Hello ! Finalement, la fin. Hmm ça m'a pris du temps mais nous y sommes. Je tenais à remercier ma bêta Peneloo pour son travail et sa bonne humeur ! Cette fiction était une grande aventure et j'avais une partenaire de choix pour la mener à bien. Merci pour tout :)

Je tiens aussi à vous remercier, vous, mes lecteurs anonymes et autres pour votre soutient ou pour être passés dans le coin et d'être restés un petit bout de chemin (pfff les rimes quoi... je le fais pas exprès, je le jure). Ouais, je voulais juste vous dire merci d'être là.

A bientôt j'espère !

A or A


"J'éclate.

J'éclate tandis que l'aube écarlate embrasse le sein céleste. Ma chair se déchire, mes os se brisent et je scintille dans l'infini recommencement."

06.12.15

Alytoïs


Je finis en Californie. Trois années, tous frais payés sous le soleil de Californie dans un manoir au bord de la plage. Il n'y avait pas de quoi se plaindre. Je ne me plains pas. Je me levais tôt, à cinq heures du matin pour être plus précis, et j'allais marcher (courir quand ma jambe me l'autorisait) sur la plage tandis que le jour s'étendait sur la nuit avec une lenteur si envoûtante que je m'étonnais toujours de ce qu'il finisse par la prendre si violemment. Je rentrais ensuite ''à la maison'' me doucher et réveiller ceux que j'appelais ironiquement mes partners in crime, à savoir, Harriet et Mike. Après quoi je descendais en cuisine et entamais mon petit déjeuner anglais en compagnie de madame Austin. Lorsque la fine équipe était prête, Harriet prenait une voiture (avec chauffeur s'entend) pour son école privée tandis que Mike et moi-même nous rendions à l'université à pied. La vie de château quoi. Je ne peux pas dire que cela ne me plaisait pas. Disons juste que j'ai un mauvais rapport avec la richesse et que je m'entends très mal avec l'opulence. Il m'arrivait parfois de me surprendre à nourrir une pensée des plus communistes puis je me reprenais et j'allais m'asseoir dans les vagues de notre plage privée. Dans ''les vagues privées''.

Je bouillonnais de colère en permanence. Certes j'avais toujours eu ce que vous pourrez à juste titre qualifier de ''comportement rebelle'' mais la colère ne m'habitait pas alors. J'étais en contradiction totale avec le monde toutefois, je n'étais pas fâché contre lui. Cela change tout.

A présent, je pouvais boire une coupe de champagne et ressentir tout à coup le besoin réel et urgent de la jeter à terre, d'acheter un billet pour Champagne et de brûler cette maudite province d'aristo qui ose vendre du jus de raisin à un prix déraisonnable en faisant passer cela pour un comportement normal. Le problème n'était pas l'argent, le champagne, mon lit king size ou la plage privée avec ses vagues privées à deux sous. J'en avais bien conscience, savez et c'est principalement ce qui me donnait des envies de meurtre. Le problème était Holmes. Tu ne peux pas décemment acheter des vagues, un foutu bout d'océan et être infoutu de m'envoyer une lettre ! Alors oui, la première année, déboussolé, je fis preuve de compréhension. Il était tout de même en guerre contre un criminel des plus puissants n'est-ce pas ? Bien. Je me tus. La deuxième année j'eus la surprise de recevoir le gouvernement anglais pour Noël. Il ne resta que deux heures mais cela suffit à déclarer un feu en moi. Une rage telle que je dus mordre furieusement l'intérieur de ma joue pour m'empêcher de le frapper. Mycroft pérorait sur ce ton détaché qui sied si bien à ceux de son espèce et je rêvais de le tabasser à mort. Peut-être que je faisais une dépression, peut-être que je devenais réellement cinglé. Je peux pas dire. J'étais malheureux et j'ignorais si c'était la faute à la Californie, à ma jambe malade, à mon avenir dont le sort m'importait de moins en moins, à mon cœur ou même à Moriarty. Je ne voulais pas m'apitoyer sur mon sort. Du tout. Il fallait juste reconnaître que dès ma naissance je m'étais battu pour le simple droit de respirer. Je m'étais battu comme personne et je continuais à le faire. Oui, j'avais eu mes petites chances : une sœur adorable, un meilleur ami fidèle et j'étais amoureux. Sauf que je n'arrivais pas à contenir ma colère. Pendant que je me battais, des gens achetaient des bouts de l'océan Pacifique. Pendant que je me battais, des gens buvaient du champagne, allaient à Aspen, mangeaient du caviar, riaient, baisaient, fumaient et étaient heureux. Je ne dis pas qu'ils auraient tous dû m'aider ou au minimum crever par décence (acheter des vagues... bon Dieu). Ce que je dis, c'est qu'il me semblait bien que je tombais malade. Après le dur labeur de ma propre mise au monde, j'accueillais une dépression post-partum. Je ne me reconnaissais plus. Je ne connaissais pas la Californie et ses vagues privées. J'étais en réalité comme en orbite. Flottant en permanence au-dessus d'un quotidien auquel je ne comprenais rien et qui ne m'inspirait du reste, qu'une sorte de dégoût confus. Je tentais d'en parler. Parce que, lorsque l'on se sent si déphasé, les prospectus contre le suicide conseillent d'en parler à autrui. Je choisis Mike et voici ce qu'il me dit :

« Tu peux répéter, vieux ? »

Prenant une longue bouffée de cigarette (j'avais arrêté la marijuana), je m'exécutais :

« Je crois que... je ne me sens pas bien. »

«Tu ne te sens pas bien... comment ça ? T'as mal au bide ? » S'enquit mon ami, tirant sur son joint.

L'Océan venait nous lécher les pieds, son contact me révulsa et je me mis en tailleur. Au loin, Harriet promenait le chien de madame Austin, notre logeuse.

« Non je n'ai pas mal au bide. » Grimaçai-je en retenant un juron. « Je suis triste. Voilà. Je suis tellement triste que ça me donne la gerbe. »

« Bah vieux, c'est pas surprenant. Tu l'aurais pas été que je me serais fait du souci pour ta gueule. »

« Qu'est-ce que tu veux dire ? »

« Ton mec... putain gars, j'arrive toujours pas à croire qu'tu sois pédé... Ton mec est en train de faire je ne sais trop quoi de dangereux, tu es poursuivi par un psychopathe, ta jambe est pétée et tu as dû recommencer ton année de fac... C'est chaud. » Déclara-t-il en baillant.

Je ne dis rien et regardai le soleil se coucher. Mike écrasa son mégot dans le sable, reprenant :

« Ça va passer. »

« Ouais. » Approuvai-je distraitement.

« Non, sérieux John, ça va passer. Cette merde finit toujours par passer. »

« Je crois que j'ai envie de me suicider. » Confiai-je brusquement, rencontrant le regard éberlué de mon meilleur ami. « Sauf que je suis trop en colère pour le faire. Je suis dégoûté parce que si je me tue pour ça, cela signifiera que mon destin m'a assassiné. Quand on se donne la mort, cela doit, à mon sens, être pour quelque chose de stupide comme l'amour ou le chagrin. Pas parce que la vie nous encule à sec. Alors, tu vois, j'ai envie de me tirer une balle mais ça ferait trop plaisir au Seigneur ou à Satan. »

« T'es vraiment cinglé. »

« C'est ce que je dis. »

Nous en restâmes là et la troisième année de mon exil prit fin. Sherlock devait réapparaître d'une minute à l'autre. Il devait se passer quelque chose et nous attendions le signe qui nous annoncerait notre retour au pays. Nous étions en vacances d'été (ce qui ne signifie absolument rien sous le soleil de Californie) et attablés en compagnie de madame Austin, j'appréciais une coupe de mimosa tandis que Mike et Harriet manquaient de se noyer au nom du surf.

« Que serait la vie sans l'art du brunch ? » Glissa ma logeuse, remontant ses lunettes Gucci sur son nez aquilin.

« Je n'en sais rien. Il faudrait poser la question aux fonctionnaires de l'aide sociale. » Répondis-je sur un ton égal.

Elle rit et je me trouvai monstrueux devant mon envie de gifler une personne âgée.

« Vous avez tant d'humour John ! Une compagnie exquise que m'ont envoyée mes neveux, vraiment. Cela m'attriste de voir votre séjour arriver à terme. » Poursuivit-elle, avançant sa main pleine de bagues afin d'en couvrir la mienne en un geste qui devait je pense, signifier son affection et non susciter le dégoût que j'éprouvais.

« Toutes les bonnes choses ont une fin. » Souris-je, en lui rendant son étreinte.

« Ce n'est pas comme vos études ! » Ricana-t-elle sans méchanceté. « Dites-moi, pour combien de temps en avez-vous ? »

« Six années d'études et trois supplémentaires pour la spécialisation ?. » Répondis-je, observant nos mains jointes d'un œil vague. « Neuf ans en tout. »

Mon interlocutrice garda un silence momentané comme le vent iodé fouettait la nappe en dentelle blanche, les cris de joie de Harry se mêlant aux bêlements rauques de Mike. Je me mordis la lèvre et portais mon regard vers le ciel bleu afin de détourner mon attention de mon chagrin. Le goût métallique de mon propre sang envahit bientôt ma bouche alors que je demeurais incapable de quitter le ciel des yeux. Il ne pouvait pas être là-haut et me tomber sur la tête en même temps.

« John ? » Appela la logeuse, soucieuse. « Vous vous sentez bien ? »

« Parfaitement bien, merci. » Souris-je, en me redressant.

« Mais enfin ! Vous saignez ! » S'écria-t-elle.

« Ce n'est rien de grave. » Assurai-je, finissant ma coupe de mimosa pour poursuivre :

« J'ai juste besoin d'un peu de repos. Je monte dans ma chambre. »

Je brisai notre étreinte, traversai la terrasse, le grand hall, le petit salon, le salon un peu plus grand, gravis les marches en colimaçon, longeai le couloir et parvins enfin à ma chambre. J'observai cette dernière attentivement : les tapisseries aux murs, le parquet en bois de chêne ou que sais-je encore, les meubles anciens d'une finesse d'exécution absolue, et je tentais de couvrir mes yeux de ma mèche avant de me remémorer ma nouvelle coupe de cheveux. Courts, mes cheveux étaient à présent si courts qu'il m'était impossible de les coiffer. Mes pas me dirigèrent jusqu'au bar où j'entrepris de me confectionner un shot de vieux et inestimable whisky tout en me faisant la réflexion que je lui préférais la bière au gingembre d'An. Je descendis mon verre, puis un autre et un dernier pour la route. Je me sentais... invalide, décalé, perdu et déchiré. En bref, la situation me glissait des mains. M'attablant à mon bureau, je saisis une plume et m'ouvris à moi-même :

J'ai peut-être menti en fin de compte. Menti à moi-même, menti à ma famille, à mes amis, à mon passé, à mon avenir et à Sherlock Holmes, lui qui se croyait si malin. J'ai menti, pour sûr. Maintenant, je m'en rends bien compte. C'est pas que j'en avais particulièrement envie. J'étais juste lâche, comme vous, comme tout le monde. Je pensais qu'il me suffirait d'aimer très fort pour oublier. Je pensais même pire que cela : Qu'il me suffirait d'être aimé très fort pour oublier. C'était stupide certes, mais pas insensé. Je voulais oublier que l'amour ne servait à rien. Il est très beau, il est merveilleux et même qu'à sa seule mention je sens mon cœur se serrer dans ma poitrine. Il se serre, il halète un peu, comme s'il suffoquait et le bruit spongieux de ses membranes gorgées de sang se répercute dans mon âme en de grands et sinistres échos. Oui, l'amour est beau et puissant dans son inutilité. Je ne l'avais jamais vraiment essayé. Je veux dire, testé, pour de vrai. Il est un peu comme un pur-sang arabe. On le convoite, on le recherche, on l'achète, on le dompte, on le chevauche, il nous secoue puis...on se rend compte que le cheval c'est pas si génial. C'est cool mais ça fait mal au cul.

Je vous vois venir. Je vous vois... monter sur vos grands chevaux. « L'Amour ça ne s'achète pas ! » « L'Amour est inestimable ! » « Il nous rend meilleur ! » « Il nous sauve ! » « Il nous berce et nous apaise ! » Vous avez raison. L'amour de soi, nous sauve et nous rend meilleur, l'amour de l'autre nous rassure. Peut-être qu'il ne s'achète pas avec des billets de banque. Peut-être, oui. Toutefois, peut-on me dire réellement à quoi il sert ? A rien. Sourire, chanter, baiser, danser, rire, pleurer, hurler, vomir, courir, reculer, garder une immobilité parfaite, tout cela, vraiment, c'est bien beau mais à quoi cela sert-il ? Je me pose trop de questions. Vous allez penser que je n'ai pas de but dans la vie et que cette absence remet mon existence entière en cause. Pourtant, c'est tout le contraire. Mon but est simple, si je dois vivre, je tiens à le faire doucement, en appréciant chaque seconde. Je voudrais et me sais capable de vivre dans une oisiveté épicurienne permanente, sans heurter mon prochain et sans souffrir. Je pourrais vivre en partageant avec autrui, en apprenant de mes pairs et en soutenant du mieux que je peux la génération qui se retire et celle qui peine à s'installer. Je le pourrais. Mais à quoi cela servirait-il ? Je n'ai pas la prétention de croire que mon existence seule suffirait à changer le cours des choses. D'ailleurs, où le mènerais-je, ce cours, ce monde,où il ne soit déjà allé ? Tout comme je sais que si je venais à disparaître, la terre ne cesserait pas de tourner et je ne lui en veux pas pour cela.

Ce que je voulais oublier, c'est que je suis comme lui, l'Amour. Je suis beau, talentueux, sensible et capable de soulever des montagnes néanmoins, tout cela ne me sert à rien et ne sert pas à quiconque. A quoi bon briller ? Bien entendu, à l'instar de mon ami Amour, je n'existe que pour le partage et l'échange. Je me tends vers l'expression, du corps, de l'esprit et de l'âme. Je suis rare et extraordinaire tout comme l'on peut me trouver banal, insipide et éphémère. La vie n'a de sens que si l'on aime. Avoir un sens sur une terre ronde c'est se condamner à se rentrer dedans un jour où l'autre. J'ai menti pour me sentir mieux. Ça a marché, pendant un petit moment. Sauf que trois années de solitude forcée et d'introspection nourrie par l'ennui et cette même solitude ont eu raison de mes petites parades de jeune loup. Je prends du plaisir à ne rien faire d'utile, à ressentir des sentiments inutiles et à être inutile. Si je ne dois être rien d'utile, à quoi bon être ? Pour ressentir encore un peu ? Pour aimer encore un peu ? Pour réaliser mes rêves égoïstes, superficiels, futiles pour la seul raison qu'ils me procurent du plaisir, que j'aime cela et qu'ainsi je devrais être heureux ? Quelque chose cloche.

Je levais la tête de mes feuillets. Vide. Mon esprit se retrouvait à présent aussi vide qu'une coquille en bord de mer. Emplie par le son répétitif et déchirant des vagues et vide pourtant. Je passais une main tremblante sur mes joues pour constater avec hébétude que je ne pleurais pas. Ce n'était pas l'envie qui me manquait ! Je délaissais mon bureau allègrement baigné par les rayons saturés d'une après-midi ensoleillée pour tourner maladroitement sur moi-même, dévasté sans pouvoir exprimer mon trouble. Je ne me sentais pas bien, je haletais, hoquetais et tanguais sur ma jambe malade comme une voile folle persécutée par les grands vents marins. Je perdis finalement l'équilibre et tombais à terre. Les motifs désordonnés du tapis s'imprimèrent lentement sur ma peau tandis qu'aspirant la poussière, je marmonnai : « Viens. Viens. Viens. Viens. Viens. Viens me chercher. Si tu ne viens pas, je meurs. Je vais mourir. Je vais mourir. Viens. Viens. Viens. Viens. Viens. Viens me chercher... »

XXX

Il vint me chercher. Un an plus tard que prévu. J'étais assis sur la plage aux vagues privées, et regardais le soleil se lever. Il était cinq heures et demie du matin. Ses chaussures caressèrent le sable et je ne me tournais pas vers lui lorsqu'il prit place à mes côtés.

« Tu t'es coupé les cheveux. » Dit-il, ses yeux d'aveugle dévorant mon profil.

« T'es en retard. » Répondis-je, concentré sur le soleil embrasant l'essence nocturne.

« Je suis désolé. »

« J'en ai strictement rien à foutre. »

« Ne sois pas comme ça. »

« Ne me dis pas ce que j'ai à faire. » Rétorquai-je, atone.

« John, regarde-moi s'il te plaît. »

Je lui présentai ma figure, tout en hochant la tête.

« T'es venu me chercher. »

« Pourquoi tu pleures ? » S'enquit-il, tandis que mes mains encadraient son visage.

« Tu as vieilli. » Parvins-je difficilement à formuler entre deux sanglots.

« Merci, toi aussi. » Sourit-il.

« Sherlock... » Pleurai-je.

« Je sais. On rentre. »


- FIN -


Voilà ! A un de ces quatre ? Une review ? Un truc ? C'est noël leymek ! hahaha !

Bisous

A or A