CHAPITRE 4 : petit amour et grand Amour
Et c'est un Chopper, rougissant jusqu'aux oreilles, qui prit la suite, lisant mot à mot son petit écrit.
« Je… ne… suis… pas… amoureux. Par contre, j'aime beaucoup mes nakamas. Sur notre bateau, je suis leur médecin alors je soigne leurs blessures et leurs douleurs. Je m'inquiète à la vue du sang ou quand ils ont de la fièvre. C'est comme ça que je leur montre que je tiens à eux. »
Le petit renne redressa la tête, toujours pivoine, conscient de la simplicité de ses quelques mots. Pourtant, il reçut, heureux, des hurlements enthousiastes de ses camarades, qui l'avait finalement toujours accepté avec ses forces et ses faiblesses. Le public ne se fit pas non plus oublier lui réservant son lot d'applaudissements accompagné d'une slave de commentaires.
« Il est mignoooon !
- Et il parle !
- Je veux le même !
- Est-il à vendre ?
- Bien, bien, passons tout de suite à notre dernier candidat qui est une candidate, j'ai nommé, Robin ! »
L'archéologue apporta son manuscrit jusqu'au podium. Son livre était tout sauf une déclaration. A vrai dire, elle aurait voulu profiter de l'occasion pour montrer à ses nakamas qu'elle tenait à eux, à l'image de ce qu'avait fait Chopper. Mais elle n'était pas vraiment douée pour dévoiler ses sentiments, pas comme le petit renne, alors elle avait rédigé ce manuel intitulé : Goncourt Island. A l'aide de ses yeux, elle avait récolté des informations, un peu partout, qu'elle avait rassemblées ici, sur ces quelques feuilles (pas loin de 618)… En somme, elle avait fait son travail. Puis, sur les cinq dernières minutes du concours, elle avait observé ses compagnons, profitant de ses pouvoirs pour avoir droit à une petite avant-première et elle fut intriguée par l'un d'entre eux qui n'avait pas rédigé un mais deux travaux. Et c'est celui qui devait rester inconnu de tous qu'elle avait glissé sous la première de couverture de son propre ouvrage. Oui, car elle n'était pas capable de leur dévoiler ses sentiments mais elle pouvait toujours les leur montrer, en agissant à sa manière : en les couvant du regard et en leur fournissant, un jour ou l'autre, un petit coup de pouce. Elle posa donc délicatement son œuvre au sol et entama la lecture de l'écrit anonyme que son auteur, atterré, reconnut immédiatement.
« Vous voulez qu'on aligne les mots. Je n'ai besoin que d'un seul. Il veut déjà tout dire.
Sanji.
Vous me faites marrer avec vos mots obligatoires. En amour, rien n'est obligatoire, il n'y a que des interdits. Ce mot est mon interdit.
Sanji.
Parfois, seul, oubliant la prudence, je le prononce. Une fois. Jamais tout haut. Dans un souffle, dans un murmure, espérant qu'il s'envolera, détaché de tout sentiment pour qu'enfin, je puisse le lui dire. Sans me trahir. Mais en vain, le mot s'englue, ma voix se brise. Douloureusement, tendrement, passionnément. On n'imagine pas tout ce qu'on peut dire avec un seul mot.
Sanji.
Alors, je le garde pour moi. Et je l'aime. Oui, je l'aime puisque je ne peux aimer l'homme. Ce mot est tout ce qu'il me reste.
Sanji.
Allez vous faire foutre avec vos déclarations. J'ai déjà la mienne. En un seul mot.
Sanji. »
Cette fois, personne n'avait osé interrompre la lecture. Et un silence ému avait accueilli la déclaration. Une vraie déclaration. Sanji, muet, pétrifié, avait bien compris que Robin n'en était pas l'auteur. Une seule personne au monde se refusait à prononcer son prénom… et cette personne n'était autre que Zoro. Le cuisinier se retourna lentement vers celui-ci mais il ne trouva qu'une place désespérément vide. Le bretteur avait fui depuis déjà bien longtemps. Alors il resta là, ébahi, ahuri, abasourdi, médusé, foudroyé – et c'était peu dire ! – . Décidément, ces deux-là n'étaient pas fichus de se débrouiller seuls. Nami le prit alors par l'épaule et lui glissa gentiment :
« Sanji… Il faut que tu le rattrapes là… »
En silence, il regarda longuement la navigatrice, comme perdu dans ses pensées. Puis, brusquement, il fit volte-face et s'enfuit à la suite de l'homme qui avait si bien su, jusqu'ici, lui cacher ses sentiments.
Bien, maintenant qu'ils sont partis régler leurs histoires, nous allons pouvoir procéder à la remise des prix, enfin du prix. Comment ça, vous n'êtes pas intéressés de découvrir que Robin gagna haut la main ? Vous ne souhaitez pas non plus savoir avec quelle tendresse Luffy reçut des mains de son archéologue son précieux trésor en bronze ? Et vous n'avez pas plus envie d'imaginer tout notre petit monde, festoyant à grand renfort de plats aussi délicieux les uns que les autres et de boissons toujours délectables, recevant à tour de bras compliments, félicitations, critiques (parfois !) mais surtout accolades, embrassades, en particulier quand on s'appelle Chopper, le tout démontrant irrévocablement l'adoption unanime de notre équipage préféré ? Bon et bien soit, de toute façon, vous savez déjà tout.
Pendant ce temps, Sanji avait couru, partout : à travers la ville dont il avait bien vite fait le tour, dans les champs, les bois, les collines… Il avait minutieusement inspecté l'île dans ses moindres recoins, surplombant chaque plaine, remontant chaque cours d'eau, inspectant chaque crevasse. Au début, sa course avait été mécanique mais au fur et à mesure de ses enjambées, elle eut le mérite de le faire redescendre sur terre, de lui faire réaliser ce qu'il venait de se passer et enfin de le faire réfléchir. Alors il accéléra. Il connaissait à présent l'île par cœur et il sut. Le bretteur ne pouvait être qu'à un seul endroit, celui qu'il avait d'abord exclu de ses recherches : près du Merry. Zoro avait du le retrouver, événement ô combien extraordinaire, peut-être parce que c'était le seul lieu où il ne souhaitait pas se rendre. Et effectivement, il tomba sur celui qu'il avait tant poursuivi, délaissé sur la plage. Il était là, assis, dos aux rochers, les jambes repliées enserrées de ses bras, les bottes dans le sable et, à la main, une bouteille sortie d'on ne sait où. Il fixait l'horizon, étrangement serein. Lorsqu'il sentit une présence s'approcher de lui, il ne lui accorda pas un regard. Il se contenta d'articuler froidement.
« Dégage.
- Non. »
Sanji avait répondu fermement mais Zoro ne voulait plus de cette opposition qui les avait tant de fois rassemblés. Maintenant que le cuisinier savait ce qu'il pensait réellement, leur rivalité ne pourrait plus vivre de querelles artificielles. Le bretteur, le regard inébranlablement perdu dans les vagues, reprit posément.
« T'as tout entendu, t'as bien compris donc maintenant tu dégages.
- Non ! »
Cette fois, Sanji s'énerva. L'homme désespérément calme en face de lui, ce n'était pas Zoro. Tout le flegme dont il était capable, c'était bon pour leurs adversaires, pour les épreuves qu'ils avaient traversées ensemble mais pas pour lui. Le cuisinier refusait de perdre la passion de son rival, il voulait sentir encore tout ce que cet homme éprouvait pour lui. Alors il se jeta dessus, lui saisissant les épaules avec force, le forçant à le regarder, et exigea :
« Dis-le-moi ! »
Sanji était bien trop près, il perçait sa défense. Zoro devait fuir. Perdant sa réserve, il le repoussa violemment et se redressa pour s'échapper. Mais le cuisinier était rapide et le plaqua, dos au sol. Furieux, des larmes de rage perlant au bord de ses yeux, il hurla encore :
« DIS-LE-MOI ! »
Sanji était à bout. Il y avait eu la confession puis cette course interminable et tout ça pour quoi… Il relâcha la tension qu'il maintenait sur son rival. Il avait essayé… Il avait perdu. Pourtant, le corps en dessous de lui ne bougea pas. Une main vint, tendre et hésitante, lui essuyer la goutte qui ruisselait sur sa joue. Et enfin, il l'entendit.
« Sanji »
Dans ce seul mot, si lourd de sens, Zoro avait déversé toutes ses émotions, toutes celles qu'il avait dissimulées, étouffées et tues sans jamais parvenir à les tuer. Elles jaillirent d'un même flot : la colère, l'amertume, l'envie et la crainte, la douceur, la douleur, et la haine aussi, le désir, le plaisir, et enfin l'amour, le véritable. Sanji reçut tout, pêle-mêle, sans violence mais si fort, si pur. Il n'eut aucun mal à comprendre et pour cause…
« Zoro »
Le mot était différent, le sens était le même. Zoro y retrouva tout ce qu'il venait de donner. Sanji ne pouvait lui offrir de déclaration plus douce, plus intime, plus totale. Alors, sa main glissa lentement vers la nuque de son amant, il rapprocha leurs deux visages et joignit doucement leurs lèvres. Leur baiser avait le même goût que leurs mots, que leurs pensées, que leurs sentiments. Et c'est dans cette harmonie parfaite qu'ils purent, enfin, effleurer le bonheur.
Après une longue étreinte, Zoro les releva puis il souleva tendrement son partenaire et le porta délicatement jusqu'au Merry. Sanji, éperdu et perdu dans la chaleur de leurs corps, se laissa faire gentiment. Le temps de mettre au clair leur relation viendrait bien assez tôt. Pour l'instant, il souhaitait seulement profiter de l'enchantement si intense de leurs déclarations.
Il sortit de sa torpeur lentement lorsqu'il vit leur destination se rapprocher. Alors, il se décida à briser ce doux silence, à briser la magie.
« Zoro ? »
Son amant rougit et esquiva son regard.
« Bah… il parait que dans s'putain d'concours le sexe est autorisé…
- Quel concours ?
- Nan, c'est rien, laisse tomber. »
Et il ferma la porte sur eux.
Si un jour vous faites un enfant, choisissez-lui le plus doux des noms, qu'un jour il puisse l'aimer, dans le soupir de ses amants.
Fini ! Et c'est la première fanfic que j'achève, que d'émotions !
J'espère que ce chapitre vous a plu et que La plume de Goncourt Island restera pour vous un bon souvenir !
Merci à tous de m'avoir suivie jusqu'ici et à bientôt, j'espère, sur une autre aventure !
Des remerciements tous particuliers à toi, Nathdawn, pour ce concours sans lequel je n'aurais jamais écrit cette fanfic et pour ton soutien sans faille, mais aussi aux autres membres du jury et bien sur à l'ensemble des participants !