Chers lecteurs, bonjour !
Aujourd'hui je vous propose une petite plongée de l'univers de Lorelei. Le poème de Heinrich Heine a longtemps bercé mes cours d'allemand et le personnage de Marvel me plaît bien.
Je vous recommande, comme souvent dans ce recueil, d'écouter en fond sonore : Bedroom Hymns, de Florence + The Machine.
Im Abendsonnenschein
Elle s'était donnée la peine de monter jusque là. Elle avait gravi les rochers, escaladé les pentes, elle s'était blessé les pieds en heurtant les pierres sur le sol, mais elle y était parvenue. Là-haut, tout en haut du pic, sur le plus haut rocher, Lorelei se tenait assise et contemplait la fin du jour. Elle adorait cet endroit et y revenait aussi souvent qu'elle en avait le loisir. Elle aimait à voir le pourpre, le rose et l'or du soleil couchant se refléter dans les eaux du fleuve, tout là-bas, loin en-dessous du rocher. Elle avait apporté son peigne préféré, le petit peigne en or que sa mère lui avait donné autrefois. La jeune Lorelei n'aimait rien tant que de se tenir là, sur son rocher, à la tombée du soir, et de peigner ses cheveux rouges. Le soleil y jetait des reflets flamboyants qui la faisaient soupirer de beauté.
— Bonsoir, Lorelei.
— Qui est là ? s'exclama-t-elle d'un ton furieux.
Allons bon ! Tout ce mal qu'elle s'était donné pour qu'on la laisse tranquille, et voilà qu'on venait la déranger !
L'intrus quitta l'ombre du rocher derrière lequel il se tenait et avança vers elle. Loki était encore un tout jeune homme, un maigre prince aux gestes gauches et au corps maladroit. Il marcha vers Lorelei, les mains serrées dans son dos, et leva vers elle un regard qui semblait être la seule chose réellement vivante dans son visage trop pâle.
— Oh, c'est toi, fit Lorelei.
— Tu parais déçue de me voir.
— J'aime être seule ici. Qu'est-ce que tu veux, Loki ?
— Je ... J'étais ... Je te cherchais, répondit le jeune homme.
Loki se racla la gorge, rageant intérieurement contre lui-même et son propre malaise. Quel idiot il faisait ! Naïf et hésitant comme un poulet dans une basse-cour, ridicule ! Non, il ne savait pas ce qu'il était venu faire là. Il avait voulu voir Lorelei. Ces temps-ci, il avait le sentiment qu'il voulait toujours voir Lorelei. Ça n'avait pas vraiment de sens, mais bah, il ne cherchait pas à comprendre. Gêné par les rayons du coucher de soleil, il inclina la tête sur le côté pour mieux admirer la façon dont la lumière jouait sur la peau douce et les cheveux de feu. Lorelei portait une robe bleue légère, retenue aux épaules par deux broches de bronze, et qui laissait ses bras nus. Loki balbutia, il ne savait que dire, il s'en voulait d'être venu, il n'avait aucune envie de partir.
— Est-ce que ton frère est avec toi ? finit par demander Lorelei.
— Thor ? fit Loki en fronçant les sourcils. Non, il n'est pas là. Pourquoi serait-il venu ?
Lorelei haussa les épaules et se détourna de Loki pour regarder au loin. Elle poussa un soupir en contemplant le fleuve. Thor ... Bien sûr que Thor n'était pas là. Bien sûr qu'elle n'avait que le petit Loki pour la regarder avec ces yeux-là, comme toujours. Thor ne pensait jamais à la regarder.
— Il est sans doute avec ta sœur, ajouta Loki.
Etait-ce innocence ? Etait-ce perfidie ?
— Ne me parle pas d'elle ! cracha Lorelei.
La pensée d'Amora lui donnait presque la nausée. Amora l'Enchanteresse, Amora la blonde, l'irrésistible Amora que Thor ne quittait pas d'une semelle et qui se moquait bien de lui. Et voilà, en quelques mots Loki avait réussi à lui gâcher son spectacle. Le soleil avait disparu, la splendeur était terminée.
Loki trouva enfin le courage de faire quelques derniers pas vers Lorelei et de poser une main tremblante sur son bras.
— Lorelei, je ... dit-il d'une voix vacillante. Je voudrais t'embrasser.
Lorelei rejeta sa main avec agacement et se leva. Loki était encore si jeune qu'il devait lever les yeux vers elle. Qu'il était humiliant d'être aimée par un être si faible ...
— N'y rêves même pas, trancha-t-elle sans pitié en s'éloignant du rocher.
Loki serra les poings.
Lorelei porta la carafe à ses lèvres et voulut boire si vite que de l'eau glacée coula sur sa bouche et sur sa gorge. Elle s'en moquait. Il lui semblait qu'elle aurait toujours soif depuis qu'elle avait absorbé le plus terrible des breuvages.
De nombreuses années s'étaient écoulées depuis l'époque où elle aimait peigner ses cheveux au sommet du rocher, tant d'années, d'ailleurs, qu'elle n'en gardait presque aucun souvenir. Depuis ce temps-là, Asgard et Midgard avaient été ravagées par de terribles batailles et Thor, Amora, Loki et elle s'étaient chacun portés les coups les plus divers et les plus cruels. Lorelei avait aimé Thor, Thor avait été forcé de l'aimer en retour, Loki avait trahi son frère et Amora avait trompé sa sœur. Un maléfice avait eu raison de tout l'esprit et de toute la raison de Lorelei, un sort plus puissant encore que celui qui avait fait de Thor son esclave.
Désormais, un seul être comptait pour elle à travers tous les mondes, un seul cœur faisait battre le sien, une seule personne dirigeait son univers.
Assise par terre contre le lit, les genoux ramenés contre sa poitrine, Lorelei attendait fébrilement le retour de Loki. La chambre était plongée dans l'obscurité – elle n'avait pas pensé à allumer de lampe. Elle attendait Loki. Comme toujours. Chaque soir, elle essayait de se frayer un chemin jusqu'à lui, de se cacher dans ses appartements sans éveiller les soupçons de la cour d'Asgard. Elle n'y parvenait pas toujours, et les nuits où elle échouait la condamnaient à se retourner et à se lamenter dans son lit, seule et solitaire. Mais cette fois-ci, elle allait le voir ! Oh ! Le voir, le sentir, le toucher, l'embrasser peut-être s'il y consentait ! La tête lui tournait au souvenir des heures délicieuses qu'il avait parfois daigné lui accorder de vivre. Elle ne vivait que dans l'espoir insatiable de renouveler ces instants inestimables. Pourrait-elle jamais se lasser de lui ?
Lorelei entendit des pas derrière la porte de la chambre et se leva en hâte pour reposer la carafe d'eau qu'elle avait prise sur la table de chevet. Dans la pénombre, elle entrevit dans le miroir le reflet de son visage inquiet, impatient, empreint d'un désir fou. Elle entendait la voix de Loki : il semblait être en pleine discussion et ouvrit la porte de sa chambre en lançant quelques paroles d'adieu à l'adresse de ceux qu'ils laissaient dans le couloir.
— Bonsoir, Loki, fit Lorelei en tâchant de contenir l'émotion dans sa voix.
— Lorelei ! s'exclama Loki furieusement.
Il claqua aussitôt la porte derrière lui et s'avança vers elle à grandes enjambées.
— Que fais-tu ici ? Je t'avais pourtant interdit de refaire ça ! Ne viens pas dans ma chambre quand je n'y suis pas, tu entends ? Ma parole, tu es folle ! Et si quelqu'un d'autre venait ? Et si ma femme te trouvait là ? Ce que tu peux être égoïste, ma pauvre Lorelei, acheva-t-il d'un ton plein de mépris.
La tête baissée, Lorelei endurait les reproches de Loki sans répondre. Elle souriait en secret, ivre du plaisir d'entendre sa voix grave et dure, de le voir s'adresser à elle. Il faisait si souvent mine d'ignorer sa présence ... Elle releva son visage vers lui et voulut passer les bras autour de son cou, caresser ses longs cheveux noirs, mais Loki la repoussa rudement. Alors Lorelei se laissa gagner par l'amertume.
— Avec qui étais-tu ce soir, Loki ? interrogea-t-elle avec aigreur. Je t'ai attendu si longtemps ... Avec qui as-tu passé tout le jour ? A quelle coupe es-tu allé boire, ce soir ? Etait-ce ta Sigyn, ou bien l'une de ses sœurs ? Etait-ce cette débauchée de Lady Sif ? Ou bien es-tu allé aguicher une Valkyrie quelconque ? Réponds-moi, Loki ! Avec qui m'as-tu trompée cette fois ?
Le regard plein de colère, Loki s'empara du poignet de Lorelei et le tordit jusqu'à ce que la déesse tombe à genoux à ses pieds avec un cri de douleur.
— Que les choses soient bien claires, Lorelei. Je n'ai pas demandé ton amour et je ne fais que le tolérer. Ce que je fais de ma vie ne te concerne en aucune façon et plus jamais, tu m'entends ? Ne t'avise plus jamais de me demander des comptes ! Tu n'as aucun droit sur moi.
— Loki ! s'écria Lorelei, les larmes aux yeux. Pardonne-moi, je ne sais pas ce que je dis. Je suis folle, c'est vrai, tu le sais bien. Tu connais ma folie et moi je ne peux pas me passer de toi, je te le jure ! Oh Loki, je t'en prie, je t'en supplie, ne me rejette pas, laisse-moi rester avec toi, juste pour ce soir. Juste cette dernière fois, je t'en prie, et après je te promets que je ...
— Tu me laisseras tranquille ? suggéra Loki avec un petit rire. Mais ma pauvre Lorelei, tu sais bien que tu c'est faux. Tu me reviendras toujours. Tu ne peux pas faire autrement.
Il étendit la main pour caresser du bout du doigt la joue de Lorelei qui ferma les yeux en frissonnant. Un sourire ironique se dessinait sur les lèvres minces de Loki.
— Tu es tombée bien bas, dit-il enfin en se dirigeant vers sa garde-robe.
Il ôta son manteau de cuir sombre, puis fit glisser les pièces de métal qui protégeaient ses bras et ses épaules. Il revint vers Lorelei et la prit doucement par le menton pour la relever. Ses yeux d'un bleu clair étaient pleins de larmes, et sa bouche, aussi rouge que ses cheveux, implorait un baiser. Loki voulut bien laisser la splendide créature s'abandonner dans ses bras.
— Allons, pour cette fois je te garde.
Lorelei poussa un cri bref quand Loki l'agrippa par la nuque pour l'embrasser. Elle se cramponna aussitôt à lui de toutes ses forces, mordit sa bouche, griffa son cou, lécha ses lèvres.
— Loki ... Loki ... murmura-t-elle. Je t'aime tant.
— Tais-toi, ordonna-t-il.
Insatiable, Lorelei tâtonna pour trouver les bords de la tunique qu'il portait et la lui retira fiévreusement. Sa peau était pour elle comme une drogue irrésistible et plus grisante que tous les vins d'Asgard. Elle embrassait son front, ses yeux, son cou, ses mains, elle caressait tout son corps avec une adoration sans cesse plus puissante. Pour ce soir Loki était à elle, rien qu'à elle, il la serrait contre lui avec passion, et la beauté que prenait son visage dans l'obscurité de la chambre était plus qu'elle n'en pouvait supporter.
Loki emporta Lorelei dans ses bras et l'allongea sur son lit. Haletante, elle l'attira contre elle et pressa son corps contre le sien, enserrant ses jambes entre les siennes. Loki détacha les broches qui retenaient sa robe et exposa sa peau dont la blancheur immaculée était parcourue de veines violettes. Il plongea son visage dans les cheveux rouges pour inspirer leur parfum lourd et capiteux tandis que Lorelei achevait de se débarrasser de sa robe. Ils respiraient ensemble d'un souffle court et profond. Lorelei sentait qu'elle perdait l'esprit à chaque nouvelle caresse de Loki tandis qu'il effleurait sa gorge, son ventre, ses cuisses, ses jambes, et les couvrait de baisers brûlants. Par Helheim ! Elle ne pourrait pas en supporter davantage. Elle en voudrait toujours plus. Elle adorait tout de lui. Elle le désirerait jusqu'à la fin des temps. Loki était sa raison, son salut, son âme, toute sa vie.
Soudain, Loki la repoussa violemment loin de lui.
— J'ai changé d'avis, dit-il d'une voix froide. Va-t'en.
Trébuchant au bas du lit, Lorelei se releva tant bien que mal.
— Que dis-tu ? souffla-t-elle sans comprendre.
— Je te dis de partir, Lorelei. Sors d'ici.
— Mais Loki ...
— Sors d'ici ! l'interrompit-il. Et si tu oses encore entrer dans ma chambre en mon absence, je jure que je ne te toucherais plus jamais et que je me ferais un plaisir de séduire ta sœur pour prendre ta place.
— Loki, je t'en prie !
— Silence ! Sors d'ici !
D'un bond, Loki se leva et se jeta sur elle. Il attrapa d'une main la robe tombée à terre, de l'autre le bras de Lorelei, traversa la chambre pour ouvrir la porte et les jetèrent ensemble dans le couloir.
La porte claqua.
N'hésitez surtout pas à me dire ce que vous en avez pensé ...