Prologue

Neville fixa le contenu de la potion qui s'écoulait lentement sur le sol sous le regard sévère de Horace Slughorn, rouge comme une tomate juteuse. Il pesta intérieurement contre sa maladresse. Il avait cru qu'en atteignant l'âge adulte et en vieillissant, il serait moins maladroit, mais force était de constater le contraire. Le jeune professeur de Botanique se mordit la lèvre inférieure, honteux et attristé de ce nouvel échec cuisant. Il s'était aimablement proposé d'aider le vieux professeur qui n'y voyait plus très clair à préparer des potions basiques pour l'infirmerie et la réserve de produits ménagers. Car depuis quelques années, le Ministère avait décidé de retirer plusieurs subventions à la prestigieuse école de Sorcellerie et ainsi Minerva McGonagall, la nouvelle directrice, avait décidé qu'il était temps d'être un minimum auto-suffisant.

C'est donc ainsi que Neville Londubat se retrouvait depuis deux semaines, tous les lundi soirs, à concocter toutes sortes de breuvages à des fins diverses pour réduire les achats extérieurs en produits ménagers, soins guérissants, boissons et autres substances. Et depuis le début de cet accord passé avec le vieux professeur, tout s'était déroulé plutôt bien jusqu'à ce soir. En effet, dans l'enthousiasme de la réussite, à quelques minutes seulement de la fin de cette corvée de Potions, son attention s'était légèrement relâchée et il avait commis l'irréparable. Il avait inversé l'ordre d'intervention de trois ingrédients essentiels à la Potion de Récurage des Surfaces. Il aurait du remuer trois fois la potion avant d'intégrer la Bave de Puffskein, remuer une fois, intégrer la poudre de corne de dragon, remuer six fois et enfin ajouter les écailles de sirène. Mais, il était tant concentré sur le nombre de remuages, que sans s'en rendre compte, il inversa les écailles de sirène et la bave de Puffskein. La réaction ne tarda pas : la potion se mit à bouillir dangereusement, à enfler tant et si bien qu'elle dégoulina du chaudron pour glisser telle la lave d'un volcan sur toute la surface de la salle de Potions.

Slughorn, habitué aux frasques chaudronnesques de Neville Londubat, ravala ses reproches, conscient du malaise de Neville qui avait toujours été porté sur la culpabilité excessive. Il grogna un peu dans sa barbe et se contenta d'invoquer une serpillière qu'il commença à passer après s'être assuré que la potion ne déborderait plus. Il se tourna ensuite vers Neville, qui avait toujours la tête baissée, nettoyant distraitement de son côté. Il l'invectiva gentiment :

« Que de souvenirs mon cher Londubat ! » Neville frissonna, penaud. Il le rassura alors :

« Où est-ce que vous en étiez avant qu'elle ne se rebelle ? » demanda-t-il avec amusement. Neville, encore chamboulé par les événements, fit un effort pour se concentrer. Il regarda sa table sur laquelle plus aucun ingrédient n'était présent. Il se repassa en tête ses dernières manœuvres et sourit finalement :

« J'avais mis les trois derniers ingrédients.

-Une erreur dans le nombre de tours de louches peut être ? » Neville secoua la tête, sûr de lui :

« Impossible. J'y ai fait, très attention. » Slughorn avisa la potion et constata qu'elle avait la jolie couleur feuille de menthe qui était prévue. Rien ne semblait anormal. Peut être que Londubat avait tout simplement versé trop d'eau ou mal réglé le feu sous son chaudron. Rien de bien dramatique pour ce genre de potions. Il lui adressa alors un sourire rassurant avant de conclure :

« Rien de bien grave pour sûr. Les elfes de Maison pourront utiliser cette innocente mixture pour débarrasser les dortoirs de toute la saleté accumulée par ces diables d'élèves. »

Neville sourit faiblement, en songeant que ses propres enfants pouvaient être considérés comme les « diables d'élèves » salissant les dortoirs avec leurs idées farfelues.