Dobby apparut dans un 'pop' devant les lourdes herses qui constituaient l'entrée du château. Alors qu'il allait y pénétrer, une petite créature se jeta sur lui et le fit tomber au sol.
"Personne ne doit entrer ici ! Personne ! Le château est la propriété du maître, le géant Arnold, et le maître aime dévorer tous ceux qui envahissent son territoire," piailla une voix aigüe qui disait quelque chose à Dobby.
Et en effet, lorsqu'il releva la tête, il reconnut Winky, l'elfe qui lui avait parlé avec tant de condescendance. Winky s'était interrompue elle aussi, et les deux elfes se regardaient avec de la colère et du mépris. Puis Dobby se releva, essuya ses bottes, et pointa le menton :
"Dobby n'a pas besoin de tes conseils," fit-il en entrant quand même dans le château.
Winky haussa les épaules, laissa échapper un petit ricanement, et transplana vers les cuisines de la demeure.
Dobby, impressionné par tant de richesses, déambulait dans le château sans faire attention à là où il mettait les pieds. Ce fut ainsi qu'il se retrouva dans la salle du trône, au fond de laquelle se tenait majestueusement – enfin, aussi majestueusement que le peut un ogre – le maître des lieux. Ce dernier mesurait près de sept mètres, sa tête était aussi ronde qu'un porc-épic des antipodes roulé un boule, et ses petits yeux fixaient Dobby avec perplexité.
"Elfe, que fais-tu dans mon royaume ? Es-tu simplement stupide ou totalement inconscient du danger ?" demanda t-il, et sa voix était pareille au grondement d'un rocher qui dévale une montagne. Dobby se recroquevilla, tremblant comme une feuille.
"N-non... Dobby a entendu dire que vous possédiez des pouvoirs exceptionnels, et n'a pas pu s'empêcher de venir vérifier par lui-même," mentit Dobby, sortant la première excuse qui lui était venue.
"C'est vrai, c'est vrai," se ragaillardit le géant Arnold, esquissant un sourire qui dévoila une rangée d'immenses dents jaunes et irrégulières. "Nul n'a la capacité de se transformer en autant de bêtes féroces que moi. Mais attends, pourquoi ne t'en ferais-je pas la démonstration ?"
Avant que Dobby n'ait pu protester, le géant s'était transformé en Magyar à pointes. L'elfe fut si effrayé, qu'il tenta de transplaner. N'y parvenant pas, il se cacha sous la somptueuse table d'honneur en chêne, et ne put que balbutier alors que le géant reprenait sa forme initiale :
"Imp-impressionant ! Assurément, Dobby a eu la plus belle de sa vie ! Mais... Dobby croit aussi savoir que vous avez le pouvoir de vous transformer en animaux bien plus petits. Dobby ne pense pas cela soit possible, bien sûr, mais-"
"Impossible ?" rugit le géant, interrompant son hôte infortuné. "Elfe, ton inconscience n'a d'égale que ta stupidité," et il se changea en Boursouflet miniature. Dobby contempla la petite boule ronde et duveteuse, et jeta aussitôt un sortilège d'Apparence Permanente – un dérivé elfique du sortilège de Glu Perpétuelle. Le géant Arnold ne pourrait ainsi plus reprendre sa forme normale et demeurerait éternellement au statut de Boursouflet Arnold. Dobby s'autorisa un petit sourire. Au même moment, les roues du carrosse argenté crissèrent dans l'allée. L'elfe descendit accueillir ses invités.
Le roi Malfoy et son fils étaient impressionnés par la magnificence du château. Le roi allait se tourner vers Harry pour lui demander qui était le seigneur de ce domaine, quand Dobby apparut devant eux.
"Que votre Majesté soit la bienvenue dans le château de monsieur Harry Potter," fit-il en s'inclinant bien bas. Le jeune homme brun le regarda avec un air aussi étonné que les deux autres sorciers, mais l'elfe lui fit comprendre qu'il lui expliquerait tout plus tard.
Harry fit donc donner une réception digne des plus grands seigneurs, fit visiter au prince Draco son terrain de quidditch personnel. Le roi Malfoy, après mûre réflexion, décida qu'il ne pouvait décidément pas laisser filer un tel parti, et il accorda la main de son fils à Harry. Ce dernier, fou amoureux, accepta bien évidemment. Il convia ses meilleurs amis au banquet de fiançailles, et après que Dobby lui ait eu raconté tous ses exploits, il offrit d'un air magnanime le boursouflet Arnold à la soeur de Ron, Ginny Weasley. Elle fut ravie, et la petite bestiole rose connut une bien meilleure vie que si elle était restée ogre.
Tout était donc bien qui se finissait bien. Harry avait voyagé, avait trouvé l'amour, et ne serait jamais préoccupé par les questions futiles et matérielles de l'argent. Hélas, ceci n'est pas un de ces contes moldus mièvres et insipides, et l'histoire ne se finit pas là. Harry avait la cruelle sensation que son blond fiancé ne le connaissait pas aussi bien que cela aurait dû être. S'il l'avait connu pauvre et médiocre roturier, aurait-il seulement daigné poser les yeux sur lui ? Cette incertitude le faisait réellement souffrir, et il songea plusieurs fois à rompre ses fiançailles. La veille du mariage, alors qu'il soupirait à sa commode, quelques lignes apparurent – comme par magie ! – sur surface resplendissante de son imposant miroir.
L'habit, la mine et la jeunesse,
Pour inspirer de la tendresse,
N'en sont pas des moyens toujours indifférents.
Harry cligna des yeux. Ces lignes résumaient exactement ce qu'il pensait – mais pouvait-il y remédier ? Son regard tomba alors sur l'épée qui avait prétendument appartenu au célèbre Godric Gryffondor. Son coeur se gonfla de courage. Il s'habilla rapidement, et partit chercher silencieusement sa future moitié.
"Je – Harry ? On avait dit pas avant le mariage !" siffla à voix basse Draco Malfoy, se méprenant sur les intentions de son fiancé.
"Tais-toi et habille-toi," chuchota gaiement Harry, "Je t'emmène en voyage !"
Et ce fut ainsi que les deux jeunes hommes prirent la poudre d'escampette la veille de la cérémonie qui devait être la plus fastueuse d'Ecosse depuis au moins deux siècles. Harry comptait profiter de cette escapade pour mieux connaître son promis, et Draco Malfoy – malgré ses airs revêches – décidait qu'il ne serait pas en reste. Les deux amoureux ne remarquèrent donc pas la petite silhouette qui se glissait derrière eux dans l'obscurité :
"Ah... mais que feraient les deux jeunes messieurs sans Dobby à leurs côtés ? Dobby s'ennuie de toute façon, à essayer toute les journée les confections de miss Hermione, Dobby n'en peut plus, ça non..."
Voilà, dernier chapitre. Le texte en italique est une partie de la morale originelle du conte de Perrault, je l'ai simplement intégrée à mon texte.
Merci d'avoir lu !
