La lune étincelait d'une lueur blanche fluorescente, son disque quasi plein se détachant sur le ciel encore bleu clair du jour finissant.

Gabriel était assis sur le sable, les jambes remontées contre la poitrine. Des mouettes tournoyaient dans les airs, plongeant à intervalles irréguliers dans les vagues noires vitrées de la mer, ou se dandinaient sur la plage d'un air pataud, zigzaguant entre leurs congénères sommeillant la tête sous l'aile.

Ça serait si facile de rentrer dans leurs petites têtes, de trouver les mécanismes actionnant chacune de leurs actions, de tirer sur les ficelles dont elles n'étaient pas conscientes pour les obliger à faire tout ce que lui voulait.

Mais si tu fais ça, tu les détruis.

Même après tous ces millénaires, Gabriel se rappelait avec une aisance effroyable la voix grave de Raphaël. L'Archange des Airs aurait été tout à fait à l'aise sur cette plage, avec les oiseaux : quand il ne sortait pas les effets spéciaux électrogènes, le guérisseur était un aimant à piafs. Toujours entouré d'un nuage ailé.

Ils ne t'ennuient jamais, dis ?

Bien sûr que si, qu'est-ce que tu crois ?

Alors pourquoi tu ne les obliges pas à partir ?

Gabriel se rappelait le sourire qui avait joué sur les lèvres brunes.

Et après ça, je les obligerais à faire quoi ?

C'était curieux comme l'esprit humain, c'était facile à trafiquer, au même niveau que celui d'un vulgaire pigeon, vraiment. Et comme les pigeons, c'était facile de considérer les humains comme de simples nuisances et rien de plus.

Mais ça ne justifiait pas de les massacrer en masse. C'était si faible, les humains. Des poussins détrempés qui sortaient de leur œuf et se cassaient la figure en essayant de marcher. On ne tuait pas les bébés en masse. Pas si on voulait continuer à dormir en paix la nuit.

Les Winchester croyaient probablement que Gabriel n'avait aucune règle dans ses interactions avec les humains. Ils se trompaient. Oh, comme ils se trompaient. Gabriel ne faisait pas les massacres en masse – toujours un contre un, c'était moins injuste – et surtout, il ne touchait jamais les esprits. Et il laissait une porte de sortie, si seulement sa victime reconnaissait qu'elle était allée trop loin en voulant s'amuser. Si elle était encore capable de faire marche arrière.

Il faillit éclater de rire. Parce que vraiment, toute cette histoire, c'était lui la victime de la farce, ce coup-ci. Dire qu'il avait réussi à se réinventer, à laisser tout ça derrière lui, et voilà que surgissait un môme déplumé avec ses grands yeux larmoyants qui l'obligeait à faire marche arrière.

Il aurait dû se vexer. Il aurait dû hurler à l'injustice.

Il voulait simplement se rouler en boule et chialer.

C'était supposé être fini. Et il devait replonger dans toute cette merde.

Mais les yeux du gamin…

Le petit ressemblait de manière saisissante à sa cruche de mère – l'adorable idiote avec ses grandes mirettes innocentes qui avait payé le prix de sa naïveté avec les intérêts – mais l'expression, la façon de regarder… tout ça, c'était Cassiel.

Cassiel qui était si droit, si gentil et prêt à accepter les autres qu'il en devenait invraisemblable. Cassiel qui était prêt à tout et n'importe quoi pour ceux qu'il aimait, y compris à ruiner sa vie. Cassiel qui ne se mettait jamais en colère… mais qui faisait trembler les fondations du Paradis quand cela arrivait malgré tout.

Tu n'es pas obligé de faire ça.

Bien sûr que si. C'est de l'enfant de la femme que j'aime qu'il s'agit.

Cassiel le parfait compagnon. L'ami le plus fidèle qu'on puisse jamais avoir. Apparemment, Castiel avait décidé de suivre les traces de son gardien.

Non. Pas son gardien. Son père. Ça sonnait mieux. Plus naturel.

« Castiel ben Cassiel » souffla Gabriel, les mots roulant sur sa langue comme des dragées.

Il pouvait le faire. Il pouvait y arriver.

Pour le fils de Cassiel.

Etttttt... voici la fin de la première partie. Courant de ce mois je commencerais à publier Rise of the Archangels : Unveiled Truth. Restez en ligne !