Bonjour, bonjour. Alors voilà, l'année passée, j'ai découvert cette série géniale qu'est Merlin. Après le final, je me suis tournée vers les fics et, incapable d'en écrire une satisfaisante moi-même, je me suis mise à faire des traductions ici et là et, d'une manière ou d'une autre, ceci est arrivé. J'ai pris beaucoup de plaisir à lire cette fic la première fois, énormément de plaisir à la traduire et j'espère que j'arriverai à vous le faire partager ! Même si je ne fais que traduire, un commentaire fait toujours plaisir ;)

Auteur : Footloose (Tous les liens vers la VO sont dispos dans mon profil et j'ai bien sûr reçu l'autorisation de l'auteur de poster cette traduction)

Titre : Stop Watching ("Arrête d'observer" en français si on veut garder le même rapport au texte)

Résumé complet :

Contraint et forcé de se renier lui-même par un père dominateur qui refuse d'être embarrassé de la moindre rumeur que son fils est gay, Arthur a abandonné tout ce qu'il désirait dans la vie afin de vivre en paix – aussi fragile soit-elle – avec Uther.

Arthur Pendragon, ancien médaillé olympique, est le coach à succès et apprécié de l'équipe d'athlétisme de Camelot High, nombre de ses élèves étant entrés dans l'équipe nationale. Pendant des années, il a été courtisé afin de rejoindre les équipes de coaching d'universités de l'Ivy League, de l'équipe nationale, de l'équipe olympique, mais à la place de sauter sur les opportunités qui se présentent devant lui, Arthur garde la tête basse et reste à Camelot, par responsabilité envers ses élèves, par devoir envers l'école et, un peu, un tout petit peu, par peur.

C'est le premier jour de l'année et un nouveau coureur rejoint l'équipe d'Arthur – un terminale transféré d'Ealdor High. Merlin Emrys est ouvertement gay, incroyablement amical, immédiatement populaire et remarquablement persistent.

Et Merlin a deux buts dans la vie : les Jeux Olympiques et Arthur.

Warning : C'est un slash, et comportant plusieurs scènes NC-17. Soyez prévenus et comportez-vous en lecteurs avisés.

Notes : Dans la VO, l'histoire a été postée en un seul bloc de près de 52.000 mots. J'ai décidé de couper l'histoire en 8 parties pour plus de facilité de travail (non, parce que traduire en voyant que le nombre de pages restantes ne diminue pas, y'a rien de pire pour zapper le moral quand même...) et je publierai donc un chapitre par semaine, le temps de les passer bien en revue et de prendre en chasse les quelques fautes et anglicismes flagrants restant. Si vous en voyez, n'hésitez pas à les mentionner! Sur ce :

Bonne Lecture !


Partie 1/8

— On dirait qu'il y en a quelques-uns qui ressortent du lot cette année, dit Perceval en se déplaçant derrière le bureau d'Arthur, son corps jetant une ombre dans la pièce alors qu'il passait devant la fenêtre.

Arthur grogna en réponse et plongea le nez dans les feuilles d'inscription.

Il ne prit pas la peine de se retourner pour regarder les gosses se rassembler pour les sélections du club d'athlétisme. C'était la même chose chaque année. Il y avait les troisièmes, remplis d'espoirs olympiques et voulant se lancer le plus vite possible à la poursuite de la gloire et de la renommée dans ce qu'ils pensaient être le sport le plus facile du coin. Il y avait les secondes et les premières qui revenaient après avoir fait relâche sur leur entrainement pendant l'été parce qu'ils étaient trop occupés à gagner le minimum syndical pour pouvoir le dépenser en sorties, et que de toute manière, personne ne courait avec la gueule de bois. Et puis il y avait les terminales, les préférés d'Arthur, qui avaient bon gré mal gré tenté de suivre le programme d'entrainement qu'Arthur leur avait concocté pour les vacances à la fin de l'année précédente, mais qui ne seraient de toute manière pas prêts pour la première compétition à la fin de la semaine.

Arthur pouvait tous les mettre en condition – c'était son job, ce qui ne l'empêchait pas d'être agacé par tous les élèves, d'une façon générale. La plupart d'entre eux supposaient que, sous prétexte que leur coach était un ancien athlète olympique, il leur suffisait de lui coller aux basques pour se faire repérer par les chasseurs de têtes des collèges et universités ou pire, par ceux de l'équipe nationale. Arthur avait déjà la réputation d'envoyer plus du trois quarts de ses coureurs à l'université avec une bourse d'étude et ce n'était un secret pour personne que près de deux douzaines de ses athlètes avaient été sélectionnés dans l'équipe nationale au cours des quatre dernières années. Deux d'entre eux s'entrainaient pour les prochains jeux olympiques.

Avec des stats comme celles-là, il devrait entrainer les jeunes pour les J.O. lui-même, pas nourrir l'équipe nationale d'une queue interminable d'étudiants. Ce n'était pas qu'il n'avait pas reçu d'offres d'emploi. Il en avait eus. C'était juste que…

Arthur grimaça. Les choses n'étaient pas aussi simples, voilà tout. Arthur se rappela que, même si son père était le directeur de l'école, il appréciait son job et qu'une fois que les étudiants auraient réalisé qu'il n'était pas qu'une belle gueule (et certainement pas un pigeon), la pagaille se dissiperait dans une routine confortable d'entrainements, de courses et d'encore plus d'entrainements. Arthur pouvait se distraire avec – non, il pouvait se concentrer sur l'élimination des étudiants "je suis dans l'équipe d'athlétisme" au profit des sportifs "je suis un coureur".

— Je ne vois pas Géraint, fit remarquer Perceval.

— Ce garçon passe la moitié de son temps entre les jambes d'une fille, marmonna Arthur avec agacement.

Depuis que Géraint avait commencé à sortir avec cette cheerleader blonde et guillerette – Arthur ne retombait plus sur son nom – il s'était relâché dans son entrainement.

— S'il ne se pointe pas, je vais le pourchasser et le forcer à courir pieds nus. Sur des charbons ardents.

— C'est tout ? demanda Perceval en le regardant par-dessus son épaule, un sourire moqueur aux lèvres. Tu te ramollis.

— Apparemment, c'était dans le mémo. On ne peut plus fouetter les gosses, ou les torturer, ni leur couper les couilles, dit Arthur en parcourant les formulaires remplis par les étudiants qui voulaient passer les essais.

Il les rangea par année – les demandes des troisièmes étaient les plus nombreuses, mais il y avait quelques nouveaux parmi les terminales. Il reconnut plusieurs noms, dont ceux de Gauvain Greene et Lance Dulac qui venaient de l'équipe de foot. Tous les deux étaient bons, des athlètes dévoués, mais quand Arthur avait entendu dire qu'ils arrêtaient le foot après un match de présaison violent contre Mercia High qui leur avait valu à tous deux une commotion (Gauvain) et une jambe cassée (Lance), il avait essayé de les convaincre de s'essayer à la course à pieds. Arthur était heureux de voir qu'il n'avait pas perdu la main, mais il savait que l'entraineur de foot – l'austère et sans humour Edwin Muirden – serait furieux d'avoir perdu deux de ses meilleurs joueurs.

— Leur couper les couilles faisait vraiment partie de la liste ? demanda Perceval. Il se déplaça; tout d'un coup, toute la lumière naturelle qui passait à travers la fenêtre fut bloquée.

Arthur roula les yeux et tendit la main vers sa lampe de bureau, tentant de décrypter les gribouillis sur les formulaires. Il était prêt à parier que plus de quatre-vingt-dix-neuf pourcents d'entre eux mentaient quand ils disaient "courir tous les jours", "être en bonne forme physique" ou pouvoir parcourir "un kilomètre en trois minutes".

— On ne sait jamais avec Uther. C'est entièrement possible, répondit Arthur sans lever les yeux.

Le directeur de Camelot High était un homme strict, très conservateur et autoritaire, Arthur était bien placé pour le savoir. Les gosses le comparaient à un gardien de maison de correction et Arthur n'avait pas à cœur de leur dire qu'ils avaient la vie facile comparé à grandir avec Uther comme père.

— On dirait qu'ils se sont rassemblés, dit Perceval. Ta faucille est prête ?

— Prête et affutée, répondit Arthur.

Il attacha la liste des noms et le paquet de formulaires à une planche à pinces, ajouta quelques feuilles blanches et se passa son sifflet autour du cou. Il se frotta les yeux, attrapa sa tasse et la remplit à l'aide du petit percolateur qui mourait lentement au sommet du son armoire d'archivage.

— Café ?

— Contrairement à toi, je dors la nuit figure-toi, répliqua Perceval en fronçant les sourcils en direction d'Arthur. Il faut que tu montres un meilleur exemple aux gamins. Si tu ne dors pas –

— Ils ne dorment pas non plus, ouais, je sais. Mais qui va prendre exemple sur le gars qui pourrait les envoyer dans l'équipe nationale ? C'est pas comme si j'avais couru aux jeux olympiques ou quoi ce soit.

Perceval renifla avec dédain.

Arthur le suivit à l'extérieur du local. Perceval et Léon – qui était déjà sur la piste en train d'essayer de démêler l'amas d'élèves – l'aidaient toujours avec les sélections pour la course à pieds; Arthur aidait Perceval avec l'équipe de foot américain et Léon ne faisait jamais son timide pour demander de l'aide avec son groupe de basketball. Les premières semaines de lycée étaient toujours un peu chaotiques et un coup de main était toujours apprécié, et chaque année semblait être pire que la précédente.

Chaque année, Arthur souhaitait pouvoir être autre part.

Il suivait Perceval le long du couloir quand il entendit le faible bruit des pas de quelqu'un courant dans leur direction – l'écho délicat d'un pat-pat-pat aussi léger qu'une plume rendant l'estimation de la vitesse et de la distance difficile. Qui ce que soit, il était en retard pour l'entraînement. Arthur doutait qu'il s'agisse de Géraint, car Géraint attaquait du talon et faisait autant de bruit qu'un marteau piqueur quand il courait.

Arthur ne s'y attendait pas quand l'étudiant tourna au coin du couloir et lui fonça dedans.

— Et merde !

Le café chaud d'Arthur se répandit sur lui...

Une main l'attrapa avant qu'il ne tombe sur les fesses à cause de la force de l'impact. De longs doigts frais s'enroulèrent autour de son biceps pour le stabiliser. Arthur regarda sa tasse de café vide, le liquide foncé dégoulinant sur son tee-shirt et son bloc-notes.

— Merde ! Putain de merde ! Je suis désolé !, s'exclama l'élève.

Arthur adressa le regard le plus noir qu'il possédait en direction du gamin qui se trouvait devant lui – sauf que ce n'était pas un gamin. Arthur jugea qu'il devait avoir seize ou dix-sept ans, ce qui en faisait un première année ou un terminale. Il était grand – juste un peu plus haut qu'Arthur – et bien que le coup que s'était reçu Arthur aurait suffi à lui seul pour que Perceval recrute immédiatement le garçon comme linebacker, il fut surpris de découvrir qu'il était tout en longueur et finesse.

Et de grands yeux bleus.

Le regard noir d'Arthur perdit quelque peu de son intensité.

— Vous allez bien ? Je suis désolé, je ne regardais pas–

Visiblement, dit Arthur.

Il secoua son bloc-notes; une flaque de café tomba par terre, manquant d'éclabousser Perceval qui, remarqua Arthur, tentait difficilement de ne pas rire. Il se demanda s'il pourrait faire courir des sprints à Perceval jusqu'à ce qu'il s'effondre.

— Oui, ben, c'était un accident ! Pas besoin de m'arracher la tête, j'en ai vraiment besoin, dit le gamin avec agitation. Déjà que je ne l'ai pas sur les épaules la moitié du temps. En plus, je suis en retard, et je – oh.

Arthur fut parfaitement conscient du long regard insistant qu'il reçut. Le gamin regarda Perceval, puis Arthur avant de grimacer très nettement.

— S'il vous plait, dîtes-moi que vous n'êtes pas le coach Pendragon, dit-il.

Il était impossible de manquer le je suis totalement baisé dans sa voix.

— Je suis le coach Pendragon, grinça Arthur.

Génial. Juste génial. Le café chaud refroidissait rapidement et il pouvait sentir sa blouse lui coller à la peau. Il allait devoir en changer avant de sortir sur le terrain – avec une nouvelle tasse, parce qu'il avait vraiment besoin d'une dose de caféine là tout de suite.

— Je ne viens pas de massacrer toutes mes chances d'être pris dans l'équipe de course à pieds, pas vrai ? demanda le gamin. Ses yeux étaient ronds de consternation et sa manière de mâchouiller sa lèvre inférieure n'était absolument pas adorable.

— Cours, gronda Arthur.

— Quoi ? Oh. Oui, dit le gamin en reculant avant de rapidement repartir avec précipitation. Comment il ne s'écrasa pas par terre dans le fouillis de ses longues jambes, Arthur ne le saurait jamais.

— Gamin ? Les vestiaires, c'est par là, l'arrêta Arthur en montrant le couloir derrière son dos du pouce.

L'étudiant trébucha en s'arrêtant, regarda Arthur avec surprise puis sourit d'un grand et franc sourire qui fit plisser le coin de ses yeux et apparaitre des fossettes.

— Ah oui. Merci ! Et je suis vraiment désolé !

Il passa à côté d'eux et se dirigea vers les vestiaires. Arthur le regarda s'éloigner, et ce ne fut que quand la porte des vestiaires Homme se fut refermée qu'il prit conscience de Perceval qui le dévisageait, un sourcil haussé.

— Quoi ?

— Tu te ramollis, dit Perceval d'une voix désapprobatrice.

• • • • • • • •

Arthur commença par les terminales. Il venait juste de finir son discours de début d'année quand il vit le gamin enclin aux accidents courir dans l'allée pour les rejoindre. Il tenait plusieurs objets à la main qu'Arthur ne pouvait distinguer mais il n'allait pas faire attendre son équipe avant de débuter. S'il les abandonnait maintenant, ils se disperseraient comme un troupeau de moutons.

— Voyons voir en quelle condition vous êtes vraiment, et combien d'entre vous ont réellement respecté leur programme de vacances, déclara Arthur. Dix kilos en trente-cinq minutes, ou vous avez une semaine pour me montrer pourquoi je devrais vous garder dans l'équipe.

L'équipe grogna. Arthur pouvait garantir qu'aucun d'entre eux ne respecterait la limite – ils n'étaient pas supposés pouvoir y arriver. Cela faisait partie de son plan de génie pour les préparer à la série d'entraînements à venir, qu'ils aiment ça ou pas. Il n'y aurait plus de laisser-aller à partir de ce moment précis.

— En ligne, dit Arthur.

Le gamin arriva finalement près d'eux, s'arrêtant juste en face d'Arthur. Il lui tendit un petit livre noir contenant une enveloppe et plusieurs feuilles de papier pliées.

— Journal d'entraînement, lettre de recommandation de mon ancien coach et votre questionnaire. J'ai bien entendu ? Dix en trente-cinq ?

— Tu es en terminale ? demanda Arthur.

— Ouaip'

— En ligne avec les autres. Et ce sera trente-trois pour toi, dit Arthur en prenant le paquet avec un sourcil haussé.

— Trente-trois !

— Tu as ruiné mon tee-shirt, lui rappela Arthur.

— Les tee-shirts, c'est pas cher. Je peux vous en acheter un nouveau.

— Et pour les dommages psychologiques dus au traumatisme du café ? questionna Arthur.

— Je prends la responsabilité pour le traumatisme du café – que vous semblez d'ailleurs avoir surmonté assez rapidement, dit le garçon en pointant la tasse remplie dans la main d'Arthur avec un sourire. Mais je ne pense pas que vous pouvez me reprocher vos problèmes psychologiques, répliqua-t-il.

Le second sourcil d'Arthur se dressa et il pointa son stylo vers l'étudiant.

— Tu veux que je descende à trente ?

Le gamin sauta en arrière et trotta vers la ligne, les mains levées en signe de défaite.

— Trente-trois, c'est parfait, coach !

Arthur attendit jusqu'à ce que – il baissa les yeux vers le formulaire de sélection (questionnaire, mon cul oui, pensa Arthur. Ce gamin agissait comme si c'était déjà une affaire conclue qu'il rejoigne l'équipe) pour trouver un nom – Emrys soit aligné avec le reste des garçons. Il souffla dans son sifflet et déclencha le chronomètre. Il regarda le groupe courir le long de la route plate à une cadence modérée et attendit qu'ils disparaissent derrière le tournant au pied de la colline avant de se diriger vers les premières et les secondes.

Il commença par leur répéter les mêmes règles, sauf qu'il leur donna cinq kilomètres de terrain à parcourir en vingt minutes.

Après, il demanda à Perceval de garder un œil sur les troisièmes années – s'ils ne pouvaient pas faire un kilomètre sur terrain plat en moins de six minutes, ils seraient éjectés. Perceval avait plus de candidats à gérer et les feraient courir en plusieurs groupes. Arthur détestait devoir gérer les troisièmes; c'était toujours plus facile de les refiler à quelqu'un d'autre.

Au moment où le second groupe de troisièmes années démarra, il était presque temps d'aller attendre le retour des secondes et premières. Arthur se dirigea vers la ligne d'arrivée, jeta un coup d'œil à son chronomètre, vérifia quels élèves avaient réussi à passer sous la limite des vingt minutes avec aisance et prit note de ceux qui terminaient à l'arrache, c'est-à-dire la plupart d'entre eux. Il les envoya se rafraichir.

Arthur n'avait aucun désir de se diriger vers la piste où se tenait Perceval pour voir comment se passaient les choses alors qu'il ne restait plus tellement de temps avant que les terminales ne reviennent. Pendant qu'il patientait, il passa en revue ses papiers et fit presque tomber le journal de bord du nouveau gamin.

Par curiosité, Arthur l'ouvrit. La lettre de recommandation apparut, encore fermée et adressée à personne en particulier; Arthur déchira l'enveloppe et parcourut le contenu de la missive. Il avait lu – et écrit – suffisamment de lettres de cette sorte pour savoir qu'Emrys était un élève transféré et il ne fut pas étonné de voir les habituelles phrases bateau comme 'l'école est désolée de le voir partir, il est un atout tant sur la piste que parmi le corps étudiant, il travaille dur et essayera toujours d'être à la hauteur de vos attentes' et 'j'espère que l'interruption de son entrainement ne sera pas trop déstabilisante'.

Ce qui était surprenant était la petite note ajoutée à la main en-dessous. 'Son temps pour les 10 km du cross-country de Listinoise est 32'55''. Ne lui lâchez pas la bride. C'est du matériel olympique.' Bonne chance. L'écriture manuelle correspondait à la signature. Il y avait un numéro de téléphone.

Arthur plia la lettre et la plaça avec ses papiers. Il parcourut le journal de bord d'Emrys, en examinant les dates. Au premier coup d'œil, il semblait courir une fois par jour, parfois deux, en suivant une routine organisée en courses sur de longues distances et sprints courts rapides. Il observa les dates et ne put s'empêcher de renifler de dérision quand il les vit s'aligner avec régularité tout le long de l'été, et jusqu'à ce matin.

Il roula les yeux. Si le gamin avait réellement couru ce matin, Arthur allait le tuer. Le surentrainement existait.

Le brouhaha causé par les terminales quand ils passèrent le tournant avertit Arthur qu'il n'avait pas le temps de parcourir le journal avec plus de précision, aussi le plaça-t-il dans sa poche et commença à noter ceux qui avaient réussi à ne pas dépasser les trente-cinq minutes.

Emrys était à la tête d'un petit groupe formé par ses coureurs les plus fiables – ceux dont Arthur était sûr qu'ils s'étaient au moins entraînés au cours du mois passé – et qui incluait également les deux nouvelles recrues de l'équipe de foot. Emrys encourageait un Gauvain haletant à tenir le rythme, alors que Lance riait trop fort pour être stable sur ses pieds.

Puis, abruptement, Emrys regarda sa montre, fit un geste d'excuse et se sépara du groupe pour terminer le dernier kilomètre dans un sprint.

Arthur regarda le chronomètre.

Trente-deux minutes.

— J'ai réussi ? demanda Emrys en arrivant derrière lui. Son corps irradiait comme une fournaise, le rendant difficile à ignorer, et son souffle court sur le bras d'Arthur le fit frissonner.

— Va ta rafraîchir, claqua Arthur.

On ne pouvait manquer l'amusement moqueur dans la voix d'Emrys quand il s'exclama :

— Oui, Coach !

Arthur marmonna dans sa barbe et enregistra les temps des élèves qui arrivaient sur la ligne d'arrivée. Sale morveux arrogant, prétentieux et suffisant.

Il ne regarda pas Emrys du coin de l'œil et ne suivit pas le mouvement de son short alors qu'il s'encourait, clappant dans le dos de Gauvain pour l'encourager et l'aider en même temps.

• • • • • • • •

Arthur ne finit de trier ses papiers que plus tard ce jour-là. La liste des sélectionnés fut dressée le jour même mais il lui fallut encore deux jour avant de pouvoir disposer du paquet de feuilles dans la poubelle recyclable, le temps d'entrer ses notes dans l'ordinateur, mettre au propre les temps bruts de tout le monde et finaliser la liste officielle des étudiants pris dans l'équipe pour le personnel enseignant.

L'équipe des terminales était à peu près figée dans la pierre – ils avaient un coureur supplémentaire avec cet Emrys, qui pourrait ou non prendre la place de Géraint si Géraint n'apportait une explication suffisamment satisfaisante pour son absence au premier entrainement de l'année. Quelques nouvelles têtes avaient rejoint les premières et les secondes, mais quelques-uns avaient laissé tomber également, alors que les troisièmes formaient un chaos désorganisé d'enfants aux membres incoordonnés voguant en permanence dans un flux constant d'hésitation alors qu'ils tentaient de déterminer si ce sport était réellement fait pour eux ou pas.

Les deux premières semaines de l'entrainement spécialement conçu par Arthur pour les troisièmes s'occuperait de les décider.

Il y avait des jours où Arthur se sentait coupable d'utiliser de telles techniques. Tout au fond, il pensait que tout le monde pouvait devenir un coureur avec un entrainement adapté et de la motivation, mais après sa première année dans l'équipe enseignante de Camelot High, il avait appris qu'il ne pouvait pas tenir tout le monde par la main. C'était pourquoi il préférait les entrainements avec les terminales – eux au moins montraient un niveau respectable d'engagement.

Merlin Emrys, semblait-il, surpassait toute attente raisonnable d'engagement et se promenait allégrement un peu partout sur le territoire du mais t'as perdu la tête ? Sa longue conversation avec l'ancien coach de Merlin ce matin lui avait permis de mettre en évidence ce qui semblait être une tendance. Maintenant, il comprenait le Ne lui lâchez pas la bride qui avait été griffonné au bas de la lettre de recommandation.

Arthur se tourna, dos à son bureau pour observer par la fenêtre. De l'autre côté de la cour, il pouvait voir Merlin se diriger vers les bâtiments sportifs. Son sac à dos rebondissait sur sa hanche et son expression explosa dans un grand sourire rayonnant qui était aveuglant même à cette distance alors qu'une jeune fille se levait d'un banc pour lui sauter dans les bras.

Merlin n'était pas à Camelot High depuis plus d'une semaine et il s'était déjà fait des amis. Beaucoup d'amis, si Arthur comprenait correctement. L'ancien coach de Merlin avait dit – l'avait prévenu – que Merlin avait une façon bien à lui de creuser sa place dans la vie des autres et que parfois, cela lui apportait des problèmes.

Arthur s'arracha à la vue de Merlin faisant voleter autour de lui la petite brune pulpeuse. Bien sûr que Merlin avait déjà une petite amie. Arthur ne devrait pas s'en préoccuper – et il ne le faisait pas, se rappela-t-il fermement – et il ne se soucierait pas de la vie sociale de Merlin pour aussi longtemps qu'elle n'interférerait pas avec son travail scolaire et ses performances sur la piste.

Mais il regarda – il ne pouvait pas s'en empêcher – Merlin relâcher la jeune fille. Il reconnut Gwen; c'était une des filles de l'équipe de basket. Gentille fille. Extravertie. Sur le tableau d'honneur. Elle ne tirerait pas Merlin sur la mauvaise pente, c'était déjà ça de pris.

Gwen entraîna Merlin vers la table et Merlin, exubérant comme toujours, secoua la main en direction de tous ceux qui étaient là. Lance, une fille blonde – Ellie, Elena, quelque chose comme ça – Gauvain, et quelques autres. Merlin resta à discuter avec eux plusieurs minutes avant d'agiter le bras en direction du bâtiment. Il eut quelques autres gestes, des essais peu enthousiastes de s'éloigner, d'autres conversations et des éclats de rire.

Arthur se surprit à ressentir une irritation irrationnelle quand Gwen serra à nouveau Merlin dans ses bras et ne fut soulagé que quand il vit Merlin avancer vers le bâtiment. Enfin.

Arthur se retourna vers son bureau, remit quelques papiers en place, mais il avait déjà tout ce dont il avait besoin. Il se dirigea vers la machine à café, se versa une autre tasse et retourna derrière son bureau, en jetant un coup d'œil à l'heure. Est-ce que Merlin s'était arrêté pour dire bonjour à tout le monde dans l'immeuble ?

On toqua à la porte.

— Entre, dit Arthur en se redressant dans son siège.

La porte s'ouvrit et Merlin passa la tête à travers. Ses cheveux noirs pointaient dans tous les sens – droits et ondulés et dangereusement sexy, et Arthur ne venait pas de penser ça. Ses yeux brillaient, son sourire était naturel et facile, et la lanière de son sac à dos tirait sur la chemise-col-boutonné-et-cravate obligatoire dans l'école. La cravate était lâche autour de son cou, les trois premiers boutons détachés et les yeux d'Arthur furent attirés par la peau exposée de son cou et l'ombre de sa clavicule avant qu'il ne se force à détourner les yeux.

— Hey, coach. On m'a dit que vous vouliez me parler ?

La voix de Merlin était enjouée, et Arthur sentit son estomac s'agiter. Il garda résolument les yeux baissés sur les papiers devant lui, mais ça n'aida pas.

Arthur fit un geste du doigt pour lui faire signe de venir s'asseoir en face de son bureau. Il attendit d'entendre le bruit de la porte se refermer derrière Merlin avant de commencer à parler.

— Assieds-toi. J'ai discuté avec ton ancien coach.

Il entrevit Merlin marquer une pause, à moitié penché alors qu'il s'asseyait sur la chaise, l'expression méfiante d'une biche en milieu découvert, avant qu'il ne finisse par se laisser tomber sur la chaise avec l'insouciance habituelle d'un adolescent, son sac à dos à côté de lui.

— Comment va le coach Kilgarrah ?

— Mécontent que tu ne coures pas pour lui cette année, dit Arthur en s'appuyant contre sa chaise.

Il avait regardé le dossier de Merlin, s'était renseigné sur lui mais il n'y avait rien d'inhabituel dans son passé. Arthur s'était attendu à entendre parler de quelques frasques – une arrestation ou deux, des suspensions et des expulsions de l'école, des notes en échec – mais il n'en avait rien été. Que du contraire, Merlin était autant dans la moyenne qu'il était possible de l'être. Pas vraiment sur le tableau d'honneur mais avec des notes décentes, et le pire qui figurait dans son dossier scolaire était d'avoir répondu à un professeur pendant un cours ou de s'être battu avec une brute notoire.

De l'opinion d'Arthur, aucune de ces actions ne nécessitait de passer par l'étape du casier judiciaire, ni n'expliquait pourquoi Merlin avait presque traversé tout l'état pour devenir élève à Camelot High, mais les blancs avaient été remplis par le dernier coach de Merlin.

De ce qu'il avait compris, la mère de Merlin avait été courtisée et avait finalement cédé aux avances d'un des plus prestigieux cabinets d'avocats de la ville, mais ce qui avait véritablement influencé la décision de déménager était le manque d'opportunités de compétition pour Merlin dans la ville où ils vivaient. Ealdor n'avait pas un grand département sportif et leur budget était ridicule. Un gamin avec les talents de Merlin avait besoin de plus que ça.

— Vous savez ce qu'on dit. Sa perte, votre gain, pas vrai ?

Merlin haussa les sourcils, sa bouche tendue dans un sourire encourageant semblant signifier 'Soyez d'accord avec moi ou vous me briserez le cœur'.

Arthur eut du mal à ne pas y répondre. Il attrapa le journal d'entrainement de Merlin et le secoua en l'air.

— J'ai eu des étudiants qui ont essayé de falsifier leurs statistiques de course, mais les tiennes sont un incroyable travail de fiction.

Il y eut un cri indigné.

— Non ! Non, tout est vrai, j'ai fait –

Arthur fixa Merlin jusqu'à ce que ses protestations meurent sur ses lèvres.

— Selon ton ancien coach, tu étais connu pour courir bien plus de kilomètres que tu n'étais supposé le faire. Tu suivais le schéma d'entrainement qu'il t'avait préparé puis tu faisais demi-tour et courait dix kilos supplémentaires après la course avec l'équipe. Il a dit que si je voulais une idée réaliste des distances que tu as réellement parcourues, je devais multiplier les nombres inscrits dans ton cahier par une sorte d'échelle mobile de facteurs de rectification.

Merlin agrippa les repose-bras de son siège, la bouche entrouverte dans une expression trahie.

— Pire, tu as couru en étant blessé. Entorse de la cheville, périostite tibiale, élongation de l'aine. Combien d'orteils as-tu cassé ?

— C'était pas ma faute, répondit Merlin sans répondre à la question d'Arthur. Je les garde attachés. Le docteur a dit que ça leur prendrait une éternité pour guérir et je ne veux pas perdre ma condition physique. Ils ne font pas mal de toute façon.

Arthur secoua la tête, claqua le cahier sur le bureau; Merlin tressaillit.

— Là n'est pas la question. Le fait est que tu te surentraines et que tu cours blessé. Ça va cesser immédiatement.

— Mais –

— Si tu continues à malmener ton corps comme ça, tu seras forcé de mettre un terme à ta carrière avant même qu'elle ait commencée, dit Arthur en adoucissant légèrement la voix.

Il attendit que les mots pénètrent. Merlin resta assis, le dos raide, la mâchoire contractée, les yeux pleins de défi et de challenge. Arthur connaissait ce regard – il pouvait se revoir dans Merlin, dix ans plus jeune, buté et sans peur et tellement sûr d'être immortel, capable de tout conquérir sur son passage.

— Bien, dit Merlin, en capitulant à contrecœur, et Arthur n'y crut pas une seconde quand il continua par : Je vais ralentir, diminuer le kilométrage, –

— Tu vas faire plus que ça. À partir d'aujourd'hui, tu es en repos forcé. Je t'ai retiré de la course de vendredi, dit Arthur, chaque mot prononcé amplifiant la rage silencieuse et le défi dans les yeux de Merlin.

Son corps s'était figé, absolument, parfaitement immobile et pendant un court moment, Arthur pensa que Merlin allait sauter sur ses pieds, lui crier dessus et se précipiter hors du bureau, qu'il recevrait des nouvelles de sa mère et des menaces de poursuites s'il ne laissait pas Merlin s'entrainer pour la course.

Merlin pouvait ne pas le voir maintenant – il pouvait très bien ne jamais le comprendre – mais le surentrainement était un problème sérieux, tout comme l'étaient les blessures dont il avait souffert, particulièrement étant donné qu'il ne leur avait jamais donné l'occasion de guérir correctement. Quelques jours de repos feraient plus de bien que de mal, et Arthur regrettait seulement de ne pas avoir appelé Kilgarrah plus tôt pour placer Merlin sur la liste des blessés plus rapidement. Il aurait pu participer à la première course de l'année – pas qu'elle ait de l'importance, puisque les premières courses étaient inter-écoles et moins à propos du classement général que de la possibilité de rendre aux étudiants le goût de la compétition.

C'était un goût dont Merlin n'avait vraiment pas besoin en ce moment. Si son journal d'entrainement donnait la moindre indication – ajusté, bien sûr, par le facteur mathématique de pondération offert par Kilgarrah – Merlin ne manquait pas de motivation pour courir. Et de par le regard que Merlin dardait sur Arthur en cet instant, il pouvait dire qu'il n'était pas étranger aux défis non plus.

Arthur pouvait le voir dans les yeux de Merlin – la bataille intérieure qu'il menait pour décider à quel point il voulait écouter Arthur, à quel point il voulait rester dans l'équipe. Arthur ne s'ennuya pas à expliquer sa décision à Merlin. Il ne ferait que jeter du fuel sur le feu plutôt que de le calmer. Arthur était le coach ici, pas Merlin. Si Merlin voulait courir, il devrait le faire avec les règles d'Arthur.

Kilgarrah l'avait prévenu, "Quand je lui ai recommandé d'aller à Camelot High, ce n'était pas à cause de votre programme académique brillant ou des connections entre votre département sportif et les universités ou l'équipe nationale. C'est parce qu'il a besoin d'une main ferme, Pendragon. Vous ne devez pas lui céder d'un pouce, et si vous tenez à votre santé mentale, vous ne lui céderez rien, ou il prendra ce pouce et le transformera en un kilomètre, et vous passerez le reste de l'année à essayer de le récupérer."

Arthur pouvait parfaitement voir à quel point Kilgarrah avait eu raison. Le défi présent dans les yeux de Merlin aurait pu être assez pour faire trembler les murs d'un château.

— Quand pourrais-je recommencer à courir ? demanda Merlin, et ce fut le premier signe véritable de capitulation, même s'il était déguisé sous la forme d'une négociation.

— Lundi, répondit Arthur.

Un petit cri aigu sortit de la gorge de Merlin et il s'agita sur son siège comme s'il était sur le point de protester.

— Ça pourrait durer plus longtemps, prévint Arthur. Je préférerais que ça dure plus longtemps. Disons, deux semaines.

Un muscle se contracta dans la mâchoire de Merlin, mais il ne semblait plus sur le point de sauter hors de sa chaise, bondir par-dessus le bureau et tenter d'étrangler Arthur. Arthur considéra cela comme une petite victoire.

— Pas plus tôt. Et si j'entends que tu as été courir tout seul – si je vois la moindre trace de raideur ou de fatigue chez toi lundi, tu n'es plus dans l'équipe.

— Mais –

Merlin s'arrêta, comme s'il s'était attendu à ce qu'Arthur l'interrompe. Arthur attendit de voir ce qu'il allait dire. La protestation initiale de Merlin sembla mourir sur ses lèvres et il tenta une autre tactique.

— Qu'est-ce que je suis supposé faire pendant cinq jours ? Je vais péter un câble. Vous savez à quel point c'est mort dans cette ville ? Je n'ai même pas de voiture. Maman ne veut pas me laisser en avoir une, elle dit que je cours partout de toute façon, et en plus, je suis toujours la même routine et je ne veux pas l'interrompre –

— Fais ce que tu fais d'habitude quand tu ne cours pas, répliqua Arthur. Tes devoirs. Tes corvées. Si tu as un job étudiant-

Arthur savait que Merlin n'en avait pas. La plupart de ses athlètes de terminale se concentraient sur l'entrainement, dans l'espoir de décrocher une bourse universitaire.

— -demande pour faire quelques heures supplémentaires. Sors avec tes amis. Passe du temps avec ta copine.

Arthur essaya de ne pas trop s'interroger sur la raison du mauvais goût qui était apparu dans sa bouche après la dernière suggestion.

Merlin répondit par un grognement méprisant. Ses lèvres se relevèrent légèrement dans un sourire moqueur.

— Quelle copine ?

Arthur fit un geste de la tête pour indiquer la cour.

— La fille avec qui tu étais dehors. Je pensais que c'était ta petite amie.

La tête de Merlin se pencha sur le côté et la frustration typique des adolescents qui était présente dans ses yeux fut remplacée par une rapide évaluation et une flamme d'intérêt.

— Vous me regardiez ?

Un million de sirènes d'avertissement résonnèrent dans la tête d'Arthur. Il pensa entendre l'écho de la voix râpeuse et profonde de Kilgarrah dans la pièce, mais il ne pouvait pas discerner les mots et puis, de toute évidence, Kilgarrah n'était pas là.

— Je regardais par hasard par la fenêtre quand je l'ai vue te sauter dans les bras.

Le sourire de Merlin s'élargit jusqu'à ce qu'il semble ridiculement content de lui. Il gigota dans sa chaise, se relaxa, adoptant inconsciemment une position où toute sa longueur, ses jambes interminables et son corps mince, se trouvait exposée. Arthur en oublia de respirer pendant un moment. Il lutta pour paraître normal.

— Vous me regardiez, insista Merlin, la voix douce et taquine. Il tenta de contenir son sourire, qui était brillant et aveuglant, et ses yeux pétillèrent de contentement.

Arthur eut l'impression de se noyer.

— Je n'ai pas de petite amie, dit soudainement Merlin. Je suis gay.

La bouche d'Arthur s'assécha.

— D'accord, coassa-t-il.

Merlin s'assit au bord de son siège et le mouvement attira les yeux d'Arthur sur la courbe de ses bras, le mouvement souple et agile de son ventre. Merlin croisa les bras sur le bureau d'Arthur. Le sourire envoûtant était toujours là.

— Je n'ai pas de petit ami non plus.

Arthur entendit Vous voulez l'être ? dans la voix de Merlin, mais il se dit fermement que ce n'était que son imagination.

— Alors peut-être que tu devrais t'en trouver un, dit Arthur, détestant chaque mot qui sortait de sa bouche. Ça te garderait occupé.

— Oh, j'en ai l'intention, assura Merlin en se balançant légèrement sur sa chaise. Il observait Arthur comme s'il –

Arthur stoppa fermement le cours de ses pensées. Il se racla la gorge et tendit la main vers la première chose à disposition pour se distraire. Il attrapa le journal d'entrainement de Merlin et le lança sur le bureau; il glissa par-dessus les papiers étalés et cogna contre ses bras croisés.

— Tu vas en commencer un nouveau. Et cette fois, tu indiqueras tes distances et tes temps correctement. Je veux voir ton journal tous les lundis à l'entraînement. Chaque kilo en plus de ce qu'il est prévu dans ton programme d'entraînement, tu devras en répondre devant moi.

Le sourire de Merlin ne vacilla pas.

— Ok d'acc.

Arthur se demanda où était passée la défiance de toute à l'heure. Il voulait qu'elle revienne. C'était préférable à la façon dont Merlin le regardait à présent.

— Je ne veux pas te voir à l'entrainement avant lundi prochain, dit Arthur.

— Vous ne me verrez pas courir, répondit Merlin.

Arthur lui adressa un hochement de tête affirmatif, en se demandant à moitié quand il avait gagné l'avantage, l'autre moitié se demandant s'il ne l'avait pas totalement perdu, ne sachant pas ce qu'il avait fait pour que Merlin soit soudain si complaisant.

— On discutera de ton plan d'entrainement lundi. Il est évident que tu as l'endurance, -

— Oh ça oui, j'en ai, s'exclama Merlin en haussant légèrement les sourcils d'une façon qui ne pouvait être interprétée que comme une tentation subtile de séduction.

Arthur bafouilla.

— -et que tu peux tenir les distances. Mais tes temps intermédiaires sont à côté de la plaque. Tu dois apprendre à te rythmer dans les longues distances. Tu ne peux pas toujours te reposer sur les dernières minutes pour sprinter vers l'arrivée.

— Qu'est-ce que je peux dire ? J'aime prendre mon temps, déclara Merlin.

Arthur baissa les yeux sur son bureau et ramassa un morceau de papier qui trainait. Il n'entendit pas les insinuations dans le ton de Merlin.

— Comme je l'ai dit, on en discutera lundi.

— Ok, coach. Tout ce que vous voudrez.

Merlin ne fit aucun mouvement pour partir. À la place, il regarda autour de lui, mais Arthur n'avait aucune idée de pourquoi. Il conserva un visage impassible, les yeux sur le visage de Merlin et non pas sur sa gorge, sans céder à la tentation de regarder le haut découvert de son torse.

— Tu peux y aller, dit Arthur.

Quand Merlin se décida finalement à mettre son sac sur son épaule et à se diriger vers la porte, Arthur réalisa quelque chose.

— Merlin, y a-t-il quelque chose dont tu veux me parler ? Une raison qui te pousse à courir autant ?

Merlin marqua une pause, une main sur la poignée, et l'expression solaire qu'il arborait s'ombra de nuages. Il baissa le menton, se mordit le coin de la bouche et quand il regarda finalement par-dessus son épaule en direction d'Arthur, il dit :

— Non, coach. Tout va bien.

• • • • • • • •

Non, tout n'allait définitivement pas bien.

Les clés d'Arthur cognèrent le bol de céramique à côté de la porte et, à nouveau, la monstruosité ne se brisa pas. Mais cette fois, il se fichait de tenter de détruire le bol vert-néon travaillé à la main. Il ne pouvait penser à rien d'autre qu'à Merlin.

Pourquoi Merlin avait-il cessé de protester aussi vite ? Était-ce parce qu'il avait réalisé qu'Arthur pouvait complètement l'empêcher de participer à la moindre compétition ? Cependant, au vu de sa conversation avec le précédent coach de Merlin, Arthur doutait que ce soit le cas. Dédicacé, persistant et carrément fanatique faisaient partie des adjectifs utilisés par Kilgarrah pour décrire Merlin, et Arthur n'avait pas oublié l'avertissement limpide : "Quand il sait ce qu'il veut, il se jette la tête la première. Vous devrez l'empêcher de se blesser lui-même en chemin."

Que voulait dire ce regard sur son visage ?

Pourquoi avait-il –

Non, Arthur ne voulait pas penser à la façon dont Merlin avait croisé les bras sur son bureau et battu des cils dans sa direction. Il ne voulait pas penser à Merlin qui déclarait, librement et d'un ton nonchalant, qu'il était gay. Qu'il n'avait pas de petit ami.

Vous voulez l'être ?

Arthur secoua la tête. Merlin n'avait pas dit ça tout haut. Il ne l'avait pas dit. C'était dans la tête d'Arthur, une sorte de fantasme éveillé qu'il ne réaliserait jamais.

Ce à quoi il voulait penser, ce qu'il voulait savoir, était pourquoi, pendant un moment, il avait perdu Merlin. Entre le défi dans sa voix – et même cet ardent regard inconfortable – et la soudaine acceptation, Arthur avait perdu Merlin. Merlin avait esquivé sa question, mais c'était la réponse à cette question qui avait éloigné Merlin d'Arthur.

Merlin lui avait menti. Arthur n'aimait pas que les gens lui mentent. Il y avait une raison pour que Merlin coure ainsi – et tenter de la deviner était en train de rendre Arthur fou. Kilgarrah n'avait rien mentionné de mauvais, et il n'y avait rien dans le dossier de Merlin qui attirait l'attention. Arthur avait à moitié été tenté de sonner au directeur de l'ancien lycée de Merlin pour récolter l'info lui-même mais un autre étudiant avait toqué à sa porte puis Léon était passé pour demander un coup de main pour organiser l'entrainement de l'équipe de basket féminine. Il n'avait pas eu l'occasion d'y repenser beaucoup avant un peu plus tard dans la journée, quand il avait croisé son père faisant son habituelle tournée des couloirs avec son air menaçant.

— Comment se présente l'équipe ? demanda Uther.

— Toujours trop tôt pour le dire, répondit Arthur. On a quelques bons coureurs qui ressortent parmi les troisièmes. Quelques-uns des terminales vont faire tourner la tête des recruteurs.

— Et pour l'équipe nationale ? L'équipe olympique ?

Uther avait un intérêt personnel à ce qu'un – ou plusieurs – de ses étudiants participent aux jeux olympiques. Ça avait commencé avec Arthur; et cela continuerait jusqu'à ce qu'ils aient établi la tradition de créer et mouler les meilleurs sportifs du pays en athlétisme.

Arthur hésita longtemps avant de répondre, mais c'était suffisamment longtemps pour qu'Uther en tire ses propres conclusions, et il ne pouvait mentir. Il ne pouvait jamais mentir à Uther. Il avait été pris sur le fait bien trop souvent et avait appris à ne plus essayer. À ne rien cacher.

— Un ou deux étudiants. Peut-être. S'ils le veulent suffisamment fort. Tu sais comment c'est. À cette époque de l'année, courir n'est pas en tête sur la liste de leurs priorités.

— Et pour Géraint ?

— Géraint est exclu de l'équipe, dit Arthur.

Quand Uther fronça les sourcils, ses joues s'empourprant d'indignation, Arthur se dépêcha d'ajouter :

— Il ne s'est présenté à aucun des entrainements jusqu'à présent. Je ne vais pas perdre mon temps avec lui.

— J'irai lui parler, décida Uther, ce qui voulait dire que Géraint serait présent au prochain entrainement, qu'il le veuille ou non.

Arthur ignora la pointe de regrets. Il n'aurait rien dû dire, mais sans Géraint dans l'équipe, il leur manquait l'un de leurs meilleurs coureur longue distance.

— S'il veut quitter l'équipe, qu'il la quitte alors, déclara Arthur, même s'il savait que tenter d'argumenter avec son père était une perte de temps. Ça ne sert à rien de le forcer à courir s'il ne veut pas.

— Il faudra que ce soit Géraint. Personne d'autre n'est suffisamment rapide, dit fermement Uther.

Les pensées d'Arthur allèrent directement à Merlin.

— À vrai dire, on pourrait avoir eu un coup de chance cette année. Un étudiant transféré du nom de Merlin Emrys. Il courait pour Ealdor High mais n'a jamais participé aux régionales. Son dernier coach ne tarit pas d'éloge à son égard et –

— Ne perds pas ton temps avec un outsider, dit Uther. Concentre-toi sur Géraint. Pousse-le autant que nécessaire. Il sera sélectionné.

Mais Merlin a réalisé le temps de qualification pour l'équipe olympique B à son premier essai, voulait dire Arthur mais il savait qu'Uther n'écouterait pas. Uther avait placé ses espoirs en Géraint, même si Arthur savait que ça ne pourrait finir que par un désastre. Il aimait bien Géraint, mais le gamin n'avait pas la tête sur les épaules la plupart du temps. À la place de protester, il dit :

— S'il vient.

— Il viendra, assura Uther.

Et avec un changement de sujet typique, il ajouta :

— Sophia a demandé après toi, Arthur. Tu aurais dû l'appeler.

Sophia Ulrich était la fille d'un des hommes les plus influents à Camelot. Son père était dans le conseil communal – l'homme debout derrière le fauteuil du maire, à vrai dire. Il était bourré aux as, un donateur régulier pour Camelot High et Uther le tolérait malgré sa conduite grossière uniquement parce que ses larges donations permettaient la construction actuelle de l'aile Ulrich de la bibliothèque.

Ce n'était pas la première fois qu'Uther conseillait fortement à Arthur d'entamer une relation avec Sophia – si ce n'était que pour extirper plus d'argent au conseiller. À chaque fois, Arthur acquiesçait et murmurait quelque chose dans les lignes de "oui, je l'appellerai" ou "bien sûr, je l'accompagnerai à ce gala de charité", il passait quelques heures en compagnie de Sophia et en détestait chaque seconde, et il n'avait plus à lui parler pendant plusieurs semaines.

Si une courte conversation avec Uther suffisait à gâcher la bonne humeur d'Arthur, la pensée d'accompagner Sophia pour une quelconque soirée le vidait de toute énergie. Cela lui avait fait oublier Merlin, à nouveau.

Tout lui était brusquement revenu en tête quand il était entré dans sa voiture pour retourner chez lui après l'école. Il avait repéré Merlin qui marchait le long de la rue avec Lance et Gauvain. Le jeans moulant qu'il portait pendait bas sur ses hanches, son gilet n'était pas suffisamment long pour couvrir ses fesses, et la manière dont Merlin avait regardé par-dessus son épaule, droit en direction d'Arthur, et la façon dont le vent avait envoyé quelques mèches vagabonder devant ses yeux et –

J'aime prendre mon temps, avait dit Merlin. Dans son bureau. Ce matin.

Et merde si Merlin n'avait pas envoyé un clin d'œil à Arthur quand il était passé à côté de lui.

Il s'assit sur son canapé et alluma la télévision par pur réflexe. Il regarda les images qui bougeaient sur l'écran pendant un long moment avant de prendre une décision. Il vérifia sa montre – même avec le décalage horaire, le coach Kilgarrah pourrait toujours être à l'école.

Arthur trouva le numéro dans ses papiers et appela. Il prépara mentalement ses questions pendant que la ligne sonnait.

Il n'y eut pas de réponse.

• • • • • • • •

À bien y repenser, suspendre Merlin de l'entrainement pour cinq jours avait été une mauvaise idée. Arthur n'avait pas anticipé que Merlin continuerait à venir aux entrainements pour encourager ses coéquipiers, leur passer de l'eau et des serviettes, et même aider Arthur avec le chronométrage. Il était sociable, toujours prêt à aider et amical avec tout le monde, même les troisièmes années. Il alla même jusqu'à repérer quelqu'un sur le point de faire un coup de chaleur et le retirer de la course avant qu'elle ne commence, et à offrir des conseils à un deuxième qui se plaignait d'entorses aux chevilles.

Il était évident qu'il était populaire auprès de tous ceux qui le connaissaient; et tout le monde le connaissait. Si une nouvelle personne entrait sur le terrain, il s'en approchait immédiatement et se présentait. Kilgarrah avait dit à Arthur que Merlin était naturellement ouvert et qu'il se mettait en quatre pour offrir son aide aux autres, à son propre détriment parfois, mais Arthur n'avait pas vraiment imaginé ça comme ça.

Arthur ignorait les absences de Merlin aussi bien qu'il le pouvait. Il se surprit à garder un œil sur Merlin malgré lui, en réprimant les sensations qui s'éveillaient en lui. Il décida fermement qu'il n'était pas jaloux quand Merlin passait son bras autour des épaules de quelqu'un pour le soutenir ou quand il félicitait un coéquipier pour sa course avec une étreinte. Ce n'était pas du soulagement qu'Arthur ressentait à chaque fois que Merlin revenait se tenir à côté de lui, en battant innocemment de ses longs cils quand il se penchait pour vérifier un temps ou l'autre.

— Vous m'observez, chuchota Merlin dans l'oreille d'Arthur, à la fois suffisant et satisfait.

Arthur le repoussa avant que les autres ne viennent à penser que regarder par-dessus son épaule ne posait pas de problème. Il détestait ça. Et il ne l'admettrait devant personne, et surtout pas lui-même, mais ça ne l'ennuyait pas tant que ça quand c'était Merlin qui le faisait. Ça ne l'ennuyait pas que Merlin soit proche. Arthur se surprit à essayer de deviner si le shampooing de Merlin était à la noix de coco ou à la vanille.

— Je garde un œil sur les premières. Ils en font trop, dit Arthur.

Il prit un pas de recul pour s'éloigner de Merlin – ce qui était sûrement une erreur si la lueur dans les yeux de Merlin donnait le moindre indice.

— Et qu'est-ce que tu fais là de toute façon ? Tu devrais être chez toi, à faire ce que tu fais normalement quand tu ne cours pas.

— Ma vie se résume à courir, vous vous souvenez ? lui rappela Merlin en se déplaçant pour venir se tenir à côté d'Arthur, les bras croisés sur son torse. Le mouvement fit se toucher leurs épaules.

Arthur ignora la chaleur du corps de Merlin – c'était comme une fournaise – et il continua à noter les temps individuels.