Chers lecteurs,

Je tiens à m'excuser auprès de vous pour ce retard impardonnable. Je n'ai absolument pas abandonné cette histoire, elle me prend simplement énormément de temps. Si vous l'avez remarqué, je ne vous donne qu'un morceau du chap' (un peu plus de 8000 mots), et il y en aura encore 1 ou 2. J'en suis déjà à 20 pages et il n'est pas terminé. Je voulais tout vous donner fini sauf qu'aujourd'hui ce n'est vraiment plus raisonnable. Je n'ai plus le droit de vous laisser sur ce suspense de fin de chap' ;) !

Je vous remercie de continuer un p'tit bout de chemin avec moi et Mondes Parallèles. J'ai quelques idées qui fleurissent grâce à Beelzebub Side Story, une "suite" que personnellement je trouve traduite grâce à la MFT !Je ne compte pas quitter ce fandom de sitôt ;) !

Disclaimer : J'ai vu Ryuhei Tamura à la Japan Expo et je vous assure que je lui ressemble pas du tout xD !

Genre :Yaoi, Rating T.

Pairing : FuruOga (de mon point de vue x3)

Bonne lecture !


Mondes Parallèles

Deuxième Partie : Le Monde Héroïc-Fantaisie

Complot (première partie)

Des silhouettes suspectes, mystérieuses, des va-et-vient discrets, secrets, des murmures inquiétants, oppressants, des sourires cruels, invisibles… Dans ce château si tranquille en apparence se tramait quelque chose de malsain. Les gens chuchotaient, cachés derrière les piliers en pierre, préparant minutieusement leur méfait.

Dans cette ambiance peu rassurante, seul le seigneur du château semblait assez naïf pour rester complètement sans défense. Il s'amusait avec les filles, jouait à ne plus finir, buvait comme un trou, sans s'inquiéter de son entourage… Faisait-il croire.

Il savait que ses courtisans qui tournaient autour de lui comme des charognes affamées devant une carcasse fraîchement tuée n'étaient pas ce qu'ils prétendaient être. Il les surveillait du coin de l'œil, méfiant, souriant aussi hypocritement qu'on le lui avait appris, sans se départir d'un éternel humour à double sens. Tous le regardaient, attendant une faille dans son discours, ses attitudes, pour aussitôt le détrôner. Tous ces rapaces le suivaient des yeux, souriants d'avance, et, quelque part, Furuichi sentait que quelque chose allait bientôt se produire.

Alors qu'il portait un énième verre à ses lèvres, il regarda Oga fusiller du regard l'étranger qui lui ressemblait tant. Il voyait encore ce visage si familier froncer les sourcils, des rides déjà formées sur son front. Deux petites lignes verticales juste entre ses sourcils. Furuichi avala une petite gorgée, toujours captivé par ces deux petits plis. Les pensées du seigneur commençaient à se faire plus décousues sans pour autant le gêner.

Il savait que s'il était toujours en vie aujourd'hui, c'était bien grâce à son loyal vassal. Oga était un ami précieux, son meilleur ami même. Il le protégeait toujours, sans faillir à son devoir. Il avait bien d'autres vassaux, d'autres soldats aussi loyaux que lui, mais aucun ne pouvait remplacer la force et la volonté de son chevalier brun. Furuichi savait qu'il lui causait beaucoup de troubles et d'inquiétudes et parfois, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il lui faisait vivre une vie horrible. Sans lui, elle aurait sûrement été plus tranquille et plus facile. Peut-être qu'il n'aurait pas cette ride au milieu du front à son âge.

Bien sûr, Furuichi était loin d'être quelqu'un qui s'apitoyait sur son sort. Il savait juste à quel point Oga était important pour lui. Pour le garder en vie, pour le protéger, pour rester un rempart infranchissable toute sa vie face à ses ennemis et surtout, pour lui permettre d'augmenter son emprise sur son territoire.

Mais Furuichi pensait aussi à autre chose tout en remuant l'intérieur de son verre, observant les ondulations que faisait le liquide alcoolisé. Oga était peut-être la seule personne importante pour lui. Sa propre mère était devenue un fantôme sans âme depuis que son père restait alité toute la journée, presque déjà à l'article de la mort, et sa sœur ne voyait en lui qu'un frère raté pervers. Sa femme, la grande sœur d'Oga, était légèrement cinglée et carrément dangereuse. De toute manière, elle n'était que la porteuse de ses futurs héritiers et il se voyait mal se confier à elle. Il ne restait finalement plus qu'Oga qu'il connaissait depuis des années, qui ne l'avait jamais trahi, même pas une seule fois.

Lorsqu'il était devenu son vassal, il y a des années, alors qu'ils n'étaient encore que des enfants, son père lui avait toujours dit de se méfier de lui sans pour autant le lui montrer. De faire en sorte qu'il reste toujours loyal envers lui et uniquement lui, de la façon la plus simple qui soit : l'amour. Le dernier souhait de son père avant de tomber de fatigue, chuchoté dans le creux de son oreille, était de ne pas tomber dans son propre piège. Quoiqu'il arrive, Furuichi ne devait jamais tomber amoureux de son chevalier.

Furuichi n'était pas stupide bien sûr. Il savait qu'il ne pouvait de toute manière pas se marier un jour avec un homme. Ça lui était interdit à cause de sa puissance croissante. Ce serait si simple de l'épouser pour l'assassiner après et s'emparer de tout ce qu'il possédait. De toute façon, il n'avait jamais désobéi à son père. Il avait tout fait pour qu'Oga s'attache à lui plus que de nécessaire. Il s'était amusé tout d'abord à lui révéler des petits secrets sans importance pour lui montrer qu'il lui faisait confiance, puis il l'avait toujours gardé près de lui, dans toutes les situations possibles. Ce qui n'était qu'un stratagème, un jeu, était devenu de plus en plus indispensable pour le prince.

Il avait fini par tomber dans son propre piège. Il ne s'en était pas rendu compte jusqu'à ce qu'une fois de plus son chevalier l'ait protégé. Il avait été plutôt bien amoché mais sa vie était loin d'être en danger. Sauf que le seigneur ne pouvait pas le laisser ainsi, il ne supportait pas que son invincible chevalier puisse être si gravement blessé. Il avait fait un caprice et l'avait forcé à être soigné par son pouvoir guérisseur. Cette décision, il s'en souvenait, n'était plus dictée par la raison mais par une folie intérieure, ravageant son âme toute entière.

Ce fut la première fois qu'il sentit son cœur lui faire mal, sans raison apparente. Et la première fois aussi qu'il sentit que le regard d'Oga avait changé. Il avait réussi. Son chevalier était tombé amoureux de lui. Mais il avait aussi perdu. Il était tombé amoureux de son chevalier depuis longtemps. Pathétique…

Furuichi déprimait seul en y repensant, finissant d'un trait son verre. La tête lui tourna soudainement et au bord des vapes, il enfouit son visage dans les poitrines moelleuses autour de lui. Il essaya d'imaginer ceux de Misaki, mais puisqu'elle ne le laissait même pas l'approcher tant qu'il n'aurait pas au moins dix-huit ans, c'était assez difficile.

Le pire peut-être était qu'il aimait le corps des femmes. Il aimait leur forme, leur peau douce et blanche, leur parfum envoûtant. Et à chaque fois, il essayait de savoir ce qu'Oga avait de si spécial pour réussir à lui faire perdre la tête. L'amour entre hommes était réellement unique.

Les pensées de Furuichi s'éclaircirent enfin et il se rendit compte qu'on l'avait transporté dans sa chambre. Il papillonna des paupières, les alentours toujours aussi troubles. Lorsqu'il se releva, il entendit une voix familière le rappeler à l'ordre :

- Vous ne devriez pas bouger avant un moment, Furuichi-dono.

Furuichi reconnut Oga, son fidèle chevalier. Il resta assis, une main soutenant la tête, le coude posé sur son genou. Il sentait les effets de l'alcool déformer ses sens, le plus altéré de tous étant la vue. Le monde autour de lui restait trop flou pour être normal.

- Tu peux parler normalement quand on est qu'à deux, répondit un poil énervé Furuichi.

Il ne savait pas d'où venait cette brusque colère, ni contre qui elle était dirigée – probablement contre lui plus que contre Oga – mais sa présence fut vite discernée par le brun. Ce dernier fronça les sourcils.

- C'est toujours comme ça quand vous avez trop bu…

Furuichi grimaça, remarquant que son vassal, en plus de lui désobéir allègrement, prenait des libertés en soufflant sur la flamme de sa bougie de chevet. Seule la lumière de la bougie qu'il tenait dans sa main éclairait encore son visage.

- Vous devriez dormir maintenant, Furuichi-dono.

Oga soupira intérieurement lorsqu'il se retourna avant de quitter la chambre de son seigneur mais il ne put faire un pas de plus. Son seigneur venait de lui attraper fermement la main et le retenait de toutes ses forces.

Le brun jeta un coup d'œil par-dessus son épaule et vit Furuichi, les joues rougies dû à l'alcool, un regard étrangement quémandeur.

- Reste près de moi…

Oga déglutit, le cœur s'emballant bizarrement. La voix de Furuichi soufflée ainsi provoqua même de légers rougissements sur ses joues. C'était très rare qu'il lui demande quelque chose, surtout lorsque cela ressemblait à une supplique désespérée. C'était si nouveau qu'il se laissa tirer le bras et recula. Il laissa un petit hoquet de surprise s'échapper de ses lèvres lorsque Furuichi enlaça doucement sa taille, posant sa tête contre le bas de l'armure en fer.

Stupéfié, tiraillé entre la joie et la confusion, Oga se laissa faire une longue minute sans croire à ce qu'il était en train de vivre. Il voulait croire que son seigneur le voulait lui et seulement lui, qu'il ne le confondait pas avec n'importe qui, ou même que ce n'était pas qu'un effet pervers de l'alcool et qu'il cherchait juste une présence. Mais ce qui le fit revenir à la raison fut de repenser à l'impossibilité de leur relation. Cela serait trop dangereux pour Furuichi. Alors ce n'est qu'à regret qu'il se dégagea violemment de l'étreinte de son seigneur. Il marcha vers la porte sans se retourner, le souffle court et le cœur douloureux.

- Ah… Tu t'enfuis encore…, râla Furuichi qui s'assit sur le bord du lit. Tant pis, tu ne me laisses pas le choix. Ceci est un ordre : reste ici.

- Je ne peux pas, répondit le brun d'une voix forte, mais il s'arrêta quand même juste devant la porte.

Furuichi soupira bruyamment, en colère de voir que son chevalier osait encore lui désobéir.

- De quoi as-tu peur ? Je suis complètement bourré, je me sens seul et tu es là alors laisse-moi profiter un peu de toi !

Il semblait las de lutter contre ses sentiments, et puisqu'on disait que l'alcool faisait faire n'importe quoi, pourquoi n'en profiterait-il pas pour faire un caprice ? Il regarda Oga qui s'obstinait à rester de dos. Il ne bougeait pas mais Furuichi était persuadé qu'il luttait intérieurement pour ne pas céder. Ils avaient l'air de deux cons comme ça.

- Nous ne pouvons pas…, finit par lâcher le brun qui se rapprochait doucement de la porte. En plus, se reprit-il, je suis loin d'être ce que tu préfères.

Oga ne s'était même pas rendu compte qu'en révélant ce qu'il pensait vraiment, il avait cessé de vouvoyer Furuichi, comme s'ils étaient redevenus les enfants qu'ils étaient encore quelques années avant. Sa main atteignit enfin la poignée de la porte mais la voix de Furuichi l'arrêta de nouveau.

- Qui te dit que tu n'es pas ce que je veux ?

Oga rougit et son cœur s'emballa, une nouvelle fois. Ça n'avait plus rien à voir avec un simple caprice dû à l'ivresse. Au fond de lui, ce qu'il espérait et craignait le plus était probablement en train d'arriver. Il était à la fois heureux, même s'il y avait encore une chance que ce ne soit que pure illusion, et en même temps, une angoisse sans nom lui montait à la gorge. Il fallait qu'il se retourne pour savoir si son seigneur était sérieux. Pour savoir si Furuichi avait réellement envie d'être avec lui.

Et aussi étrange que cela puisse paraître, ça lui faisait peur. Il avait peur de briser ses illusions dont il aimait se bercer en ce moment. Il avait surtout peur que, si jamais ses rêves devenaient réalité, ils ne puissent plus garder leur relation actuelle, que cela se voit et que ceux qui voulaient faire du mal à Furuichi en profitent. Il ne savait pas laquelle des deux possibilités le figeait ainsi, et en réalité il ne voulait pas le savoir.

Furuichi ne vit pas son chevalier fermer les yeux, il ne vit pas non plus le pli entre ses sourcils se former et le vit encore moins serrer les dents à lui faire mal. Pourtant, même saoul, il n'avait pas besoin de le voir de face pour comprendre qu'Oga tergiversait lourdement. Ça le fit sourire, toujours autant amusé par les réactions devenues si prévisibles du brun maintenant qu'il était tombé amoureux de lui.

- Quoi que tu veuilles…, dit Oga en brisant le silence, tu l'as toujours eu. Alors ça va te faire un choc mais… tu ne m'auras pas, conclue-t-il, toujours tourné vers la porte.

- Ose me répéter ça devant moi, les yeux dans les yeux, comme tu as l'habitude de le faire, et peut-être que je te croirai !, répondit furieux Furuichi.

Il n'avait déjà pas un caractère très facile, la colère montant rapidement, mais l'alcool ne l'aidait pas à s'améliorer. En plus, il avait horreur qu'Oga lui mente. Et puis, c'était vrai : il obtenait toujours ce qu'il voulait. Et là, il voulait Oga, et il savait qu'il l'aurait puisqu'Oga lui-même n'était pas contre. Du plus profond de son cœur, tout du moins.

Oga, pourtant, ne lui obéit pas. Il était en train de se demander pourquoi il se retrouvait dans cette situation et surtout, pourquoi il n'arrivait pas à s'en extirper. Peut-être bien qu'il avait souhaité se retrouver ainsi, au pied du mur, histoire de ne plus fuir ce qu'il ressentait vraiment.

Le plus discrètement possible, il prit une inspiration pour se donner du courage et se retourna vers son seigneur, l'homme dont il s'était épris, montrant le visage le plus neutre qu'il pouvait avoir. Il se répétait qu'il devait jeter convenablement son seigneur afin de le protéger tout en cachant ses sentiments. Il s'avança vers le lit et posa la bougie sur la table de chevet, surprenant Furuichi. Il ne dit cependant rien, se demandant bien ce que son chevalier avait prévu de faire.

Ce dernier ne résista pas plus longtemps et se pencha, approchant dangereusement près leurs deux visages. Ils se regardèrent presque timidement, jetant quelques œillades vers les lèvres de l'autre, si proches. Aucun des deux n'osaient franchir la limite, non pas parce qu'ils n'en avaient pas envie, au contraire ils en crevaient d'envie… mais les conséquences seraient dévastatrices. Alors ils s'observaient, sans mot, le cœur battant la chamade.

Furuichi, toujours un peu éméché, semblait ne pas réaliser pleinement la situation dans laquelle il se trouvait. Il pensa une seconde qu'il rêvait, mais le goût de l'alcool amer toujours présent dans sa bouche était bien trop fort pour être imaginé. Donc il ne rêvait pas. Oga Tatsumi, son loyal chevalier, s'était penché vers lui dans le but, semblait-il, de l'embrasser. Et puis il s'était arrêté, et lui-même n'avait pas bougé. Maintenant, ils avaient encore plus envie de s'embrasser sans pour autant faire le moindre mouvement. Ils ne ressemblaient plus seulement à des cons là, ils en étaient devenus de véritables !

Une mèche brune rebelle tomba souplement devant leurs yeux, sortant Furuichi de sa rêverie. Grommelant un « Je te jure… » entre ses dents, il s'avança enfin, emprisonnant la nuque du brun d'une main pour l'empêcher de se dérober. Leurs bouches se touchèrent enfin, chastement, puis Oga se débattit et réussit à s'écarter, le visage en feu. Sa conscience était revenue, réveillée par ce simple baiser. Le chevalier s'était fait avoir, il n'avait pas résisté au doux visage de son seigneur qui en avait bien profité ! Même s'il n'était pas tant contre que ça…

Furuichi sourit malicieusement, content d'avoir déstabilisé ainsi son cher vassal. Et puis, il avait enfin réussi à capturer les lèvres de son chevalier, et ça, c'était l'une des plus belles choses qui pouvait lui arriver cette nuit. Il vit bien l'embarras d'Oga et s'en amusa. Quelque part, il était presque soulagé qu'ils arrêtent ainsi de tourner autour du pot, qu'ils franchissent le stade de l'amitié. S'il n'avait pas été l'héritier des Furuichi et lui l'héritier des Oga, peut-être qu'il n'y aurait jamais eu cette barrière, ce mur, qu'à présent Furuichi voulait éclater en morceaux.

- Je… je m'en vais, déclara Oga, profondément troublé. Oublions ce qui vient de se…

- Tu n'en as pas marre que nous nous tournions ainsi autour ?, le coupa brutalement Furuichi.

Il ne voulait plus fuir. Il en avait assez de se mentir, de mentir à Oga. La seule chose qui les empêchait d'être ensemble était leur entourage et pas le manque de confiance en l'autre. Il comprenait parfaitement la peur de son chevalier mais il souhaitait plus que tout qu'ils arrêtent de cacher leurs sentiments. C'était stupide, douloureux, et l'amour entre hommes ne devait pas se résumer à ça. Il était sensé être l'essence même de la vie, si l'on s'en référait aux grands philosophes du Nihon. Un mariage d'amour n'était pas un mariage avec des enjeux, des pactes ou toutes autres formes de projets matériels. Il se devait d'être basé sur la confiance, l'amour, rien qui puisse être touché par le commun des mortels. Même la promesse qu'il avait faite à son père n'y pourrait rien, il venait de s'y résoudre.

- J'en ai plus qu'assez de cette situation, souffla-t-il douloureusement entre ses lèvres. Je t'aime plus que tout alors, je ne vois pas pourquoi nous devrions souffrir autant.

Oga rougit à cette déclaration mais ne se laissa pas transporter de joie en entendant la suite.

- Je sais de quoi tu as peur. Tu crois que si nous nous unissons, tu ne seras plus capable de me protéger. Après tout, ta famille n'a sûrement pas abandonné de reprendre le pouvoir…

Alors même que Furuichi accusait sa famille, Oga savait qu'il avait raison. Il n'était pas exclusivement dans le camp de sa famille ou de Furuichi, ou plutôt, en maintenant une certaine distance avec son seigneur, il croyait que cela permettrait une entente entre les deux familles rivales et qu'il n'avait ainsi pas à faire de choix. C'était sûrement très lâche mais c'était la seule chose à laquelle il avait pensé. Il aimait Furuichi, assez pour le défendre contre n'importe qui, même contre sa propre famille, il en était sûr. Cependant, en venir jusque là, détruire sa famille de ses propres mains, n'était-ce pas la pire chose qui puisse arriver ?

Furuichi sourit tristement, ayant compris qu'il avait touché dans le mille. Cela ne l'empêcha pas de continuer à ne pas douter de son chevalier.

- Et si… nous faisions une union secrète ? Quelque chose qui ne soit connu que de nous seuls ? Après tout, tu m'aimes, n'est-ce pas ?

À ces mots, Oga tenta de nier mais Furuichi n'était pas dupe. Lire entre les lignes était simple pour lui, surtout lorsqu'il s'agissait d'Oga. Il attrapa la main de ce dernier qui se laissa faire, incertain sur ce qu'il devait faire. Il avait totalement confiance en son seigneur, non… en l'homme qu'il aimait. Il se sentit brusquement faible, se reprochant d'abandonner ainsi une décision des plus cruciales à Furuichi. Il ne pouvait pas se décider à franchir le pas, à détruire toute une relation basée sur la loyauté, à mettre en péril la vie même de son seigneur pour un simple sentiment. Mais, alors qu'il devrait probablement l'arrêter, il laissait Furuichi décider. Et il le suivrait, quelque soit sa décision.

Après tout, il l'aimait si fort que Furuichi s'en était aperçu, alors qu'il cherchait à le cacher depuis des années.

Furuichi lui prit la deuxième main, à présent certain que son chevalier ne fuirait plus. C'était quelque chose qu'il sentait, plus par instinct qu'autre chose. Et cela suffisait. Ça lui suffisait amplement. Il tira légèrement sur les mains du brun pour l'amener à se baisser et, timidement, Oga se pencha en avant, fermant en même temps les yeux. Furuichi lâcha une des mains pour la plonger dans les longs cheveux bruns rebelles, exerçant une légère pression pour qu'Oga se rapproche plus. Il sourit avant de poser ses lèvres sur celles de son chevalier, sentant sa pulsation sanguine battre à un rythme effréné sous ses doigts.

Ce baiser fut totalement différent du premier, bien plus intense, bien plus révélateur aussi. Au début, Furuichi menait la danse, doucement mais sûrement, léchant du bout de sa langue les lèvres fermées de son chevalier, puis s'immisçant dans sa bouche. L'intrusion surprit Oga qui n'avait décidément aucune expérience en la matière et laissait ainsi Furuichi prendre le contrôle. Il sentit cette langue chaude et humide caresser sa propre langue, la chatouillant agréablement. La sensation était étrange et totalement inconnue pour lui, mais il tenta de participer au baiser, bougeant timidement sa langue. Furuichi en profita pour les lier sensuellement, s'emparant égoïstement de cette langue qui semblait ne pas se laisser faire.

Lorsque ses papilles furent ainsi stimulées, Oga en eut le souffle coupé et s'accrocha brutalement aux épaules de son seigneur, transformant ce geste en une étreinte puissante qui approfondit en même temps leur union buccale. Furuichi se laissa tomber en arrière, tirant du même coup son chevalier vers lui, et tous les deux se retrouvèrent allongés sur le lit moelleux. Oga devint plus entreprenant, enroulant les longues mèches argentées éparpillées autour de ses doigts. Son autre main ne put s'empêcher de venir dans le cou tentateur, retraçant le contour de la mâchoire de son seigneur, glissant ensuite vers le torse et écartant le kimono blanc, si doux au toucher.

Furuichi fit glisser l'une de ses mains dans le dos de son chevalier mais l'armure n'était vraiment pas pratique. Comment pouvait-il apprécier toucher les fesses d'Oga avec toute cette ferraille ? En réalité, si le brun s'était aperçu de ce geste, il aurait probablement repoussé Furuichi, plus par surprise qu'autre chose. Mais l'armure restait tout de même un rempart infranchissable et gênant pour Furuichi.

Ce dernier renversa leurs positions et mit fin au baiser, fixant intensément le brun sous lui, les joues plus rouges qu'à l'ordinaire. Il le trouvait infiniment plus attirant comme ça que toutes les autres filles qu'il avait connues et regretta de ne pas avoir fait le premier pas plus tôt. De son côté, Oga ne savait pas trop ce que signifiait réellement le regard de désir que lui lançait Furuichi mais ferma les yeux quand il le vit se rapprocher pour un nouveau baiser, appréciant d'avance le jeu de leurs langues qui le faisait frissonner de la tête aux pieds.

Furuichi n'allait pas laisser cette occasion en or se passer si chastement mais prenait son temps, embrassant de tout son saoul cette bouche si alléchante, dégustant cette saveur un peu sauvage à chaque fois que ses papilles touchaient l'autre langue, n'appréciant le tout qu'avec le supplément d'une main aventureuse cherchant à passer sous la cotte de maille gênante. Ce soir, ils n'allaient pas simplement exprimer à voix haute qu'ils étaient consentants pour vivre un amour réciproque et pur. Ils allaient magnifier cette image en concrétisant leur union, à l'abri des regards, sachant pertinemment que son chevalier sans expérience pourrait bien reculer et revenir sur ses propos. Avec la preuve physique à l'appui, Oga ne pourrait plus s'enfuir, plus tard. Surtout que maintenant, il était loin de rejeter Furuichi.

Discrètement, sans éveiller les soupçons des deux jeunes hommes, une jeune fille referma la porte, les laissant définitivement seuls. Rougissante, elle sentait ses joues chauffer face à sa découverte. Son frère et son meilleur ami… ils avaient franchi le pas, ils allaient former ce qui était le plus beau dans la vie d'un seigneur : l'union avec un être égal à lui-même, sans prétention quelconque. Honoka partit sur la pointe des pieds et, lorsqu'elle se crut assez éloignée, se précipita vers la chambre de ses parents.


Une tasse de thé brûlante fut posée sur la table de chevet du malade et la fumée s'en échappant s'éleva lentement vers le plafond. La lumière de la lune se reflétait sur la surface lisse du liquide, calmant un peu la femme rien qu'en y portant son regard. Elle s'assit sur le confortable fauteuil et prit la main de son mari sans oser regarder son visage. Elle savait ce qu'elle allait y lire sur les traits tirés et fatigués : de la douleur, de la souffrance pure et simple quand bien même il était en train de dormir.

Elle caressa doucement la main ridée, si faible par rapport à celle qu'elle avait connue dans sa jeunesse. La respiration sifflante qui filtrait à travers les lèvres de son bien-aimé lui comprimait la poitrine et rendait sa veille bien plus difficile que s'il était simplement resté silencieux. Elle préférait largement ses ronflements d'autrefois qui l'empêchaient de fermer l'œil de la nuit.

Elle se replongea une énième fois dans ses souvenirs, heureux, maudits, aimés, tristes ou coléreux… Elle se les repassait en boucle, comme une litanie, sans pour autant que cela la tire de son pénible quotidien. Furuichi Reiko, mère du seigneur Furuichi Takayuki, semblait lasse de cette vie triste et monotone, assurant son rôle d'épouse en restant au chevet de son mari souffrant. Cette obligation, qu'elle s'était évertuée à ne jamais manquer depuis des années, lui aspirait peu à peu la vie. Cela aidait-il son mari à mieux supporter l'affaiblissement de son corps et de son esprit, cette maladie maudite et héréditaire, héritée en même temps que d'un don exceptionnel ? À cela, elle ne pouvait que répondre par la négative. Son état empirait et il semblait que plus rien ne puisse plus le soulager. Le voir souffrir ainsi, le voir si faible alors qu'il avait toujours été un être fort, puissant et sûr de lui, qui ne flanchait jamais face à ses ennemis, lui était insupportable.

Alors, une idée s'était immiscée peu à peu dans son esprit, facilement manipulable pour certaines personnes malveillantes du château. S'il ne vivait plus que pour souffrir, sans même avoir la possibilité de profiter encore un peu de sa lucidité de plus en plus rare, à quoi bon le garder en vie ? La politique ? Les intérêts ? Que de choses inutiles pour un vieil homme. Son fils avait montré qu'il était capable de gérer ce genre de choses seul. Il avait été éduqué pour ça après tout ! Alors elle attendait, juste encore un peu, juste le temps de dire au revoir, de garder en mémoire ces rides, ces râles, cette respiration sifflante, cette faiblesse, pour enfin les comparer à cet être jeune et beau qui l'avait séduite dès le premier regard.

Oga Hitomi entra doucement dans la chambre, attendant patiemment que Reiko se tourne vers elle. Cette dernière le fit après une dernière longue minute de contemplation. Elle sourit faiblement à son amie et belle-mère de son fils qui, depuis longtemps maintenant, la soutenait toujours dans les moments difficiles.

- Reiko-dono, êtes-vous sûre de vous ?, lui demanda Hitomi.

Reiko acquiesça et un faible sourire triste se dessina sur ses lèvres.

- Il n'y a plus rien d'autre à faire à présent. La dernière fois qu'il m'a vue, il ne m'a même pas reconnue. Et regarde comme il souffre…, ajouta-t-elle en se retournant vers son mari. C'est la seule solution, conclue-t-elle les larmes aux yeux.

Hitomi resta impassible mais riait presque intérieurement. Elle avait toujours détesté cet homme et avait plusieurs fois envoyé des assassins à son encontre jusqu'à ce qu'ils organisent une alliance à travers un mariage arrangé. Mais elle lui avait toujours reproché cet arrangement qui, pour elle, était clairement défavorable. Si sa fille n'avait pas été plus âgée, si la fille de cet homme l'avait été, l'union aurait été faite entre Oga Tatsumi et Furuichi Honoka. Malgré tout, les arguments de cet homme avaient été imparables, et cela avait conforté Hitomi dans sa haine. Il l'avait piégée, l'empêchant même d'attenter à sa vie, au risque de rompre leurs accords. Il lui avait enlevé tous pouvoirs sans qu'elle ne puisse rien y faire. Mais aujourd'hui, alors qu'il était si faible, empoisonné petit à petit par un cocktail de sa composition, sa propre femme allait l'assassiner ! Elle n'aurait jamais pu demander mieux comme vengeance.

Reiko prit la tasse de thé entre ses mains et resta perdue dans ses pensées, absorbée par le liquide fumant qui s'y trouvait. Plus que du thé, c'était plutôt une infusion très concentrée d'aconit napel, une plante qu'elle avait pris l'habitude d'utiliser lors de ses grands moments de déprime. Cependant, elle savait qu'une grosse quantité d'aconit entraînait la mort. Et c'était bien ce qu'elle recherchait à présent.

Hitomi posa sa main sur son épaule et lui adressa un léger sourire encourageant. Elle lui montrait en même temps que Reiko n'était pas seule et qu'elle la soutenait. Reiko porta alors la tasse à ses lèvres et captura une quantité non négligeable dans sa bouche. Elle se pencha ensuite au-dessus de son mari et posa ses lèvres contre les siennes, permettant le transit facile du poison dans le corps de l'homme endormi. Elle répéta ce geste trois fois, s'assurant ainsi qu'il ait bu assez de poison pour le tuer rapidement.

Quelques minutes passèrent pendant lesquelles les deux femmes observaient attentivement les réactions de l'ancien seigneur du Nihon. La main de Reiko se resserra sur la tasse, angoissant d'avoir échoué, mais son mari finit par bouger brutalement, portant les mains à son cou, cherchant sa respiration. L'étouffement le réveilla et ses yeux fatigués croisèrent ceux embués par les larmes de sa femme. Aucune des deux femmes ne surent réellement ce qu'il pouvait penser à cet instant-là, et Reiko eut l'impression qu'il lui avait souri pendant une demi-seconde avant de tourner la tête, le dos courbé à la recherche d'air et de complètement arrêter de respirer, s'immobilisant totalement. Son corps s'effondra sur le lit alors que plus aucun souffle d'air ne lui soulevait la poitrine. C'était fini. Le grand seigneur du Nihon, Furuichi Kiyoshi, venait de rendre son dernier souffle.

Reiko laissa couler ses larmes silencieusement, à la fois soulagée d'un poids immense et culpabilisant déjà d'avoir tué son mari. Elle se rendait compte maintenant que veiller sur un malade incurable et commencer son deuil était radicalement différent. Elle venait de perdre l'homme qu'elle aimait, qui l'avait rendu tant de fois heureuse, en colère… vivante. Il n'était plus et la laissait derrière. Elle le quitta des yeux pour fixer la tasse de thé et inspira profondément, résolue.

- Reiko-dono… ?, s'inquiéta Hitomi.

Reiko l'ignora et avala d'un trait le reste du poison. Hitomi ne sut quoi penser sur le moment. La femme de son pire ennemi, après avoir correctement joué son rôle, venait de commettre l'irréparable. Sa meilleure amie, qu'elle avait appris à aimer et respecter malgré leur relation empreinte de haine à cause de leurs familles, avait décidé de rejoindre son mari dans la mort.

- Reiko… ?, répéta-t-elle faiblement.

Hitomi sentait son cœur se contracter à lui faire mal, ne se rendant compte qu'au dernier moment à quel point elle tenait à cette femme, si forte dans le passé.

- Je suis désolée, Hitomi-dono, fit Reiko en souriant plus franchement qu'avant, rajeunissant presque par cette simple expression. Je ne peux vraiment pas me résoudre à abandonner mon mari.

- …

Hitomi resta sans voix, réalisant pour la énième fois que son pire ennemi l'avait encore battue. Même mort, il arrivait encore à lui arracher quelque chose de précieux. Il emmenait Reiko dans son sillage comme il avait réussi à emprisonner son cœur toutes ces années pendant sa maladie. C'était tellement… injuste !

Honoka entra à ce moment-là, le sourire aux lèvres. Elle se précipita sur sa mère, la serrant fortement dans ses bras, ne remarquant pas au premier abord les larmes de sa mère.

- Mère ! Mère ! C'est formidable !, cria-t-elle joyeusement.

Elle se décrocha enfin du cou de Reiko et la regarda enfin, encore excitée par sa récente découverte. Puis, voyant les larmes couler sur ses joues, son sourire se tarit.

- Qu'y a-t-il, mère ?

Reiko se contenta de caresser les cheveux de sa fille, sachant pertinemment à quel point elle était lâche d'abandonner ainsi ses deux enfants à ce monde cruel.

- Ce n'est rien ma chérie, raconte-moi plutôt.

Honoka hésita mais se contenta d'accéder à sa requête. Il n'était pas si rare qu'elle trouve sa mère ainsi abattue et ne pouvait qu'essayer de lui changer les idées.

- Ça y est, mère ! Onii-sama s'est enfin uni avec Oga-dono !

Reiko sourit à cette nouvelle, ravie elle aussi, simplement heureuse que son fils trouve le bonheur avant qu'elle ne quitte ce monde. Pour Hitomi, la mère d'Oga Tatsumi, son cœur ne fit qu'un bond. Voilà une nouvelle qui ne pouvait que servir au mieux ses projets. La deuxième phase de son plan pouvait enfin se mettre ne place, et bien plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru.

Reiko sentit brusquement sa respiration se bloquer, comme tout son corps. Elle se sentait en manque d'air alors que son cœur battait lentement et douloureusement dans sa poitrine.

- Mère ? Ça ne va pas ?, commença à s'inquiéter sa fille en la voyant se courber en deux sur sa chaise.

Hitomi se mit à réfléchir à toute vitesse. L'effet du poison, paralysant les organes de Reiko, venait de commencer, et ce, devant sa fille. Déjà que la mort de Reiko n'était pas prévu dans son plan, espérant faire croire à tous que son mari avait expiré pendant qu'elles ne le surveillaient pas, elle s'était dit qu'elle mettrait la mort de Furuichi Kiyoshi sur le dos de Reiko qui s'était ensuite suicidée. Maintenant qu'Honoka était dans les parages, elle n'avait plus beaucoup de choix possibles. Soit elle prétendait ne rien savoir et espérait que personne ne la soupçonne, soit elle devait agir maintenant.

N'attendant pas que Reiko s'effondre totalement dans les bras de sa fille, elle se précipita à l'extérieur de la chambre et fit signe à un de ses plus loyaux subordonnés de s'approcher. Le visage caché par une cagoule noire, le reste de son corps tout aussi couvert de vêtements noirs, il s'agenouilla devant elle.

Alors qu'Hitomi entendait les appels désespérés d'Honoka à sa mère, elle prit une légère inspiration avant d'ordonner :

- Exécution de la deuxième phase du plan : Furuichi Takayuki ne doit plus jamais revoir le soleil se lever !

- À vos ordres.

Le ninja se volatilisa, laissant Hitomi seule. Pourtant, lorsqu'elle se retourna afin de retourner dans la chambre, elle croisa le regard d'une bête féroce, aussi tranchant qu'une lame affutée. Elle reconnut les traits de son fils mais ne resta cependant pas dupe. C'était probablement le fameux étranger que le fils de Furuichi Kiyoshi avait ramené. Il ne semblait pas aussi fort que son fils mais ses yeux… ils étaient aussi farouches, aussi dangereux que les siens. Quelque chose en lui la terrifiait anormalement. Il l'avait entendue et à la vue de son expression colérique, il était loin d'y être insensible.

- Qu'est-ce que ça veut dire ?!, gronda-t-il envers celle qui ressemblait tant à sa mère.

Hitomi le regarda de haut puis lui adressa un sourire rempli de cruauté.

- Cela signifie que c'est la fin de l'ère Furuichi… et le début de l'ère Oga !

Oga ne comprenait pas bien ce qu'elle voulait dire, mais il savait que Furuichi était en danger. Elle venait d'ordonner sa mort juste devant ses yeux et il valait mieux aller le sauver tout de suite plutôt qu'essayer de parler avec le double maléfique de sa mère. Il s'apprêtait à partir et le chercher dans tout le château quand l'ouverture d'une porte devant lui l'en empêcha.

Honoka sortit de la chambre, aussi blanche qu'un linge, les yeux dans le vide. Sa mère, son père… ils étaient morts, tous les deux. Sa mère avait juste eu le temps de lui dire qu'elle était fière de ses deux enfants avant de mourir. Complètement choquée, elle cherchait quelque chose, quelqu'un, qui puisse la réveiller de ce cauchemar. Après tout, il était minuit passé, elle devait normalement être couchée depuis longtemps, c'était sûrement un horrible cauchemar.

Son regard croisa d'abord celui d'Hitomi qui resta imperturbable. Honoka sentait qu'elle était loin d'être innocente dans cette affaire et ne comprenait pas trop pourquoi , mais elle n'avait pas envie de lui faire confiance. Puis elle vit Oga, dépourvu de son armure de fer mais qui restait tout de même Oga, avec cette force qui émanait de lui en permanence. Elle s'approcha de lui et accrocha d'une main frêle la manche du kimono du brun. Celui-ci se figea, constatant à quel point la Honoka de ce monde ressemblait à celle de son monde. Pas dans le sens physique à proprement parler, vu les vêtements traditionnels et les longs cheveux descendants jusque dans le creux de ses reins, mais plus à cause de la présence spécifique d'un petit quelque chose qu'elle avait en elle. Elle n'était pas la petite sœur de son Furuichi, mais il pouvait lui faire confiance. Il en était persuadé.

Il regarda la silhouette fine qui se cramponnait à sa manche, ne sachant rien du désarroi qui l'habitait depuis peu. Il ne savait rien de la mort de ses parents, il ne savait rien du complot qui se tramait, il ne savait rien sur les convictions et les valeurs de ce monde. Il ne savait tout simplement rien du tout. Il avait juste eu un mauvais pressentiment qui l'avait maintenu éveillé jusque là avant de se résoudre à chercher ce qui le lui causait. Et, encore une fois, son instinct avait vu juste. Le Furuichi de ce monde était en danger.

Il agrippa les épaules d'Honoka et la tourna face à lui, la secouant pour la sortir de sa torpeur.

- Où est mon arme ?!

Honoka semblait encore trop choquée pour comprendre réellement ce qu'il lui demandait mais être ainsi secouée lui fit prendre conscience que quelque chose n'allait définitivement pas. Elle n'était pas dans un cauchemar, comme elle aimait l'espérer. Elle releva la tête, ignorant simplement la douleur de la prise d'Oga. Des larmes commencèrent à lui échapper et le brun ne sut si c'était à cause de lui ou d'autre chose. Il rejeta toute culpabilité et reposa sa question :

- Où est-elle ? Où sont mes affaires ?!

Honoka ouvrit la bouche mais aucun son n'en sortit. L'urgence dans la voix du brun ne semblait pas l'atteindre.

Concentré sur la petite sœur de Furuichi, il ne remarqua pas qu'Hitomi en avait profité pour disparaître.

- Tch… !, fit-il en le constatant trop tard.

Il n'y avait plus de temps à perdre, il fallait qu'il récupère son arme pour protéger Furuichi sans perdre plus de temps. Il serra les dents et entraîna Honoka dans son sillage, assez brutalement pour que la jeune fille tente de se libérer. Oga se retourna vers elle, lui jetant un regard mauvais, attendant pourtant si jamais elle avait enfin recouvert la parole.

- Tu… tu n'es pas Oga-dono…, remarqua-t-elle enfin.

Elle leva les yeux vers lui, ne cillant pas d'un cil face à ses yeux tranchants. Quelque part, ils la réveillèrent complètement et lui remirent les idées en place. Elle vit Oga lui faire non de la tête ce qui confirma ses doutes. En peu de temps, elle réussit à faire la part des choses : ses parents étaient morts ce qui propulsait officiellement son frère au rang de seigneur, Oga Hitomi avait probablement tout organisé depuis le début et avait entendu que son frère et son plus proche vassal, l'héritier des Oga, s'étaient unis. Cette dernière information, qu'elle avait dévoilée joyeusement quelques minutes plus tôt, mettait en péril son propre frère. Et le seul capable de le sauver, en ce moment, n'était autre que l'étranger au visage d'Oga-dono.

Elle reprit espoir, souhaitant plus que tout que ce qui lui restait de famille survive. Elle ne pouvait pas se morfondre maintenant. Elle se devait de rester forte, au moins le temps que la crise soit résolue.

Oga la vit essuyer d'un geste ses larmes, surpris par la lueur vive qui dansait dans ses yeux. Sans comprendre comment, ce ne fut plus lui qui traina la jeune fille à travers le couloir, mais lui qui était trainé à travers le labyrinthe qu'était ce château.

- Si tu comptes sauver mon frère, il te faut ton arme, c'est ça ?, demanda-t-elle plus pour la forme qu'autre chose.

Ne lui laissant même pas le temps de répondre, elle se posta juste devant une porte en fer fermée par une lourde poutre en bois posée à l'horizontale.

- Tout ce qui t'appartient a été mis dans la chambre forte. Il va falloir demander aux gardes de l'ouv-…

Elle s'arrêta de parler en voyant le brun soulever la poutre à deux mains.

- Qu- Qu'est-ce que tu fabriques ?! Tu ne peux pas la soulever tout seul !

Il l'ignora, forçant tout son corps à dépasser ses limites afin de soulever ce simple bout de bois. Un bout de bois qui lui barrait la route entre son arme et lui. Un bout de bois l'empêchant de rejoindre Furuichi immédiatement.

- WAAAAAAAAAAAAAAAAAH !

Son cri réveilla probablement tout le château mais il s'en fichait. Poussant de toutes ses forces, il réussit à enfin enlever la poutre de son emplacement. Elle fut balancée sur le sol, le bruit se propageant à travers les couloirs.

Honoka n'en revenait pas. Il était vrai qu'Oga-dono était d'une force monstrueuse, mais qu'un autre que lui la possède également était encore plus terrifiant. Pourtant, alors qu'il poussait les lourdes portes en fer, elle était convaincue que si cet homme était du côté de son frère, il arriverait à le sauver.

Oga reconnut son P90 posé sur un support pour katana, le noir brillant se reflétant tout aussi dangereusement que les lames aiguisées des samouraïs. Il aurait tout aussi bien le saluer, le caressant du bout des doigts, pour lui signifier qu'il était de retour et ne le quitterait plus jamais, l'arme n'ayant que rarement quitté son maître et lui ayant tant de fois sauvé sa vie de soldat. Oga se contenta de l'empoigner, passer la sangle autour de son corps et vérifier le chargeur.

- Tch…

S'il avait su qu'il aurait encore à se battre, il aurait probablement prévu d'emporter plus de munitions avec lui. Mais il se retrouvait pourvu que d'un seul chargeur, celui déjà enclenché dans son arme.

- Qu'y a-t-il ?, s'enquit Honoka en le voyant froncer les sourcils.

Il sursauta et se retourna vers elle. Il ne voyait pas bien son visage à cause de la lumière du couloir qui faisait presque office de contre-jour mais devina sa curiosité.

- Je n'ai qu'un seul chargeur, ça va être chaud de se battre avec ça.

Le visage d'Honoka montra son trouble à cause de l'expression « chaud » qu'il utilisait, mais comprit dans l'ensemble qu'il avait besoin de plus de « chargeur ».

- Donne-le moi, je vais le dupliquer, fit-elle en tendant la main vers lui, cherchant déjà du regard le fueru, objet de grande valeur gardé précisément dans la chambre forte.

Oga hésita deux secondes avant de retirer le chargeur et de le lui donner. Il tenait à peine complètement dans sa petite main et le froid surpris la jeune fille. Elle trouva enfin le fueru, souriant à cette découverte. Elle le prit dans son autre main et ferma les yeux pour mieux se concentrer. Oga la regarda faire, ne comprenant décidément rien à rien.

- Combien en veux-tu ?

- Hein ? Heu…

« Une bonne centaine », aurait-il voulu lui répondre mais ce n'était pas sérieux.

- Dix, je dirai.

- Alors allons-y pour dix !

Le fueru, une croix ressemblant étrangement au x dans les équations mathématiques, s'illumina, comme s'il absorbait les particules l'entourant avant de les faire briller. Le fueru éblouit Oga, l'obligeant à mettre la main devant ses yeux, mais rien ne l'empêcha d'admirer la lumière magnifique qui se propageait dans toute la salle.

Honoka se mit à réciter quelque chose dans un dialecte totalement inconnu pour lui. Il pensa naïvement que ça ressemblait à une sorte d'incantation magique mais c'était impossible. C'était impossible puisque la magie n'existait pas. Pourtant, après tout ce qu'il avait vécu, il ne devait plus douter. Il avait vu un démon taureau haut de trois mètres utiliser une vague invisible et meurtrière atomisant toute son unité, le fantôme colérique d'une Miko était venu le hanter quelques heures plus tôt, il avait atterri dans un autre monde où Furuichi était en vie et se prenait pour un ancien seigneur, avec son double lui servant de larbin, et, en y repensant, toutes ses blessures avaient aussi disparu comme par miracle.

Le plus mystérieux de tout était ce cube si étrange, puissant et difficile à utiliser, qui semblait n'en faire qu'à sa tête. Ce cube restait précieusement dans la petite poche cachée au fond de sa manche de kimono, bien à l'abri. Alors, finalement, peut-être que croire à la magie, c'était peut-être plus sensé que chercher une explication logique à tous ces phénomènes inexplicables. Et il avait bien raison. Furuichi Honoka pouvait non seulement utiliser la magie grâce à ses gènes spécifiques mais elle était surtout l'une des plus douées de son époque. De la brume se mit à apparaître, l'enveloppant totalement, empêchant Oga de la discerner. Puis, doucement, la brume s'évapora en même temps que la lumière s'éteignait. Le brun vit la jeune fille étendue sur le sol, le fueru dans une main, le chargeur dans l'autre, avec à ses pieds dix autres chargeurs. C'était…

- C'est quoi ce bordel ?!, ne put s'empêcher de dire Oga, s'inquiétant pour Honoka.

Il s'agenouilla et souleva le plus délicatement la jeune fille dans ses bras. Les yeux de cette dernière s'ouvrirent et un léger sourire se dessina sur son visage.

- Voilà, j'ai dupliqué ton « chargeur ». Fais-en bon usage et sauve Onii-sama.

- Hein ? Attends !

Mais Honoka s'était déjà évanouie. La quantité de magie qu'elle avait dû fournir l'avait trop affaiblie et en confiant le sort de son frère entre les mains de l'étranger au visage d'Oga-dono, elle s'était sentie rassurée avant de perdre connaissance.

Oga, quant à lui, ne savait plus trop quoi faire. Il ne savait pas si l'abandonner dans cette chambre forte, la laissant seule et sans protection alors que le château allait probablement devenir très dangereux si le complot contre le seigneur n'était pas réprimé tout de suite, était réellement une bonne idée. En même temps, l'emmener le ralentirait, et chaque minute, chaque seconde même, comptait. Il tergiversa tout en réenclenchant son chargeur, il réfléchissait encore quand il concocta une sorte de ceinture à chargeur avec sa propre ceinture de kimono, et aucune solution satisfaisante ne lui traversait l'esprit.

Son cœur battait de plus en plus fort et ses poings se serrèrent. Elle n'était pourtant pas la véritable Honoka, pas celle qu'il connaissait, alors pourquoi hésitait-il ? Pour la même raison qu'il allait tout faire pour sauver le Furuichi de ce monde. Il n'était pas son Furu, mais il avait juré de le protéger. Alors pourquoi faire une exception pour la sœur de celui qu'il tentait de protéger de toutes ses forces ?

Râlant contre lui-même, il empoigna la large ceinture de la jeune fille et la mit sur son épaule, sortant enfin de la chambre forte. Malheureusement, ses ennuis n'étaient pas finis. Il n'avait aucune idée du chemin à prendre et, pire encore, il croisa des gardes. Les gardes qu'il avait dû assommer plus tôt dans la nuit afin de sortir de sa chambre. Il aurait pu, dans d'autres circonstances, s'excuser, mais ce n'était pas son genre du tout. Ou bien les renvoyer dormir d'un bon coup de poing bien placé. Ils n'étaient sûrement pas au courant du complot et n'avaient pas besoin de subir plus de dommages. Cependant, il était pris sur le fait. Il « enlevait » la princesse et avait récupéré cette chose noire et sûrement dangereuse. De toute façon, il avait les mains prises et aucune envie de perdre plus de temps en explications inutiles. Pour Oga, la dernière solution restait la meilleure.

Il tira.

À suivre...


J'espère que mon retard sera plus facilement accepté maintenant que vous avez fini le chap' xD ! Vous avez parfaitment le droit de me crier dessus de toute façon, je suis impardonnable sur ce coup-là. Ce que je viens de poster était prêt depuis des lustres, mais dites-vous que j'ai eu beaucoup de mal à trouver une coupure correcte. J'ai même pensé à changer le titre mais non, j'aime mon titre xD !

Bref, n'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, ou même si Ryuhei Tamura était beau, ou toute autre banalité de ce genre ! Les MP sont les bienvenus aussi =) ! Sinon, je répondrai aux anonymes sur mon profil, comme d'hab'.