A/N : "a vignette is a short impressionistic scene that focuses on one moment or gives a trenchant impression about a character, idea, setting, or object." [source Wiki]
Première mise en ligne le 02/08/03 sous le titre « Retour ».
MAJ du 12/08/14 : je suis en recherche sur cette fic ; j'ai donc décidé de l'étoffer un peu. La vignette initiale constitue la dernière partie de cette fic.
Enjoy :)
Disclaimer : les personnages cités dans cette fic ainsi que la trame générale de leur histoire sont la propriété de leur créateur et/ou de leur diffuseur. Seule la trame spécifique de l'histoire de la fic m'appartient. J'écris pour le plaisir, sans contrepartie financière.
Back to Earth, back to me
La nuit était tombée depuis quelques heures, mais elle n'avait allumé aucune lampe. Assise sur son lit, dans un noir presque total, elle se saisit de son téléphone et laissa ses doigts composer un numéro qu'elle connaissait par cœur. C'était la deuxième fois ce soir-là.
« Ici O'Neill, je ne peux pas répondre. Laissez un message ».
Une tonalité retentit ; elle ne raccrocha pas immédiatement. Les larmes roulaient sur ses joues ; elle ferma les yeux en étouffant un sanglot, puis elle coupa la communication et se recroquevilla un peu plus sur elle-même, serrant l'oreiller contre elle. Elle savait que c'était se torturer, mais elle avait besoin d'entendre sa voix. Une partie de son esprit, celle qui n'était pas dévastée par sa disparition, se demanda combien de temps encore le numéro resterait attribué.
Elle avait fini par s'endormir. Quand elle ouvrit les yeux, le ciel d'encre avait laissé place à un temps morose. Elle prit une profonde inspiration et se leva, accordant un bref regard à son téléphone, tentée de l'appeler à nouveau. Elle se résigna cependant et se dirigea vers la salle de bain. La cérémonie d'adieux aurait lieu le matin même ; il lui faudrait être forte pendant tout ce temps, et encore après, lorsque les plus gradés des plus gradés, ceux qui ne quittaient presque jamais leur bureau de Washington, ceux qui ne connaissaient le colonel qu'au travers des rapports qu'ils lisaient, viendraient lui parler de l'officier et de l'homme exceptionnel qu'il était. Et elle, face à eux, ne pourrait que répondre par l'affirmative et saluer.
Sa gorge se serra ; elle ne pourrait pas le faire, c'était impossible. Elle se fixa dans le miroir, les yeux écarquillés, s'exhortant d'être forte, se défiant de pleurer. Elle faisait appel à tout ce qu'il y avait en elle de plus militaire, de plus froid, de plus indifférent. Brave soldat. Mais elle se savait corrompue ; les sentiments qu'elle avait développés pour lui avaient peu à peu rongé cette partie d'elle.
Elle finissait de réajuster ses galons lorsque l'on sonna ; Daniel venait la chercher. Il avait insisté, prétextant que c'était sur sa route, de toutes façons. En ouvrant la porte, elle repéra immédiatement ses yeux rougis ; il lui adressa un faible sourire.
- Vous êtes prête ?
Elle détourna le regard et ferma la porte à clé.
- Allons-y, répondit-elle toujours sans le regarder.
Elle savait que Daniel comprenait l'était d'esprit dans lequel elle se trouvait. Ils n'étaient pas prêts, ni l'un ni l'autre, à lui dire adieu. Encore moins dans ces conditions ; son corps n'avait pas été retrouvé et il pouvait très bien avoir survécu. L'espoir était sans doute ce qui rendait la douleur encore plus vive.
Depuis qu'elle avait rejoint le programme, elle s'était souvent retrouvée en première ligne sur les champs de bataille, mais elle découvrit au cours de la cérémonie que rien ne l'avait préparée à ce qu'elle allait vivre, pas même les combats contre les Jaffas les plus acharnés. Pendant tout le temps des hommages, elle avait fait face à des dizaines de personnes. Elle se retrouvait soudain projetée des années en arrière, lors de l'enterrement de sa mère. Mais à l'époque, son père lui avait servi de rempart ; elle avait pu pleurer pendant la cérémonie ; elle avait pu s'isoler lorsque les invités avaient voulu lui parler. Ce n'était pas le cas aujourd'hui.
Une fois la cérémonie terminée, ils s'étaient inconsciemment regroupés à l'écart des autres, tous les trois, SG-1 amputée de son leader. Mais bientôt, le général Hammond les appela et ils durent serrer les mains de dizaines de personnes venues rendre hommage au travail accompli par leur équipe sous le commandement du colonel. Ce ne fut qu'après deux longues heures qu'elle fut autorisée à quitter la salle surpeuplée. Elle se dirigea immédiatement vers ses quartiers, refusant l'offre de Daniel et de Teal'c d'aller boire un verre. Elle avait besoin d'être seule avec sa peine ; elle avait besoin de pleurer, de faire sortir tout ce qu'elle avait retenu pendant la cérémonie. Elle s'en trouva pourtant incapable une fois enfermée dans sa chambre. Une tristesse immense la dévorait, mais elle ne parvenait pas à l'extérioriser.
L'alarme retentit ; comme par réflexe – et surtout parce qu'il subsistait en elle l'espoir que ça pourrait être le colonel – elle sortit et se dirigea en courant vers la salle de contrôle.
- Nous recevons le code d'authentification, annonça Harriman.
Elle fixait l'écran de contrôle ; le code était associé aux Tok'ras. Elle ferma les yeux, priant brièvement pour qu'il s'agisse de son père ; elle fut exhaussée et se précipita dans les escaliers.
- Sam, ma chérie, je suis désolé, j'aurais voulu venir plus tôt, mais...
Elle l'interrompit en l'enlaçant, ignorant le dignitaire Tok'ra qui l'accompagnait.
- Papa, murmura-t-elle alors que des larmes menaçaient de couler maintenant qu'elle n'était plus seule.
Jacob l'étreignit en silence et elle ne put retenir plus longtemps ses sanglots. Elle était consciente qu'une demi-douzaine de soldats la voyaient, sans compter le général qui était arrivé juste après elle, mais elle n'avait plus aucun contrôle sur ses émotions.
Son père l'avait conduite jusqu'à ses quartiers ; ils n'avaient échangé aucun mot mais sa seule présence l'avait réconfortée. Après quelques instants, il s'était éclipsé en lui promettant de revenir. Elle essuya ses yeux et releva la tête lorsque la porte s'ouvrit.
- Je t'ai apporté ça, dit-il en désignant le plateau qu'il posa sur la table de chevet. Tu dois manger, Sam.
Elle fixa la coupe de gelée bleue et sentit de nouveau les larmes lui monter aux yeux. Pour l'amour du ciel, songea-t-elle en les essuyant du revers de la main. Elle était plus forte que ça !
- Sam, reprit Jacob.
Elle tourna les yeux vers lui. Son air grave la bouleversa.
- Je ne veux pas que tu te fasses de faux-espoir.
Son rythme cardiaque s'accéléra ; malgré l'avertissement de son père, quelque chose renaissait en elle.
- Tu... tu l'as retrouvé ? balbutia-t-elle.
- Je veux d'abord que tu comprennes qu'il y a des risques pour que ça ne soit pas lui ; et même s'il s'agit bien de Jack, nous ne savons pas s'il est encore vivant à l'heure qu'il est.
- Où est-il ? demanda-t-elle d'une voix déterminée.
S'il y avait une chance, même infime, qu'il fut encore quelque part dans cet univers, il était hors de question qu'elle l'ignore, dût-elle passer le reste de sa vie à le chercher. Elle fixa Jacob un long moment. Il sembla hésiter, trop conscient que les sentiments que sa fille nourrissait envers son supérieur avaient pris le dessus.
- On ne laisse personne derrière, insista-t-elle. Où est-il ?
Elle était assise devant l'un des nombreux ordinateurs de la salle de contrôle et se mordait nerveusement la lèvre inférieure. Ils étaient partis depuis près d'une journée ; la mission n'aurait pas dû dépasser les dix-huit heures.
Elle détestait être tenue à l'écart de cette façon. Elle était en colère contre son père, contre la Tok'ra et enfin contre ses supérieurs, qui avaient accepté les conditions imposées par leurs alliés. La mission de secours aurait dû être constituée de Teal'c, Daniel et elle. Personne d'autre. Ce n'était pas faute d'avoir bataillé, ni d'avoir frôlé l'insubordination, mais il y avait apparemment des intérêts en jeu qui étaient plus importants que de sauver la vie du colonel – si c'était bien lui – et la mission ne pouvait être effectuée que par des membres de la Tok'ra. D'après eux, en tous cas. Aucun contact ne serait possible pendant tout le temps de ladite mission. Toujours d'après les Tok'ra.
La Porte commença à tourner sur elle-même et les mâchoires de Sam se contractèrent. Pas de voyageurs en approche, mais un bref message audio. Le colonel O'Neill a été localisé et extrait de la prison Goa'Uld dans laquelle il était enfermé. Le message précise qu'il ne rentrera pas sur Terre avant vingt-quatre heures : elle déteste cette idée, mas elle est impuissante.
La communication s'interrompit et elle resta assise sur la chaise, le regard fixé sur l'écran noir, un goût amer dans la bouche. Elle sentit la main puissante de Teal'c se refermer sur son épaule et elle lui sourit, mi-rassurée, mi-inquiète.
Huit personnes patientent dans la salle d'embarquement : Janet, quatre infirmiers, Teal'c, Jonas et Sam. Sam a le regard fixé sur le général, resté en salle de contrôle ; il a l'air anxieux. Leurs regards se croisent et il lui sourit, comme pour la rassurer.
L'arrivée du colonel est imminente, mais la porte n'a jamais semblé si immobile. Enfin, sa lente rotation commence, renforçant l'impatience générale. Les chevrons s'enclenchent et la flaque bleue apparaît. Presque aussitôt, deux Tok'ra émergent et, après trois mois douloureux, après un adieu aux armes déchirant, après des nuits blanches passées à chercher, encore et toujours, une solution pour le retrouver, Jack O'Neill apparait, fidèle à lui-même, comme s'il avait quitté la Terre la veille.
Il descend de la rampe, embrasse la salle du regard, s'arrête en voyant Carter et s'approche finalement d'elle. Elle doit refouler son envie de passer ses bras autour de lui ; ni son grade, ni son rang ne l'y autorisent. La rigueur du règlement l'étouffe. Elle affiche cependant sur son visage ce sourire qu'il aime tant, vecteur de ses sentiments à son égard.
« Contente de vous revoir, mon colonel.
Elle a l'impression de ne pas avoir l'air crédible dans son rôle de major, de second. Ou alors il arrive à lire en elle. Quoi qu'il en soit, il la fixe de plus en plus intensément, et elle a du mal à cacher son trouble. Mais bientôt, elle n'a plus à s'inquiéter de l'image qu'elle renvoie, parce qu'il pose doucement ses lèvres sur les siennes. Elle s'accroche à lui comme s'il était sur le point de disparaître à nouveau.
- Colonel !
Une voix parvient à ses oreilles dans le lointain. Elle comprend qui parle et pourquoi, mais son corps ne veut pas écouter sa raison, qui lui dicte pourtant de tout arrêter. Jack met fin au baiser ; il plonge ses yeux dans les siens, sourit et lui adresse un léger clin d'œil. Le visage de Sam est encore entre ses mains.
Il s'écarte d'elle, et alors qu'elle croit que tout est fini, il entremêle ses doigts aux siens et se tourne vers la salle de contrôle en souriant.
- Mon général ? »
Fin