It's All About Blood : Awakening of the Forgotten

Dean leva brièvement la tête de son magazine – le tout dernier numéro de Perverses des Mers du Sud, pas moins – pour regarder Castiel.

L'ange en pleine déchéance était allongé sur l'un des lits de la chambre de motel. Si le chasseur ne l'avait pas engueulé, il se serait couché avec ses godasses et son foutu imperméable, sans parler de sa cravate…

Mais là, il était juste en chemise et pantalon, étendu sur le côté, un bras replié à hauteur du visage. L'ange était tellement silencieux que Dean avait la vague impression d'être en train de faire une veillée funéraire. Castiel ne respirait probablement que par réflexe lorsqu'il était éveillé.

La porte de la chambre grinça lorsque Sam rentra avec les courses.

« T'as pas oublié la tarte, ce coup-ci ? » interrogea Dean avec espoir.

« Rupture de stock » laissa tomber son cadet.

Il aurait dû s'en douter. Depuis le jour de sa naissance, Dean Jonathan Winchester était contraint d'aller lui-même s'acheter une tarte s'il en voulait. Et encore, une fois sur deux, il y avait un inconvénient qui l'empêchait de profiter de sa gâterie.

« File-moi une bière » lâcha-t-il après un soupir souffreteux.

Sam plongea la main dans le sac plastique et en retira une bouteille brune qu'il lança à son frère. La mine pensive, il commença à déballer les achats tout en regardant Castiel.

« Un vrai petit ange » commenta narquoisement Dean qui avait surpris son frangin à reluquer son emplumé personnel.

« Je savais pas que les anges avaient besoin de dormir » s'étonna Sam.

Dean haussa les épaules et but une gorgée mousseuse directement à la bouteille.

« En fait, il paraît que si. Mais ils aiment pas faire ça n'importe où, d'après Cas. » déclara-t-il.

Sam examina la chambre de motel d'un œil critique.

« Bon… On a vu pire » admit-il en lorgnant une tache verdâtre sous l'évier.

« En tout cas, il a pas fait le délicat » lâcha Dean. « Il était tellement claqué qu'à peine ici, il s'est écroulé sur le plumard. Avec ses pompes ! »

Sam rigola devant la moue écœurée de son frère.

« Comme si t'avais jamais enlevé ses chaussures à papa quand il était tellement bourré qu'il dormait sur le canapé ! »

« Je ne suis pas un grand fan des odeurs de pieds, merci » grinça Dean en replongeant sans complexes dans sa lecture déconseillée aux moins de dix-huit ans.

(****)

Castiel appréhendait le sommeil.

Il ne savait jamais s'il allait rêver ou pas. La plupart du temps, il dormait simplement, d'une traite, sans conscience de lui-même. La petite mort, comme disaient les humains (et il a pu vérifier la justesse de cette expression, lorsque Raphaël l'a détruit).

Mais parfois il rêvait. Et il détestait cela.

Car le rêve (le même à chaque fois) finissait toujours mal.

Et cette fois-là, il rêva.

Il était petit. Et il pleurait, sans savoir pourquoi. Mais quelqu'un venait le soulever et l'allongeait sur un matelas, où il pouvait sentir la chaleur de deux autres personnes…

Une voix masculine qui accusait plaisamment quelqu'un de trop le gâter et une voix féminine qui répondait qu'elle n'allait pas se gêner…

Le rêve devenait confus ensuite…

Un parfum de noix de coco, de bois de cèdre et de vanille…

Des bras accueillants, tendres, qui le réconfortaient…

Un rire joyeux qui tournoyait au-dessus d'un champ de tournesols agités par le vent…

Une fille portant une robe d'un blanc éblouissant qui dansait sous les gouttes de pluie qui scintillaient comme une nuée de diamants tombant du ciel…

Et puis, tout devenait cauchemar.

Une tache rouge s'élargissait lentement sur la robe si blanche… Un hurlement déchirait l'atmosphère, empuantie par l'odeur du soufre…

Deux yeux couleur lapis-lazuli, agrandis par la douleur et l'incompréhension…

Ses yeux à lui dans son visage à elle… Le visage le plus sublime qu'il ait jamais vu…

Et quelqu'un qui sanglotait…

Comme à chaque fois, Castiel se réveilla en sursaut.

« T'as bien dormi ? » interrogea Dean, avec une vague curiosité, pas suffisante pour l'arracher à son magazine incitant à la dépravation.

Castiel hocha vaguement la tête. S'il parlait à voix haute, le chasseur saurait qu'il lui mentait.

Il ne pouvait pas parler de son rêve. Il avait la certitude que ce serait une obscénité de le faire.

Même si cela impliquait qu'il soit condamné à se demander éternellement qui était cette jeune fille qu'il voyait mourir encore et encore.

Et voici le premier épisode d'une trilogie qui me trotte dans la tête depuis un bout de temps ! N'oubliez pas de commenter !