chasser la fatigue. Puis, il annonça qu'ils devaient y aller.

Avant qu'ils ne sortent de la pièce pour aller manger, Akashi crut bon l'informer, sur un ton anodin :

- N'oublie pas que Père est devenu aussi ton père. Assure-toi de lui parler comme je le fais.

Midorima acquiesça et ils se retrouvèrent dans le couloir. Il était tellement stressé que ses mains en étaient moites, sans compter son cœur qui se débattait. Heureusement, comme toujours, rien ne transparaissait sur son visage – encore une fois, il réalisa à quel point lui et Akashi avaient plusieurs points en commun.

Ils traversèrent plusieurs couloirs et Midorima tenta d'imprimer le chemin dans sa mémoire, question de ne pas se perdre les prochaines fois. La maison était immense, et, une fois déboussolé, c'était pratiquement impossible de se resituer. On ne lui avait pas donné de plan, aussi il devait se souvenir par cœur de la construction de l'endroit.

Ils arrivèrent enfin au lieu où l'on prenait le diner. Apparemment, c'était une tradition de manger tous ensemble, dans les cas évidemment où tous étaient disponibles. Cette fois, pas une personne ne manquait : ils voulaient tous savoir à quoi ressemblait l'ombre du prochain chef.

De fait, dès qu'ils firent leur entrée, le silence se fit; il manquait encore le chef, mais, autrement, la pièce était plutôt pleine. Il n'y avait que des hommes d'au moins dix-huit ans dans la pièce, et la moyenne d'âge se tenait beaucoup plus haut. Midorima ne montra pas son trouble pendant qu'ils le scrutaient tous du regard pour y trouver la moindre faille.

Sans un mot, Akashi se dirigea jusqu'à sa place, sur le sol, et Midorima l'y suivit, un pas derrière lui. Le rouquin lui fit un geste sur sa droite, que Midorima interpréta comme une invitation à s'assoir. Ils étaient à la plus petite table de toute la salle, et elle était autrement vide : sans doute que le chef devait s'y assoir avec son ombre. Normalement, il y aurait aussi sa femme, mais puisqu'elle était morte depuis plusieurs années, la place s'en retrouverait vide.

Les conversations reprirent à ce moment et Midorima ne put s'empêcher de noter qu'ils parlaient tous de lui. Il sentit de nouveau un stress si intense qu'il en éprouva des difficultés à respirer. Chaque muscle de son corps était tendu, y compris ses mains qu'il tenait fermées de chaque côté de son corps. Trop alerte par rapport à son entourage, il nota le mouvement d'Akashi au moment précis où il le fit : il se pencha vers lui, à peine, et lui chuchota, si bas que personne d'autre ne pourrait entendre :

- Calme-toi, Shintarou.

Évidemment, il avait senti son trouble – il était Akashi Seijuro, on ne pouvait rien lui cacher. Midorima déglutit et ferma les yeux une seconde, le temps de reprendre ses esprits. Il bloqua toutes les conversations qu'il entendait et prit une grande respiration. Lorsqu'il ouvrit de nouveau les yeux, il était déjà beaucoup plus calme, et un simple regard de côté sur le visage de son frère adoptif finit de le reposer.

Être nerveux à ce stade était la dernière chose qu'il souhaitait. Il devait faire confiance à Akashi : s'il l'avait choisi, c'était qu'il était le meilleur pour l'emploi. Il devait se sentir fier d'être à cette table, pas craindre de ne pas être à la hauteur. Il s'était préparé au mieux qu'il le pouvait, il n'avait aucune raison d'échouer.

Enfin, le présent chef daigna faire son entrée : Midorima ne put le manquer, parce qu'à ce moment, tout le monde se pencha vers lui et lui lança «Bonsoir, chef!». Le seul à ne pas le faire fut Akashi et Midorima l'imita – il lui avait bien dit qu'il devait agir comme lui. C'était encore difficile à concevoir, mais dans la famille, Midorima avait maintenant un niveau équivalant à celui du prochain chef, étant donné qu'il était son frère.

Midorima, même s'il n'eut pas à le saluer de la même façon, ne put s'empêcher de dévisager, quoique discrètement, le présent chef. Akashi Shouzou, dans l'encadrement de la porte, s'était arrêté, et il s'y tenait comme un roi devant ses sujets. Ses cheveux, plutôt courts, étaient de la même teinte que ceux de son fils; ses yeux, cela dit, étaient tous les deux rouges. Contrairement au plus jeune, Shouzou était plutôt grand – Midorima n'était pas sûr, mais il le dépassait peut-être, ou alors il était de grandeur équivalente.

Pour l'instant, il n'affichait aucune expression, mais on pouvait déjà sentir une aura de puissance émaner de lui. Son seul maintien dénotait de son habitude à tout gouverner, en particulier lorsqu'il marcha avec confiance jusqu'à la table, sans une seule réponse pour ses hommes.

Derrière lui, en retrait, se tenait un homme plus petit, quoique d'une grandeur normale. Il avait une apparence banale, avec des cheveux et des yeux noirs, si ce n'était d'une grande cicatrice qui parcourait sa joue droite. Cette simple blessure ajoutait un air de danger et son expression dure n'aidait pas sa cause. Alors que Shouzou se déplaçait avec aisance et grâce, comme son fils, cet homme, qui devait être Kurogane, avait plus les manières d'un yakuza.

Tous deux s'assirent, Kurogane à la droite de Shouzou, et ce ne fut qu'au moment où le chef lança un «bon appétit» que tout le monde, après lui avoir répondu, brisa enfin le silence qui devenait pesant.

Midorima lança un regard de biais à Akashi, qui n'avait toujours pas entamé son repas, et attendit qu'il le fasse avant de s'y lancer. Seulement, le plus petit semblait avoir d'autres plans : il se tourna vers le chef, qui lui non plus n'avait pas encore commencé, et lui présenta sans émotion son ombre :

- Père, voici Shintarou.

Midorima sentit le regard rouge le transpercer, l'analyser. Dans ses orbes, il n'y avait toujours aucune émotion; il se contentait d'examiner sous toutes ses coutures son visage. Le silence resta jusqu'au moment où Shouzou retourna à son assiette et, en empoignant ses baguettes, il lui dit simplement :

- Bienvenue dans notre famille, Shintarou.

S'agissait-il d'une simple formule de politesse ou devait-il y voir un sous-entendu? Dans tous les cas, Midorima répondit de la meilleure façon qu'il le pouvait, en penchant légèrement la tête vers l'avant :

- Merci, Père.

Un léger sourire étira ses lèvres – comme celui de son fils, il n'était pas très large, mais il était quand même là. Avant de se mettre vraiment à manger, Shouzou désigna son ombre d'un signe de tête et le lui présenta :

- Shintarou, je te présente Kurogane. Il s'agit de ton prédécesseur.

Poliment, l'adolescent se tourna vers l'autre yakuza et, avec un signe de tête, lui dit :

- Enchanté, Kurogane-san.

Il lui répondit d'un signe de tête sans dire un mot. Il retourna son attention sur le plat devant lui et Midorima fit de même. Bientôt, ils se mirent tous à manger sans discuter, alors qu'aux tables autour les discussions allaient bon train.

Au bout de plusieurs minutes, Shouzou crut bon faire la conversation :

- Shintarou, tu vas intégrer le lycée Rakuzan avec Seijuro ce lundi, n'est-ce pas?

Il avait un vague sourire aux lèvres, que Midorima ne savait pas interpréter. Après avoir fini sa bouchée, il lui répondit :

- En effet.

Akashi crut bon intervenir :

- Père, je l'ai fait venir ici pour cette raison.

Père et fils s'échangèrent un regard lourd de signification – pour eux, Midorima lui ne savait qu'en penser –, avant que le plus vieux ne demande, en changeant de sujet :

- Évidemment, tu seras président, n'est-ce pas, mon fils?

Akashi, sans expression, hocha la tête. Shouzou se tourna vers Midorima et, en plongeant son regard dans le sien, il compléta :

- Et toi, tu seras vice-président.

Ce n'était pas une question, mais Midorima crut bon hocher la tête. Shouzou approuva de la tête et reprit son repas. L'adolescent osa un regard en biais vers l'ombre du chef et remarqua qu'il mangeait sans s'impliquer dans la discussion. Il était du genre à ne pas parler beaucoup, semblait-il.

Le reste du repas se passa sans vraiment de discussions. Quelques fois, Shouzou fit remarquer quelque chose à son ombre, qui lui répondait d'une voix bourrue quoique respectueuse. Akashi quant à lui mangeait avec adresse, mais sans parler, sans afficher une quelconque émotion.

Lorsque tous les quatre eurent fini de manger, Akashi pencha légèrement la tête vers l'avant et s'exclama :

- Père, Kurogane-san, puisque Shintarou vient d'arriver, nous allons nous retirer immédiatement pour le laisser se reposer.

- Bien, répondit le père sur un ton calme. Bonne nuit, mes fils.

Akashi lui rendit son souhait en se levant et Midorima fit de même. Kurogane se contenta d'un son pouvant être interprété de toutes sortes de façons.

Dès qu'ils quittèrent la salle à manger, ils se dirigèrent vers leurs chambres sans un mot. En vérité, Midorima n'était pas tant fatigué, mais il était soulagé qu'Akashi ait sorti cette excuse. Le fait était qu'il se sentait encore mal à l'aise dans toute cette situation, encore plus face à un personnage aussi important que le chef du clan. Il avait beau croire au jugement du futur chef, il avait quand même ses doutes.

Lorsqu'ils arrivèrent devant la porte de la chambre de Midorima, Akashi passa devant lui et l'ouvrit à sa place. Le plus grand se demanda ce qu'il faisait, mais n'osa pas poser la question à haute voix et préféra le suivre. La porte séparant leurs deux chambres était encore grande ouverte, laissant place à de sérieux doutes quant à son utilité. Midorima pendant un moment se demanda si Akashi comptait faire comme si elle n'existait pas – il n'irait pas s'en plaindre, bien au contraire.

À ce moment, ses yeux se posèrent sur le sol et il remarqua que pendant qu'ils avaient mangé, des serviteurs étaient venus installer leurs futons. Même son lit, il n'avait plus à le faire? Jusqu'à quel point allait-on s'occuper de lui?

Pendant qu'il restait sur le pas de la porte à réfléchir à toutes ces questions, Akashi s'était avancé dans la pièce jusqu'au futon le plus proche. Il se retourna pour lui faire face et lui lança doucement mais le ton autoritaire :

- Shintarou, ferme la porte et rentre.

Réalisant sa bévue, inhabituelle de sa part, Midorima fit comme on le lui demandait et ferma la porte coulissante en se demandant depuis quand il était aussi tête en l'air. Peut-être Akashi avait-il raison et était-il fatigué, après tout? Il n'en avait pas l'impression, mais c'était vrai qu'il avait eu une longue semaine de préparation pour le déménagement.

Alors qu'il s'avançait, Akashi retourna vers le futon et lui demanda, exigea plutôt :

- Ferme la lumière.

Midorima, au lieu de s'exécuter, demanda :

- Tu es fatigué?

Comme Akashi ne répondait pas, Midorima fit comme on le lui demandait et appuya sur l'interrupteur. Aussitôt, la noirceur envahit la pièce, au point tel où Midorima ne put se situer. Il lui fallut quelques secondes avant de voir la silhouette d'Akashi, qui semblait toujours lui faire face.

D'un ton plus bas, le futur chef lui ordonna :

- Approche-toi, Shintarou.

Comme il ne savait pas lui désobéir, l'ombre s'approcha d'Akashi. Lorsqu'il fut assez près pour le toucher, il s'arrêta et posa sur lui un regard interrogateur. Il eut à peine le temps d'ouvrir la bouche pour lui poser une question de plus qu'il se sentit tomber.

Il ne comprit pas ce qui lui arrivait avant de se retrouver sur le dos, sur une surface molle – le futon, surement –, avec Akashi installé à califourchon sur son bas-ventre. Pour s'assoir ainsi, il avait dû retrousser son kimono, de sorte que ses cuisses étaient bien visibles. Comme toujours, il regardait Midorima de haut, avec son regard transperçant.

Il posa ses deux mains sur son torse et se pencha sur lui. Lorsqu'il fut assez près pour l'embrasser, il lui souffla doucement :

- Tu plais à Père.

Midorima déglutit, mais n'osa pas parler, de peur que sa voix ne sorte incertaine. D'être dans cette position commandait toutes sortes de sensations dans son corps, certaines dont il était trop embarrassé pour parler. Il était loin d'être en état de parler de leur père.

- Je n'en doutais pas une seule seconde, continua Akashi en s'approchant inexorablement.

Ses mains se posèrent des deux côtés de sa tête et son regard se fixa dans le sien, comme s'il attendait une réaction. Midorima, ne sachant que faire, se contenta de lui rendre son regard dans une d'infériorité complète. Au bout de longues minutes – c'était peut-être des secondes –, le plus petit finit par l'informer, évidemment sans lui demander son avis :

- J'attendais que tu rencontres Père, mais, maintenant que c'est fait, je vais te faire mien.

Akashi vit surement la surprise sur son visage, ou alors il la devina, parce qu'il se recula un peu. De sa main droite, il entreprit de lui flatter le visage, pendant que la gauche s'insinuait dans l'ouverture de son kimono. Avec un petit sourire moqueur, il lui demanda :

- Tu pensais que, parce que tu as quelques centimètres de plus que moi, tu allais me dominer?

Il n'avait même pas besoin de le mentionner pour que Midorima comprenne à quel point il s'était trompé. Il aurait dû s'en douter : Akashi n'accepterait jamais de se rabaisser, même pour lui. Enfin, Midorima l'avait suivi en connaissant mieux que personne ce côté de sa personnalité, et c'est pourquoi, de sa main gauche, il retira ses lunettes pour les poser à côté. Puis, plus embarrassé que jamais et sans le regarder en face, il lança :

- Fais ce que tu veux, Seijuro.

Il allait ajouter qu'il lui appartenait depuis leur première rencontre, mais Akashi le coupa en l'embrassant aussitôt. En lui rendant son baiser, Midorima réalisa qu'Akashi, en fait, avait fait tout ça pour obtenir son autorisation. Bien sûr, c'était à sa façon, c'est-à-dire sans trop lui laisser le choix, mais il avait quand même attendu qu'il lui donne le feu vert. C'était sa manière à lui de se montrer attentionné.

Plusieurs heures plus tard, Akashi dormait sur son torse pour la deuxième fois de la journée. Midorima était si fatigué que ses paupières tombaient toutes seules, mais il tentait du mieux qu'il le pouvait de rester le plus longtemps éveillé. Il voulait profiter de ce moment de calme et de paix, ce moment où il n'avait pas encore à concevoir toutes les conséquences de ses décisions, ce moment où il pouvait se contenter d'être avec celui qu'il aimait et respectait plus que tout au monde sans s'inquiéter du futur.

C'est ainsi qu'il s'endormit sans même s'en rendre compte, le corps nu de son frère adoptif tout contre lui.


Si vous avez ressenti un malaise en lisant la dernière phrase (et à quelques autres endroits de l'histoire), c'est normal. Pour ceux qui me connaissent, je suis une vraie fan d'inceste, alors je me sentais obligée d'inclure des références même s'ils ne sont pas frères de sang. De toute façon, ce sera également essentiel pour la suite des choses.

Pour la petite histoire, j'avais prévu de décrire tout leur lycée ici et finalement... ils ne l'ont même pas encore commencé. Je crains pour la suite, vraiment. Ah, et sinon, s'il y en a qui ont remarqué, le père a presque le même prénom que Nijimura : c'était pas voulu, mais un coup que je l'ai choisi, j'ai pas été capable de le changer. C'est pour ça d'ailleurs que la petite sœur de Midorima s'appelle toujours Aya dans mes histoires, même si je la fais jamais pareille.

Bref. C'était ça. À la suite (j'espère être plus rapide cette fois)!