Lucius Malefoy sortit de l'une des nombreuses cheminées du Ministère de la Magie et se mit à avancer d'un pas majestueux en essuyant d'une main désinvolte la suie sur son habit noir et argent hors de prix. L'endroit était, comme d'ordinaire, bondé, mais tous s'écartaient sur le chemin du Mangemort soit-disant repenti.

La guerre était terminée, Harry Potter avait vaincu Lord Voldemort. Les fidèles du mage noir étaient traqués, enfermés à Azkaban ou soumis au Baiser du Détraqueur. Lucius avait évité la prison, tout comme sa femme et son fils, grâce au soutien de Narcissa à Potter. Désormais, pour montrer sa bonne volonté, il apportait son aide aux Aurors afin de rattraper les Mangemorts encore en liberté. C'était à cette condition qu'il avait échappé à la prison. Un bon Malefoy sait toujours retourner sa veste.

Cependant, ce n'était pas assez pour restaurer le nom des Malefoy dans la société, et Lucius en était conscient. La famille devrait frapper un grand, non, un énorme coup pour pouvoir se hisser à nouveau à la tête des opérations. Les pots de vin et autres joyeusetés qu'il offrait aux hauts représentants du pays corrompus n'étaient pas assez pour s'assurer, comme autrefois, l'oreille et les grâces de ceux qui détenaient toute puissance.

Là encore, la foule s'écartait devant lui en chuchotant, en marmonnant des remarques qu'il parvenait souvent à saisir. Seule la peur de l'ancien Mangemort et de sa richesse les poussait à se décaler hors de son chemin. Pas sa prestance ni son nom.

Lucius était au Ministère aujourd'hui encore pour aller au département des Aurors, comme il le faisait deux fois par semaine. Lucius enrageait de ces convocations. On ne convoque pas un Malefoy. Un Malefoy vous convoque, nuance.

Lucius s'engouffra dans un ascenseur presque vide hormis une petite sorcière qui porta un regard terrifié sur lui, et un Langue-de-Plomb qui lui lança un regard désabusé. Lucius hocha la tête en direction de l'homme visiblement neutre, et jeta à la sorcière un petit sourire cruel. Elle déglutit et quitta l'ascenseur au prochain arrêt.

Lucius poursuivit jusqu'au département des Aurors et descendit d'un pas royal l'allée, faisant tourbillonner sa cape noire derrière lui et claquant sa canne à tête de serpent en argent sur le sol. Il détestait les Aurors, qui le regardaient tous en passant comme s'il était de la boue sur leurs chaussures. Eux qui n'étaient même pas bons à lécher ses bottes en cuir de dragon ! Néanmoins, Lucius garda la tête haute comme il se doit et le regard rivé droit devant lui. Il lui fallait un plan pour que ces minables rampent de nouveau à ses pieds. Mais quoi ?

Le patriarche Malefoy débarqua dans la grande pièce où se trouvaient les bureaux des Aurors. Ici, il pourrait presque passer inaperçu, tant il y avait de monde. D'autant que ce jour précis, l'endroit était en effervescence. Les Aurors couraient de bureau en bureau, hélant grossièrement, selon Lucius, leurs collègues, criant, hurlant, envoyant des papiers à toute vitesse. Seul un sourcil élégamment haussé démontra avec condescendance l'étonnement de Lucius.

L'homme s'approcha du bureau ouvert de la secrétaire, une grosse fille qui mâchait vulgairement un chewing-gum comme si elle désirait rivaliser avec un ruminant. Elle ne fit pas attention à lui, tapotant des papiers devant elle d'un doigt boudiné tout en portant son regard morne et vide sur l'agitation de la salle. Lucius faillit rouler des yeux, au lieu de quoi il frappa sèchement le comptoir avec sa canne.

Peu impressionnée, la secrétaire le regarda.

-Ah, c'est vous, marmotta-t-elle en faisant une bulle avec son chewing-gum. Désolée, mais Monsieur Shacklebolt est occupé. Vous voyez pas le bordel qu'il y a ? Repassez plus tard.

Franchement agacé, Lucius se pencha vers elle avec un rictus dégoûté :

-Il se trouve que plus tard, comme vous dites, j'ai à faire. Or, j'avais rendez-vous avec Monsieur Shacklebolt à dix heures tapantes. Et il est dix heures tapantes.

-Il est occupé, répliqua-t-elle en fronçant ses sourcils mal épilés.

-Ne m'obligez pas à recourir à des moyens...peu conventionnels, chuchota Lucius nettement menaçant.

La fille le regarda, la terreur visible au fond de ses yeux porcins, et déglutit.

-Je vais voir ce que je peux faire, couina-t-elle.

-Brave bête, se moqua Lucius.

Ah, si seulement ces méthodes fonctionnaient avec autre chose que des petites secrétaires grassouillettes, Lucius n'aurait pas besoin de se retourner la cervelle pour trouver un plan.

La secrétaire revint cinq minutes plus tard.

-Monsieur Shacklebolt ne pourra vous recevoir que d'ici une heure, affirma-t-elle. Je suis navrée.

Elle se retourna rapidement vers un Auror qui lui apportait un dossier et Lucius quitta le comptoir, pensif. La logique voudrait qu'il sorte de l'étage, aille se promener ailleurs et revienne plus tard. Or, Lucius avait une sorte de sixième sens l'alertant lorsque quelque chose de bon se tramait pour lui : et ce sens-là le picotait agréablement. De toute manière, avec la folie qu'il y avait, peu de monde remarquerait sa présence. Et si jamais c'était le cas, on penserait qu'il cherchait Kingsley Shacklebolt.

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Une demi-heure plus tard, Lucius était légèrement énervé. Pour le moment, il avait appris que le département était en alerte rouge car un Mangemort, Travers, avait été repéré en Albanie et qu'on s'apprêtait à l'arrêter immédiatement. Mais son sixième sens le picotait toujours.

Lucius marchait lentement entre les bureaux ouverts, écoutant avidement sans en avoir l'air les conversations sans qu'on fasse trop attention à lui lorsque soudain, son sens le picota un peu plus. Il s'arrêta devant un des bureaux et se détourna pour se servir un verre d'eau au distributeur, feignant de boire tandis qu'il écoutait.

Derrière le bureau était assis Ronald Weasley, ce petit rouquin sot, et il parlait avec Nymphadora Tonks qui semblait fouiller dans un tas de paperasse.

-...Albanie, disait Tonks. Je fais partie de l'équipe qui va l'arrêter. C'est pour cela que Harry, qui est avec Kingsley en ce moment, m'a demandé la fiche témoin de...ah ! La voilà. Au fait, comment va Hermione ? Elle va mieux ?

-On ne la voit pas tellement en ce moment, avoua Ron en se passant la main dans les cheveux. Même moi qui suis son petit ami...elle déprime, elle va mal.

-Mais elle n'avait pas le choix, s'insurgea Tonks.

-Elle pense que si, elle avait le choix, justement. Elle aurait pu le livrer aux Aurors. Au lieu de cela, elle l'a tué. Elle se considère être un assassin.

-Personne ne lui dira rien de toute manière. C'est une héroïne de guerre. Et lui, c'était un traître.

-Le Ministère ne lui ferait pas un procès, au début. Mais réfléchis. Ma famille ne sait pas que Hermione a tué mon frère. Il n'y a aucune preuve que Charlie était un traître. Imagine les dégâts si l'histoire sortait dans le journal ? Si ma famille était au courant ? Je vois les titres d'ici : Héroïne de guerre pète un plomb et assassine héros de guerre. Ma famille demanderait un procès, la presse en ferait ses choux gras...la fameuse héroïne deviendrait une criminelle.

-Qui est au courant ?

-Toi, Harry, et moi.

-Même pas Ginny ?

-Même pas ! Elle adorait Charlie, tu imagines ?

-Oui. Mais elle n'a pas à se sentir coupable. C'était pour le plus grand bien, et cela demeure notre secret.

Tonks sourit à Ron et s'éloigna alors que le rouquin se levait pour trier des dossiers. Lucius ressassait toutes les informations qu'il venait de recevoir. Un plan se formait petit à petit dans sa tête.

Une voix résonna soudain près de lui :

-Monsieur Malefoy ?

Lucius leva la tête, salua froidement Kingsley et le suivit pour l'entretien du jour.

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Le bruit de petits pas chaussés de hauts talons résonna dans le couloir de pierre du Manoir Malefoy, et Narcissa ouvrit la porte de la chambre de son fils. Drago se trouvait là, occupé à lire un ouvrage de magie noir. Elle sourit affectueusement et il leva la tête.

-Mère ?

-Drago, cher fils. Ton père te demande dans son bureau.

-Bien, maman.

Drago se leva et prit la direction du bureau de son père, alors que Narcissa redescendait dans le petit salon. L'héritier Malefoy frappa à la porte du bureau et la voix glaciale de Lucius lui ordonna d'entrer, ce qu'il fit.

-Père, salua respectueusement Drago.

-Fils. Assieds-toi, je te prie.

Drago obéit, prenant le meilleur fauteuil face au bureau, et Lucius leur servit à chacun un doigt de Whisky Pur Feu.

-Fils, tu connais la situation depuis la fin de la guerre, il y a trois ans, attaqua Lucius avec un regard pointilleux.

Drago hocha la tête.

-J'irai droit au but, Drago. Je pense avoir trouvé un plan imbattable, sans failles, pour restaurer entièrement notre nom et retrouver notre gloire d'antan.

Lucius prit une pause, le temps d'avaler son verre, puis dit,

-Tu en auras tout le mérite.

Il étreignit sa canne et ajouta,

-C'est la seule solution.

-Père, l'interrompit Drago. Je suis prêt à tout pour rendre à notre nom toute la puissance qu'il mérite.

-J'en suis fort aise, Drago.

-Alors ? Quel est ce plan ?

Lucius inspira un grand coup, puis lâcha.

-Tu vas forcer Hermione Granger à t'épouser.