Encore une de ces stupides soirées. Encore une soirée gâché à cause des ces foutues mondanités. Elle auraient pu s'éclipser discrètement, mais en tant que fille du Duc, elle se devait d'être présente. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle était plantée là, quand une valse commença. Les couples se formèrent, elle se mit à regarder d'un air amusé d'un air amusé son frère cadet se carapater vers le buffet, son serviteur sur les talons, pour échapper aux filles qui voulaient se faire accorder une danse, ainsi que ses deux aînés, Claude et Ernest, le premier raide comme un piquet, le second qui transformait les pieds de sa cavalière en bouillie. Elle soupira, puis tourna le regard vers son frère adoptif aux yeux vairons, qui lui se débrouillait mieux que les trois autres à l'exercice. Elle ne fut pas étonnée de la non-présence de Gilbert sur la piste. Il était sûrement sorti prendre l'air, c'était d'ordre public qu'il avait horreur de ces fêtes-là. Ou plutôt de la gente féminine présente, qu'il percevait comme un réel danger...

Elle tourna la tête vers la piste. Au centre un couple valsait gracieusement, et elle se mit à rêver d'être à la place de cette jeune fille. Personne ne l'invitait jamais à valser...

« Quoi de plus normal ? » pensait la jeune femme. Elle n'était pas des plus féminine, ni des plus ouvertes, elle qui passait les soirées dans un coin de la salle...

Elle poussa un énième soupir en fermant ses yeux remplis d'envie, puis se dirigea vers le balcon.

Seule, accoudée à la balustrade elle ferma de nouveau ses yeux de saphir, communs aux Nightray, et dodelinant la tête sur le rythme de la musique, se surprit à rêver d'un quelconque aimable garçon qui voudrait bien lui demander de lui accorder une valse.

« Tu ne trouve pas de cavalier ? »

Cette voix grave et douce la sortit de sa rêverie.

« Pourquoi tu viens me déranger, Gilbert ? »

Elle avait répliqué d'un ton sec, ce qui fit sourire l'autre.

« Tu bavais presque en regardant les gens danser ! »

Elle rougit, de honte et de colère, mais n'eut pas le temps de répliquer.

« Tu aurais voulu te trouver un cavalier, non ? »

Elle stoppa net la phrase qu'elle allait lui répliquer. Comment avait deviné ça ? Elle tourna son regard en direction du brun, et remarqua qu'il avait l'air d'hésiter.

« Tu as quelque chose à dire ?

- Heuu...beeeen...

- Abrège ! »

Elle le trouvait vraiment minable parfois...

« Puisque tu veux tellement danser, je veux bien être ton cavalier, pour cette fois... »

Elle le regarda, stupéfaite. Il baissa les yeux vers ses chaussures, rougissant violemment, affichant l'expression d'un enfant pris en flagrant délit.

« T'es un minable, l'oublie pas ! Mais...je veux bien t'accorder cette danse... »

Elle avait dit la fin de sa phrase d'une voix de souris, en tendant la main vers Gil. Qui l'attrapa, et attira Vanessa vers lui. Ils se mirent à valser maladroitement, chacun essayant de ne pas rire de la gaucherie de l'autre : elle était en contre-temps il peinait à ne pas lui écraser les pieds. Petit à petit, leur genre disparut, et au fil de la musique leurs pas se faisaient plus surs, leurs gestes plus légers et gracieux.

Quand la valse prit fin, ils se séparèrent, purement et simplement.

Le brun, rougissant d'un coup, s'enfuit à toute vitesse, et Vanessa resta sur le balcon. Elle ferma les yeux, souriant.

Jamais elle ne s'était sentie aussi bien dans les bras de quelqu'un.