N/A: Bon chapitre posté un peu avant Noël, finalement. Je suis contente de terminer cette série, ça faisait un moment que je la préparais. J'espère qu'elle vous aura fait du bien, même si, pour ma part, certains moments m'ont vraiment pas fait du bien. Bref, ma vie touçatouça.


Cuire à feu doux

Il la respire, il en a besoin, il a faim d'elle. Il la dévore, tout entière, croque ses hanches, lèche ses seins, grignote sa nuque. Ses mains découvrent sa chair, avides. Elle l'enserre entre ses jambes, tendre, se colle à lui, essaie au mieux de se fondre dans ce grand corps. Elle ne veut plus exister seule, il faut qu'ils soient deux, ne plus se quitter, s'abandonner.

Il la repousse, l'allonge. La regarde. Elle se sent gênée, comme si elle venait de comprendre qu'elle était nue. Elle essaie de se cacher, fuit ses yeux inquisiteurs. Il lui saisit les bras, les relèves et embrasse, doucement, ses poignets, s'en enivre un instant et les reposes. Il se penche sur elle, l'entoure de son corps, protecteur et lui dit qu'elle est belle. Il lui répète, langoureusement au creux de l'oreille. Elle en frémit. Elle a peur d'un coup, peur de l'aimer, peur d'être débordée par l'organe palpitant. Il voudrait bien la rassurer, lui dire qu'il n'y a rien à craindre mais il n'y arrive pas. Sa gorge reste serrée.


Ils s'aiment.


Ils se retrouvent, comme ça, le temps que dure l'escale à Shabaondy. Les dragons célestes, la Marine, le Gouvernement Mondial, le One Piece, ils s'en fichent. Ils ont mieux à faire, ils ont besoin de souvenirs pour leur tenir compagnie quand ils seront loin de l'autre. Ils esquivent leurs vies du mieux qu'ils peuvent, se jettent sur le lit de roses car ils savent pertinemment qu'ils se retrouveront trop vite seuls sur une paillasse cloutée.

Et puis, la chute, les mots interdits sont prononcés. Par une chaude nuit d'été, près des mangroves. Ils se tiennent la main, devisent ensemble. Ils se taisent, se regardent. Wire ferme les yeux, pour se donner du courage, chuchote « Je t'aime. Pardonne moi. ». Elle se mord les lèvres. Cherche à répondre quelque chose de cinglant. N'y arrive pas. Et se rabat sur la vérité. « Je suis désolée. Je t'aime aussi. »

Ça rit autour d'eux, et ça pleure au fond d'eux. Ils auraient voulu être adultes, aux cœurs de rocs. Ils ont échoué, ils étaient bien trop naïfs de croire que ça pouvait être aussi simple.

Elle cale sa tête contre sa poitrine, écoute son cœur battre. Il l'entoure de ses bras, la serre contre lui, de peur qu'elle ne disparaisse en une nuée de bulles. Ils savent que la tempête hurle, s'accrochent à leur radeau d'espoir. Oui, celui-là, celui dans lequel seuls les fous osent encore grimper, celui tout vétuste recouvert de toiles d'araignées, ce beau linceul, celui dont les maigres planches sont rongées par la réalité.


Ils se sont séparés sans se dire au revoir. Pas comme ils l'auraient du. Ils le regrettent, le regrettent tellement qu'ils ont l'impression de n'être plus que des regrets traînant une carcasse inutile.


Killer est allé vers lui. Wire avait envie de pleurer, mais les garçons ne pleurent pas. Il a tout raconté à l'épéiste. Parfois ça lui faisait trop mal et il se taisait. L'autre a hoché la tête, silencieux. Il aurait voulu aider son ami, son nakama. Mais il ne savait pas quoi dire, quoi faire. Alors il l'a pris dans ses bras, a senti l'homme s'effondrer contre lui.

Pourquoi ça ne finissait pas bien ? N'étaient-ils pas dans l'univers des possibles, celui où les quêtes et les rêves régissent tout ? Il ne demandait pourtant pas grand chose. Il ne voulait pas régner, la richesse ne l'intéressait pas, pas plus que la postérité. Il sait bien que ces choses ne sont pas pour lui. Il voudrait juste cette fille. Il voudrait juste Bonney contre lui, pour lui dire qu'il l'aime, qu'elle est belle et lui répéter sans cesse. La nuit, il rêve d'elle. Ça le blesse, d'avoir l'impression qu'elle est proche de lui, qu'il n'a qu'à tendre la main et puis se rendre compte de sa cruelle absence.


Personne n'est allé vers elle. Bonney a trop bien camouflé sa peine. Le soir, elle s'enferme dans sa cabine, s'assied sur une belle chaise, une chaise de South Blue qu'elle a récupéré dans un joyeux pillage et elle pleure. Elle se dit qu'ils n'auraient jamais du se rencontrer, qu'ils n'auraient pas du s'aimer. Juste amis, c'est tout ce qu'ils auraient pu être. Elle regarde fixement son escargophone, attendant un appel qui ne vient pas. Elle se dit qu'il est peut être mort, que son cadavre nourrit les charognards. Elle refuse d'y croire. Elle se rend malade, elle hurle.


Et elle l'aime.


Et il l'aime.


Et ça les tues, tout doucement, à petit feu.


Fin.