Note de Maelström : Sur les rives du Styx s'achève avec ce chapitre. Merci à tous ceux qui m'ont encouragée ces derniers mois. J'espère avoir réussi à vous transporter dans mon histoire et à vous faire ressentir les émotions de Harry. Une suite possible germe déjà dans ma tête, mais je ne vous ferai pas de promesse. J'aimerais finir de poster Filius est pars patris avant de m'y mettre.

A ceux qui m'ont lue sans se faire entendre, j'aimerais tellement que vous me laissiez un petit mot pour partager votre avis sur ce que j'ai écrit. Vos messages sont ma seule récompense et elle est bien plus appréciée que vous ne pouvez l'imaginer. Dites-moi ce que vous avez aimé, moins aimé, détesté, dites-moi ce que vous imaginez pour la suite.

Avant de vous laisser lire l'épilogue de cette histoire, j'aimerais vous confier à quel point l'idée de quelques personnes lisant mes mots m'émeut. J'espère laisser une trace dans votre cœur.


Sur les rives du Styx

Épilogue


L'odeur du terreau de feuilles humides fut la première sensation qui perça la confortable obscurité dans laquelle il baignait. Ses paupières papillonnèrent et son corps perçut la dureté du sol, la fraicheur de la nuit sur ses bras nus. Il plia doucement les doigts avant de bouger ses bras, se ramassant sur lui-même avec un grognement jusqu'à se retrouver assis sur ses talons.

Son regard croisa les yeux écarquillés de Draco qui, à moitié étalé dans les feuilles, s'appuyait sur ses mains pour s'asseoir. L'esprit vide de Harry se remplit d'un torrent d'informations, de questions, et la surprise l'empêcha de bouger alors que Draco tâtonnait autour de lui jusqu'à trouver sa baguette.

« Je ne suis pas mort ? » Souffla Harry, sa respiration s'accélérant brutalement.

« On dirait que non. » Répondit Draco sans avoir l'air d'y croire lui-même. Ils soutinrent le regard de l'autre avant d'avoir le réflexe identique de regarder autour d'eux avec panique, se redressant jusqu'à se tenir debout l'un en face de l'autre. Il n'y avait personne. Harry se rendit compte qu'il tenait toujours sa baguette.

« Qu'est-ce qui s'est passé ? » Demanda-t-il en relevant finalement les yeux vers le visage étonné de Draco.

« Je ... » Commença-t-il avant de s'interrompre, ses sourcils blonds se fronçant comme si la réponse qu'il allait donner n'avait aucun sens. « Je ne suis plus très sûr. »

Harry le regarda quelques secondes en tentant de reprendre le contrôle de sa respiration, puis ses lèvres s'étirèrent en un sourire qui se transforma en léger éclat de rire. Il n'était pas mort ! Il était en vie, Draco aussi, et même si Voldemort avait l'air de s'être volatilisé, rien d'autre n'importait que le fait qu'ils se tiennent, bien vivants, face à face.

Draco avança d'un pas en levant une main hésitante vers lui, le visage se fermant doucement à mesure que son doigt approchait de sa cicatrice. Harry lutta contre un mouvement de recul, son corps se souvenant douloureusement de la dernière fois que Draco l'avait touchée, et il pouvait presque revoir le sang sur son visage, sur ses mains, ce jour où ils s'étaient échappés du Manoir Malfoy.

Mais rien ne se passa lorsque son index rencontra son front. Il n'eut que le contact froid de sa peau sur la sienne, et le visage de Draco se fendit d'un mince sourire que Harry imita. Il n'y avait plus de Horcruxe dans son crâne, plus de morceau d'âme obscure se mêlant à la sienne, plus rien pour se mettre en travers de sa route, plus rien qui ne justifie qu'il sacrifie sa vie.

Harry attrapa la main de Draco en riant, l'abaissant pour qu'elle ne gêne plus son champ de vision, et il put lire sa propre joie dans ses yeux assombris par l'obscurité.

« Je suis content que tu ne sois pas mort. » Lui dit doucement Draco, serrant ses doigts dans les siens et élargissant le sourire de Harry qui sentit le poids de mois d'angoisse et de douleur s'évaporer de ses épaules et disparaître dans la nuit. Son sentiment d'euphorie était tel qu'il dut lutter contre l'impulsion d'attraper Draco et de le serrer contre lui.

« Je ... » Hésita-t-il en sentant son visage rougir. Il baissa les yeux, son cœur lui hurlant de dire ce qu'il ressentait pour lui, son esprit lui criant que tout était à faire, que rien n'était certain, et qu'il avait maintenant toute la vie pour le découvrir. Il souffla et releva les yeux. « Je vais le tuer pour toi. » Il fallait mettre un point final à cette histoire avant d'en commencer une autre.

Le sourire de Draco s'élargit à son tour. Son regard brillait de détermination.

« On le fera tous les deux. » Répondit-il.

Il serra une dernière fois sa main dans la sienne avant de la lâcher.


Snape déboula dans la clairière, son sombre visage déformé par l'affolement, et s'arrêta net en les voyant. Ses yeux s'agrandirent, se fixant longtemps sur l'un puis l'autre, et il ouvrit la bouche bien avant de se mettre à parler.

« Vous n'êtes pas morts. » Dit-il, l'évidence difficile à combattre alors qu'ils étaient là, devant lui. Harry ne savait pas vraiment de quoi il avait l'air, mais le dos de la robe de Draco était couvert de feuilles mortes et de brindilles, et il ne l'avait pas vu aussi mal coiffé depuis des mois.

« Non. » Acquiesça-t-il, Harry voyant son profil sourire de coin. « Mais Voldemort est de nouveau mortel. »

« Co - » Commença Snape en haussant encore plus les sourcils, avant de balayer sa question d'un coup de menton, fermant brièvement les yeux. « Peu importe. Venez, il est temps d'en finir. »

Malgré sa voix dure, son menton relevé et ses lèvres étroitement pincées en une fine ligne pâle, Harry put voir distinctement le soulagement dans ses orbites sombres. Harry se mit en marche dans sa direction, prêt à en finir avec leur pire cauchemar, mais Draco l'arrêta d'un geste avant de s'éloigner de quelques pas.

« Attends. Désarme-moi d'abord. » Demanda-t-il en le fixant.

« Quoi ? » Demanda bêtement Harry, les bras ballants. Comment comptait-il l'aider à vaincre Voldemort sans baguette ?

« Prends la Baguette de Sureau. A vous deux, il y a peu de chances qu'on le loupe. » Expliqua patiemment Draco, écartant légèrement les bras.

Avec la baguette la plus puissante qui soit entre les mains de l'éternel rival de Voldemort, le raisonnement du Serpentard paraissait logique, mais Harry n'était pas moins mal à l'aise à l'idée de le désarmer.

« Mais ... Et toi ? »

Draco plissa les yeux et les dirigea vers la baguette de Harry avant de hausser les épaules.

« Je suis sûr que la tienne sera suffisante. » Il écarta un peu plus les bras et haussa rapidement les sourcils pour l'encourager. Harry souffla par le nez puis pinça les lèvres avant le viser le bras de Draco.

« Expeliarmus. » Prononça-t-il sans vraiment d'entrain, mais la Baguette s'envola tout de même de la main de son ami et il l'attrapa au vol avec un soupir. Alors que Draco s'approchait, il lui tendit sa propre baguette qu'il attrapa rapidement et visa les restes de Nagini qui gisaient, sanguinolents, à quelques mètres d'eux.

« Incendio ! » Le cadavre s'enflamma dans un crépitement ignoble de viande qui cuit, et Harry eut une moue dégoûtée avant de regarder à nouveau vers Snape, esquissant un petit sourire satisfait.

« Il y en a un qui va avoir une surprise. »

Celle de Harry fut de voir Snape s'esclaffer, aboyant un rire incontrôlable avant de se détourner dans un tourbillon de robes pour s'enfoncer entre les arbres en direction du parc de Poudlard.


Les jardins du château s'étaient transformés en en cimetière de pierre. Des Golems détruits gisaient dans l'herbe, les morceaux de roche grise attirant les rayons de lune et jetant leur ombres sur des cadavres de sorciers qu'ils ne purent pas prendre le temps d'identifier. Le combat s'était rapproché de Poudlard, près de la cour à la fontaine et du Saule Cogneur, et même de loin, il était évident que l'Ordre tentait de repousser les Mangemorts en les entrainant à portée des attaques de l'arbre magique.

Penché sur son balai, Harry sentait ses membres trembler de fatigue, mais la douleur dans ses muscles était pour lui la preuve qu'il était toujours en vie, que son destin avait pris un tournant radical et qu'il pouvait à présent en être le maître. Son euphorie était à peine atténuée par l'anticipation de l'inévitable combat qui allait l'opposer une dernière fois à Voldemort. Il ne pouvait pas perdre, il ne pouvait plus mourir. S'il était en vie à cet instant, c'était pour lui la preuve irréfutable qu'il allait continuer à survivre et l'éliminer pour de bon.

Draco était dans une posture identique à côté de lui, les yeux plissés pour contrer le vent, tenant le rythme et calquant la vitesse de Harry pour voler à ses cotés. Sa robe noire claquait derrière lui.

Ils gravirent une colline, frôlant l'herbe fraiche et contournant les cadavres des Golems. Ils avaient laissé Snape en arrière, incapables d'attendre d'en finir, de mettre un terme à cette horrible page de leur vie. Voldemort s'était venté de leur mort, et ils savaient pouvoir le prendre par surprise. Harry avait plus que tout besoin de s'assurer que Ron et Hermione allaient bien, et qu'ils puissent voir la preuve indiscutable qu'il était en vie.

S'approcher du combat fut aisé, mais ni Draco ni lui n'avait de plan. Incapables d'approcher du Saule Cogneur sans risquer d'y perdre la vie, ils furent forcés d'aborder le bataille par le flanc. Ils passèrent au-dessus des têtes de leurs amis, combattant furieusement dans des éclairs de couleurs aveuglantes. Une vingtaine d'Aurors et de membres de l'Ordre s'attaquaient à une horde de Mangemorts sans pitié qui encerclaient leur maître. Harry n'eut pas le temps d'analyser plus longtemps le combat, un sort fusa et s'écrasa contre le bout de son balai, le faisant virer à droite. Il percuta Draco de plein fouet et ils s'écrasèrent dans l'herbe quelques mètres plus loin, roulant dans la terre. Le corps de Harry rugit de douleur, celle-ci explosant dans tous ses membres malmenés, et seule l'adrénaline lui permit de rester conscient et de tenter immédiatement de se relever.

Le souffle coupé, il poussa sur les bras, jetant un regard fébrile à Draco qui se redressait difficilement avec un grognement de douleur. Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche pour lui demander s'il était blessé. Un sort lui percuta le flanc et le fit rouler au-dessus de Draco qui s'écroula à nouveau par terre. Le monde vacilla et Harry ne put voir que des brin d'herbe noire onduler devant ses yeux, le cœur au bord des lèvres et le corps une masse de souffrance hurlante.

Il entendit Draco prendre une inspiration paniquée et il posa le front dans l'herbe, projetant toute sa volonté dans les muscles de son dos et de ses jambes pour réussir à se relever. Il crispa le poing autour de la baguette de sureau qu'il tenait toujours.

« Draco ...» Souffla la voix désapprobatrice de Malfoy, et Harry usa de sa peur et de sa colère pour se redresser, un poing enfoncé dans la terre, l'autre main se dressant difficilement dans la direction du sorcier. Draco roula sur le côté, tentant de se mettre en position assise malgré la baguette de son père pointée sur lui.

« Il n'est pas trop tard pour - »

Harry ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase, de vomir son poison sur son fils et de lui infliger plus de mal qu'il n'en avait déjà fait. Son Stupéfix percuta un Lucius trop fier pour se croire en danger, et l'envoya s'écrouler plus loin dans une exclamation surprise. Draco se releva alors, titubant, et Harry l'imita pour suivre son pas chancelant jusqu'à l'endroit où son père était étalé dans l'herbe.

Ne le tue pas, supplia mentalement Harry.

« Draco ...» Croassa-t-il à la place, tentant d'attraper le bras de son ami qui se dégagea brutalement. Il vit son visage fermé, furieux, son regard implacable brûlant de toute sa haine se poser sur les traits grimaçants de Malfoy. Harry ne pouvait l'imaginer vivre avec le meurtre de son propre père.

« Sectumsempra. » Souffla Draco entre ses dents, la colère et la douleur l'empêchant de hurler sa fureur, son besoin de vengeance. Le flash de sa baguette percuta le torse de Malfoy qui écarquilla les yeux de douleur, sa bouche s'ouvrant dans un cri silencieux. Il ne perdit pas une seconde pour contempler sa revanche et avança d'un pas raide jusqu'à la bataille.


Ils approchèrent lentement mais sûrement du combat, poussant leurs membres endoloris. Les couleurs magiques des sorts projetés de toute part illuminaient le visage livide de Draco, s'accrochaient à ses larmes et ses yeux brillants. Son dos était droit, mais ses poings étaient crispés le long de ses cuisses, sa mâchoire contractée faisait saillir les muscles de son visage, et Harry pouvait voir sa respiration rapide, les émotions conflictuelles qui traversaient ses traits. Il n'y avait qu'une seule chose que Harry voulait plus à ce moment là que le serrer contre lui et l'emmener loin de cette horreur, de ces souvenirs et de cette tâche indélébile qui planerait à jamais sur sa vie : Détruire Voldemort.

Draco tourna brièvement les yeux vers lui, et le mélange de tristesse et de rage qu'il put lire dans son regard le força à tendre le bras pour lui attraper la main droite, serrant ses doigts gelés dans les siens avant que Draco ne regarde à nouveau devant eux. Sa respiration audible se fit plus lente, plus profonde, et le tressaillement de ses membres disparut. Il l'entendit prendre une grande inspiration malgré le bruit du combat. Il le sentit serrer sa main dans la sienne, son menton se redressant lentement avant qu'il ne regarde à nouveau dans sa direction.

« Ne te fais pas tuer. » Ordonna-t-il d'une voix grave et étrangement hautaine, et le cœur de Harry gonfla jusqu'à prendre toute la place dans sa cage thoracique comprimée par l'anticipation, la peur et toutes les émotions qui le traversèrent en observant son visage droit, son regard déterminé, la lumière de la lune sur ses cheveux. Il se sentit sourire malgré l'angoisse et l'incertitude.

« Toi non plus. » Dit-il alors, la voix plus franche que jamais.

Draco serra une derrière fois ses doigts avec un sourire étroit et un hochement de tête. Il lâcha sa main.


Harry put voir Hermione se retenir de se jeter sur lui, préférant se concentrer sur sa défense, protégeant Ron alors qu'un sort menaçait de le percuter. Il pouvait sentir le soulagement irradier de la forme fatiguée de ses amis, leur courage doubler et leurs attaques conjuguées avoir raison de leurs assaillants. Malgré ses blessures, Blaise combattait férocement les parents de ses propres amis, ses membres semblant aussi raides que ceux de Harry ne l'empêchant pas de venir à bout de Goyle, qui s'écrasa contre Crabbe, l'entrainant dans sa chute à la portée du Saule Cogneur.

Harry ne s'attarda pas sur l'avalanche de branches noueuses qui s'écrasèrent sur les Mangemorts. Son regard fouillait le combat, sa main tenant la baguette de sureau se dressait pour contrer automatiquement des sorts venant de tous les côtés. Conscient de la présence de Draco près de lui, de sa magie qui l'entourait, l'illuminant comme un flambeau dans l'esprit de Harry, il chercha Voldemort, tenta d'apercevoir Remus dans ce chaos de couleurs et de cris, sans succès.

Il n'entendait rien, dans ce brouhaha de hurlements, de chocs magiques et d'impacts des attaques du Saule Cogneur sur tout ce qui se trouvait à sa portée. Son propre sang rugissait dans ses oreilles, il n'entendait qu'à peine sa propre voix alors qu'il récitait automatiquement les premiers sorts de protection qui lui venaient à l'esprit. Draco lui attrapa soudainement le coude, l'entraînant vers le château, se frayant un passage à travers une horde de Mangemorts désorganisés qui laissèrent un trou béant dans leurs défense après une attaque vicieuse des jumeaux qui les faisaient s'enfoncer dans le sol comme si la terre du parc s'était transformée en des sables mouvants.

Harry n'eut pas le temps d'apprécier leur talent, un sort explosa devant ses yeux, contré par un bouclier éphémère de Draco et l'aveuglant assez pour le faire trébucher à la suite de son ami. Lorsque sa vision revint, il se tenait devant Voldemort.


Le monde s'éteignit autour d'eux. Harry n'était conscient que de la présence de Draco près de lui, de sa respiration haletante, de la haine et de la terreur qui irradiait de son corps, et de la forme sombre de Voldemort à quelques mètres d'eux. Il paraissait immense, sa teint cadavérique luisant sous la lune, ses yeux rouges surmontant ses minces lèvres blanches étirées dans une moue agacée, comme si deux insectes volaient autour de lui et qu'il allait devoir lever la main pour s'en débarrasser.

Harry aurait voulu pouvoir lui cracher toute sa rage, rugir et évacuer sa peur, renvoyer dans son visage reptilien toute l'angoisse et la souffrance qu'il avait ressenties tous ces mois. Mais la seule chose à laquelle il put penser à cet instant-là, cette interminable seconde où leurs baguettes respectives se levèrent l'un vers l'autre, c'est que Draco ne pourrait jamais vivre tant que Voldemort ne serait pas mort. Pour tout ce qu'il lui avait fait subir, pour les cauchemars qui le poursuivraient pour toujours, pour la vie qu'il avait tenté de détruire à son propre vicieux avantage, Harry devait le tuer.

Ses propres souvenirs s'effacèrent, l'horreur de sa propre vie disparut, la mort de ses parents, de Sirius, devinrent brièvement une douleur secondaire alors qu'il puisait dans celle de Draco dont la main se posa dans son dos, les doigts s'agrippant à son T-shirt. Le sortilège n'eut pas besoin de dépasser ses lèvres. Lorsque le faisceau vert et crépitant se déplaça à toute vitesse vers lui, un jet rouge d'égale puissance sortit de la baguette de sureau, faisant trembler le bras de Harry puis tout son corps.

Ses muscles se bandèrent, il se pencha en avant pour contrer la force du choc qui courut le long de ses membres lorsque son sortilège rencontra l'Avada Kedavra. Les alentours s'illuminèrent de rouge et de vert, faisant briller le regard dément de Voldemort. Harry le vit plisser les yeux, son visage crispé par la haine et la concentration, et lui-même appuya plus fort sur sa magie, puisant dans celle de Draco dont il pouvait sentir le cœur battre à côté du sien.

Il pouvait sentir un déferlement abominable, une vague de folie destructrice, un ouragan de venin acide, de cris, d'horreur et de peur qui étaient Voldemort et qui soufflaient autour d'eux. Les yeux de Harry s'étrécirent pour combattre ses larmes. Il pouvait entendre les hurlements de ses cauchemars, sa mère sacrifiant sa vie pour le sauver, Hermione sous la torture de Bellatrix, et soudain, il se tenait à nouveau dans le couloir de Grimmauld, de l'autre côté de la porte du salon, écoutant avec impuissance les cris de Draco. Il sentit son corps et son esprit trembler, la faiblesse qui l'avait accompagné pendant des mois refaire surface, le laissant couler dans un torrent de peur.

Incapable de bouger, le cœur prit dans un étau de terreur provoquée par les ondes malfaisantes émanant de Voldemort, Harry vit avec horreur l'Avada Kedavra gagner du terrain, et le regard glacé de Voldemort au-dessus de son sourire cruel. La main de Draco dans son dos se crispa un peu plus, et soudainement, l'autre se posa sur la sienne, au-dessus de celle qui tenait la baguette de sureau.

Harry n'entendait rien d'autre que les cris qui provenaient de son imagination, piégé qu'il était dans ses souvenirs les plus douloureux, mais il fut brutalement conscient d'autres voix, du violon lancinant de l'âme de Draco, des notes sures et stables de son cœur et de sa magie qui trouvèrent un chemin dans son corps, l'illuminant de l'intérieur. Il écarquilla les yeux, maître d'une puissante qui l'envahit tout entier. Pendant une incroyable seconde, il fut Draco, il sut tout, ressentit tout ce qui faisait de lui l'être qu'il aimait. Ce savoir brûla la glace qui l'envahissait.

Une part de lui refusa d'abandonner la magie de Draco, de la laisser filer avec la sienne pour alimenter son sortilège, mais son hésitation fut reversée par un brutal sursaut qui traversa sa cage thoracique, un éclair qui courut de son dos à sa baguette, entre les mains de Draco sur lui. Il sentit son corps vibrer de magie, le tintement dans ses oreilles éteignant tout le reste. L'air s'illumina de rouge, éclipsant le vert de l'Avada Kedavra et engloutissant Voldemort dans un éclat éblouissant.

Le monde devint blanc. Aveuglé, Harry se sentit tomber en avant, poussé par le poids de Draco contre lui. Ses genoux cédèrent, ses membres épuisés l'entrainant vers le bas, et il se retrouva accroupit dans l'obscurité la plus totale. Un silence assourdissant s'abbatit sur lui. Il ne pouvait entendre que sa respiration haletante et son cœur battre comme un tambour de guerre. Il avait terriblement chaud, la magie crépitait autour de lui. Sa main droite brûlait. Son corps était envahi d'un picotement magique et ses oreilles se mirent à bourdonner.

Il sentit un corps s'affaisser contre le sien, le contact frais d'une main sur son bras. Plus que tout il voulut se tourner vers cette présence rassurante, se réfugier contre cette âme familière qui pulsait doucement à côté de la sienne, semblant l'appeler. Mais il était incapable de bouger.


Sa conscience refit lentement surface. Il se souvint de qui il était, de ce qu'il venait de vivre et d'accomplir. Son corps cessa d'être une masse nébuleuse et impalpable, et il sentit que son front était posé contre une épaule osseuse et qu'un bras encerclait son dos, le tenant d'une poigne tremblante. Un brouhaha étrange l'entourait, un mélange de voix inquiètes, surprises, extatiques. Il sentait un souffle chaud là où sa nuque rencontrait son épaule. Quelque chose était posé sur le côté de son crâne.

L'épuisement dans son corps et une migraine lancinante le firent grogner, et le corps qui l'agrippait sursauta. Il sentit la vibration de la voix de Draco contre sa joue plus qu'il ne l'entendit, et il tenta de réagir à son appel, mais il se sentait comme ivre. Transis de fatigue, ses membres refusèrent de lui obéir et parler lui semblait une épreuve insurmontable.

« Harry. » Insista Draco contre lui, ses doigts se crispant dans son dos et il se rendit compte qu'il avait posé la joue contre son crâne. En guise de réponse, il fut tout juste capable de serrer le poing dans ce qui devait être la robe noire de son ami.

« Il doit être épuisé. » Dit la voix de Hermione avec une pointe d'urgence. « Emmenons-le à l'infirmerie. »

Le corps de Harry eut un sursaut de révolte et son front s'enfonça douloureusement contre la clavicule de Draco. Sa grimace lui demanda plus d'effort qu'elle n'en valait la peine, mais lui donna l'impulsion nécessaire pour contracter les épaules et réussir à lever légèrement la tête de son inconfortable oreiller. Il voulut rassurer ses amis mais ne réussit qu'à souffler de façon intelligible sans même pouvoir ouvrir les yeux.

« Ça va ...» Croassa-t-il finalement. Il s'agrippa à l'épaule de Draco pour avoir l'appui nécessaire pour redresser le haut de son corps. Il battit des paupières, les genoux enfoncés dans la terre.

La première chose qu'il put voir fut le visage pointu et échevelé de Draco, ses traits figés dans une expression soucieuse qui réussit à le faire sourire doucement malgré la fatigue.

« Ça va ...» Répéta-t-il.

Il vit son visage se détendre, ses lèvres s'étirer légèrement. Son regard obscurcit par la nuit s'éclaira, brillant de soulagement. Le cœur de Harry s'accéléra, brûlant de l'enlacer.

« Dis-moi qu'il est mort. » Souffla-t-il sans le lâcher.

« Il est mort. » Répondit Draco, son regard ne quittant pas le sien. Son sourire se fit victorieux, éteignant l'épuisement dans les membres de Harry, illuminant l'interminable chemin qui se dessinait soudainement devant lui, devant eux, maintenant qu'il avait trompé la mort.

Il sentit l'apaisement s'écouler comme un baume sur son esprit, ce sourire l'antidote à tous ces mois d'angoisse et de souffrance. Il ne retint ni les larmes de soulagement qui lui montaient aux yeux ni le sursaut de son corps lorsqu'il rit, buvant le regard triomphant de Draco et la main qui glissa sur ses côtes.

Il tourna les yeux pour regarder ceux qui les entouraient, s'arrêtant sur les sourires étincelants de Ron et Hermione et sur l'expression perdue de Snape. Son regard se posa doucement sur l'endroit où s'était tenu leur bourreau, où gisait à présent un petit tas obscure qui devaient être des cendres. Il regarda à nouveau Draco, réalisant à peine la chance qu'il avait d'être en vie, de l'avoir devant lui, de pouvoir goûter à tout ce qu'il avait cru devoir abandonner, de pouvoir vivre le futur qu'il avait sacrifié.

Harry eut un soupir tremblant, et chercha encore une fois l'appui de Draco, s'aidant de son épaule pour déplier ses jambes et se tenir debout malgré sa faiblesse, malgré la peur de voir cet instant disparaître.


Le visage de Remus était serein, tourné vers celui de Tonks qui paraissait dormir. Soudainement vidé de toute émotion et sensation, son corps n'étant plus qu'un trou béant qui se remplit à toute allure d'une incroyable tristesse, Harry sentit un sanglot secouer son dos. Sa respiration se bloqua dans sa gorge alors qu'il baissait les yeux vers les mains tendues l'une vers l'autre dans l'herbe.

Les bras et le souffle tremblant, Harry cacha sa bouche pour contenir le gémissement de douleur qui s'en échappa tout de même. Il plia doucement les genoux jusqu'à se retrouver accroupit dans la terre, entre Remus et Tonks, le regard rivé sur leurs doigts qui semblaient vouloir se toucher. Leur immobilité parfaite et cette distance insoutenable entre eux fut ce qui précipita les larmes hors de ses yeux. Malgré la mort, ils semblaient inexorablement attirés l'un vers l'autre. Un seul souffle de vie aurait suffit à réduire les quelques centimètres qui séparaient leurs mains.

Harry pinça les lèvres dans un effort inutile de contenir sa tristesse, mais les larmes obscurcirent sa vision. Ses bras se tendirent en avant et il toucha leur peau déjà froide, un frisson traversant son corps et libérant ses sanglots. Il resta un instant immobile, les yeux clos, tentant de leur transmettre tout l'amour qu'il avait pour eux, la joie qu'il avait ressentie à l'idée de faire partie de leur famille, toute la peine qu'il avait à les savoir maintenant hors de sa portée, hors de cette vie qui s'étirait soudainement devant lui et qu'ils ne partageraient pas avec lui.

Il essuya ses larmes sur ses genoux et rouvrit les yeux. Lentement, il guida leurs mains l'une vers l'autre, glissant celle de Tonks dans celle de Remus.

Un étrange soulagement à les savoir lié dans la mort l'envahit, comme s'ils avaient désespérément attendu de se tenir l'un à l'autre pour pouvoir partir. Harry crispa la mâchoire, les sourcils froncés, luttant contre le tremblement de son corps. Il renifla, serrant les mains sur les leurs.

« Je m'occuperai de Teddy. » Murmura-t-il avant de devoir à nouveau fermer les yeux pour retenir le flot de larmes qui menaçait de déborder. Sa gorge se contracta et il posa le front sur ses genoux, éclipsant le monde autour de lui pour se concentrer sur lui-même. Il mit toute sa conviction et sa détermination dans ses mots. « Je m'occuperai bien de lui, je vous le promets. »


Ron somnolait sur l'épaule de Hermione dont le regard fixe était posé sur la Grande Salle. L'heure des effusions de joie et d'euphorie était terminée. Draco et Harry avaient subit leur lot de félicitations et de questions, mais Molly Weasley, McGonagall et Snape avaient été là pour les réduire au minimum, les encerclant dans un cocon protecteur dans lequel Harry s'était glissé avec soulagement. Il n'avait pas envie de parler, d'expliquer, de mentir. Il voulait juste s'assurer que les blessures de ceux qu'il aimait étaient pansée, et qu'aucun allié n'était confondu avec un ennemi.

Madame Pomfrey s'affairait avec quelques Médicomages autour des blessés installés sur des civières d'un côté de la Grande Salle. Monsieur Weasley gardait un œil sur les jumeaux et sur Bill qui semblaient déjà prêts à quitter leur brève convalescence. Neville avait un œil-au-beurre-noir qu'un furieux rougissement n'arrivait pas à cacher alors que Ginny, assise près de lui, semblait trop occupée à écouter les bêtises de ses frères pour le remarquer.

Nombre d'élèves s'amassaient près des grandes portes, malles aux pieds, prêts à partir dès que les Aurors auraient décrété qu'ils pouvaient traverser le parc en toute sécurité pour rejoindre Pré-au-Lard. Seamus et Dean étaient parmi eux, en pleine conversation avec Luna. Cette dernière était entière dans sa bizarrerie, la baguette coincée derrière son oreille, les doigts de sa main droite tapotant ses lèvres lorsqu'elle ne parlait pas.

Ils étaient tous pressés de rejoindre leur famille, de s'assurer de leur bien-être. Harry comprenait ce sentiment, cette envie de partir pour se réfugier dans le confort et la protection de leurs proches. Les siens étaient ici, autour de lui. Ron et Hermione l'un contre l'autre à sa droite, les Weasley éparpillés dans la Grande Salle, tous sains et saufs. Draco était debout parmi les Serpentards, le regard perdu dans le vague alors que les autres discutaient autour de lui. Blaise avait quitté sa civière malgré la désapprobation de Pomfrey et levait parfois la main vers la blessure qu'il avait au visage, encore visible malgré les potions. Personne ne pouvait manquer le cercle de protection qui entourait Draco. Malgré leur attitude détendue, Harry savait que ses amis ne laisseraient personne l'approcher tant qu'ils n'auraient pas fini de réaliser que le danger était écarté et qu'il était bien vivant.

Snape parlait avec Kingsley, une même expression grave sur le visage qui n'éclipsait pourtant pas le soulagement dans leur regard sombre. Nulle doute que cette bataille, bien que salvatrice, allait avoir des conséquences à gérer et que des décisions allaient devoir être prises. Snape tourna discrètement les yeux vers Draco, les traits soucieux, et Harry suivit son regard jusqu'à rencontrer celui de Draco. Son cœur se serra douloureusement alors que son corps engourdi et froid se réchauffait brutalement. Les mains jointes sur ses genoux se serrèrent, moites.

Il avait peur. Peur de ce que cette vie soudaine avait à lui offrir et à lui prendre à nouveau. Il avait peur gâcher cette chance, de souffrir encore. Il avait peur d'aimer, de tout saboter par maladresse, de perdre le soutien et la confiance de Draco. Il ne pouvait pourtant pas détourner le regard, pas plus qu'il ne pouvait ignorer la chaleur qui étreignait son cœur à cet instant. Sa gorge se serra et il déglutit. Il ne savait pas ce qu'il devait lire dans les yeux de Draco. Il semblait l'appeler malgré son expression neutre. Ses épaules étaient trop carrées pour s'accorder avec l'attitude détendue que les mains dans les poches de sa robe voulaient donner.

Harry comprit soudainement. Lui aussi avait peur. Il sentit alors ses lèvres s'étirer dans un sourire rassurant, tentant de le persuader sans un mot que malgré la distance entre les deux côtés de la Grande Salle dans lesquels ils se trouvaient, ils n'avaient rien perdu de ce qu'ils avaient gagné ensemble.

Draco sembla hésiter, mais son attention fut détournée par l'arrivée de Snape près des Serpentards. Celle de Harry dut se tourner vers Hermione qui posa la main sur son avant-bras. Sa meilleure amie souriait largement malgré ses traits fatigués, son regard brillant de compréhension et d'un amusement heureux.

« Vas-y. » Lui dit-elle sur le ton de la confidence avec un coup d'œil dans la direction de Draco, la main serrant étroitement celle de Ron.

Harry ouvrit la bouche, un flot de panique l'empêchant de répondre. Il suivit le regard de Hermione pour voir Snape maladroitement enlacer Draco, qui paraissait bien moins récalcitrant que lorsque Blaise l'avait fait un peu plus tôt. Rapidement, il regarda à nouveau sa meilleure amie et pinça les lèvres avec un mélange de honte et d'amusement. Il semblait qu'il était aussi transparent que Hermione l'avait été vis-à-vis de Ron.

Ce dernier ouvrit difficilement un œil qu'il posa sur Harry. Il lui sourit distraitement avant de le refermer et de frotter son nez sur l'épaule de sa petite-amie avec un soupir fatigué. Le cœur de Harry gonfla d'affection pour Ron et Hermione et il se sentit sourire malgré lui. Elle lui tapota le bras avec encouragement et un petit clin d'œil, et il se souvint soudainement du morceau de parchemin caché contre lui.


Le soleil s'était levé sur le parc, ses rayons doux tombant sur les Golems qui gisaient dans l'herbe. Harry savait que la magie du château s'attellerait à les réparer en temps voulu, et qu'ils resteraient un vestige de cette bataille jusqu'à ce qu'il faille les appeler à nouveau. Il priait pour que ce jour n'arrive jamais.

Quelques nuages blancs avançaient doucement dans le ciel bleu. La matinée était tiède, vibrante de vie, comme si le soleil s'était enfin levé sur Poudlard après des mois d'obscurité et que la vie s'extasiait sous ses rayons. Harry pouvait entendre le vrombissement des insectes, le bavardage des élèves dans le château, la brise qui caressait l'herbe et le soupir de Draco.

« Quelle année ... » Murmura celui-ci, assis sur les marches à côté de lui. Il avait le menton posé sur sa main, le coude sur un genou, et regardait pensivement le parc avec une expression fatiguée. Des Aurors sortirent vainqueurs de leur traque aux derniers Mangemorts dans la forêt interdite, quelques prisonniers inanimés en lévitation devant eux. Plutôt que de se diriger vers le château, la troupe longea la forêt pour rejoindre les calèches où des Sombrals étaient attelés.

La nervosité de Harry l'empêcha de répondre. La fatigue et la panique le rendaient fébrile, et il ne savait pas quoi faire de ses mains. Il alternait entre les essuyer sur son jean et repousser ses cheveux avant de tenter de se contenir en les serrant l'une dans l'autre. A côté de lui, Draco semblait être d'un calme olympien, mais il savait que bien plus de choses se cachaient sous la surface. C'était à la fois incroyablement intimidant et rassurant. Il ne cessait d'être le pilier sur lequel Harry s'était appuyé pendant tout ce temps.

La lumière lui donnait le teint d'un vampire prenant son premier bain de soleil depuis des siècles et Harry devait plisser les yeux pour regarder confortablement son profil. Ses traits tirés s'accordaient aux cernes qui encerclaient ses yeux et il savait qu'il ne devait pas avoir l'air plus en forme. Une potion de Madame Pomfrey avait mis fin à sa migraine et à la douleur dans ses membres, mais il savait que seule une très longue nuit de sommeil et quelques semaines de repos le remettraient d'aplomb.

« Est-ce que tu veux venir à Grimmauld avec moi, une fois qu'on pourra partir ? » Demanda-t-il avant de perdre le peu de courage qui était monté en lui lorsque l'idée lui avait traversé l'esprit que Draco n'avait nulle part où aller.

Il le regarda nerveusement, observant son menton quitter sa main et son visage se tourner vers lui, la surprise lui faisant écarquiller légèrement les yeux. Il baissa la main jusqu'à ce qu'elle se pose sur son genou. Harry le vit légèrement plisser les yeux puis détourner un instant le regard avant de le regarder à nouveau avec sérieux.

« Ça ne te dérangerait pas ? »

« Non. » Répondit-il aussitôt avec un haussement de sourcils pour lui communiquer sa surprise à le voir croire une telle chose.

« Hmm ... » Réfléchit Draco en regardant à nouveau vers le parc. « Snape m'a proposé de venir chez lui, mais je pense que je préférerais Grimmauld. »

Le cœur de Harry explosa de soulagement et de joie mais son visage ne fut capable d'afficher qu'un sourire timide que Draco ne vit pas.

« Merci ... » Murmura ce dernier sans le regarder, ses joues se colorant légèrement.

« Je pense que les Weasleys voudront qu'on reste quelques jours chez eux, mais ensuite on pourra y retourner. » Poursuivit Harry en espérant dissiper leur embarras.

« Des vacances chez les Weasleys ? Tu sais comment me parler ... » Ironisa Draco avec un sourire sarcastique dans sa direction.

Un léger rire secoua Harry et l'expression de Draco changea subtilement jusqu'à afficher quelque chose qui ressemblait à un mélange de joie et d'affection. Il baissa ensuite les yeux vers ses mains qui étaient posées sur ses cuisses, immobiles comme s'il s'efforçait de ne pas les joindre et de se tordre les doigts comme le faisait Harry.

« Comme ça tu pourras m'aider à m'occuper de Teddy. » Termina-t-il en observant le dernier Auror grimper dans la calèche. Il connaissait assez Draco pour connaître la valeur qu'il accordait à la famille, et à quel point les actes de son père avaient trahi tout ce qu'il lui avait enseigné. Une part de lui était persuadée qu'il avait besoin de ce lien qui, comme Harry, l'attachait par le sang, la magie ou l'esprit à d'autres âmes. Des liens noués malgré eux et qu'ils ne pourraient l'un comme l'autre jamais briser comme Lucius l'avait fait. Il savait aussi qu'en grandissant, Teddy en aurait autant besoin que lui-même l'avait ressenti sans jamais pouvoir l'atteindre jusqu'à l'apparition de Sirius dans sa vie.

Du coin de l'œil, il vit le visage de Draco se tourner vers lui. Il le regarda à son tour, savourant son sourire léger et le mélange de peine et de joie qu'il pouvait lire dans ses yeux. Il le lui rendit doucement, tout ce qu'il voulait lui dire s'emmêlant dans son esprit, les mots se noyant dans l'habituel torrent incontrôlable de ses émotions. Il porta alors la main à son cœur, ses doigts glissants dans la petite poche de son T-shirt pour en extraire le morceau de parchemin plié qu'il gardait sur lui depuis Noël et le lui tendre.

Il ne regarda pas Draco déplier le bout de papier, se contentant de fixer l'horizon bleuté qui disparaissait derrière les arbres de la forêt interdite, de savourer la brise tiède sur son visage. Il connaissait ces mots par cœur, comme s'ils s'y étaient gravés à force d'être cachés contre lui.

« Je vous aime. Soyez heureux. Prenez-soin de Draco.»

Il se souvenait de la douleur qui l'envahissait lorsqu'il avait écrit ces mots, son dernier message aux êtres qui lui étaient le plus cher. Jamais il ne pourrait oublier la puissance des émotions qui l'avaient accompagnées le long de cette route obscure, la souffrance et la peur dans chacun de ses pas.

Il sentit les doigts de Draco effleurer son bras, et il tourna vers lui un sourire qu'il savait timide, observant son visage sérieux et son regard scrutateur, ses longs doigts tenant le morceau de parchemin contre lui. Lorsqu'il pencha le haut du corps vers lui, Harry fit la moitié du chemin, réduisant les derniers centimètres qui les séparaient. Il ne s'autorisa à fermer les yeux que lorsque leurs lèvres s'effleurèrent.

De ces derniers mois, Harry ne voulait retenir que l'amour, ce sentiment chaud et éblouissant, celui qui l'avait tiré vers lui et éloigné des rives du Styx.


Fin.