Bonjour à tous ! Me revoici, en marge du « Temps de l'Innocence », juste pour Noël (parce que j'aime Noël *.*)

Alors pour être claire : cette fic n'a aucune prétention scénaristiquement originale, cette fic n'a aucune vocation à être très intelligente, cette fic n'a pas la prétention d'être un chef d'œuvre. La seule chose que doit faire cette fic, c'est vous faire sourire, vous faire dire « c'est mignon », vous faire soupirer en vous disant « ralalah, c'est bientôt Noël, les guirlandes, le sapin, la neige, la magie, le bonheur… ». Et rien d'autre ;) Je me veux volontairement légère, et mettant de cîté les questions de fond (Uther et son rapport à la magie notamment)

Il y a trois chapitres : un le premier décembre, un le 12 et un le 24 ;)

Sinon, tous les chapitres sont indépendants. Ce sont trois « tranches de vie » d'Arthur, à l'occasion des fêtes de fin d'année. Chacun de ces trois chapitres fait intervenir deux personnages qui se liguent contre Arthur. Et chaque chapitre existe en deux versions : une « canon » (= respectant la série), et l'autre façon MerThur (parce que je suis incorrigible ^^). Lisez immédiatement la version qui vous plait ;) Globalement, seules les fins de chaque chapitre diffèrent ;)

Voila c'est clair ? Pas du tout ? Tant pis, lisez ! Bonne lecture, et joyeux Noël !

Chapitre 1.1 : Gwen et Morgana

Version Canon

C'était le solstice d'hiver. Un moment très ambigu dans la vie d'Arthur. Enfant, il avait successivement adoré et détesté cette période de l'année. En grandissant, ça avait continué. Au tout début de sa vie, il avait adoré le solstice : cinq centimètres de neige dans la cour du château, des glissades et plein de cadeaux. Le château sentait bon les conifères, le nombre de chandelles doublait et cela créait une ambiance féérique. Ça suffisait, à ses jeunes yeux, à trouver un certain charme au solstice. Puis un jour, il avait compris qu'on également l'anniversaire de sa défunte mère, et que cela expliquait l'humeur maussade de son père, ce qui gâchait toujours la fête. Depuis ce jour, la fête avait moins de grâce à ses yeux. Le jour où Morgana lui avait mis une raclée à l'immense bataille de boules de neige dans la cour du château n'avait que renforcé ce sentiment. L'année d'après, il recevait de son père sa première épée « de grand ». Et de nouveau, il se mettait à aimer les réjouissances.

Cette année, tout semblait être parti sous les meilleurs auspices : son père paraissait être de bonne humeur, dix centimètres de poudreuse recouvraient la cour, et le château fleurait bon le sapin, rappelant à Arthur son enfance. Propre et rasé de près, ses cheveux encore humides de son bain chaud, il regardait la ville basse illuminée par la fête. Un grand banquet était donné ce soir, expliquant son récurage intensif. Vêtu de ses plus beaux atours, il attendait que Merlin vienne le parer du reste de ses attributs couronne de prince héritier et épée d'apparat.

Il sourit à la lune qui se levait. Il avait vingt ans, il était le meilleur combattant du royaume, il était le prince héritier. Tout lui souriait. Ne manquait qu'une seule chose dans sa vie, quelque chose qu'il désirait ardemment et qui lui embrasait les reins quand il y pensait… Ses pensées furent interrompues par la voix de Merlin :

- Sire…

Son ton embêté, tellement peu symptomatique de son valet le fit se retourner, inquiet. Merlin était joueur, joyeux, amusé, ironique et cynique, il se fichait royalement –c'était le cas de le dire– de le déranger. S'il prenait ce ton là, c'est qu'il y avait un problème.

Quand Arthur eut pleinement achevé son demi-tour, il comprit la cause de la gêne de son serviteur. Et grinça des dents.

- Morgana, que me vaut le plaisir de ta visite ?

Sa sœur (ou presque), lumineuse dans une robe de taffetas vert qui lui ceignait sa taille délicate, arborait un grand sourire. Un sourire du genre « j'ai une idée machiavélique pour te faire enrager », comme souvent Morgana en avait. Derrière elle venait sa servante, Gwen, qui s'était faite toute belle pour la soirée. Guenièvre gloussa en échangeant un regard avec Morgana, qui sourit de plus belle. Ça n'augurait vraiment rien de bon.

- Bonsoir Arthur, sourit la pupille du roi. Tu es bien en beauté ce soir.

Arthur sourit à son tour en réponse, mais sans rien dire. Lorsque Morgane s'alliait à Gwen pour ses farces, Arthur en faisait souvent douloureusement les frais. Sans lui laisser le moindre instant pour réagir, Morgana fondit sur lui et lui prit le bras, l'entraînant de force hors de la partie « chambre à coucher » de ses appartements.

- Mon bien cher frère… commença Morgana.

Arthur eut la sensation d'être pris au piège, comme une mouche se pose sur une toile. Du coin de l'œil, juste avant de franchir la tenture, il vit Gwen s'approcher de Merlin et lui murmurer à l'oreille. Le visage de son valet s'illumina alors d'un rictus réjoui, et légèrement pervers. Oh, songeaArthur, tout cela était vraiment mauvais signe.

La tenture se referma sur les deux comploteurs, et Arthur réalisa alors que Morgana attendait une réponse.

- Quoi ? demanda-t-il stupidement.

Elle leva les yeux au ciel.

- Tu ne m'écoutes jamais ! C'était important pourtant ! C'était pour ton cadeau !

- Pardonne ma distraction. Veux-tu bien répéter ?

Morgana, peu dupe de son sourire innocent et de ses prunelles angéliques, lui asséna une gentille tape sur le bas. Mais répéta tout de même. De toute manière, elle avait besoin de la réponse pour son plan.

- Arthur, je veux te faire un cadeau exceptionnel cette année…

- Oui… Quoi ?

- Mais j'ai besoin d'un renseignement pour ça.

- Tout ce que tu voudras, acquiesça-t-il distraitement, toujours focalisé sur la farce dont il craignait être le dindon.

- Je veux connaître l'élue de ton cœur.

Arthur se figea, glacé d'horreur. Morgana savait-elle ? Les prunelles bleues claires le sondaient, réellement curieuses.

- Je… Je… bafouilla-t-il.

- L'être dont tu t'es épris. Qui fait battre ton cœur. Pour qui tu mourrais dans l'instant ! s'emporta la jeune femme, grandiloquente.

Le cerveau d'Arthur s'emballa aussitôt, dessinant les traits délicats, le sourire mutin, le corps frêle, les yeux rieurs. Son cœur tambourina un peu trop vite dans sa poitrine. Son trouble n'échappa évidemment pas à l'acuité du regard de Morgana.

- Alors ? insista-t-elle.

- Je… je ne peux pas, balbutia-t-il. Pas te le dire.

Personne ne devait savoir. Personne. Jamais.

Morgana parut fâchée, et son humeur s'assombrit. Mais juste après fleurit sur ses lèvres un sourire machiavélique, qui gela Arthur.

- Pas d'inquiétude, je finirais par le savoir tôt ou tard…menaça-t-elle. GWEN !

Un instant plus tard, sa servante apparut, et encore une seconde après, les deux femmes avaient disparu. Sans qu'Arthur ne remarque l'étrange paquetage de Gwen. Perturbé et déboussolé, Arthur resta planté au centre de la pièce, perdu dans ses pensées. Il y serait probablement resté longtemps, si la silhouette de Merlin ne s'était pas faufilée devant lui, en direction de la porte.

- Merlin ! cria-t-il.

Le susnommé, pris sur le fait, sursauta.

- Où vas-tu ? reprit Arthur. Je ne suis pas prêt !

- Ben… J'ai oublié votre épée d'apparat dans l'armurerie quand je l'ai polie alors…

Arthur secoua la tête devant l'incompétence de son valet. Il congédia celui-ci d'un geste. Merlin s'apprêtait à filer lorsqu'un deuxième détail lui revint à l'esprit.

- Et ma couronne ?

- Sur votre lit, répondit Merlin. Vous êtes bien assez grand que pour vous en coiffer tout seul !

Et il fila sans demander son reste. Grommelant pour la forme, Arthur retourna dans sa chambre et regarda sur son lit. Désespérément vide. Fronçant les sourcils, il entreprit d'en faire le tour au cas où elle serait tombée à terre. Rien. Son regard tomba alors sur le mur. Il y avait une heure, alors qu'il prenait son bain, il aurait juré que son épée se trouvait là.

- Merlin !

Seul le silence lui répondit.

- Merlin !

Cette fois, sa voix était teintée d'angoisse, car le silence aussi écrasant lui faisait peur. Depuis que Merlin était à son service, rares étaient les instants de silence.

- MERLIN ! se récria-t-il pour la troisième fois, furieux.

Toujours rien. Bien décidé à aller chercher cet idiot par la peau des fesses, Arthur passa dans l'autre pièce, furibond. C'est alors qu'il aperçut le petit papier blanc posé sur la table, plié en deux et posé en équilibre contre la cruche. S'en saisissant, il l'ouvrit et lut la courte note. De la main de Morgana étaient grossièrement dessiné une couronne et une épée, et ces quelques mots « Si tu veux retrouver tes affaires et faire une apparition décente ce soir, dis-moi qui c'est ! Suis les flèches ! »

Rageur, Arthur chiffonna le papier et le jeta dans le feu. Maudite pupille ! ragea-t-il.

Agacé, il prit la décision d'aller chercher Morgana ou Merlin, selon celui qu'il trouverait en premier, et de passer sa colère en gueulant une bonne fois pour toute qu'il n'était pas un jouet pour les farces de la première, et au deuxième qu'il se devait de tenir son poste. Sortant de sa chambre à toute allure, il fit trembler les gonds sous la violence du choc. Il prit le temps de calmer le chambranle (et ses propres nerfs, un peu) et c'est ainsi qu'il vit la flèche, tracée à la craie sur le sol. Elle lui indiquait de tourner à droite.

- Stupide, grommela-t-il entre ses dents.

Que ça soit l'armurerie, la salle de banquet ou la chambre de Morgana, tout cela se trouvait au plus court sur sa gauche. C'est donc sans hésiter sur ce chemin qu'il s'engagea, refusant de se plier à la manipulation de sa foutue sœur.

Il n'eut pas fait dix pas qu'il heurta violemment… le vide. Massant sa mâchoire endolorie d'une main perplexe, il tendit l'autre devant lui. Celle-ci ne rencontra aucun obstacle. Mais lorsqu'il tenta un nouveau pas en avant, prudent, il se heurta de nouveau à l'incapacité d'avancer. Grommelant contre la diablerie qui se jouait là, il aperçut à terre un petit morceau de papier, qu'il saisit et lut : « A la nuit du solstice, la magie entre à Camelot dans la tolérance du roi, car rien de mal ne peut survenir au solstice. Plie-toi aux traditions et au jeu, et tu pourras avancer. M. »

- Quelles traditions ? râla Arthur, contre le vide, au cas où celui-ci lui réponde.

Puis il se souvint de la flèche au sortir de ces appartements. Et comme il n'avait pas le choix, il fit demi-tour et accepta de la suivre.

- J'espère pour toi que je ne serais pas en retard au festin Morgana, bougonna-t-il à voix haute, tout en suivant la flèche.

Arrivé à l'intersection suivante, il se retrouva perdu. Aucune indication en vue, aucun papier, aucune flèche. Pressentant que ses tentatives pour tourner à gauche et retrouver le plus court chemin de la fête resteraient vaines, il fouilla des yeux le mur de droite. C'est alors qu'il y vit un objet étrange accroché le long du mur. Il s'approcha…

C'est alors qu'il sentit la présence étrangère dans son dos, et porta immédiatement la main sur la garde de son épée… inexistante. Ce mouvement avorté suffit à son agresseur pour prendre le dessus, et lui bander les yeux de noir.

Perturbé et déséquilibré, Arthur gigota un instant, battant ridiculement l'air de ses bras.

- Ça suffit ! lui intima une voix.

Il s'immobilisa en reconnaissant celle de Morgana.

- A quoi tu joues ? râla-t-il.

- Je ne joue pas, j'obtiens mes réponses, s'esclaffa la jeune femme.

Pendant ce temps, Arthur essayait d'enlever le bandeau de ses yeux, mais les mains à l'arrière de sa tête ne rencontraient aucun nœud qu'il put défaire.

- N'insiste pas, reprit Morgana. Arrête de gigoter et écoute-moi.

Arthur s'immobilisa de mauvaise grâce.

- Bien. Bien, maintenant fais deux pas vers la droite. Lentement. Voila. Tu sens le mur sous ta main ? Descend progressivement ta main… encore… voila. Tu sens la corde ?

Arthur hocha la tête, puis réalisant qu'on ne lui avait pas ôté la parole, reprit à voix haute :

- Oui.

- Bon. Le bandeau que tu as sur les yeux ne s'enlèvera qu'au terme de ta balade. Quand je tiendrais ma réponse.

- A quelle question ? s'agaça Arthur d'un ton geignard horripilant, qu'il savait énerver Morgana quand il l'employait.

- Mais l'être dont ton cœur est épris voyons !

Le ton de la jeune femme laissait sous-entendre qu'elle s'amusait follement, et cela fit soupirer Arthur.

- Bref, nous sommes la nuit du solstice comme tu le sais, c'est l'une des nuits où se déchire le voile de la magie… Même Uther n'y peut rien. Ton bandeau tombera tout seul quand tombera ton cœur, et quand je tiendrais ma réponse.

- Soit, consentit Arthur, mais comment suis-je…

- Suis la corde au mur. A chaque intersection t'attendra une femme…

- Quoi ? s'indigna le prince.

- Laisse-moi finir ! Elle se tiendra sous une boule de gui. De fait, à cause de la magie du gui, tu ne pourras franchir l'intersection qu'en l'embrassant. Si la magie du solstice opère, ton bandeau s'ôtera de lui-même, et tu seras alors libre d'aller à gauche, vers le banquet. Je te rendrais tes attributs.

- Et sinon ?

- Ton périple continuera sur la droite.

- C'est complètement absurde ! s'emporta Arthur. Je ne vais pas baiser tout le château ! Sans même les voir qui plus est !

Il y eut un silence et Arthur imagina sans peine le sourire machiavélique de sa presque sœur.

- Mais c'est là tout l'intérêt, mon cher Arthur, susurra-t-elle. Tu dois ressentir cela comme tu le peux. Et je ne te demande pas d'embrasser tout le château. Juste toutes les femmes.

Morgana eut un court rire, avant de reprendre.

- Et si tu sens au fond de toi que ce n'est pas la bonne, contente-toi d'un effleurement sur la joue…

Arthur grommela.

- C'est le solstice après tout ! Tout peut arriver ! s'exclama la voix réjouie de la jeune femme.

Le prince attendit la suite, une précision, une indication… qui ne vint jamais. Au bout d'un moment, il se rendit compte qu'il était seul. Morgana s'était évaporée. Il essaya encore un peu d'ôter son bandeau – en vain – puis se résolut finalement. Il se saisit fermement de la corde, er commença à avancer.

..

Morgana et Guenièvre, légères et silencieuses comme le vent, regardèrent Arthur s'ébranler. A pas lents et mesurés, il laissait filer la corde dans ses mains, sans jamais toutefois la lâcher. Il maugréait à voix basse, et le spectacle était risible. Outre la volonté de Morgana de connaître la personne qui faisait battre le cœur d'Arthur, il y avait aussi le ridicule de la situation qui était plaisant. Le grand et valeureux prince, réduit à l'état de marionnette, obligé de suivre ses directives. Morgana s'en délectait. Il y avait de quoi s'enorgueillir, et la jeune femme ne s'en privait pas, tandis qu'elle jetait des clins d'œil amusés et complices à Guenièvre, qui l'avait aidée autant dans la conception que dans la réalisation de la farce.

- Allez viens, souffla-t-elle sans bruit. Allons voir notre première candidate.

..

Arthur marchait toujours, se demandant vaguement comment il était sensé savoir quand s'arrêter. Les femmes qui allaient jalonner son parcours l'arrêteraient-elles ? Ou bien le sentirait-il sur la corde à l'aide d'une rupture, d'un nœud ? Il rageait. En le privant de sa vue, Morgana l'avait réduit à l'impuissance, lui enlevant ce qu'il était, un guerrier émérite, un valeureux combattant. Pourtant, se rendit-il compte paradoxalement, cela affectait ses autres sens. Il sut qu'il devait s'arrêter avant même de parvenir au croisement. Il le sut parce que son corps le sentit. Son ouïe entendit le frémissement de tissu dans l'air. Son nez inspira un délicat parfum. Et bientôt dans ses mains se trouvèrent une peau douce et fraîche. Etre privé de sa vue renforçait l'acuité de ses autres sens.

La femme gloussa, mais elle ne dit rien.

- Ma Dame ? interrogea Arthur.

- Sire, répondit celle-ci.

Mais cela n'aida pas le prince à l'identifier. Des femmes, des courtisanes, des nobles, il y en avait par dizaines, si ce n'est par centaines dans ce foutu château ! Quelle idée d'habiter un endroit aussi grand ! Il en connaissait certaines mieux que d'autres, mais il était loin de les reconnaitre à voix pour autant. Sa frustration n'en fut que décuplée, surtout quand sa partenaire gloussa de nouveau. Il se savait la cible de commérages – sur son absence de relation suivie ou même d'intérêt – mais également d'envie. A cause de son titre ronflant, mais aussi de son physique. Mais toutes ces cancanières, qui à la fois rêvaient de lui et médisaient, il ne les prenait jamais sur le fait. C'était toujours dans son dos, des murmures qui s'arrêtaient dès qu'il se retournait ou disait bonjour. Et là, alors qu'il avait l'une des leurs à portée de main – c'était le cas de le dire –, il ne pouvait savoir de qui il s'agissait, et ne pas assouvir sa curiosité l'énervait autant que cette mascarade aberrante.

Avec un profond soupir, Arthur rendit les armes. De toute manière, de qui qu'il s'agisse, cela ne pouvait être la personne chère à son cœur. Jamais. Morgana pourrait s'escrimer en vain sur son jeu stupide, jamais elle ne parviendrait à trouver sa perle. Il en venait même à se demander si tout ceci aurait une fin…

Avec lenteur, il laissa courir ses paumes sur les bras de la jeune femme, glissa ainsi jusqu'aux épaules puis aux joues. Et pour être sûr de ne pas se tromper et d'embrasser les lèvres de la demoiselle par inadvertance, il s'approcha lentement et l'embrassa furtivement sur la joue.

Il sentit et devina le soupir de sa prétendante, ses épaules qui s'affaissaient, sa légère déception.

Désolé, pensa-t-il.

Elle s'éloigna de lui, et il prit peur, brutalement. Si elle le laissa là, au milieu de nulle part, il serait perdu. Il avait laissé tomber la corde tout à l'heure.

Sa panique fut brève puisque les mains fraîches touchèrent les siennes de nouveau et s'assurèrent qu'il saisissait convenablement le filin revêche.

- Au revoir Sire, lança-t-elle dans un froissement de tissu.

Et le silence fut de nouveau roi.

..

- Dommage, chuchota Morgana à sa suivante, qui avaient tout observé de la scène.

- Voyons la prochaine, Ma Dame, proposa Guenièvre.

Sans un bruit, les deux femmes avancèrent vers la prochaine étape.

..

Le manège dura. Une intersection, une femme. Des parfums, des sensations, des touchers. Arthur hésitait parfois, mais rarement plus de dix secondes. Pourtant, ces brefs instants paraissaient durer des heures aux candidates, qui voyaient la chance de leur vie enfin arrivée ! Un baiser du prince Arthur, fut-il sur la joue, était déjà en soi un gain inestimable, mais tout ce que cette étreinte impliquait l'était bien davantage. Elle signifiait l'amour du prince, l'assurance d'une liaison et probablement d'un mariage. Toutes ces filles de nobles étaient élevées selon le même mantra : faire un beau mariage. Et quelle plus belle réussite que le prince héritier du trône pour cela ? L'amour dans l'esprit de ces demoiselles, n'était qu'annexe. Et puis il fallait avouer que le prince était bien agréable à regarder. Avec le temps, les prétendantes savaient que les sentiments pourraient naître, comme cela avait été le cas pour leurs parents.

Mais Arthur décevait les espoirs de chacune d'entre elles. Même lorsqu'il hésitait, il finissait toujours par se décaler et baiser la main, ou la joue, de la jeune fille déçue.

..

Morgana et Gwen, elles, rageaient. Surtout Morgana. Elle avait sélectionné les jeunes femmes avec choix, puis les avait placées par ordre de probabilité, la plus proche de la chambre d'Arthur étant la plus susceptible de lui plaire. Le but n'était pas qu'il arrive en retard au banquet… Mais plus les intersections et les femmes défilaient, et plus Arthur s'éloignait du lieu où il était censé être. De temps à autre, bloqué dans un cul-de-sac, Morgana avait dû prévoir un itinéraire qui parait sur la gauche, mais ça n'avait absolument pas rapproché le prince de la grande salle.

La pupille du roi enrageait, et était de moins en moins discrète dans la filature de son presque frère. Gwen aussi riait moins. On sentait qu'Arthur se lassait du jeu, et il hésitait de moins en moins souvent avant d'embrasser chastement les jeunes femmes, comme sachant pertinemment que ce ne serait jamais la bonne.

Et pour couronner le tout, la sélection des femmes de Morgana arrivait à épuisement. Ce qui voulait dire qu'elle avait fait passer entre les bras d'Arthur toutes les femmes nobles du château en âge de se marier. Et elle se tourna donc en désespoir de cause vers les autres femmes envisagées : les servantes.

- Va les chercher ! intima-t-elle à Gwen du bout des lèvres.

Celle-ci, au courant du plan de sa maîtresse, partit immédiatement rassembler toutes les femmes de chambre, les lavandières et les suivantes que comptait le château et qui avait accepté de se prêter au jeu, c'est-à-dire pratiquement toutes. Qui refuserait de se faire embrasser par le prince après tout ?

Promptement, elle les rejoignit, les mit en place aux futures intersections, et partit rejoindre Morgana, le tout en évitant de croiser Arthur, ce qui lui valut de courir aux quatre coins du château en faisant des tours et des détours.

- Merci Gwen, la remercia Morgana lorsqu'elle revint. Voyons la suite.

..

Arthur n'en pouvait plus. Il avait essayé de compter, mais il avait assez rapidement fini par perdre le fil, et il avait l'impression d'avoir marché des heures, des kilomètres. Il embrassait désormais chaque femme avec lassitude, et ni mettait plus aucune forme ou gentillesse qui aurait pu atténuer la déception des prétendantes.

Un changement se produisit soudain. Privé de sa vie, tous ses autres sens étaient exacerbés, et son nez avait ressenti des senteurs moins compliquées, davantage de sueurs et d'épreuves. Le tissu des robes émettaient des sons très différents, moins fluides. Ce fut en touchant les mains de la première candidate de cette série qu'il comprit qu'il avait dans les bras une femme de basse condition. Il frémit en songeant que Morgana avait fait un pas dans la bonne direction concernant son amour secret… Mais s'il y avait bien une personne à laquelle elle ne penserait jamais, c'était bien celle qu'Arthur désirait ardemment.

Il embrassa sur la joue la nouvelle femme et continua son chemin.

..

Arthur était officiellement en retard à la fête, et Morgana aussi. Uther était probablement furieux, mais au train où allaient les choses, il serait probablement ivre quand les deux nobles paraîtraient au banquet, et il serait alors facile de le persuader qu'ils avaient toujours été là et qu'Uther l'avait simplement oublié.

En attendant, Morgana ET Arthur avaient l'impression de devenir fous. De sa charmante petite blague qui ne devait pas prendre trop de temps à la longue balade dans le château, plus rien ne ressemblait à qui avait été prévu. Quant à Arthur, il avait tant de tour et de détour qu'il avait totalement perdu le fil d'où il pouvait bien se trouver. Il se jura qu'une fois cette mascarade achevée, il préparerait une vengeance bien salée pour Morgana ! Et il brûlerait aussi tout le foutu gui de ce château ! Et puis d'abord, plus jamais il ne sortirait de sa chambre le jour du solstice !

Il était tellement focalisé sur sa colère qu'il en oubliait de suivre la corde strictement, et il prit un nouveau virage un peu trop court et se cogna le petit orteil dans le mur. Petit orteil qu'il ajouta aussitôt à la liste des choses qui ne devraient pas exister dans le monde, puisqu'étant fait uniquement pour se cogner. La liste contenait déjà Morgana, Guenièvre, Merlin (parce qu'il avait participé à cette foutue farce, il en était sûr), le gui, le solstice, son épée et sa couronne (parce que ces foutus objets n'avaient pas été capable de résister à Morgana quand elle les avait pris), et maintenant : les petits orteils.

Son voyage touchait bientôt à sa fin, bien qu'il l'ignorât. Le hasard de ses pérégrinations l'avait conduit à tourner et retourner dans le château, et l'avait désormais bientôt ramené dans sa chambre, dans laquelle la jeune femme avait ramené ses affaires depuis le début. Alors que son frère marchait désormais au radar, épuisé et lassé de ce jeu absurde, la pupille se partageait entre agacement et larmes. Elle n'avait plus aucune idée de qui elle pourrait placer sur le chemin d'Arthur, et elle ne tenait pas sa réponse.

Le problème majeur, c'était qu'elle ne pouvait pas libérer Arthur pour autant. Elle était responsable de la farce, mais pas de l'enchantement. Ça, c'était uniquement lié à la nuit du solstice. Soit Arthur attendait le matin (tout en crapahutant dans la citadelle), et lorsque le voile se refermerait, le charme s'arrêterait. Soit elle trouvait qui était présent dans le cœur d'Arthur… Mais elle avait épuisée toutes ses ressources.

- Je ne sais plus quoi faire… se lamenta-t-elle à sa fidèle servante.

Puis son regard se posa sur Guenièvre, et elle la vit vraiment. Une révélation se fit en elle, tandis qu'elle détaillait la jeune femme.

- Ma Dame… je crois qu'il n'y a plus qu'une option que vous n'avez pas envisagée, proposa-t-elle doucement.

L'éclat dans les yeux de Morgana se fit plus brillant encore, tandis qu'elle percutait à quel point ce que disait sa suivante était vrai.

- Mais bien sûr Gwen ! J'ai oublié quelqu'un ! Ah quelle idiote je fais ! Merci Gwen !

- Je ne suis que votre humble servante, Ma Dame. Je ne douterais pas que vous y penseriez sans moi… parce qu'il s'agit de…

- Toi bien sûr ! la coupa Morgana

- Vous, Ma Dame, acheva Guenièvre dans le même temps.

Elles restèrent muettes de stupeur un instant. Puis la jeune roturière s'empourpra démesurément, ce qui rendait son teint sombre plus sombre encore.

- Moi…. Ma… Da…Dame ? N…Non, vous de…devez vous trom…per !

- Ne sois pas absurde ! s'exclama Morgana. Je n'ai aucune chance avec Arthur. Nous avons été élevés ensemble, nous sommes plus frères et sœurs qu'amis ! Il n'y aucun autre sentiment que celui fraternel qui nous unit ! Alors que toi… tu es bien la seule personne que nous n'avons pas testé. Ose me dire que tu n'avais pas envie d'être ces femmes…

Guenièvre bégaya, rougit de plus belle mais ne dit rien de cohérent, détournant le regard. Morgana, elle, triomphait. A défaut de connaître l'être cher au cœur d'Arthur, elle tenait celui qui faisait battre celui de Gwen ! Et elle comprenait soudainement pourquoi sa servante avait eu un sourire crispé quand elle lui avait raconté son plan. Pourquoi parfois, elle avait soupiré lors des rencontres d'Arthur. Elle était jalouse. Simplement jalouse.

Pendant ce temps, Arthur était arrivé au terme de sa course. Il était planté devant la porte de sa chambre, ignorant totalement où il se trouvait. La corde s'arrêtait, il n'y avait personne à embrasser, et il patientait en vain. Il tapait du pied sur le sol en signe d'énervement, mais rien se ne passait.

Puis d'un coup, sa colère s'envola. Dans un léger cri, une nouvelle femme venait d'être placée devant lui (il l'ignorait, mais Morgana venait de littéralement jeter sa servante devant le prince, pour la pousser à agir). Et cette femme avait le parfum exact de ses rêves. Son cœur battit un peu trop vite en reconnaissant le parfum de Gwen. Ça ne pouvait être qu'elle, il en était sûr. Il s'approcha…

Et eut la surprise qu'on lui arrache le bras et l'entraîne violemment dans une autre direction, qui lui fit définitivement perdre le peu de sens de l'orientation qui lui restait. Il entendit une porte claquer et devina qu'il était donc entré dans une pièce, mais à part il ne savait rien. Une part de lui avait envie d'hurler, mais l'autre lui enjoignit de se taire. Car la main qui s'était posé sur ses bras, la main qui avait croisé ses doigts avec les siens, cette main avait la délicatesse d'une femme et la rugosité d'une servante. Une main qu'il avait espéré toucher dans nombre de ses rêves.

Sans plus hésiter, il saisit fermement la main dans la sienne, obligea la personne qui se trouvait au bout à sa rapprocher de lui, et l'embrassa furieusement, sur la bouche, avec toute la passion dont il était capable, avec toute la frustration qu'il avait accumulé pendant son périple, avec tout l'amour qu'il ressentait.

Il sentit dans ses bras la femme qu'il tenait se radoucir, se serrer contre lui, et l'embrasser en retour. Et plus que tout, il sentit le bandeau s'affaisser et tomber sur son nez. Alors il s'écarta un instant et ouvrit grand les yeux, récupérant enfin ce sens dont il avait été privé pendant de si longues heures. Le bandeau tomba entre eux sans qu'ils ne songent le ramasser.

Clignant des yeux pour se réhabituer à la –heureusement douce– luminosité de la pièce, il contempla d'un air béat la rougissante Gwen, qui baissait les yeux de gêne, n'osant croiser son regard. D'un geste doux, Arthur glissa un doigt sous le menton de la jeune femme, l'obligeant à relever la tête. Et dès qu'elle le fit, il l'embrassa de nouveau, et elle de répondre de nouveau à son baiser.

Devant la porte, Morgana enrageait. Volontairement, sa servante avait choisi de rentrer dans la chambre d'Arthur pour ne pas qu'elle voit son essai. Et elle mourait d'envie de savoir la conclusion de tout ça ! Elle était à deux doigts d'entrer de force dans la pièce quand la porte s'ouvrit. Morgana sursauta et se redressa, comme un électrochoc. Sur le seuil, Gwen la regarda et secoua la tête négativement, l'air triste et le regard au sol. Morgana soupira et se sentit soudain très triste. Elle avait échoué sur tous les plans.

- Tant pis… soupira-t-elle.

- Je voudrais rentrer Ma Dame, demanda timidement Gwen.

- Bien sûr, fais-donc Gwen. Je me débrouillerais, pas de souci.

- MORGANA ! hurla la voix d'Arthur au même moment. OU ES-TU ? QU'EST-CE QUE JE DOIS FAIRE MAINTENANT ?

La jeune servante lança un drôle de regard à sa maîtresse, puis fila sans demander son rester tandis que la pupille du roi pénétrait dans la chambre d'Arthur, le découvrant rageur, planté au milieu de la pièce, le bandeau toujours en place.

- La magie du bandeau cessera à l'aube, quand le solstice referma son voile. Je vais te guider à ton lit pour que tu attendes l'aube sans risquer de te cogner quelque part. Je suis désolée pour tout ça, Arthur.

Durant le bref trajet jusqu'à son lit, sur lequel le prince s'assit, ce dernier ne cessa de vitupérer, maudire Morgana et ses idées tordues, et haïr le reste du monde.

- Va-t-en ! Laisse-moi maintenant, je n'ai que faire de tes excuses ! Pars !

Attristée, et songeant qu'elle s'excuserait plus décemment demain, la jeune femme finit par obéir. Arthur la sentit quitter la pièce, puis entendit la porte claquer. Il attendit encore une longue minute en soufflant doucement, les oreilles grandes ouvertes, puis retira de lui-même son bandeau, accroché par un nœud.

Un frémissement dans l'air, sa porte qui tourne sur ses gonds et se referme, puis Guenièvre arriva sur le seuil de sa chambre, et il se leva aussitôt pour la contempler –il ne s'en lasserait jamais, pouvoir jouir de son image et de son sourire mutin était bien trop plaisant– et la serrer contre lui.

- Sire, le salua Gwen.

- Arthur, l'interrompit-il. Je m'appelle Arthur.

Elle sourit contre lui.

- Morgana est repartie à sa chambre, complètement dépitée. C'est pas gentil ce qu'on lui a fait croire…

- Et me faire crapahuter dans tous le château toute la nuit ? s'insurgea Arthur. Ma vengeance est bien plus gentille que sa farce ! Mais pas d'inquiétude, elle l'apprendra tôt ou tard… en attendant, profitons de nous.

Et il la ré-embrassa, encore et encore. Toute la nuit. Songeant que c'était le meilleur solstice de toute sa vie.

Et voilà !

Le chapitre 2 est donc la même histoire, avec une fin plus MerThurienne ;)

Quelqu'un a-t-il une idée de qui seront les deux autres personnages qui joueront un sale tour à Arthur ?

RDV le 12 Décembre pour le deuxième OS de cette fic de Noël ;)

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